Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - V, 02 : Des jeux Olympiques Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

Des jeux, tournois ou iouſtes Olympiques.

CHAPITRE II.

Premiers autheurs des ieux Olympiques.LES jeux Olympiens, eſquels auec plaiſir on exerçoit les forces du corps, & excitoit-on les perſonnes à la Religion & culte des Dieux immortels (attendu que l’iſſuë ſe terminoit auec vn Sacrifice ſolemnel en l’honneur d’iceux, & particulierement d’Apollon) furent, comme l’on dit, premierement inuentez par cinq freres nommez Dactyles Ideens. Car le bruit eſt, que ces cinq freres vindrent d’Ida, mõtagne de Candie, en Elide, où l’aiſné, dict Hercule, propoſa à ſes freres vn jeu de courſe, par maniere d’esbatement ; les noms des autres quatre eſtoient, Pœonee, Idas, Iaſe, Epimede : & couronna le vainqueur d’vne guirlande de branches & de fueillages d’oliuier ; lequel arbre Hercule le grãd auoit le premier tranſporté du territoire des Hyperborees en Elide, où depuis il creut ſi plantureuſement, que ceux qui ſe vouloyent repoſer, faiſoient lictiere de ſes fueilles tout fraiſchement chûtes de l’arbre. Ainsi donc le premier autheur des jeux Olympiques fut Hercule Ideen ; Cinq exercice des ieux Olympiques.Et pource qu’ils auoient eſté cinq freres, depuis on trouua bon de les celebrer de cinq en cinq ans (ou pour le moins, comme tiennent pluſieurs, au cinquantieſme mois) & d’y prattiquer cinq diuerſes ſortes d’exercices, qui furent, la Courſe, la Lutte, le Ceſte, le Diſque, & le Saut, qui ſe repreſentoient dans vne lyce cloſe de barrieres, qu’il n’eſtoit loiſible aux ſpectateurs de franchir. Deux de ces jeux deſpendoient des jambes ; la courſe & le ſault ; deux autres des bras, le Diſque, & le Ceſte : la lutte eſtoit meſlee, où l’on s’aidoit & des iambes & des bras. Et ne furent pas inſtituez tout à coup. Car ces cinq combats (que les Grecs appellent Pentathlon, les Latins Quinquertium, & nous l’appellerons Cinquerce, pource qu’il comprend les cinq exercices) ne ſe trouuerent complets en vne meſme Olympiade en la 18. la lutte fut ou introduite, ou du moins remise ſus : en la 23. le Ceſte : en la 25. la courſe des cheuaux parfaits, & ainsi conſequemment cõme nous verrons. Or il y a difference entre le Pentathle ou Cinquerce, le Pancrace, & le Periode. Le Cinquerce eſt celuy qui entroit en l’eſpreuue des cinſ ſortes de combats, encore qu’il ne demeuraſt vainqueur en tous, & s’appelle Cinquercion. Le Pancrace emporte la victoire de tous : & le vainqueur eſt dict Pancraciaſte. Ce mot de Pancrace eſt compoſé de pân & kràtos, c’eſt à dire, de toutes les forces du corps qu’on y employoit. En cette eſcrime à outrance c’eſtoit à qui pis feroit, tellement que les coups ny de poing, ny de coude, ny de pieds n’eſtoient point espargnez. On mordoit, on eſgratignoit, on tordoit les doigts ou autre partie qu’on pouuoit, on pochoit les yeux à ſon ennemy. En vn mot l’on prattiquoit toutes voyes pour en auoir le deſſus. Le Periode ſignifie le tout & le circuit que quelqu’vn faisoit és combats des quatre aſſemblees generales & ſolemnelles de la Grece, Olympienne, Pythienne, Nemeenne, Iſthmienne, & celuy qui obtenoit le prix des combats pratiquez eſdits quatre diuers jeux publics, ſe nomme Periodique. Explication des cinq exercices.Quant aux cinq exercices ; La courſe.La carriere de la courſe n’eſtoit du cõmencement que d’vne ſtade, auquel on donne cõmunément 600. pieds, puis en la 14. Olympiade elle fut doublee, & dite Diaulos. Et cõme le ſtade varia, aussi fit la courſe à pluſieurs fois : car du cõmencement elle ne ſe faiſoit qu’à pied, & à corps : puis y eut courſe armee & à cheual, leſquelles nous remarquerons en leurs annees, ſelon qu’elles vindrent en vsage. La lutte.La lutte ſe faiſoit à corps nud, & oinct d’huile, pour auoir les priſes plus mal-aiſees, puis ſaulpoudré par-deſſus la poulſiere fort deliee afin d’en boire la ſueur. Et les lutteurs ainſi preparez venoient à s’entreſaiſir le mieux qu’ils pouuoient aux bras, & par le milieu du corps, essayans, par infinis tours de dexterité & de force, de croqs de jambe, trappes, clinquets & autres ruſes, feintes, aguets & tromperies, de s’entrejetter par terre ſur les reins, car tumber ſur le ventre (ce qu’on appelle donner bedaine) n’eſtoit pour rien conté. Deuant qu’entrer à l’eſpreuue ils ſe faiſoyent reſchauffer & frotter les nerfs, les muſcles & les jointures, pour les auoir plus ſoupples & deliures. Le Ceſte & eſcrime aux poings.La maniere de combatre au Ceſte, la plus dangereuſe & mortelle de toutes, ſe faiſoit anciennement auec les poings armez de courroyes de cuir de bœuf, entortillees autour d’iceux, en façon d’vn gantelet ou manople, auec leſquels ils ſe gourmoyent de toute leur puiſſance, induſtrie, dexterité & conſtance. Les Grammairiens prennent communément ces manoples, gantelets, ou moufles, ſignifiez par le Ceſte, pour certaines longues courroyes de cuir, au bout deſquelles eſtoient attachees & couſuës des plombees, dont le coup debuoit eſtre ſuffisant pour aſſommer ſon homme s’il portoit ſur ſa teſte. Mais nous auons de tres-ſuffiſans autheurs, Homere au 23. de l’Iliade, Apollonius au 2. des Argo-Nochers, Theocrite au 23. Idylle intitulé, Les Dioſcures ; leſquels eſcriuans le duel qui ſe fit à coups de poings entre Pollux & Amyc Roy des Brebyciens, nous apprennẽt que c’eſtoient des courroyes de cuyr de bœuf crud, fort deſſeiché & dur, deſquelles tels eſcrimeurs ſe faiſoient enuelopper les poings & attacher autour des mains. Plutarque auſſi ſur la fin de ſes Polytiques teſmoigne qu’on auoit accouſtumé de garnir les mains de ceux qui és Lyces où l’on combattoit pour l’honneur, eſcrimoient à coups de poings, de certaines courroyes en forme d’vne moufle ronde, afin que le combat ne ſe terminaſt en quelque animoſité cruelle & enuenimee, les coups deſquels on s’entrechamailloit, eſtans plus gracieux & ſans danger ne douleur trop grande.Le Diſque.Le Disque est vn mot Grec, que nous retiendrons à l’imitation des Latins, pour n’en auoir point de propre ny aſſez ſignifiant ; car ce n’est ny le palet ou plateau, ny la plaque ou ſemblables : mais comme nous l’enſeignent les Interpretes d’Homere, >Le Diſque est vne pierre peſante que iettent ceux qui en s’exerçant renforcent leurs bras. Tellement que l’ancien exercice du Diſque n’est autre choſe que ce que nous appellons, Ietter la pierre. De cet exercice en dependoit vn autre aucunement diuers, encore que bien ſouuent on les confonde l’vn pour l’autre ; & s’appelloit Sólos : differents en ce que le Diſque eſtoit de pierre ; & le Sole, de fer ; quelquesfois de bronze, differents auſſi en forme & façon ; car comme diſent les meſmes Interpretes : >Le Diſque est large, plat, & vn peu plus creux que le Sole, qui est rond & ſpherique, malaiſé à tenir, pource que bien ſouuent à cauſe de ſa matiere & figure il gliſſoit de la main. Ioint que la difficulté s’augmentoit fort de ce qu’il les falloit lancer eſtant debout, vn pied en l’air, ſur vne petite hauſſe de terre faite en Cone, figure reſſemblant à vne pomme de pin, ou toupie renuerſee. Au cinquieſme combat conſiſtant en diuers exercices à ſauter, ne ſe preſente aucune difficulté.

