Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - V, 06 : De Mercure Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Mercure.

CHAPITRE. VI.

Genealogie de Mercure.HESIODE en ſa Theogonie eſcrit que Mercure, ambaſſadeur ordinaire de la Cour Celeſte, Heraut, Huiſſier, & Meſſager des Dieux, le plus vigilant, & maniant plus d’affaires qu’aucun de leur trouppe, attendu que la quantité de negociations qu’il auoit en mains ne luy donnoit pas loiſir de repoſer ſeulement la nuict : eſtoit fils de Iupiter & de la Nymphe Maia fille d’Atlas. Autant en diſent Orphee & Homere és hymnes qu’ils ont chanté en ſon honneur, deſquels Virgile empruntant ce qui faict pour montrer l’extraction de Mercure, tient qu’il naſquit en la montagne de Cyllene en Arcadie :

Voſtre pere eſt Mercur, que la blanche Maja Au froid mont de Cyllene engendré deſchargea.

Mais Pauſanias és Bœotiques le fait naiſtre à Tanagres en la mõtagne de Coryce ; & és Arcadiques, il eſcrit que les Nymphes reſeantes en ladicte montagne le porterent lauer en vn lieu nommé Tricene lez Phenee, qui vaut autant à dire comme Trois-fontaines ; leſquelles de faict y eſtoient, & pour cette cauſe on les tenoit en grand honneur & reſpect, comme ſacrees à Mercure. Didyme teſmoigne qu’il fut nourry en la montagne de Cyllene, ce fut (dit-on) à l’ombre d’vne grande pourcelaine, que les Grecs appellent Andrachné, qui pour ce ſuject luy fut conſacree. Pauſanias és Arcadiques dit que ſelon le bruict ancien qui couroit en Arcadie, Mercure fut eſleué prés de la riuiere d’Alphee en la ville d’Acaceſe, ainſi nommee d’Acace fils de Lycaon. Liure 7. chap. 1.Les autres veulent dire que Iunon allaitta Mercure, & le nourrit quelque eſpace de tẽps par meſgarde, ne ſçachant point qu’il fuſt fils d’vne concubine : & qu’vne fois entre les autres, le laict de Iunon luy tumbant de la bouche, traça au ciel cette voye & ligne blanche qu’on appelle voye laictee, que les Grecs, nomment Galaxia, de gala, c’eſt à dire laict. Les autres neantmoins veulent dire qu’elle ſe ſoit imprimee au ciel lors qu’Hercule tettoit Iunon : d’autres diſent qu’il en auoit pris ſi gloutement que force luy fut de le regorger, comme nous dirons en Hercule. Aucuns ayment mieux croire qu’Ops allaittant ſon fils, en arrouſa ce caillou qu’elle preſenta à Saturne, comme le donne a entendre M. Manilius : & que s’eſpanchant parmy le Ciel il marqua la ſuſdite voye. Pluſieurs Mercures.Au reſte il y a eu pluſieurs Mercures, comme dit Ciceron au 3. liure de la nature des Dieux. Le premier de ce nom eut le Ciel pour pere, & le Iour pour mere ; la nature duquel fut vilainement eſmeuë aprés qu’il eut vne fois enuiſagé Proſerpine. Le II. fut fils de Valens & de Phoronis, lequel eſt auſſi ſous terre nommé Trophonie. Le III. fils de Iupiter, tiers du nom, & de Maia, qui de Penelope engendra Pan. Le IIII. fils du Nil, que les Egyptiens font grand’ conſcience de nommer. Le V. que les Pheneates adorent, qui mit à mort Argus, & pour ce fut Roy d’Egypte, donna loix aux Egyptiens, & leur enſeigna les lettres. Et combien qu’ils ayent eſté pluſieurs de meſme nom ; tout ce qui s’en trouue neantmoins eſt attribue au III. fils de Iupiter & de Maia. Ainſi ſans eſplucher particulierement ce qui ſeroit propre & particulier à chacun d’eux, ny quelles ont eſté leurs inuentions, ou les lieux eſquels ils ont receu leur nourriture, pource qu’à cauſe de l’antiquité l’on n’en ſçauroit venir à bout, nous ſuiurõs en cettuy-cy le train que nous auons fait és precedens. Larcins de Mercure.Lucian au Dialogue d’Apollon & de Vulcan eſcrit : Que ce fut vn nottable larron, ſi bien qu’eſtant encore au ventre de ſa mere il ſembloit deſia mediter les moyens de deſrober. Et de faict il ne fut pas ſi toſt mis en lumiere qu’il ſe montra plus ancien que Iapet, en fraudes & ruſes, tellement qu’il deſniaiſoit & affinoit les plus fins. Car dés lors il deſroba le trident de Neptun, & tira ſubtilement à Mars l’eſpee de ſon fourreau. Voyez liure 4. chap. 10.Le meſme premier iour de ſa natiuité il deſroba les aumailles du Roy Admet, qu’Apollon gardoit : & comme il le cuida intimider de paroles, & l’aſſener d’vne fleche, il luy prit ſon arc & ſon carquois, comme nous auons appris cy-deſſus des teſmoignages d’Homere & d’Horace. Ce larcin ne fut apperceu de perſonne que d’vn ſeul paſtre nommé Batte : mais afin qu’il n’en diſt mot, il luy donna vne vache du trouppeau : puis voulant ſonder s’il luy ſeroit loyal, il s’eſcarta quelque peu, changea de forme & d’habits ; & le reuenant trouuer, promit de luy en donner deux, s’il luy vouloit dire où paiſſoit le trouppeau, & qui l’auoit emmené. Ce que le paſtre ayant faict, il connut ſon inconſtance & perfidie : & pour punition le transforma en vne pierre de touche, comme Ouide au 2. des Metamorphoſes le nous enſeigne :

