Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - V, 18 : Du Soleil Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Images : BnF, Gallica
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

Du Soleil.

CHAPITRE XVIII.

Genealogie du Soleil.CETTE excellente & incomparable creature que Dieu & nous a dõnee pour eſtre autrice de generation, & preſque de tous biens eſt embroüillee de tant de Fables, qu’à peine s’en peut elle deſueloper cõme d’vne eſpaiſſe nuee qui obſcurcit ſa clairté. La plus grand’part des Anciens a creu qu’il euſt eſté engendré, toutefois ils ne ſçauent bonnement de qui ; ſi eſt-ce que perſonne ne peut naiſtre de diuers parents, ny de meſmes parents en diuers temps & lieux. Heſiode en ſa Theogonie dit que Hyperion fut pere du Soleil, & Thia ſa mere, mere auſſi de la Lune & de l’Aurore.

Hyperion & Thie aſſemblez par amour Engendrerent la Lune, & le Flambeau du iour, Et l’Aube aux yeux vermeils, qui ouurant la paupiere Des hommes & des Dieux, leur fait voir la lumiere.

Mais Homere en l’hymne du Soleil dit qu’Euryphaëſſe, ſœur & femme d’Hyperion, fut mere du Soleil & des ſuſnommees : Hyperion fut fils du Ciel & de la Terre, (ou ſelon d’autres) de Titan : toutefois il ne voulut eſtre de la ligue des Titans, coniurez contre Iupin : ains pluſtoſt ſuiuit le party de Iupin, qui depuis la bataille & victoire gaignee luy fit preſent d’vn beau chariot, d’vne couronne, & de pluſieurs autres remarques & indices de ſa valeur & du bon ſeruice qu’il en auoit receu. Et pource que le Soleil eſtoit petit fils de Titan, les Poëtes bien ſouuent l’appellent Titan du nom de ſon ayeul : comme pour exemple :

Außi-toſt que Titan demain rallumera Sa torche, & de ſes rais le monde eſclairera,

dit Virgile au 4. de l’Æneide. Pluſieurs Soleils.Ciceron au 3. de la nature des Dieux rapporte qu’il y a eu pluſieurs Soleils : & pourtant il ne faut pas trouuer eſtrange ſi l’on eſt en differend touchant les parens du Soleil. Car tout ce qui appartient à pluſieurs ſe rapporte à vn ſeul. Le premier (dit Ciceron) de ce nom fut fils de Iupiter, & petit fils de l’Air : le II. d’Hyperion : le III. de Vulcan fils du Nil, que les Egyptiens diſent auoir baſty la ville d’Heliopolis, c’eſt à dire ville du Soleil. Car les Grecs appellent le Soleil Helios) le IIII. fut celuy que du tẽps des Heros Acantho enfanta à Rhodes, ayeul de Ialyſe, de Camir & de Linde, le V. qui à Colchos engendra Aëte & Circe. Et d’autant qu’on croyoit que le Soleil fuſt Dieu, & que par ſa clairté il illuminaſt tout l’Vniuers, & iettaſt ſes yeux par tout generalement, les Poëtes l’ont appellé Torche, Lampe & Flambeau du monde, & l’ont qualifié de pluſieurs autres titres tendans à meſme fin. En vn mot, les Anciens ont eſtimé qu’aprés Dieu, createur de toutes choſes, le Soleil fuſt autheur & moderateur, voire pere de tout ce qui vient à naiſtre : ioinct que ſelon leur creance il contenoit en ſoy luy ſeul toutes les vertus & puiſſances de tous ceux qu’ils tenoient pour Dieux, aſſignans pluſieurs & diuers noms aux effects qu’ils luy voyoient produire, comme il eſt euident par ces vers Grecs de Sappho, deſquels voicy le ſens :