Qu’ils ſe reïteraſſent tous les cinq ans, & que le vainqueur y fuſt guirlandé de branchages d’Oliuier, Ariſtophane nous l’enſeigne en ſon Plute :

Iupiter a fort peu de biens, Dequoy ie te donneray preuue. Car s’il estoit riche en moyens, Voudroit-il bien quand on ſe treuue Es ieux Olympies vne fois. En cinq ans où toute la Grece Aſſemble en ſes braues tournois La fleur de ſa verte ieuneſſe, Faire prononcer à cry haut Les vainqueurs en duel ou lutte Par la bouche & voix d’vn heraut ; Et ceux qui le prix & la butte Remportent, pour digne loyer, Encerner autour du viaire D’vne guirlande d’Oliuiers ? Ne meritent-ils pas ſalaire De ſe voir le chef entreſſé. D’vne couronne d’or maßiue, S’il ne ſe ſentoit oppreſſé D’vne indigence trop chetifue ?

Quelques-vns ont voulu dire que Iupiter aprés auoir combattu & defait les Titans, eſtablit ces jeux-cy, & qu’Apollon y gaigna Mercure à la courſe ; Mars vainquit à l’eſcrime des coups de poing : & prouuent leur dire par les airs & chants Pythiques qu’on entonnoit au ſon des fluſtes & des haultbois à l’honneur des Cinquercions, vainqueurs dançans : leſquelles chanſons furent conſacrees à Apollon Pythique, comme dit Pauſanias és premieres Eliaques. Or ces iouſtes n’ont pas touſiours eſté celebrees d’vne meſme façon ; mais ont en diuers temps changé de ceremonies. Car outre les hommes on y receut auſſi depuis des iouuenceaux, des poulains, des filles & femmes meſmes, & diuerſes ſortes de chariots & d’attelage, puis on y choisit des Iuges pour chaque eſpece de combat, auec charge & authorité de donner le prix aux vainqueurs ſelon qu’ils iugeroient chaſcun d’eux auoir le mieux faict. Enſuitte on y receut des coureurs à pied, armez de toutes pieces ; iugeans que cet exercice n’eſtoit pas inutile pour la guerre. Demarat Hereen en emporta le premier prix, & les airs qu’on chantoit en leur loüange montrent aſſez qu’ils couroient armez. D’autres ont voulu dire, que des cinq freres ſuſdits chacun inuenta ſon jeu ; & que pour auoir eſté cinq, ils furent nommez Dactyles, autant que nous auons de doigts en la main ; car Dáctylos ſignifie doigt. Ces exercices commençoient aprés le 15. iour de la Lune, par vn Sacrifice ſolemnel, & duroient cinq iours, auparauant leſquels ceux qui deuoient tenir le champ, s’exerçoient vn mois entier. Ils ſe faiſoient en Elide, prés de la ville d’Olympie, ſituee entre les montagnes d’Oſſa & d’Olympe, où eſtoit vn parc ou boſquet, ſacré à Iupiter : la place s’appelloit Alté, iouxte la ville de Piſe, vers la riuiere d’Alphee, comme le teſmoigne Virgile au 3. des Georgiques. Et outre la couronne triomphale qu’on poſoit aux vainqueurs ſur le chef, ils auoient l’honneur des premieres ſeances és aſſemblees & ſolemnitez publiques, receuoient beaucoup de riches preſens de leur ville, & eſtoient à l’auenir defrayez aux deſpens du public, comme l’enſeigne Xenophane Colophonien en vn Epigramme Grec. Diuers auis touchant les autheurs & commẽcemẽt des ieux Olympiens..Iſace eſcrit qu’Hercule, fils d’Alcmene, non pas cet autre Dactyle Ideen, eſtablit les jeux Olympiques en l’honneur de Iupiter ; ce que Pindare ſemble atteſter és Olympiques, en l’air qu’il chanta pour la victoire de Theron Agrigentin. Car on dit qu’Hercule ayant defait Augias, Roy d’Elide, qu’on diſoit eſtre fils du Soleil & d’Iphiboé, pillé tout ſon domaine & territoire, pour luy auoir refuſé le payement & le ſalaire promis quand il cura le fiens de ſes eſttableries inſtitua en faueur de Iupiter Olympien, vn jeu qu’il nomma de ce meſme nom. Hercule l’ayant fondé, ſe preſenta ſur les rangs pour ouurir le pas, prouocquant à la lutte, & preſtant le collet à tous ceux qui voudroient entrer en lyce pour eſprouuer leurs forces contre luy. Et comme perſonne n’oſaſt ſe preſenter, Iupiter emprunta la forme d’vn lutteur, & lutta contre luy : en fin le duël ayant long temps balancé, comme eſtans tous deux de forces eſgales : Iupiter ſe fit cognoiſtre, ainſi l’on creut que ce combat luy eſtoit agreable. Toutefois ie ne voy point comment cela puiſſe eſtre, car les Grecs ne cõmencerent à conter par Olympiades que long temps aprés Hercule. Strabon au 8. liure eſcrit que leſdits jeux eurent leur commencement aprés la deſtruction de Troye ; & prouue ſon dire de ce qu’Homere n’en fait aucune mention, & ne parle que de certains tournois qui ſe faiſoient és obſeques & funerailles des plus apparens. En quoy il s’abuſe, & eſt contredit par Plutaque en la 5. question du 2. liure des Sympoſiaques. Quelques-vns tiennent qu’on les celebroit preciſément au dernier mois de l’annee, depuis l’vnzieſme de la Lune iuſques au ſeizieſme. Les vainqueurs eſtoient à haute voix nommez par vn heraut, au rapport des Iuges deputez ; & ce en la plus nottable aſſemblee de toute la Grece, auec vn extréme applaudiſſement & demonſtration d’allegreſſe de leurs combourgeois, parens & amis, puis couronnez du chapeau de triomphe. Couronne des vainqueurs.La premiere & plus ancienne couronne dõnee aux vainqueurs fut d’vn chappeau d’Oliuier : mais elles furent depuis à pluſieurs ſaiſons diuerſifiees ; car en ſuitte on en donna de Chiendent, de Saulx, de Laurier, de Myrthe, de Chesne, de Palme, d’Ache, cõme Plutaque en fait mention en la vie de Caton d’Vtique. Frugalité nottable des anciens.Car Faonius eſtant fait, Ædile donna certains jeux ſur vn theatre d’vne ſimplicité naïfue ; & ne propoſa pas des courones d’or aux champions, mais ſeulement d’Oliuier, comme on faiſoit és Olympiques, & fut neantmoins mieux receu du peuple que ſon compagnon en meſme office, qui en