Cependant, Apollon, qu’amoureux tu eſtois, Et les douces chanſons de ta fluſte eſcoutois, On dit qu’en meſme temps tes Vaches s’eſcarterent, Et iuſques aux paſtis de Tyle s’en allerent. Mais bien les deſcouurit Mercure toutefois, Qui les mena cacher ſoudain dedans les bois. De ce ſubtil larcin homme n’eut cognoiſſance, Horſmis vn bon vieillard, ayant pris ſa naiſſance, En ces meſmes quartiers, qui par les villageois Eſtoit nommé Battus homme manant és bois Qui lors alloit gardant les foreſts ombrageuſes, Et le haras paiſſant és plaines herbageuſes Du riche Roy Nelee en beſtail abondant. Lors Mercure s’en vint ce bon-homme abordant, Et doute qu’à quelqu’vn ſon larcin il rapporte. Si le prend par la main diſant en cette ſorte : Quiconque ſois amy, ſi deſcouurir tu peux Quelqu’vn icy venu pour y chercher ſes bœufs, D’vn propos reſolu donne luy aſſeurance Que tu ne les as veuz : & ton fidel ſilence Ie veux recompenſer d’vne aumaille en pur don Pour iuſte payement & merite guerdon. Pren doncques cette Vache (et luy en donna vne) L’autre tout esbaudy d’vne telle fortune, Reçoit de luy la Vache, & luy dit faulſement Tu t’en peux bien, l’amy, retourner ſeurement. Vois-tu bien cette pierre en apparente montre ? (Le vilain ce diſant vne pierre luy montre) Pluſtoſt pluſtoſt ſera par elle reuelé Ton larrecin commis, que par moy decelé. Cette promeſſe oyant, d’vne feinte ſemblance Le fils defupiter desguise ſon absence : Puis il reuient tout-court, mais de forme changé, De façon & d’habits & de voix estrangé : Luy disant ; Mon amy, ſçais-tu point la contree Où de mes Bœufs paissans la trouppe est esgaree ? Si tu me rends certain de ce larcin recent, D’vne Vache & d’vn Bœuf ie te feray present. Là dessus le vieillard qui luy promit ſilence Si tost qu’il oyt parler de double recompense : Les voylà (luy dit-il) broutans dessus ces monts, (Comme ils alloient de faict pasturans vagabonds) Ce propos frauduleux induit Mercure à rire ; M’accuses-tu à moy, traistre ? (luy vient-il dire) Tu m’accuses à moy ſ ? Lors l’ire l’enflamma, Et ce desloyal Pastre en pierre transforma, Pour l’auoir indigné, qu’Indice l’on appelle Encores auiourd huy, pour cet acte infidelle.

