Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - VI, 02 : De Phaëton Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Phaëton.

CHAPITRE II.

Genealogie de Phaëton.PHAETON fut fils du Soleil & de la Nymphe Clymene : lequel ne voulant en rien ceder à Epaphe fils de Iupin ; & ſe vantant vn iour d’eſtre fils du Soleil, Epaphe, fils d’Io luy reprocha qu’il s’en glorifioit à fauſſes enseignes. Ainſi le teſmoigne Ouide au 1. des Metamorphoſes :

En fin on commença dés lors à reputer Et croire Epaphe fils du grand Dieu Iupiter, Les villes meſmement luy font cet honneur ample, Que par autel commun les joindre en meſme temple, Alors auecques luy Phaëton contendoit, Et d’aage & de valeur en rien ne luy cedoit, Phaëton auoit pris de Phœbus geniture ; Or il auint vn iour qu’Epaphe d’auenture L’ouyt d’vn fier propos ſes honneurs proferer, Oſant bien ſon lignage au ſien accomparer. Epaphe longuement cet outrage n’endure, Ains repartant ſoudain ; O folle jecreature, Tu crois ta mere en tout, et és tant abusé Que de t’enorgueillir d’vn pere ſupposé. Lors Phaëton picqué vient à rougir de honte, Et d’vn teint vergongneux ſa cholere il ſurmonte, S’en allant auertir ſa mere Clymené Des brocards d’Epaphus qui l’a ſi mal mené.

C’eſt ce qu’eſcrit aussi Zezés en la 137. hiſtoire de la 4. Chiliade, Mais Pauſanias en l’Eſtat d’Attique ſouſtient que Phaëton naſquit de l’Aurore & de la ſemence de Cephale, ce que teſmoigne auſſi Heſiode en ſa Theogonie. Or la Fable dit que Phaëton ne pouuant ſupporter les reproches d’Epaphe, alla faire ſes plaintes à ſa mere Clymene, s’excuſant de ce que nonobſtant qu’il euſt le cœur aſſis en ſi bon lieu qu’il n’euſt pas accouſtumé de ſe laiſſer brauer, neãtmoins il eſtoit party d’auec luy ſans paſſer plus outre, imputant cette faute à ie ne ſcay quelle vergongne qui l’auoit cõme tranſporté hors de ſoy-meſme : & la ſupplia tres-humblement de le vouloir aſſeurer ſi ce qu’on diſoit de ſa naiſſance n’eſtoit point impoſture & choſe feinte, ayant eſté dés ſon berceau nourry & abreuué de cette opinion qu’il eſtoit engendré du Soleil. Là deſſus ſa mere luy iure par ſon ſerment (à ſçauoir, par le nom meſme du Soleil eſpandant ſes rais par tout le monde) qu’il eſtoit vray & legitime fils du Soleil : vſant meſme de cette execration : Que ſi elle diſoit autre choſe que la verité, elle deſiroit de iamais ne voir la clairté d’iceluy. Conſeil de mere mal-auiſee, executé par ſon fils ieune de ſens.Et pour l’en mieux asseurer, l’exhorta de l’aller trouuer, & sçauoir s’il luy feroit cet honneur de l’auoüer. Palais du Soleil.Phaëton ſur cette aſſeurance s’achemine vers le Palais du Soleil aux Cieux ; Palais richement diapré, reluiſant d’or & d’azur de tous coſtez, garny de toutes ſortes de perles & pierreries, eſclattans d’vne lueur inſupporttable à l’œil humain. Il eſtoit couuert d’yuoire, & le portail d’argent, faict d’vn ouurage incomparable. Vulcan y auoit graué tout le circuit de la grand’mer, n laquelle on voyoit iouër & s’esbaudir toutes les diuinitez marines : Triton auec ſa trompe, Prothee ſe deſguiſant en telle forme qu’il luy plaiſt : Ægæon à cent bras luttant auec les balaines; Doris auec ſes filles Nymphes marines, dont les vnes paſſoient leurs temps à fendre l’eau de leurs bras doüillets, & s’eſgayer au milieu des ondes : les autres eſtoient montees sur vn rocher, où elles eſpuroient leurs cheueux auec les mains, & les ſeichoient au Soleil ; les autres cheuauchoient des poiſſons. D’autre coſté tout le rond de la terre y eſtoit ſi naifuement pourtrait, qu’on y voyoit ; hommes, villes, riuieres, foreſts, beſtes, Nymphes boſcageres & montagnardes, & lieux champeſtres, ainſi