preſentoit de magnifiques & pompeux ſur vn autre theatre. Herodote en ſon Vranie dit que Xerxés Roy de Perſe, entra vne fois en Grece auec vne armee de plus de deux millions d’hommes, comme on celebroit les jeux Olympiens, & qu’ayant demandé à quelques Arcadiens quel prix on donnoit aux vainqueurs, ils reſpondirent qu’on les couronnoit d’Oliuier, & ne remportoient autre choſe que l’hõneur & la reputation d’auoir vaincu : dont il demeura fort eſtonné. Lors Tigranés, fils d’Artaban, ne ſe pût tenir, comme craintif & peu vaillant gendarme, de s’eſcrier : Ha Mardoine, en quel pays nous as-tu amenez, où les hommes ne combattent pas pour les biens, mais ſeulement pour la gloire ? Ce n’eſtoit pas toutefois de chaſque eſpece d’Oliuier indifferemment qu’on les guirlandoit ; mais ſeulement d’vn Oliuier qu’on appelloit Callistephane, c’est à dire belle-couronne, & auoit les fueilles d’autre ſorte que les Oliuiers communs. Il auoit les branches panchantes comme le Mirthe, propres à faire guirlandes. Hercule en prit quelques branches, & les tranſporta (comme nous auons dit) en Elide, où tels eſbatemens ſe pratiquoient, dont les victorieux eſtoient couronnez. Si quelqu’vn en cueilloit pour l’appliquer à autre vſage, il eſtoit ſeuerement puny. Au reſte ie me fais acroire que ce ne ſera pas choſe des-agreable ſi ie conte icy ſommairement & en bref, ſelon que la nature de la choſe le peut porter, pluſieurs & differentes manieres de jeux & combats, qui en diuers temps furent admis parmy les ordinaires Olympiques, ſelon que nous les auons peu apprendre des anciens auteurs, remarquans au preallable que de telles ſolemnitez les Olympiades prindrent leur denomination, par leſquelles les Grecs compterent de là en-auant leurs annees.

Vne Olympiade cõprẽd le terme de cinq ans.Ainsi doncques en la premiere Olympiade, qui tumbe enuiron l’an du monde 5400. & 780. deuant l’auenement de noſtre Sauueur : Mars fut prononcé vainqueur a l’eſcrime des coups de poing, & Apollon à la courſe, ſelon l’auis de ceux qui diſent les Dieux auoir eſté les premiers inuenteurs de ces exercices, & qu’ils tindrent eux-meſmes les rangs, pour à leur exemple y attirer les hommes, és cinq ſortes de jeux cy-deſſus ſpecifiez. Toutefois d’autres veulent dire que les Eleens n’auoient du commencement qu’vne facon de jeu public, à ſçauoir, la courſe. Le premier entre les hommes qui emporta le prix de la courſe és combats Olympiens, fut vn nommé Chorœbe natif d’Elide, laquelle iouſte dura aſſez long temps. Arrachion Phigalien eut le prix de la ſeconde & tierce, en la quatrieſme, Polycrate Meſſenien, perſonnage au demeurant aſſez nottable & apparent, n’aquiſt pas peu de reputation en cet eſbattement par la victoire qu’il en remporta. En la 6. Olympiade le prix en fut donné a Oebote, natif de Dyme. Puis-aprés comme ceux de Piſe eurent grandement irrité les habitans d’Elide, pource que par ialouſie ils vouloient s’approprier l’authorité d’exhiber les jeux Olympiques ; & leur eurent dreſſé vne dangereuſe embuſcade, les Eleens allerent au ſecours vers Phidon, Roy d’Argos, ennemy de tout le reste de la Grece : & par ſon eſcorte celebrerent ces jeux en la 8. Olympiade : en laquelle Agamede Tanagreen fut declaré vainqueur, & en la 9. Xenophon Meſſenien. La prattique de cet esbat dura comme elle auoit eſte eſtablie iuſques à la 14. Olympiade, en laquelle on allongea la carriere ou ſtade de moitié : & en icelle meſme Hypene de Piſe obtint la couronne ; puis en la 15. Acanthe Lacedemonien. En ſuitte en la 18. l’exercice de la lutte & les autres iouſtes & eſcrimes, preſque abolies, furent reſtituees, & en ladite annee Lampide gagna le prix du Cinquerce, Eurybat Lacedemonien de la lutte, Demerat Hereen de la courſe. Ceste introduitEn la 23. en laquelle Icar Hypereſien gagna la carriere, le jeu du Ceſte fut introduit : & le premier qu’on y proclama vainqueur, fut Onomaſte de Smyrne : & en la ſuiuante, Damon de Corinthe emporta le ſtade. Mais en la 25. on inſtitua la courſe en chariots, attelez de cheuaux à plein aage, & Pagondas Thebain eſtant entré en lice obtint la victoire ſur tous les autres. Dés lors les femmes meſmes ſe meſlerent de telle courſe. Cyniſque fille du Roy Archidame, fut la premiere de ce ſexe, qui gagna le prix du chariot à quatre cheuaux en la dixneufieſme ; & les autres Dames de Macedoine aiguillonnees de cet exemple ſe prindrent à nourrir des cheuaux pour tels esbattemens, qu’ils auoient auec quelque licence ſpeciale concedees à certaines Dames, cõmencez dés la 16. Olympiade, auparauant laquelle, il n’eſtoit aucunement permis aux femmes de s’y trouuer, deſguiſees ny autrement ; ains tres-expreſſément deffendu, ſur peine d’eſtre precipitees du haut des rochers de la montagne de Typee, voire ſi meſme durant les iours interdits elles paſſoient la riuiere d’Alphee. Et de faict Callipateras, que d’autres nomment Pherenice, aprés la mort de ſon mary s’equippa de tout points en champion, & s’alla ranger parmy les autres en Olympie : la où Pyſidore ayant obtenu la victoire, comme elle eut franchy les barrieres du parquet où s’aſſembloient les athletes & les combats ; elle fut par ſoupcon deſpoüillee, & deſcouuerte eſtre femme. Toutefois la reuerence qu’on portoit à ſon pere, ſes freres, & ſon fils, tous Olympioniques, c’est à dire, qui jadis auoient gaigné le prix des jeux Olympiens, l’empeſcha de courre la fortune impoſee par la loy. Mais cette Dame donna ſuject de faire vne ordonnance, de combattre à l’aduenir à corps nud. Et pource que l’exercice de voltiger & ſaillir legerement