Les autres diſent qu’il luy oſta ſeulemẽt la parole, le rendant muet ; & qu’eſtant allé vers l’Oracle à Delphes, s’enquerir s’il y auoit moyen qu’il peuſt eſtre remis en ſon premier eſtat, & quelle retraitte il deuoit chercher ; il eut reſponſe qu’il ſe deuoit premierement informer du mal, puis-apres du bien : qu’il ſe retiraſt de la plage marine, & s’allaſt tenir bien auant en terre ferme : que dés le matin, renoncant à toute fraude & iniquité, il adoraſt deuotement la majeſté du Dieu preſidant ſur l’Oracle : qu’au demeurant chacun auoit touſiours vne fin & vne iſſuë correſpondante à ſes actions. Mercure Dieu des Paſtres.Or depuis ce vol, les anciens l’adorerent comme Dieu des paſtres & bergers, croyans qu’il auoit puiſſance de garder, benir, faire croiſtre & multiplier les troupeaux. Dauantage, il deſroba le Trident de Neptun, puis entra dans la forge de Vulcan, & en ſa preſence luy prit ſes tenailles. De plus, dés qu’il fut né, il lutta auec Cupidon, & d’vn coup de gambette le porta par terre. Et comme tous les ſpectateurs luy faiſoient careſſe pour ſa victoire, Venus auſſi luy voulut donner vn baiſer : mais ce fut à ſes deſpens. Car elle y perdit ſon demy-ceint, qu’il luy deſtacha, ſans qu’elle s’en apperceuſt. Et Iupiter qui ſe mocquoit de Venus deniaiſee, donna luy-meſme ſujet de rire à l’aſſemblee, car il luy deſroba ſon ſceptre ; & euſt auſſi volontiers emporté ſa foudre, s’il n’euſt craint de ſe bruſler. Vne autre-fois il deſroba vn tres-bon cheual, & rendit au lieu d’iceluy vn Aſne mangé de galle, engeolant ſi bien ceux auſquels appartenoit le Cheual, qu’ils ne s’en apperceurent point. Derechef il rauit vne tres-belle femme, qu’vn certain homme auoit eſpouſee : & au lieu d’elle rendit à l’eſpoux vne vieille eſdentee, morueuſe, ropieuſe, & qui paroiſſoit pluſtoſt vn maſque qu’vne perſonne. S’il vouloit faire quelque troc d’habits, ou d’autre choſe il en faiſoit tout de meſme ; car quelques-vns eſcriuent qu’il trouua le premier l’art de ioüer des traits de passe-passe, & des gobelets. En vn mot, il eſtoit ſi grand maiſtre en matiere de larcin, que par le teſmoignage meſme de ſa propre mere (dit Lucian) il ne ſe pouuoit tenir de nuict és Cieux, ains deſcendoit iuſques aux enfers pour y trouuer à deſrober. Zezes en la 202. hiſtoire de la 8. Chiliade, eſcrit qu’Autolyque pere de Laërte, ayeul d’Vlyſſe, eſtant preſque le plus pauure & le plus neceſſiteux de ſon temps, apprit de Mercure l’art de deſrober : & par ce moyen deuint extremement riche. Et des larrons.Or ayant Mercure acquis la reputation d’eſtre le plus ſubtil & le plus ingenieux larron du monde, les Anciens l’adorerent comme Dieu des larrons, teſmoin Homere en ſon hymne ;

Cet honneur te feront les viuans à iamais, Que le Prince aux larrons tu ſeras desormais.

Effects de la planete de Mercure.Et parce qu’il eſtoit ſi ſubtil en ce meſtier, ils auoient opinion qu’il les garantiroit des autres larrons ; Voila pourquoy ils posoient ſon image au deuant des huis & portes de leurs maiſons. On le pourtraict auec des ailes en la teſte & aux talons, au coſté vn coutelas courbé en façon de faucille, & deuant luy vn Coq planté ſur ſes argots : ieune & tres-beau, ſans aucun fard ne parure ; auec vn air de viſage gay, & des yeux bien emerillonnez. Ses charges & ofnces. Et pource qu’il eſtoit particulierement commis ſur les trouppeaux paiſſans au long du chemin de Lechee à Corinthe, on luy fit vne ſtatuë de bronze, ſeant auec vn Belier debout. Il eut en outre pluſieurs autres charges & offices, ſelon le teſmoignage de Lucian au Dialogue de Maïe & de Mercure ; car il auoit la charge de balaïer le refectoir des Dieux, de dreſſer & regler leur Cour. De iour il portoit de coſté & d’autre les commandemens de Iupiter ; ne ceſſant d’aller & venir : & deuant que Ganymede fuſt enleué au Ciel, il ſeruoit de Maiſtre-d’hoſtel à Iupiter. De nuict il conduiſoit aux Enfers les ames des treſpaſſez, & ne croyoient pas qu’aucun homme peuſt aller de vie à treſpas, ſi Mercure ne luy venoit par le commandement de Iupiter délier ſon ame diuinement attachee au corps mortel. (Liure 8. chap. 21.Pareille charge auoit Iris à l’endroit des femmes, ſous la domination de Iunon, comme nous l’expoſerons en ſon lieu.) C’est pourquoy Homere au dernier liure de l’Odyſſee, dit que les amans de Penelope ne peurent mourir que premierement Mercure n’euſt faict ſortir leurs ames hors de leurs corps. C’eſtoit auſſi ſon office d’introduire en nouueaux corps les ames qui auoient accomply leur termes és champs Elyſiens, & beu de l’eau d’Oubly. Il falloit qu’il aſſiſtaſt tantoſt aux exercices de la lutte, & tantoſt aux harangues qu’on faiſoit publiquement ; de façon qu’il n’auoit non plus de repos qu’vne pauure ame damnee. Outre-plus il auoit la charge des ambaſſades qu’on enuoyoit en temps de guerre pour demander la paix ; & ce d’autant qu’on le tenoit auoir eſté inuenteur des alliances & des trefues qu’on fait entre deux parties ; ſuiuant cette opinion Ouide au 5. des Faſtes l’appelle arbitre & moyenneur de paix & de guerre. Auſſi diſoit-on qu’attachant vne chaine d’or aux oreilles des hommes, il les menoit où bon luy ſembloit. Autre image de Mercure.Et parce qu’il eſtoit touſiours en voye, tantoſt au Ciel, tantoſt en terre, tantoſt és Enfers ; les Egyptiens auoient vne ſienne image ayant le viſage en partie noir, en partie clair & doré. Quelque part qu’il allaſt, comme grand ambaſſadeur & porte parole de Iupiter, il portoit en main le Caducee (ou la baguete blanche) entortillé de deux Serpens, maſle & femelle, s’enueloppans l’vn l’autre & s’entr’accollans d’vn bon & mutuel accord ; la queuë deſquels venoit ſe rendre à la poignee dudict Caducee, ſymbole de concorde. Virgile au 4. de l’Æneide touche vne partie des charges & offices qui luy eſtoient commis :