qu’en vn beau païſage. Arriuee de Phaëton vers le Soleil.Mais ſur toutes autres œuures diuines, paroiſſoit le Ciel, orné d’vne infinité de beaux luminaires & flambeaux, brillans d’vne ſi vifue ſplendeur, que Phaëton arriué demeura ſi ſurpris, qu’il commença d’entrer en quelque defiance de ſon origine, veu que ſes yeux n’eſtoient ſuffiſans pour ſouſtenir cette diuine clairté. Il void de loing Phœbus, veſtu de pourpre, aſſis en grande & venerable majeſté sur vn throſne luiſant & cloüé de pierreries, ayãt pour Aſſeſſeur à droit & à gauche, l’An, les Mois, les Iours, les Heures, les ſaiſons de l’annee, le Primtemps portant ſur ſa teſte vne couronne de fleurs, l’Eſté enuironnant ſon chef dvne couronne d’eſpis de bled, l’Automne monſtrant ſes membres barboüillez de la vandange qu’il venoit de fouller, l’Hyuer tremblottant de froid, garny d’vn gros & rude poil blanc heriſſé. Sa requeste.Au milieu d’eux eſtoit le Soleil, qui dés qu’il apperceut Phaëton n’oſant approcher plus prés, luy demãda la cauſe de ſa venuë : auquel il fit vne tres-humble requeſte : Que s’il eſtoit ainſi qu’il le peuſt à bons tiltres appeller Pere, il luy pleuſt luy donner certain teſmoignage par lequel il peuſt infailliblement connoiſtre qu’il fuſt son fils, afin que ce ſcrupule ne l’arreſtaſt plus à l’auenir. Là deſſus le Soleil, pour luy donner libre accez, ſe deſpoüillant d’vne bonne partie des rais qui l’enuironnoient ordinairement, le fit approcher de luy, & l’embraſſant luy en donna telle aſſeurance qu’il vouloit, l’acertenãt qu’il eſtoit sans doute ſon vray fils, & pour plus grande confirmation, luy iura par le Styx (ſerment ordinaire des Dieux) de luy donner tout ce qu’il luy demanderoit. Trop inconſideree, & surpaſſant les forces humaines.Phaëton bien fier de cette offre le ſupplia luy permettre de pouuoir ſeulement vn iour manier ſes cheuaux & ſon carroſſe auec l’adminiſtration de la lumiere. Phœbus oyant cette demande, extremément faſché en ſon cœur du ſerment qu’il auoit faict, & ne pouuoit retracter, veint à luy remontrer le grand haſard qu’il y auoit en cette entrepriſe ſurpaſſant ſes forces, entrepriſe que les Dieux meſmes n’eſtoient pas ſuffiſans d’executer ; tant s’en falloit que luy, mortel & ieune, en peuſt cheuir à ſon honneur : joint que luy-meſme ſe trouuoit bien embeſongné à tenir le droit chemin, & empeſcher ſes Cheuaux de fouruoyer, à cauſe du danger extreme qu’il y auoit de prendre vne route pour l’autre, & que de deux voyes, l’vne eſtoit si haute, que quand il venoit en montant à mont, à contempler en bas la mer & la terre ſous luy ; il ſe trouuoit tout ſaiſi d’effroy : l’autre eſtoit plus baſſe, mais non moins perilleuſe : ſi que quãd il venoit à deſcendre, ſa ſœur Thetis auoit grand peur qu’il ne ſe laiſſaſt, faute de bonne guide, precipiter au milieu de la mer. Aprés il luy remontre le continuel mouuement & reuolution du Ciel, tirant aprés ſoy ſi grande quantité d’eſtoilles ; la peine & difficulté qu’il y auoit de trauerſer les douze ſignes du Zodiaque : la haute & faſcheuſe charge que c’eſtoit d’entreprendre la conduite de Cheuaux ſi rebours que les ſiens, vomiſans flammes & feu par la bouche & nareaux. Somme il employa verd & ſec pour le deſtourner de ce deſſein, tant par aduertiſſemens que par prieres : mais plus il taſchoit de l’en deſtourner, plus il luy accroiſſoit cette temeraire enuie : ſes paroles, ſes conſeils, ſes remonſtrances, ſes prieres eſtoient autant d’alumettes pour attiſer dauantage ce feu qui bruſloit deſia dedans ſon ame. Accordee.En fin voyant qu’il ne gaignoit rien, il luy octroye ſa demande, & le mene voir ſon chariot. Chariot du Soleil.Ce chariot auoit l’aiſſieu, les