à cheual ſellé ſans aucun aduantage ny eſtriers, eſtably en la neufieſme Olympiade , eſtoit pour lors abaſtardy, il fut reſtauré en la 27. en laquelle Lygdamis de Saragoce vainquit au Pancrace (jeu meſlé du ceſte & de la lutte) où les combattans s’aydoient, comme nous auons dit, de tout ce qu’ils pouuoient, auec telle violence que par fois la mort s’enſuiuoit. Ælian au 9. liure de la diuerſe hiſtoire, parle d’vn Champion de Crotone, lequel ayant vaincu és jeux ſolemnels de l’Olympe, comme il alloit deuers les Iuges receuoir la couronne, tumba roide mort à leurs pieds, des coups qu’il auoit receus au duël. Et Pauſanias és Laconiques ſe ſouuient d’vn Cinquercion nommé Ænet, qui rendit l’ame auſſi toſt qu’il eut receu le chappeau de victoire par la main des Iuges. En la meſme annee Creuſidas vainquit à voltiger, Chionis Lacedemonien à la courſe, qu’il auoit deſia emportee en la 19. En la 33. le cheual ſolitaire, c’est à dire qui couroit ſeul à deliure ſans eſtre attelé, fut introduit. Puis apres en la 34. ceux de Piſe, aſſiſtez de leurs voiſins, qu’ils conuoquerent de tous coſtez, ſous la conduite de leur Roy Pantaleon, chaſſerent les Eleens, & tindrent les ieux Olympiques ; aprés s’eſtre deſia paſſé pluſieurs quereles pour leſdits jeux entre quelques autres peuples Grecs, ce qui auint cinq ans aprés que Myron Roy des Sicyoniens eut emporté la victoire en vn chariot attelé de quatre cheuaux. En la 37. les Eleens, n’ayans aucun exemple de l’antiquité qui les induiſiſt à ce faire, mais de leur ſeule fantaiſie receurent de ieunes garçons aux exercices de la courſe & de la lutte, & leur propoſerent des prix : en laquelle Polynice Eleen obtint celuy de la courſe ; & Hippoſthene Lacedemonien, de la lutte, puis en la trente-huictieſme ils furent admis au Cinquierce, & ne deuoient eſtre ces garçons aagez plus de ſeize à dix-ſept ans ; car à dix-huict ils eſtoient placez au rang des hommes. Et de faict Hyllus Rhodien entrant au dix-huictieſme an de ſon aage pour lutter auec les enfans, fut repouſſé par les Eleens ; neantmoins ainſi ieune qu’il eſtoit, il combatit les, hommes, & les vainquit. Mais cette couſtume fut par ſucceſſion de temps ſi bien abolie qu’on n’y en receut plus aucun : ſinon qu’en la quarante-vnieſme en laquelle Philetas Sybaritain fut proclamé vainqueur, & la ſuiuante Gorge Eleen, qui auoit deſia par trois fois emporté le prix és ieux Olympiques : ils furent admis à l’eſcrime aux poings. Cõsequemment en la 48. il y eut prix entre les ioüeurs d’inſtrumens, comme de fluſte haultbois, lyre, viole, cithre, harpe, & autres. Inſtitutiõ des Iuges Hellanodices.Et en la cinquantieſme, par le commun conſentement de quelques villes de la Grece on eſtablit des Iuges pour appointer les differends qui pouuoient ſuruenir entre les champions Olympiens. Cette charge fut par ſort donnee à deux de la ville meſme d’Elide, qui furent nommez Hellanodices, c’eſt à dire Iuges des Grecs, au lieu qu’auparauant il n’y auoit que les Lacedemoniens ſeulement, ou les Atheniens qui fiſſent eſtat d’y preſider.Charge & deuoir des Hellanodices.Ces Hellanodices eſtoient tenus aprés leur eſlection de faire continuelle reſidence dix mois durant en vn lieu deſtiné en l’Elide, & pour ce ſujet nommé Hellanodicee, auquel les Nomophylaces, ou garde-loix des jeux Olympiques les inſtruiſoient de tout ce qui pouuoit concerner leur charge, & comme ils s’y deuoient comporter. Car c’eſtoit à eux d’auiser & donner ordre que leſdits ſpectacles fuſſent deuëment & auec equité repreſentez : que les prix fuſſent adiugez à ceux qui les auroient par valeur, adreſſe & moyens legitimes gaignez ; d’impoſer amendes, & ce pour diuerſes occaſions. Comme pour auoir ſans ſuiect legitime faict defaut és combats, s’ils y auoient eſté enroolez. Ou pour n’eſtre comparus au iour prefix : ou pour quelque laſcheté de courage à ceux qui d’aprehenſion de leurs aduerſaires ſe deſroboyent en tapinois la veille des jouſtes. Ou pour auoir excedé les ſtatuts & les conditions des jeux. Ou pour auoir vſé de quelques charmes & ſortileges ; ce que pratiqua vn Epheſien contre vn Mileſien : lequel ne peût oncques eſtre vaincu, par le Mileſien, pource qu’il auoit auprés du talon cettains characteres, iuſques à ce qu’ils furent deſcouuerts & oſtez. Ou pour s’eſtre comporté trop fellonnement & auec ſupercherie & fauſſeté ; comme fit l’athlete Theagené, tant renommé, que nous mettrons tantoſt en conte. Ou pour auoir ſeduit & corrompu par argent ou autre moyen ſes contrejouſtes pour eux laiſſer vaincre. Or ce nombre de deux Hellanodices deleguez, dura long temps. La premiere ordonnance qu’ils firent, fut que les ieunes hommes qui voudroient courre vne carriere, commençaſſent leurs jeux deuant le Soleil leué, & acheuaſſent deuant midy. Car à midy les Cinquercions entroient en lice, & toutes les plus groſſes & plus penibles jouſtes, ſe faiſoient à telle heure. En la quatrieſme Olympiade aprés cette-là auint vne choſe bien nottable. Arrachion, qui auoit deſia deux fois obtenu la victoire, fit encore en cette-cy ſi grande preuue de ſa vertu, qu’il preſta le collet & tint teſte à tous les autres jouſteurs, & les vainquit tous ; ſi bien que n’en reſtant plus qu’vn pour debattre le prix auec luy, il vint donner la gambete à Arrachion, & l’empoigna quand & quand au col à deux mains : mais Arrachion preſque eſtranglé & preſt de rendre l’ame, luy ayant à belles dents happé & rompu vn artoil du pied, ſon aduerſe partie en ſentit ſi grande douleur, qu’il ſe laiſſa choir éuanoüy, ſi que les Eleens adiugerent par