—Luy s’appreſte ſoudain D’obeyr à la voix du pere ſouuerain. Et tout premierement aux pieds s’attache iſneles Ses talonnieres d’or, qui la portent des aiſles En haut d’vn cours égal au vol des vents diſpos, Ore par ſus la terre, ore par ſus les flots Puis ſa verge ſaiſit. Luy par elle rappelle Les eſprits palliſſans hors de l’Orque, & par elle Les pouſſe au triſte creux des manoirs Tartarez Les ſommes donne et oſte ; & rend les yeux ſerrez Par le bandeau mortel : les vents par elle chaſſe, Et à trauers l’eſpais des gros nuages paſſe.

Mercure Dieu des marchãdsD’autre-part il fut premier auteur de vendre par poids & par meſures les denrees qu’on debite en detail, & de tout ce qui depend du faict de marchandiſe pour y prattiquer du gain : & meſloit gentiment & ſans conſcience le bien d’autruy parmy le ſien. Auſſi les gens de trafic le prindrent pour leur patron, comme nous dirons tantoſt. Dauantage il fut inuenteur de la lyre, de laquelle meſme il fit preſent à Apollon, apres s’eſtre accordez enſemble pour le larcin qu’il auoit commis. Et pour cette cauſe fut elle nommee Lyre, au lieu de Lytre, mot ſignifiant rançon, comme qui diroit, rançon payee pour le rachapt. Et croy volõtiers que le mot de Lut prenne de là ſon etymologie, car en pluſieurs autres extraits de la langue Grecque l’Y ſe change en T, comme l’inſtrument que nous appellons communément Ciſtre, ſemble eſtre la Cithare des Grecs. Et ſuiuant cette etymologie il vaudroit mieux l’eſcrire & prononcer Cithre. Mais ce ſont diſputes encores irreſoluës parmy les Autheurs. Or l’inuention de la Lyre ſe fit en cette maniere, c’eſt qu’ayant (comme eſcriuent Homere en l’hymne de Mercure, & Lucian au dialogue d’Apollon & de Vulcan) trouué vne tortuë morte ſur la greue du Nil, il la vuida toute auec vn ferrement, perca par endroits la coquille, colla du cuir à l’entour, luy appropria deux cornes ſeruans de branches, & les accoupla enſemble, accommoda le cheualet faict de bois, & vn fonds auec ſa ttable : & finalement la monta de neuf chordes (ſelon le nombre des Muſes) filees de boyaux de brebis, puis commença de les taſter auec le peigne, ou l’archet, & en tira vn ſon plaiſant aux oreilles, auquel en chantant il accordoit la voix. Les Interpretes de Pindare diſent que Mercure monta la lyre de ſept chordes, en memoire des ſept Atlantides, dont ſa mere Maïe eſtoit l’vne. Les autres diſent qu’il compoſa du premier eſſay vn inſtrument à quatre chordes, ſur lequel il eſtendit vn fil de lin, les chordes n’eſtans encores en vſage : duquel il recõpensa Apollon au lieu durlarcin qu’il luy auoit faict, & cettuy-cy luy fit preſent du Caducee. Apollon y adiouſta trois autres chordes, l’accommodant à autant de chalumeaux qu’auoit la fluſte de Pan. Et parce que cela fut faict en vne montagne prés celle de Cyllene, elle fut nommee Chelydorte ; d’autant que les Grecs appellent le lut Chelys, que les Latins nomment Teſtudo, c’eſt à dire, tortuë. Vertu du Caducee.Apollon ayant receu de Mercure le lut, luy donna cette verge, cy-deſſus nommee, ayant telle vertu, que miſe entre toutes perſonnes querellans, elle les pouuoit aiſément appointer & faire amis. Et de faict, Mercure en voulant faire preuue, la ietta entre deux Serpens qui s’entrebatoient opiniaſtrément, leſquels tout à coup deuindrent amis, tellement que cette meſme baguette de Mercure fut depuis ornee de deux Serpens entortillez tout-autour & la porta touſiours depuis pour marque & ſymbole de paix. On dit que Mercure fut le premier inuenteur des trois tons de Muſique, aigu, graue, & moyen : qu’il obſerua le premier le cours des Aſtres, & redigea l’annee & les iours à certain ordre qui n’eſtoient point auparauant limitez. Dauantage, qu’il fut autheur de l’aſtrologie & philoſophie : qu’il apprit aux Preſtres de Thebes la Religion & ſeruice des Dieux, leſquels ont eſté grands zelateurs de leur religion, ſelon les teſmoignages de Strabon au 17. liure de ſa Geographie, & de M. Manilius au 1. liure de ſon Aſtronomie, qui par vne quantité de vers veut montrer qu’il enſeigna aux Egyptiens tout le fondement de leur Religion, auec les ceremonies qu’il falloit obſeruer au ſeruice diuin, & les cauſes des choſes natu- relles. C’eſt peut-eſtre pourquoy le quatrieſme iour de la Lune fut dedié à Mercure, comme le premier & le ſeptieſme à Apollon, & le huictieſme à Theſee. Et croy que pour meſme raiſon Mnaſeas met Mercure au nõbre de ces venerables & ſacrez Dieux des Samothraces, pource qu’il eſt bien requis & expedient aux mariniers d’auoir la cognoiſſance des aſtres & choſes celeſtes. L’enarrateur d’Apolloine eſcrit que leſdits Samothraciens ſouloiẽt ſolemniſer ie ne ſcay quelle feſte, & que ceux qui eſtoient de cette confrairie ſe ſauuoient au milieu des plus fortes tourmentes de la mer. On dit qu’Vlyſſe fut l’vn des confraires, mais qu’il ſe ceignit d’vne bande ou ruban blanc, au lieu que les autres en appliquoient vn de pourpre autour de leur ventre. Or ils faiſoient leurs myſteres & leurs ceremonies à Cabire, & auoient certains Dieux qu’il ne leur loiſoit nommer, comme Axioërus eſtoit Cerés ; Axiocerſa, Proſerpine ; Axiocerſus, Pluton : auſquels on en adiouſtoit vn quatrieſme, Caſmilus ; c’eſtoit Mercure. Outre le ſeruice des Dieux qu’il dreſſa parmy les Egyptiens, Horace luy donne le los d’auoir appris aux hommes à mener vne vie plus courtoiſe & plus humaine qu’ils ne ſouloient, au premier liure des Carmes :