O clair Phœbus gouuerneur des eſtelles, Qui dans ton char treluiſant nous r’appelles De l’Orient la lumiere du iour, Et puis vas faire ton ſeiour Durant la nuict dedans la mer Ibere ! O des nœufs Sœurs moderateur & pere, Prompt ſeruiteur du grand-Maiſtre des Dieux, Honneur & perle des hauts lieux ! O ſainct flambeau luminaire du monde, Nul à lancer des traits ne te ſeconde, Nul ne ſçauroit la douceur imiter De ton air quand tu veux chanter ! Tu as le los de bien ſçauoir prédire Ce que les feux eſtelle veulent dire. Tu reueſtis de verdeur les forés, Tu peinds de fleurs & champs & prés. C’eſt toy qui fais que tout oyſeau s’eſgaye Quand le ſouffler d’vne aure douce & gaye Fait reuerdir toute plante en ſon temps, Venant attiedir le primtemps. Venus ſe meurt, Adonis s’elangore Si ton braſier leur feu ne rauigore. Sans toy, mouuoir ne ſe peut aucun Dieu ; Car tu les tiens clos en vn lieu.

Et de faict les Anciens ont eſté ſi ſimples, ou pluſtoſt ſi aueuglez, que de rendre aux creatures, aux ſimulacres des Elemens, voire aux vertus & proprietez d’iceux, l’hõneur qui n’appartient qu’à vn ſeul vray, ſainct & incorruptible Dieu. Ce que i’eſtime ſe pouuoir deſcouurir par la lecture de ces liures Mythologiques, & par cette recherche de l’inuention des Fables & des ineptes reſueries des Anciens. Et d’autant que l’on m’a reſerué iuſques à preſent de les expoſer plus clairement & plus amplement qu’aucun n’ait encore faict : i’ay dequoy rendre graces à noſtre Seigneur, de ce que par ſa faueur il m’octroye de deſcouurir les ſottes ambages des Payens, ne contenans rien, ou peu, qui contienne de la vraye Religion : mais ſeulement des fictions pour expoſer ce qui concerne la Philoſophie. Selon leſdites reſueries, attribuans vne ſinguliere diuinité au Soleil : ils ont dit qu’il voyoit, qu’il oyoit, qu’il connoiſſoit toutes choſes, ſuiuant ce que dit Æſchyle en ſon Prometee :

I’inuoque du Soleil le cercle tout-voyant.

Quelques-vns l’ont eſtimé eſtre l’image de Dieu au monde, tant pource que toutes les autres Eſtoilles puiſent de luy comme d’vne fontaine toute leur clarté, & qu’ils l’ont reconnu pour autheur de toute beneficence enuers toutes les creatures qui ſont ſous le Ciel ; qu’auſſi à cauſe que par ſon ſecours il gouuerne & conduit auec iuſtice & bon regime la route des corps celeſtes qui le ſuiuent comme ſoldats leur Capitaine. Chariot du Soleil. Voyez Ouide. au 6. des Metamorphoſes.Ils le font cheminer par l’Vniuers ſur vn chariot magnifiquement riche & exquis, forgé par l’excellence de Vulcan, ayant l’aiſſieu, les limons, & le bandage d’or fin & maſſif, les raids d’argent ; les colliers & harnois des cheuaux enrichis de Chryſolythes & autres pierres precieuſes, qui par le battement du Soleil brilloient d’vne incomprehenſible lueur. Quatre cheuaux blancs le tiroient, nommez Piroïs, Eoë, Æthon, Phlegon. Et parce qu’à ſon leuer il nous ramene le iour, ils l’ont appellé Threſorier de la lumiere, fontaine & porte-clef de la vie humaine, comme fait Procule Grec :

Exauce moy Titan flambeau du monde, Qui vas guidant par la machine ronde, De tes Cheuaux l’embouchure & les frains, Forgez d’or fin deſquels tu les refrains : Grand threſorier qui la clairté rameine, Et porte-clef de cette vie humaine.

Et Horace en ſon Carme ſeculier :

Alme Soleil qui vas d’vn char luiſant le iour Deſcouurant à nos yeux & cachant à ſon tour.