la voix d’vn heraut la couronne d’Oliuier audit Arrachion, nonobſtant qu’il fuſt mort. En la cinquantehuictieſme, Diognetas de Crotone emporta le prix : & en la ſuiuante les champions commencerent a faire dreſſer leurs ſtatuës, & les dedier aux Dieux, comme Praxidamas Æginete, qui en la 59. gagna au Ceſte, & Oponce Rhexibien, qui en la 61. vainquit au Pancrace. Mais en la 65. en laquelle Demarat Hereen vainquit, on commença à receuoir au ſtade la courſe des gens armez, au grand contentement de toute l’aſſemblee : pource qu’on trouuoit que cet exercice eſtoit tres-bon & propre pour la guerre : & la couſtume eſtoit de courre en foule, chargez de groſſes rondaches peſantes. En la 66. le meſme Demarat fut auſſi vainqueur : & en ladicte 66. les Eleens & Grecs oſterent aux coureurs leurs bottes & boucliers : & Cleoſthene Epidamnien emporta le prix de la courſe à cheual, lequel fit grauer à ſa ſtatuë non ſeulement ſon nom, mais auſſi celuy de ſes cheuaux : & fut le premier entre les vainqueurs à cheual, qui ſe fit dreſſer vne ſtatuë. Puis aprés Theopompe fils de Demarat eut le prix de la courſe, & depuis luy ſon fils, portant meſme nom, vainquit au Cinquerce, Lycin Hereen à la courſe des garçons, & Epicrade Mantineen à coups de poing. En la ſuiuante Olympiade Theagene Thaſien eut la victoire au Pancrace, & en obtint depuis trois autres és jeux Pythiques à l’eſcrime du Ceſte : & neuf aux Nemeens, & en l’Iſthme dix, tant à coups de poing qu’au Pancrace. Puis en la 70. les caroſſes & chariots branſlans eurent lieu parmy tels ſpectacles. Hiſtoire nottable.Et en celle d’aprés les Iuges oſterent le prix à Cleomede Aſtypaleen, parce qu’en faiſant à coups de poing, il eſcrima ſi outrément qu’il aſſomma Icque d’Epidaure, puis ſe voyant fruſtré de la victoire qu’il auoit eſperee, en conceut tant de regret & deſplaiſir, que de rage il perdit le ſens : & quitta les tournois, s’en retourna à Aſtypalee, où il fit beaucoup d’actes temeraires & pleins de violence. Finalement, entré dans vne eſchole, il empoigna à pleins bras vn pilier qui ſouſtenoit le baſtiment, lequel ſecoüant il rompit par le milieu, fit creuer deſſous le toict iuſques à ſoixante ieunes enfans : & trouua neantmoins moyen d’eſchapper. Puis comme la Iuſtice le cherchoit pour le faire mourir, & les habitãs le pourſuiuoient à coups de pierres, il s’enfuit en la chapelle de Minerue, & s’enferma dedans vn ſepulchre, (quelques-vns diſent dans vn coffre) tenans à belles mains la tumbe, ou couuercle d’iceluy ſi fermement qu’on ne luy put iamais faire quitter la priſe, combien que pluſieurs s’y employaſſent tous enſemble. Mais ce qui eſt le plus eſtrange, c’est qu’ayans fouy la terre tout autour, on ne le trouua ny vif ny mort. Et pourtant ils enuoyerent des deputez à Delphes : auſquels l’Oracle donna telle reſponses ; Le dernier des Heros c’eſt Cleomede Aſtypaleen. Traict du diable.Et d’autant que deſia beaucoup de fraudes, mal-verſations & cruautez s’eſtoient fourrees parmy ces jeux publics, il fut ordonné que tous les champions & leurs parens, freres, maiſtres d’eſchole, feroient ſerment ſolemnel, aſſez couſtumier entre les Anciens, ſur les teſticules d’vn Sanglier taillé, qu’ils ny commettroient aucune tricherie ny barat, pour empeſcher que les combats Olympiques fuſſent deuëment & par moyens legitimes exhibez : & faloit aussi qu’ils iuraſſent d’auoir auparauant employé dix mois à l’apprentiſſage des exercices qui s’y pratiquoient, comme nous auons cy-deſſus remarqué. Serment des champions & des Iuges.Les Iuges au reciproque iuroient de n’eſtre corrompus d’aucuns preſens, & que iamais ils ne declareroient pourquoy ils auroient pluſtoſt adiugé la victoire à cettuy-là ; qu’à cettuy-là. Ce ſerment ſe preſtoit deuant la ſtatuë de Iupiter, tenant vn foudre en chaſque main, pour intimider les pariures. En la 72. Tiſicrate de Crotone eut le prix de la courſe ; aprés luy, Gelon ; puis Euthyme, natif de Locres en Italie, qu’on croyoit eſtre fils de la riuiere de Cecine ; lequel en la ſuiuante fut bleſſé à l’eſcrime aux poings, outre les loix des ſacrez combats, & vaincu par Theagene Thaſien, qui ne receut pas neantmoins la couronne d’Oliuier, pource qu’on iugea qu’il auoit par fraude circonuenu ſa partie aduerse : mais fut par ſentence des Iuges condamné à douze cens eſcus d’amende, applicables moitié enuers Iupiter, moitié enuers Eutyme, pour la reparation de la ſupercherie dont il auoit vſé en ſon endroit. Cette meſme Olympiade eſt aſſez memorable par la perte que firent les Perſes, defaits ſous la conduitte de Mardoin. Mais parce qu’il auenoit quelquefois, que tel qui par valeur ou dexterité ne pouuoit gaigner le prix, l’obtenoit en corrompant les Iuges à force de preſens : Nombre des Iuges augmenté.par commun conſentement & arreſt general de toute la Grece, furent eſtablis neuf Iuges Hellanodices, qui auroient le ſoin & charge de tout ce qui concernoit les jeux Olympiens, ſçuoir eſt, que trois auroient eſgard ſur les courſes des chariots & cheuaux en baſtine ; trois ſur le Cinquerce, qui comprenoit les cinq premieres eſpreuues ſuſdites ; & trois ſur les autres combats. En la ſuiuante Theagene paya les ſix cens eſcus à Iupiter, à quoy on l’auoit condamné, mais faiſant refus d’en compter autant à ſon antagoniſte, il ne fut pas receu a l’eſcrime du Ceſte, qui fut cauſe que cette fois & l’autre auſſi, la victoire fut aſſignee a Euthyme. Force incomparable de quelques anciens Athletes.Theagene & Euthyme tiennent rang entre les plus illuſtres & plus vigoureux Athletes qui iamais ayent