O petit fils d’Atlas, facond Mercure, Qui des premiers la ſauuage nature Sceus par ta voix, ſage, & par le doux air De ta musique appriuoiſer.

Mercure preſident ſur la lutte & ſur les sõges.Les Anciens croyoient qu’il preſidaſt auec Hercule à l’exercice de la lutte : pource qu’eſtant doüé de grande ſageſſe, on tenoit que c’eſtoit vne qualité qui ne ſeruoit pas de peu pour tel effect ; pource que la prudence doit touſiours eſtre conjointe auec la force du corps. Et parce que ladite vertu eſt fort requiſe pour l’explication des ſonges, on les luy conſacra, & ceux qui faiſoient profeſſion de les expliquer, inuoquoient ſon aſſistance & ſa faueur. Sommeil compagnon de Mercure & pourquoy.Auſſi luy donnoit-on ordinairement le Sommeil pour compagnon, tant pour l’authorité qu’auoit ce Dieu de reſueiller & endormir les humains par la vertu de ſon Caducee, comme bon luy ſembloit ; Langues dediees à Mercure.que pource qu’il preſidoit aux arts & ſciences, dont auroit iadis eſté prattiquee la ceremonie de bruſler les langues des victimes en ſacrifice à Mercure, & luy reſpandre vn peu de vin que l’on verſoit à la fin du ſouper pour dernier trait, pourautant que l’on preſume Mercure eſtre la parole, dont l’inſtrument eſt la langue, qui ſe taiſt par la ſuruenuë du Sommeil. Homere en l’hymne de Mercure nous apprend qu’il n’eſtoit pas ſeulement commis ſur les ſonges ; mais auſſi que les portes des logis, & la nuict meſme eſtoient en ſa protection.

Le cauteleux voleur & le larron des Bœufs, Sous la guide duquel ſont les ſonges nuitteus, De qui la majeſté venerable preſide Sur les huis des maiſons & ſur la nuict humide.

Æschyle en ſa Tragedie des Perſes le met entre les Dieux terreſtres, & l’inuoque auec le Roy des enfers :

Vous ſaincts demons qui voſtre erre Faictes icy bas, toy Terre, Toy Mercure, & le Roy noir De cet infernal manoir, Venez remettre cette ame En lumiere qui ſe paſme.