Et quand il veut clorre le iour, ils feignent qu’il s’en va plonger ſon chariot dans la mer, comme Virgile au 3. des Georgiques :

Là le Soleil doré par ſes rais eſclairans Des ombres la palleur ne recule onc arriere, Ny quand au haut du Ciel il haſte ſa carriere Porté ſur ſes cheuaux, ny quand au rouge flot De l’Ocean il teint ſon roulant chariot.

Auſſi diſent-ils, que ramenant le iour, ſes Cheuaux ſe leuent de dedans le gouffre de la mer, & qu’ils ſoufflent le iour par leurs narines : comme dit Virgile au 12. de l’Æneide :

Le iour ſuiuant à peine auoit ſur les hauts monts Leué ſes rais eſpars, qu’iſſans des flots profonds Les cheuaux du Soleil d’vne courſe premiere De nazeaux releuez reſouffloient la lumiere.

Les autres feignent que durant la nuict il paſſe la mer dans vn vaiſſeau. Les autres diſent que Vulcan forgea au Soleil vn lict de fin or, ſi creux & profond, que la nuict venant il ſe couche dedans tout de ſon long ; & qu’arriuant à la mer Oceane, bien las du chemin qu’il a faict tout le long du iour, il trauerſe en dormant iuſques vers l’Orient. Là ſon chariot l’attend, ſur lequel il monte dés qu’il eſt eſueillé, & prend la route du Ciel, ce qu’il fait tous les iours. D’autres veulent que quand il arriue en Orient, les Heures luy tiennent ſon coche preſt, & ſes cheuaux harnachez, & dés que l’Aube apparoiſt, elles commencent à les atteler. Homere au 4. de l’Odyſſee ne fait mention que de deux cheuaux du Soleil, qui portent le Iour & l’Aube, à ſçauoir, Lampe & Phaëton. Mais d’autres en adiouſtent encore deux, Erythræe & Actæon. Or eſtãt verittable que le Soleil fait part de ſa lumiere à la Lune & aux autres Eſtoilles : c’eſt à bon droit qu’ils l’ont nommé ſeigneur & gouuerneur des Eſtoilles : & meſme que pluſieurs d’entr’-eux l’ont eſtimé d’eſſence diuine, pource qu’ils ont recogneu qu’il ſeruoit beaucoup pour la generation de toutes creatures. C’eſt pourquoy les peuples de Lybie voyans à l’œil les grands biens & commoditez que les hommes reçoiuent du Soleil & de la Lune, ne tenoient guere de conte des autres Dieux, & adoroient ſpecialement le Soleil & la Lune, comme dit Herodote en ſa Melpomene. Troupeaux ſacrez du Soleil.D’auantage ils content que le Soleil auoit des troupeaux particuliers de beſtes à corne & à laine, que les Heures & les Nymphes nommees par Homere au 12. de l’Odyſſee, luy gardoient en Trinacre, auiourd’huy Sicile :

Tu viendras puis-aprés en Trinacre iſle herbuë, Où repaiſt du Soleil mainte troupe cornuë, Mainte blanche toiſon : ſept troupeaux de grands bœufs Y foulent l’herbe aux pieds ; & ſept troupeaux laineux Chaſcun en a cinquante, & ne font point de race, Außi ne ſentent-ils du deſtin la diſgrace. Deux Nymphes au beau teint gardent en ces herbis Ces haras immortels d’aumailles & brebis, Phaëthuſe & Lampete à qui le chef rayonne, Que Neæree engendra du fils d’Hyperione.