eſté, deſquels Pauſanias és Eliaques nous apprend beaucoup de faicts merueilleux. Mais premierement d’vn Polydamas.Polydamas fils de Nicias de Scotuſe en Theſſalie grand de corps plus qu’aucun autre de ſon temps, de force, courage & dexterité nompareille ; qualitez rares és grandes tailles. Eſtant encore en fort bas aage, emulateur du grand Hercule, il aſſaillit en pourpoint vn grand Lion dans le mont Olympe qui deſoloit tout le païs & le tua. Vne autrefois il empoigna l’vn des plus fiers Taureaux de toute la cõtree, par le train de derriere ; ſans que iamais cet animal s’en peuſt depeſtrer que premierement à force de regimber & contrelutter il ne ſe fuſt entre les mains d’iceluy deſchauſſé de ſes deux ſabots par leſquels il le tenoit. D’vne ſeule main il arreſtoit tout-court vn chariot attellé de bons & puiſſans cheuaux, ſans qu’ils peuſſent auancer ny reculer, quoy qu’ils tiraſſent de tout leur effort, & que le chartier les touchaſt viuement. Darius fils d’Artaxerxés ayant ouy raconter ces eſtranges merueilles, le fit venir en ſa cour pour en auoir du paſſetemps, où arriué il luy mit en teſte trois des plus forts archers de ſa garde choiſis entre pluſieurs millions d’hommes ; lesquels d’vn ſeul coup de poing à chacun il mit à mort. Neantmoins ſa trop preſomptueuſe confidence luy couſta la vie. Car comme il banquetoit vne fois auec quelques ſiens amis dans vne grotte à la fraiſcheur ? il auint qu’vne partie s’esboula ? ſi bien qu’eux abandonnerent de bonne heure la ttable encore bien garnie, voyans que le reſte menaçoit ruine : luy s’opiniaſtre de contrequarrer la cheute, & ſouſtenir à force de bras le plancher d’enhaut : qui s’effondrant tout à coup l’eſtouffa ſous le faix. Milon.Milon de Crotone n’a point trouué de ſi nerueux & ſi robuſte que luy. Car on le vid vn iour és tournois d’Olympe charger legeremẽt ſur ſes eſpaules vn Taureau de deux ans, & le porter en courant iuſques au bout de la carriere ſans reſpirer ny reprẽdre halene ; puis l’aſſommer d’vn coup de poing ; & qui plus eſt le manger tout ſeul en la meſme iournee. Il tenoit en ſa main fermee vne aurange ou vne grenade que perſonne ne luy pouuoit arracher, ſans que toutefois il leſcachaſt ou corrompiſt aucunement. Il montoit à pieds ioints deſſus vn Diſque oinct d’huile pour le rendre plus gliſſant, & encore que d’autres prenans leur courſe le vinſent de roideur chocquer, ſi ne pouuoient ils l’en oſter. Il ſe ceignoit le front auec vn nerf ou vne corde aſſez groſſe, comme d’vn bandeau : puis retenant ſon halene & ſerrant les leures de toute ſa force, il s’enfloit tellement les venes & nerfs de la teſte, qu’il rompoit le nerf ou la corde en deux pieces. Il poſoit le coude de ſon bras contre ſes coſtes, & allongeoit le reſte eſtendant la main droite, de laquelle il hauſſoit le poulce, & ſerroit les autres doigts l’vn contre l’autre, ſans que le plus vaillant homme luy peuſt deſioindre le doigt auriculaire d’auec les autres. Mais ſa fin ne fut moins tragique que du precedant : Car ſe trouuant vn iour dans les bois eſcarte de compagnie, il apperceut vn arbre commencé à fendre, qu’il entreprit ſe confiant outre meſure en la force de ſes bras, d’eſclater en pieces. Et de fait il l’auoit deſia entr’ouuert, quand l’arbre luy eſchappant des mains vint à ſe reclorre & luy engager les bras ; ſi bien qu’il ne s’en pût aider ny defendre des loups, auſquels il ſeruit de paſture & de curee. Il auoit en ſon viuant obtenu douze couronnes ; ſix és ieux Olympiens, & ſix autres és Pythiens. Theagene.Theagene Thaſien l’a ſurpaſſé en addreſſe & dexterité, & en nombre de victoires ; car on fait eſtat que les couronnes qu’il remporta de coſté & d’autre montent a 1400. Il eſtoit beau par excellence, de belle taille, non groſſiere, braue coureur & tres-agile : accompagné de tel effort & vigueur de membres, qu’en l’aage de 11 ans retournant vne fois de l’eſcole il chargea ſur ſes eſpaules vne ſtatuë de bronze moyennemẽt grande, & l’emporta iuſqu’à ſon logis : Surquoy le peuple ſe mutinãt comme contre vn ſacrilege, l’vn des principaux habitans le garantit de courir fortune, & la luy fit remporter à l’heure meſme, & remettre au lieu dont il l’auoit enleuee. On le met au rang des Heros, & tel il fut declaré par l’Oracle d’Apollon ; car luy ayant pour ces beaux faits eſté dreſſee vne ſtatuë de bronze apres ſa mort, comme vn ſien enuieux l’allaſt ſouuent battre à coups d’eſtriuieres, elle tumba finalement ſur luy, & l’accabla. Ses enfans, ſelon que les loix de Dracon legiſlateur Athenien permettoient d’auoir action meſme contre les choſes inanimees, en la punition des homicides ; firent conuenir en iuſtice cette ſtatuë : où elle fut condamnee d’eſtre iettée en la mer. Là deſſus vne grande ſterilité ſuiuie de famine accueillit le territoire des Thasiens qui pour en ſçauoir le ſujet & remede, enuoyerent à l’Oracle. Aſtuce ordinaire du diable pour coiffer les hommes d’idolatrie & ſuperſtition.L’auis & reſponſe duquel fut, Qu’ils rappelaſſent leurs bannis. Ce qu’ayans effectué, ſans que neantmoins telles calamitez relaſchaſſent, ils y depeſcherent vne autre ambaſſade & remporterent alors vne plus claire reſponſe ; Qu’ils auoient foulé les honneurs du grand & valeureux Theagene. Parquoy ils la firent peſcher & remettre en ſa place : & de là en auant luy ſacrifierent comme à vn Dieu ſous la reputation de guerir tout plein de maladies. Euthyme luy retrencha beaucoup de la gloire à laquelle il euſt peu paruenir, comme nous auons ouy cy-deſſus. Euthyme.Ceſtuy cy treſ-valeureux Champion fit vn exploit