Mercure à 3. teſtes.On l’appelloit Dieu à trois teſtes, a cauſe de ſa triple puiſſance ; car il auoit pouuoir en mer, en terre, & au ciel, qui luy fut donné pour l’amour des trois facultez qui eſtoient en luy, naturelle, morale, raiſonnable : ou bien parce qu’ayant couché auec Hecate (ſelon le dire de quelques-vns) il en engendra trois filles. Philochore eſcrit que les Atheniẽs ſouloient ſolemniſer au 3. iour de là Lune en Nouembre vne feſte à l’honneur de Mercure le terreſtre ; & que la couſtume eſtoit de faire boüillir dans vn pot de toutes ſortes de ſemences & de grains meſlez enſemble : toutefois il n’eſtoit pas loiſible à perſonne d’en gouſter. Tous ceux qui auoiẽt eſté deliurez de dãger mortel, luy faiſoient ſacrifice comme à leur liberateur, ainſi qu’enſeigne Pauſanias és Attiques. Liure 8.chap. 19.Il tua par le commandement de Iupiter Argus, garde d’Ion, muee en genice, dont l’hiſtoire eſt amplement deſcrite ailleurs. Au reſte entre autres enfans qu’il engendra, il eut Pan ſelon le dire de quelques-vns, de Driops ; ſelon les autres, de Penelope, les autres ne nomment point ſa mere, il eut Eryx d’Aglaure fille de Cecrops : Eleuſis de Daïre Nymphe de l’Ocean : Brune d’Alcidame : Pharis de Philodame, fille de Danaus : Caïque d’Ocyrhoé, qui ſe precipita dans la riuiere de Zaure, & donna nom à Caïque, riuiere de Myſie : Polybe de Rhinophole : Myrthil de Cleobule, fille d’Æole. Euandre d’vne Nymphe fille de Ladon : Norace d’Erythiree fille de Geryon : Cydon d’Acacallis : Prylis de la Nymphe Iſſe : Lycaon, Cupidon, Eudore, Dolope, les Lares, Auctolie, Erythe, Echion, Æthalis. Il eut d’abondant pluſieurs autres enfans de diuerſes femmes, deſquels le nombre eſt ſi grand, que ce ſeroit choſe ſuperfluë & ennuyeuſe de les rechercher tous. Voyez liure 4.chap. 5.Quant aux Sacrifices qu’on luy faiſoit, c’eſtoit communément d’vn Veau, ſelon le teſmoignage d’Ouide au 4. des Metamorphoſes. Antigone en vn Epigramme Grec, atteſte qu’on luy offroit auſſi du laict & du miel, comme aymant les douceurs. Langues pourquoi conſacrees à Mercure.D’ailleurs Caliſtrate & Homere diſent qu’on auoit accouſtumé de luy preſenter les langues des beſtes ſacrifiees. Or c’eſtoit le dernier acte & la fin des Sacrifices, quand ils venoient à ietter les langues dans le feu, laquelle couſtume vint de ceux de Megare. Car Direchidas en l’hi- ſtoire des Megariens eſcrit, qu’Alcathoüs fils de Pelops s’enfuit de Megare, pour aller faire ſa demeure ailleurs, aprés auoir tué Chryſippe : & qu’ayant rencontré vn Lyon qui gaſtoit tout le pays, & faiſoit de grands dommages autour de Megare, pour lequel mettre à mort, le Roy de Megare auoit mis en campagne quantité d’hommes, il le tua, & luy coupant la langue, la mit dans vne poche, auec laquelle il s’en retourna à Megare. Puis aprés comme ceux qui auoient eſté enuoyez à la chaſſe du Lyon eſtant de retour ſe vantoient de l’auoir fait mourir, luy apportant ſa poche, le conuainquit de menſonge. Et pourtant le Roy faiſant pour action de graces vn Sacrifice ſolemnel aux Dieux, la derniere piece qu’il fit bruſler ſur l’autel fut la langue de la beſte ſacrifice ; & depuis ſes deſcendans garderent cette meſme couſtume, qui meſme s’eſpandit ailleurs. Toutefois les autres ayment mieux dire que la langue fut dediee à Mercure, & qu’il la luy falloit conſacrer, pource qu’elle ſe doit ſouſmettre & aſſuiettir à la raiſon & à la prudence. Il fut qualifié de pluſieurs ſurnoms auſſi bien que les autres Dieux, comme de Caduceateur ou Ambaſſadeur, meſſager des Dieux, Guide, Propylee, pource qu’on tenoit ſon image deuant la porte des maiſons, Cyllenien, & de pluſieurs autres tiltres, qui ſont pluſtoſt ennuyeux à lire que proffittables, pour eſtre tous noms eſtrangers. Et pource qu’il eſtoit commis ſur la marchandiſe & ſur le traffic, ayant le premier montré le moyen & vſage d’acheter & de vendre, comme ainſi ſoit que les marchands ſont bons couſtumiers de vendre bien ſouuent beaucoup de choſes & denrees à faux poids & meſure, & auec dol, il fut auſſi qualifié du ſurnom de Dolie, comme qui diroit plein de dol.