Et ſur la fin du 2. liure de l’Odyſſee, il eſcrit qu’Vlyſſe ietté par la tempeſte en la coſte de Sicile, auint que ceux de ſa compagnie eurent faim, & ne trouuans promptement autre viande, s’enhardirent d’eſgorger quelques bœufs de ces troupeaux cependant qu’il dormoit. Ce que le Soleil (autrement Apollon) ayant entendu de ſa fille Lampetie, il s’en alla plaindre à Iupiter, qui deſirant de complaire à la requeſte de ſon fils, fit mourir tous les compagnons d’Vlyſſe à coups de foudre. Herodote en ſa Calliope eſcrit qu’en Apollonie, region du golfe de la mer Ionique, il y auoit des oüailles conſacrees au Soleil, qui de iour paiſſoient le long d’vne riuiere, qui deſcendant de Lacmon, montagne d’Apollonie, paſſoit par le havre qu’on appelloit anciennement Orique, & là ſe iettoit dans la mer. Ceux qui entre les habitans du lieu eſtoient gens d’apparence & de moyens, les retiroient chez eux de nuict l’eſpace d’vn an chacun à ſon tour. Il y auoit auſſi d’autres troupeaux de bœufs paiſſans és montagnes Pieriennes, communs à tous les Dieux en general, deſquels Homere en l’hymne de Mercure fait mention ;

—le poſtillon Mercure Vient és monts de Piëre ombragez de verdure. Là ſont les bœufs communs des grands Dieux eſttablez, Bœufs qui ne ſont iamais de vieilleſſe accablez.

Enfans du Soleil.On luy fait acroire qu’il eut pluſieurs enfans de diuerſes femmes & Nymphes. Car de Clymene, il engendra Phaëton, de Neære, Lampetie, Phaëthuſe & Paſiphaé : de Calypſo, Augias ; de Perſeïs, Circe ; Aloëe, Æete, Themis ou Ichnee. Mais Eumele, Poëte hiſtorien dit qu’Aloëe & Æete, furẽt fils du Soleil & d’Antiope. On dit auſſi qu’vn iour il ſe mit à courir aprés Anaxibie Nymphe, la voulant forcer ; laquelle ſe ſauua en la chappelle de Diane, ſurnommee la Droite, ſituee en vne montagne dicte Sommet, où elle diſparut. Depuis on a dict que le Soleil ſe leue de là, & pour cette raiſon la montagne fut nommee Orient. Phaſis auſſi fut fils du Soleil & d’Ocyrhoé, qui tua ſa mere pour l’auoir ſurpriſe en adultere, de quoy il fut ſi cruellement tourmenté par les Furies, qu’il ſe precipita dedans l’Arcture, riuiere de Colchos, qui depuis fut nommee Phaſis. Il eut encore vn autre fils, Mauſole, du nom duquel s’appelloit anciennement vne riuiere en Ethiopie au pays des Ichthyophages (ainſi nommez pource que le poiſſon eſt leur principale nourriture) que depuis on appella Inde. Quelques-vns diſent que le Soleil embraſſa par amour vne fois Venus en l’Iſle de Rhodes, & qu’elle luy fit vne fille nom- mee Rhode, qui fit porter ſon nom à ladite Iſle. Cette iſle eſtoit iadis habitee par les Telchins, fils de Thalaſſe, leſquels auec Caphire, fille de l’Ocean, nourrirent Neptun, aprés que Rhea luy eut enuoyé l’enfant. Premiers imagers.Ils furent gens d’eſprit, inuenterẽt beaucoup de belles choſes pour la commodité de la vie humaine : & furent les premiers qui taillerent & moulerent les images des Dieux : meſmes on a veu quelques antiques pieces qui s’appelloient Telchines. On dit auſſi qu’ils eſtoiẽt ſorciers, qu’ils faiſoient pleuuoir, greſler & neger quand ils vouloient, & ſe transformoient en telle figure qu’il leur plaiſoit. Les autres diſent que Rhode fut fille du Soleil & d’Amphitrite ; les autres de Neptun & d’Amphitrite : les autres de Neptun & de Venus, les autres de l’Ocean & de Venus. Or quand le Soleil s’accoupla auec Venus, il pleut de l’or, & grande quantité de Roſes fleurirent. Car Rhodon en Grec ſignifie vne Roſe ; & ladite Iſle fut depuis nommee Tripolis, pource que trois fils du Soleil & de Rhode, Linde, Camir & Ialyſe, y baſtirent trois villes, qu’ils nommerent chacun de ſon nom. Voicy encore d’autres enfans du Soleil : Epaphe, fondateur de la ville de Memphis : Macaree, Tenage, Triope, Ochime, Phaëton le ieune, Actis, Cercaphe : vn autre Phaëton, fils de luy & de Prote fille de Nelee : Æglé Hemithee, Dioxippe, Dircé, Milet (qui baſtit & nomma la ville de Milet en Ionie) qu’il engendra de Dione ; les Heures, Angeroine, Sterope, Egiale, & pluſieurs autres. Quant aux meres de quelques-vns des ſuſnommez, il y a de la diuerſité és eſcrits des Anciens : mais ce ſeroit hors de propos d’en vouloir determiner quelque choſe de certain. Beſtes ſacrees au Soleil.Or tout ainſi qu’on ſacrifioit vne geniſſe à la Lune pour leur conſemblance de cornes, on immoloit auſſi des cheuaux au Soleil, à cauſe de la viteſſe de cet animal, qui correſpond à la prompte & agile courſe du Soleil au Ciel. Et d’autant que la lumiere eſt blanche, ils l’eliſoient de Pelage blanc, comme auſſi ſon chariot eſtoit attelé de cheuaux de meſme poil. Ouide és Faſtes, où il nomme le Soleil du nom d’Hyperion (ainſi que fait Homere au 1. de l’Odyſſee) dit qu’il n’eſt pas ſeant d’offrir en Sacrifice vne beſte tardiue & peſante à vn Dieu ſi viſte & leger qu’eſt le Soleil. Mais Homere au 19. de l’Iliade teſmoigne qu’on immoloit pareillement vn Sanglier à Iupin & au Soleil ;