entre autres de grand cœur & entrepriſe à telle occaſion. Vlyſſe durant ſes auantures fut poulſé par vne fortune de mer à Temeſſe ville d’Italie, où l’vn de ſes compagnons ayant pris d’abord vne ieune fille à force, les habitans l’aſſommerent à coups de pierres, & laiſferent ſon corps à l’abandon. Vlyſſe demara ſans luy rendre autre debuoir. Auint que l’eſprit d’iceluy vagabond & cerchant vengeance du corps auquel il auoit iadis habité, & pour lors giſoit ſans ſepulture ; fit beaucoup de maux & d’outrages en la prouince : iuſques à faire mourir & ſe ruer à chaſque bout de champ ſur ceux qu’il trouuoit eſcartez. En fin les Temeſſiens enuoyans à l’Oracle Delphique, eurent commandement par la Propheteſſe, de ſacrer à la memoire du defunct Heros vn parc ou boſquet, luy dedier vn Temple ; & pour ſeruice luy abandonner tous les ans la plus belle fille vierge qui fuſt en leur terroir. Ainſi l’eſprit s’accoiſa, ſans plus les moleſter. Cette diabolique offrande ſe pratiqua pluſieurs annees, iuſques à ce qu’Euthyme arriué d’auanture en ces quartiers-là comme on venoit de liurer la fille, trouua moyen de s’enfermer dans le Temple auec elle pour voir ce myſtere, tant pour la pitié qu’il en eut, que pour auoir tiré promeſſe qu’elle l’eſpouſeroit s’il la garantiſſoit du present danger. Ce qu’il fit ; car attendant de pied coy cet eſprit, la nuict venuë il le combatit tant & ſi longuement que vaincu il ſ ‘eſuanoüit, ſe ſubmergea en la mer, & depuis n’apparut plus. Par ce moyen il contracta mariage auec la fille. Glauque Caryſtien.Adiouſtons Glauque Caryſtien fils de Demyle, employé dés ſes ieunes ans à ſon grand regret (comme ſe ſentant capable de plus honorable vacation) au labourage, où ſon pere l’ayant vn iour apperceu comme à coups de poing, faute de maillet, il racouſtroit vne charruë ; le mena aux ieux Olympiques pour y combatre au Ceſte. Mais n’eſtant pas encore accouſtumé à parer les orbes coups de cette eſcrime, tout chargé de playes de ſes aduerſaires, ainſi qu’il commençoit à faire mauuaiſe mine à cauſe des gourmades & autres horions qu’il auoit ſouſfert ; & ſembloit eſtre mal-diſpoſé pour receuoir le dernier qu’il auoit à combatre : ſon pere craignant qu’il ne failliſt de courage, & ſuccombaſt, s’eſcria : Et où eſt cette main de la charruë que tu ſçais, ô mon fils ? Ce qu’ayant ouï Glauque il reprint ſes eſprits, & chargea ſi rudement qu’il obtint entierement la victoire.

En la ſoixante dixſeptieſme Olympiade fut faite vne ordonnance, qu’apres auoir ſolennellement ſacrifié aux Dieux, les Cinquercions entreroient premierement en lice, puis les coureurs à pied ; finalement ceux à cheual : au lieu qu’auparauant tous iouſtoient en vn meſme iour. En cette Olympiade Callias Athenien eut le prix du Pancrace. Les eſcrimeurs à outrance ſe preſentoient aux rangs ſur le ſoir, n’y pouuans pluſtoſt auoir place, pource que le iour ſe paſſoit à voir la courſe des cheuaux & le Cinquerce. En la ſoixante & dixhuictieſme on fit ſortir de la lice Pherias Æginete pour eſtre encor trop ieune, & ne ſembloit eſtre aucunement égal à ſon aduerſaire pour lutter auec luy : ce neantmoins y eſtant receu en la ſuiuante il vainquit à la lutte tous ſes compagnons : en cette meſme Olympiade on adiouſta vn dixieſme Iuge. En la cinquieſme apres la ſuſdite tous chariots en furent bannis. En la quatre vingts ſixieſme Oebotas Cyrenien emporta le prix de la carriere, & Philés Eleen de la lutte des iouuenceaux. En la quatre vingts neufieſme Hellanique le fils eut la victoire à coups de poing entre les garçons, & entre les hommes ſon pere Alcenet ; & en la ſuiuante Theante ſon fils en obtint la couronne, en laquelle Tauroſthene d’Ægine fut vaincu à la lutte par Chemon ; mais en celle d’apres il porta par terre tous ceux qui iouſterent contre luy. Puis derechef en la quatre vingts trezieſme les chariots à deux cheuaux de plein aage y furent admis, en laquelle Euagoras Eleen fut le maiſtre ; & en la troiſieſme d’apres, Eupoleme Eleen. En la quatre vingts dixhuictieſme Eupole Theſſalien, l’vn de ceux qui s’eſtoient aſſemblez pour eſcrimer à coups de poing, ayant corrompu par argent Phormion Halycarnaſſien, Prytanis Cyzicenien & Argetor Arcadien, qui en la precedente Olympiade auoit gagné le prix au ſuſdit exercice, & luy & ceux qui prirent argent de luy furent condamnez à l’amende pour auoir les premiers pollué les ieux par telle corruption. Les Eleens donques la leur firent payer. En la quatre vingt dixneufieſme l’on cõbatit en chariots attelez de Poulains, où Sybariades Lacedemonien obtint la couronne, & Sotale Candiot vainquit à la longue courſe. Et pourtant en la ſuiuante, en laquelle il fut auſſi declaré vainqueur, comme il eut receu argent de ceux d’Epheſe pour ſe laiſſer proclamer Epheſien, ceux de Candie le bannirent à perpetuité de leurs terres. Il eſtoit merueilleuſement fort & robuſte, & non moins que Leontiſque de Meſſine en Sicile, ou Soſtrate de Sicyon ſurnommez Acrochersites, pource qu’ils empoignoient les mains de leurs parties aduerſes, & les eſtreignoient ſi fort qu’ils ne laſchoient point la priſe que premierement leur ayant rompu les doigts, la douleur qu’ils en ſentoient ne les contraigniſt de ſe confeſſer vaincus. En meſme temps les Eleens furent diuiſez en douze tribus ; & chaſque tribu fournit d’vn Enqueſteur ou Iuge és ieux Olympics : & en la ſuiuante Olympiade Damon Thurien eut la victoire au Pancrace ; puis aprés Pyrrhe commis eſdits ieux emporta le prix de la courſe à Cheual ; & Troïle en chariot attellé de Cheuaux & de Poullains