Mythologie de Mercure.Voila les contes qui ſe trouuent de Mercure ; voyons ce qu’ils contiennent de verittable. Mercure a eſté vn perſonnage de grand eſprit & bien auiſé, comme recite Lactance au liure de la fauſſe Religion : diſant que Mercure Triſmegiſte n’en nomme que trois qui auoient de la ſageſſe en toute perfection, Cœlus, Saturne, & Mercure. Ce fut luy qui de faict fut inuenteur des lettres, & de pluſieurs autres choſes fort propres à la vie humaine ; c’eſt pourquoy il fut tenu pour fils de Iupiter & de Maie, c’eſt à dire, de benignité celeſte. Car tout ainſi que la condition de la nature humaine eſt d’auoir touſiours faute & diſette de quelque choſe ; auſſi eſt-ce le propre de la diuine d’auoir toutes ſortes de biens à foiſon & abondance. C’eſt choſe humaine d’eſtre touſiours affligé d’incommoditez ; c’eſt choſe diuine de ſubuenir aux affligez : c’eſt choſe humaine de faire touſiours à Dieu quelque demande & ſupplication : c’eſt choſe diuine de donner & vſer de largeſſe & de gracieuſeté, en ſomme c’eſt à faire aux hommes de receuoir, & à Dieu de faire bien aux humains. Fils de Iupiter, quels.C’eſt ce qui a faict croire que pluſieurs d’entre les mortels eſtoient fils de Iupiter, & qui a donné ſujet de les tenir pour hommes diuins, de les placer parmy les Dieux immortels, & leur baſtir & dedier des Temples, Autels, ceremonies, & des Preſtres particuliers pour faire leurs ſeruices. Quant à moy i’ay bien opinion que les Anciens nous voulãs exhorter à l’eſtude de ſapience, ont forgé en leurs cerueaux les contes ſuſdits touchãt ; Mercure Pourquoi Mercure eſt le dieu d’éloquence des larcins & fraudes. car voulans montrer combien grande eſtoit la force d’eloquence & du bien dire, ils ont dit que Mercure eſtoit Meſſager & porte-parole des Dieux & des hommes. Et de fait c’eſt par le diſcours qu’on exprime la volonté des Dieux, le ſens des loix diuines, & l’inuention de nos bonnes conceptions & conſeils, qui ne peuuent proceder d’autre que de Dieu. Voila pourquoy l’on faiſoit courir le bruit qu’il trainoit les hommes où il vouloit, les attachant par l’oreille à vne chaiſne d’or. On luy a donné la reputation d’eſtre le Dieu des larrons, impoſteurs, & de toutes fraudes ; ſindic & patron des Marchãds, banquiers, traffiqueurs, courtiers ; non ſeulement pource que ſi l’eloquence & beau parler eſt conjointe auec vn mauuais & malicieux eſprit, il peut faire beaucoup de maux aux autres hommes : mais auſſi d’autant que ceux ſur la naiſſance deſquels la planette de Mercure domine, ſont voleurs, enclins au larcin, & à toutes ſortes de ruſes & cauteles. Car cõme ainſi ſoit que cette planete ſoit ſeiche & chaude, elle rend les hommes finets, ruſez & eloquens auſſi, tres-prompts à vſer d’aſtuce & de fraude ; joinct qu’elle ſeule a preſque autant de varietez, de mouuemens & deſtours que toutes les autres jointes ensemble. Car tantoſt elle s’auance, tantoſt elle recule ; tantoſt elle est haute, tantoſt baſſe ; tantoſt elle marche d’vn cours haſtif, & tantoſt il ſemble qu’elle ne bouge. Et pour denoter cette grande diuersité de changemens, on ne luy a pas ſeulement donné vn mouuement circulaire cõme aux autres, mais a-ton eſté contraint de luy en donner vn de figure ouale, pour mieux remarquer ce qui apparoiſtroit. Or doncques pour expliquer la viſteſſe de cette Eſtoille, ou la promptitude des eſprits ſur leſquels elle domine, les Anciens luy ont fait porter vne chauſſure garnie d’ailes, qui auec les vents l’emportent d’vn cours extremement viſte là où il est enuoyé ; toutes leſquelles choſes ne conuiennent pas moins à vn Orateur & ſage homme, qu’à cette meſme planete. Car il eſt bien requis que l’Ambaſſadeur ait l’eſprit prompt & ſubtil pour auoir touſiours dequoy payer contant, & ne ſe laiſſer point ſurprendre au deſpourueu faute de pouuoir repartir & reſpondre ſur le champ, & qu’il ait auſſi la langue bien penduë pour exprimer en bons termes ce qu’il veut dire. Cette planete s’accommode au naturel des autres auſquelles elle adhere ; pource que la prudence ne change point de condition, quelque proſperité ou aduerſité qui luy aduienne, mais demeure touſiours ferme, ſans ſe laiſſer esbranler en aucune façon. On dit qu’il tua Argus, qui contre la vo- lonté de Iupiter gardoit Io, transformee en Vache par Iunon, Raiſon de la mort d’Argus par Mercure.pource que cette vertu celeſte & la raiſon qui eſt en nous, qu’on