—que Talthibe s’en voiſe M’appreſter au milieu de l’armee Gregeoiſe Vn Sanglier pour offrir au Grand maiſtre des Dieux. Et au Soleil brillant d’vn eſclair radieux.

Et au 1. il nous apprend qu’on luy preſentoit auſſi en offrande vn Agneau blanc. Voyez le chap. 6. du 2. liur.Entre les oyſeaux, le Coq luy eſt dedié, pource que Gallus laiſſant ſurprẽdre par le Soleil, Mars qui paillardoit auec Venus, fut trãſmué en Coq, lequel depuis n’a ceſſé d’annoncer par ſon chant matinal la prochaine venuë du Soleil. Et d’autant que l’ardeur du Soleil bazane & noircit les perſonnes, la couleur noire luy eſt dediee ; Voila pourquoy le corbeau, qui eſt excellemment noir ſur tous autres oyſeaux, luy eſt conſacré.

Mythologie du Soleil.Expoſons maintenant ces Fables plus particulierement. Le Soleil eſt eſtimé fils de Thie, d’autant que toutes ſortes de biens procedent de la nature diuine ; car Thia ſignifie diuine. Hyperion eſt ſon pere, pource que la diuine prouidence s’eſpand par-deſſus tous les corps celeſtes. Puis donc que Hyperion, ſignifie paſſant ou cheminant par deſſus, & que c’eſt l’vn des Epithetes du Soleil, c’eſt à bon droit qu’on tient le Soleil eſtre ſon fils, ſoit que par Hyperion nous entendions la diuine prouidence ; ſoit que nous le prenions pour ces corps celeſtes qui ſont en perpetuel mouuement. Les autres conſiderans la nature du Soleil, luy ont donné Euryphaëſſe pour mere, pource qu’eurys, ſignifie large, & phaos ſplendeur ou clarté, & que le Soleil eſt le plus grand, le plus ample & plus clair-luiſant de tous les Aſtres. Il ſuiuit le party de Iupiter en la guerre des Titans : & pourtant il y gagna vne couronne, vn chariot, & telles autres honorables marques de ſa valeur : pource que les gens de bien & d’honneur, qui ont l’eſprit bon, & la ceruelle bien faite, fauoriſent pluſtoſt la verité & iuſtice, que de s’adonner à acquerir foce biens par meſchantes pratiques, par fraudes ou cruautez. Car ceux ſur la natiuité deſquels le Soleil domine, ſont ordinairement ſages & equittables, ioint qu’ils reçoinent de luy les biens & honneurs à ſuffiſance. Car comme on attribuë l’argent à la Lune, le fer à Mars, le plomb à Saturne, l’ambre à Iupiter (ſi ce n’eſt qu’on vueille prendre le mot d’électron, pour vn metal d’or, ayant la cinquieſme partie d’argent) l’eſtain à Mercure, l’airain à Venus : auſſi donne-on l’or au Soleil. Ainſi donc que perſonne ne peut loguement faire la guerre à l’equité ſans en receuoir punition : auſſi ne void-on point qu’vn homme de bien ſoit long-temps miſerable. Ils feignent qu’il marche en coche, pource qu’ils ne pouuoient aiſément