auſſi. Quelque temps apres les Eleens firent vne loy defendant à tous les Commiſſaires des ieux de n’entrer dans la lice à Cheual. Le meſme Damon Thurien emporta derechef le prix de la carriere. Toutefois quelques-vns diſent que la huictieſme, trentieſme & cent quatrieſme Olympiade ſe paſſerent ſans rien faire, & furent intermiſes à cauſe des deſſenſions qui eſtoient entre ceux d’Elide & de Piſe : mais en la cent cinquieſme Prore Cyrenien eut la victoire à la courſe. Or les Eleens ayans eſté deffaits par les Arcadiens, & perdu vne partie de leur territoire, de douze lignees qu’ils auoient, eſcornez de quatre, ſouſmises à leurs ennemis, ils furent reduits en huit tributs, & reſtreignirent par meſme moyen leurs Iuges à pareil nombre. Et en la cent huictieſme, en laquelle Polycle Cyrenien fut proclamé vainqueur à la courſe, ils reuindrent à leur ancien nombre de dix Iuges, & touſiours depuis y perſiſterent. Atheniẽs condamnez à amende.Puis quatre autres Olympiades apres Callippe Athenien fit tant qu’à force d’argent il ſe fit aſſigner la couronne du Cinquerce, corrompant ſes compagnons qui volontairement ſe laiſſerent vaincre ; dont luy & ceux qui luy auoient conſenti furent mis à l’amende, que les Eleens enuoyerent demander à Athenes par Hyperis, mandans aux Atheniens qu’en cas de refus, en vertu des ſacrees ordonnances des tournois, ils les banniſſoient a iamais de leurs ieux. Mais les Atheniens renuoyerent requerir les Eleens de leur vouloir remettre l’amende : ce que ne pouuans obtenir, ils reſolurent de ne la payer que premierement l’oracle Delphique ne leur euſt faict ſçauoir qu’il ne leur donneroit point de reſponſe iuſqu’à ce qu’ils euſſent contenté les Eleens. En la 123. Idee Cyrenien fut couronné d’Oliuier pour auoir gagné tous ſes compagnons à la courſe : & en la ſuiuante, Ladas Ægien, laquelle eſt aſſez memorable par cette eſtrange deffaite des Gaulois par les Grecs, ſi horible1 que d’vne treſpuiſſante armee il n’en eſchappa vn ſeul pour porter nouuelles aux autres. Voyez au chap. de Pan cy deſſos, la cauſe de cette defaicte.Car Brenne ayant ſuſcité les Gaulois pour aller faire la guerre en Grece, leua iuſqu’à cent cinquante mille hommes de pieu, & plus de ſoixante mille cheuaux, qui tous furent entierement defaits. Apres que les chariots attellez de Poullines, & le Poullain à voltiger furent receus parmy les ſuſdits esbatemens, Beliſtiche natifue de la coſte de Macedoine emporta la victoire deſdits chariots ; en la 131. Tlepoleme Lycien à voltiger. Chitomache Thebain en la 140. eut le prix du Pancrace, lequel aux ieux Iſthmiens l’auoit deſia gagné au Ceſte & à la lutte auſſi, outre trois victoires qu’il auoit obtenu és eſcrimes Pythiques. En la 144. les ieunes hommes furent admis au Pancrace, auquel Phædime Æolien natif de la Troade fut vainqueur : mais les Eleens ſupprimerent bien toſt cet exercice, pource que leur nation ne l’emportoit point. En la 160. Diodore Sicyonien fut declaré vainqueur a la courſe, & la quatorzieſme apres, Elee ; apres luy, Ariſtomene Rhodien, & conſequemment Protophane Magneſien : puis en la 178. Straton d’Alexandrie vainquit à la lutte & au Pancrace en vn mesme iour. En la 172. Polyctor fils de Damonique Eleen, & Soſander fils de Soſander Smyrneen ſe preſenterent en lice pour lutter : mais Damonique deſirant de toute ſon affection que ſon fils obtint la victoire, bailla quelque argent à Soſander à fin qu’il ſe laiſſaſt porter par terre : ſi bien que les peres de l’vn & de l’autre furent condamnez à l’amende pour auoir contreuenu aux ordonnances. L’eſcrimeur Serapion fut auſſi mis à l’amende en la 201. Olympiade, condamné pour ſa coüardiſe la veille des ieux Olympiques, pource que craignant & apprehendant l’effort de ſes parties aduerſes il ſe retira, ce qu’on dit n’eſtre iamais auenu à autre Athlete qu’à luy. En la 211. Xenodame Anticyrien eut la couronne de l’eſcrime ; & en la ſuiuante Artemidore Trallian. En la 218. Apollonius eſcrimeur d’Alexandrie qui ſe deuoit trouuer pour faire à coups de poing, fut condamné à l’amende pour auoir faict default, & ne luy ſeruit de rien d’alleguer que le vent contraire l’auoit arreſté aux Iſles Cyclades, puis que ceux qui auoient legitimement donné leurs noms ſe deuoient trouuer au iour aſſigné. Ainſi doncques les Iuges donnerent la victoire à Heraclide ſans auoir combatu : dont Apollonius mal-content, ainſi comme l’autre receuoit deſia la couronne, ſe ietta ſur luy, & le pourſuiuit iuſques au ſiege des Preſidens des ieux, laquelle boutee, ou rage, luy couſta bien cher. La huictieſme apres Didas & Garapammon eſcrimeurs à coups de poing, furent mis à l’amende, parce que Didas par monopole auoit receu quelque argent de ſon compagnon pour ſe laiſſer vaincre, tous deux eſtoient de la lignee d’Arsinoë d’Egypte. Et en la 235. en laquelle Mneſibule obtint le prix de la courſe, on allongea de moitié la carriere auec les boucliers au poing, où Mneſibule Eleate auoit iadis vaineu les autres coureurs. Voila comment ces esbatemens Olympiques furent à pluſieurs fois diuerſifiez & changerent de facon de faire, comme c’eſt l’ordinaire en la reuolution des affaires de ce monde qui ne peuuent long temps durer en vn meſme eſtat. Quoy que ſoit on peult de ce que deſſus apprendre les exercices & esbats quon y pratiquoit, en quelles ſaiſons ils furent tous eſtablis & receus, quelle eſtoit la charge des Iuges qui y preſidoient, & le prix qu’on donnoit à ceux qui auoient le mieux faict. C’est ce qui ſe trouue quant aux ſpectacles & iouſtes Olympiques : venons aux Pythiques.