a penſé eſtre Mercure, appaiſe tous les troubles & mouuemens qui ſourdent de cette partie de noſtre ame, qui eſt encline à la cholere, & ramene au giron de la raiſon tous les penſers de noſtre eſprit qui ne ſont pas bien reiglez. Lors que cette partie ceſſe & s’endort, on la peut appeller Argus ; car argos ſignifie tardif, peſant & pareſſeux : mais quand elle ſe reſueille, elle a cent yeux comme Argus ; d’autant que ſi nous courons aprés les boüillons & la fureur de cholere, & ſi nous nous laiſſons tranſporter à ſon appetit, nous commettrons beaucoup de choſes entre les loix, & diuines & humaines. Mercure donc, ou bien la raiſon de noſtre ame vient à retrencher cette mauuaiſe partie-là. Pourquoi Mercure eſt commis ſur la mer.Et pource que d’vn eſprit cauteleux & ruſé, comme d’vne fontaine qui iamais ne tarit, procede & decoule ordinairement vn beau parler, on a creu que Mercure eſtoit Dieu d’eloquence. On luy a donné puiſſance ſur les tempeſtes de la mer, d’autant que tout ainſi qu’on croyoit que les Dieux marins pouuoient accoiſer la mer eſmeuë, & la calmer : auſſi la force du bien dire eſt couſtumiere de faire ceſſer les diſcordes & diſſenſions des plus turbulentes & ſeditieuses villes : c’est ce qui a faict conſacrer à Mercure les langues, comme celuy qui entre les Dieux auoit le premier trouué les ornemens & l’artifice du bien dire. Car on luy donne le los d’auoir eſté inuenteur des lettres, d’auoir monſtré aux hommes les cours des aſtres, & de leur auoir donné des loix, ſelon leſquelles conformans leur vie, ils pouuoient viure auec plus de courtoiſie que de couſtume. Il nomma les choſes des noms qu’elles retiennent encore à preſent, & inuenta les inſtrumens de muſique, & tout ce qui concerne la doctrine & le ſçauoir humain, ce qu’Orphee au liure des pierreries donne à entendre, lequel voulant exhorter les hommes à l’eſtude, les renuoye à la cauerne de Mercure, pleine de toutes ſortes de biens & de commoditez, où il dit y en auoir de ſi grands monceaux, qu’on en pouuoit peſcher à pleines mains, en telle abondance qu’on vouloit, pour éuiter toutes incommoditez. Auſſi n’y a-il que la ſapience ſeule qui domine ſur les affaires de ce monde, qui ne craind & n’apprehende, ny les changemens de l’air, ny les menaces de Fortune. Et pource qu’on le tenoit pour eſtre meſſager des Dieux, ils ne l’ont pas ſeulement pris pour cette faculté de bien dire & diſcourir en bons termes, ou pour la ſageſſe meſme, qui peut teſmoigner & faire entendre la volonté des Dieux : mais auſſi pour cette vertu diuine, qui eſt d’enhaut empreinte és cœurs des hommes, & qui agence merueilleuſement bien les choſes humaines en leur ordre, & les y conſerue. Pourquoi ſur les ſonges & ames des treſpaſſez.Et croyãs que ce fuſt d’elle que procedaſſent les ſonges qui de nuict ſe repreſentent és eſprits des hommes, cela leur a fait dire que Mercure preſidoit ſur les ſonges. D’autre coſté quand ils venoient à conſiderer les changemens & les reuolutions de ce qui vit & meurt, & que cela ne ſe faiſoit pas ſans l’expreſſe volõté des Dieux, ils appelloient Mercure cette volonté & vertu diuine qui fait naiſtre & viure les choſes, & leur fait auſſi prendre fin & mort quand il luy plaiſt : de facon que quelques-fois la raiſon de noſtre ame, quelquefois la raiſon & ſageſſe diuine de laquelle noſtre ame eſt procedee, s’appelle Mercure. Or telles proprietez luy ont eſté attribuees, pource que ce fut le premier qui recognut le monde auoir eſté par la toute-puiſſance de Dieu creé, & que cette admirable compoſition de l’Vniuers ne ſe pouuoit gouuerner que par la prouidence diuine : pource auſſi qu’il preſcriuit aux hommes l’vſage & maniere de ſeruir & adorer les Dieux, & cogneut que ſans leur volonté & bon plaiſir rien ne pouuoit ny naiſtre ny mourir. Ainſi doncques d’autant qu’il auoit donné aux hommes la connoiſſance de l’eſtat diuin, & les auoit informez de la volonté des Dieux, on luy donna le tiltre de meſſager des Dieux. Et parce qu’il auoit enſeigné que toute choſe naiſſante & mourante auoit ſon origine d’enhaut, il eut le bruit d’auoir deuiſé & communiqué auec Iupin & Pluton, & expoſé aux hommes le ſecret des loix : c’eſt pourquoy ils eſtimerent qu’il fut guide des ames des treſpaſſez, conduiſant les vnes aux Enfers, les autres pour prendre demeure & logis en nouueaux corps. Or c’eſt aſſez diſcouru de Mercure : s’enſuit le traicté de Pan.