comprendre les choſes eſloignees de leurs ſens, que par choſes ſenſibles. C’eſt pourquoy les Anciens ont tant diſputé des mouuemens des Cieux, car les vns aſſignoient à chaſque globe celeſte ſa propre ame, par le moyen de laquelle il fit ſon tour : les autres eſtimoient qu’vne ſeule ame pût ſuffire pour tous les autres en donnoient vne à chaſque eſtoille. Derechef les vns diſoient que le Ciel ſe contournoit ſans ceſſe autour de la terre : les autres maintenoient que le Ciel ne bougeoit point, & que la terre tournoit en rond. Mais que ſignifient les noms des cheuaux du Soleil, ſinon que le feu où la lumiere ? Car Pyroïs, ſignifie enſlammé : Æthon, ardent, Lampus, reſplandiſſant, Phlegon, bruſlant : fiction procedee de l’auis de ceux qui tiennent que les Eſtoilles ſont ignees, Eous, vaut autant que matineux, qui ſont toutes qualitez conuenables au Soleil. Et pource qu’il ſemble que le Soleil couchant ſe iette dans le mer, & que ſe leuãt il ſorte d’vn gouffre ; ils ont feint qu’il paſſoit la mer, couché dans vn lict forgé de la main de Vulcan ; & que quand il venoit à ſe reſueiller, eſtant arriué au riuage de l’Orient, les Heures, miniſtres & comme diſpenſieres des ſaiſons luy tenoient ſon carroſſe preſt pour monter deſſus. D’autant auſſi que le Soleil ſuit de prés l’Aube du iour, ils ont dict que les meſmes cheuaux qui portoient le Soleil, portoient auſſi l’Aube. Ils ont qualifié le Soleil du nom de Seigneur des Eſtoilles & de la lumiere, & Threſorier de la vie humaine, pource que les autres Eſtoilles puiſent de luy leur clarté, & ſelon qu’il s’approche ou recule, tous animaux ſont peu ou prou vigoureux. Luy-meſme eſt eſtimé autheur des maladies & de la ſanté de toutes creatures, de l’abondance des fruicts, & du rapport de la terre, & moderateur des ſaiſons, voire meſme Dieu, à cauſe d’vne infinité de bien-faits que les hommes reçoiuent de luy. Voila pourquoy les Anciens luy ont donné l’vn des premiers rangs entre les Dieux, eu eſgard aux grands & admirables effects qu’il produit ; conſideré auſſi que ſon mouuement eſt perpetuel & d’vne efficace incroyable. Quant aux enfans qu’on luy attribuë, ils ne ſont autre choſe que les forces & les vertus des rais qu’il eſlance ſur les corps naturels, comme la ſignification de leurs noms le montre : car Paſiphaë ſignifie Luiſant à tous : Phaëtuſe, Ardente : Lampetie, Reſplendiſſante ; Augeas, Reſplendiſſant ou brillant : Hemithea, Demideeſſe & preſque Diuine. Les Heliades, ſont les facultez du Soleil : tous les autres tiltres qu’on luy donne expriment quelqu’vne de ſes proprietez. Or il faut maintenant dire vn mot de Palés.