limons & les rouës d’or fin, & les raids d’argent, enrichy de pierreries de grand prix. Les Heures vindrent à ſon commandement attelles les Cheuaux à ce chariot dés que le iour conmença de paroiſtre. Phœbus voyant ſon fils preſt à monter, luy donne auis du moyen qu’il deuoit tenir en la conduite de ſes Cheuaux, leſquels auoient plus beſoin de mors & de frain que d’eſperon, ou de foüet : n’eſtans d’eux meſmes que trop prompts : Puis luy adreſſe le chemin qu’il deuoit exactement ſuiure, ſans monter trop haut : d’autant que ce faiſant il enflammeroit les Cieux, ny deſcendre trop bas, pource qu’il embraſeroit la terre : reſtoit donc à ſuiure la voye du milieu pour la plus ſeure. Exemple singulier de la temerité des ieunes hommes.Mais le ieune homme boüillant & temeraire, ne tint pas beaucoup de conte de cet auis. D’autre coſté ſes cheuaux connoiſſans bien que ce n’eſtoit pas la main accouſtumee qui les guidoit, n’eurent pas ſi toſt commencé de fendre l’air, que ſentans cette main ſi legere, ils ſe mettent au grãd galop, & n’obeïſſans ny à bride ny à guide, laiſſent leur route ordinaire, & s’en vont à l’abandon où leur courage ardent les tranſporte. Phaëton eſgaré.Voila noſtre nouueau Carroſſier bien en peine, car il ne cognoiſt plus ne voye ne ſentier ; il a beau tendre la main à ses Cheuaux, il a beau leur tenir la bride courte & ſerree, ils ne connoiſſent point ſa main. Il void les plus froids ſignes celeſtes s’eſchauffer, à son approche, voire s’embraſer. Il regarde ceſte grande eſtenduë de Ciel qu’il laiſſe derriere luy ; il ſçait auſſi qu’il luy en reſte beaucoup d’auantage pour paracheuer ſa courſe, il ne ſçait s’il doit tenir les reſnes laſches, & n’a la force baſtante de les retenir, le pis eſt qu’il ignore les noms des Cheuaux. Il void tant de ſignes au Ciel, tant d’animaux au Zodiaque, dont la plus grand’part est monſtrueuse, entre autres il rencontre le Scorpion, contournant ſa queuë & ſes bras en arc, & de ſon corps faiſant deux ſignes qui ſembloient menacer Phaëton : ſi qu’il en prend telle eſpouuente qu’il laiſſe choir les reſnes de ſes mains. Le Ciel eſt en partie conſumé par feu.Quand les galands ſe voyent la bride aualee, ils prennent le frain à belles dents, vont & viennent où bon leur ſemble ſans empeſchement hors de l’orniere accouſtumee, roulans leur chariot, tantoſt en haut, tantoſt en bas, de façon qu’en peu de temps la plus grand’partie du Ciel fut en feu. La Terre.La Terre ne fut pas la derniere à s’en ſentir. Le haſle boit toute son humeur, l’herbe se flaiſtrit, les fueilles ſe hauiſſent, les bleds ſont consumez, les villes reduites en cendre, les foreſts & montagnes deuorees ; les eaux tariſſent, les Nymphes ſe deſolent pour la perte de leurs boſcages, riuieres & fontaines. Alors les Mores furent si bien eſchauffez en leur ſang, que depuis ils ont touſjours eſté noirs. La Mer.La Mer ſecha entierement, reſerué quelques trous cauerneux qui retindrent vn peu d’eau, où les poiſſons ſe ſauuerent, non ſans peine : Neptun s’efforca pluſieurs fois de leuer le nez hors de l’eau, mais l’ardeur inſupporttable qu’il ſentit, luy fit faire la cane. Les Enfers.Bref toute la terre ſe creuaſſe & s’entr’ouure, & par ſes fentes la flamme penetrant iusqu’aux Enfers, donne l’eſpouuente à Pluton & à ſa Proſerpine. Requeste de la Terre à Iupiter.La Terre ſe voyant en ſi piteux eſtat, fait ſa plainte à Iupiter, le ſuppliant, que ſi pour quelque meffait elle eſtoit digne d’vne punition ſi eſtrange, il luy pleuſt la consumer tout à coup, ſans la detenir plus longuement en cette langueur, & pour l’induire plus aiſément à pitié, luy montre ſa bouche tant haſlee de la vapeur de l’air, qu’elle ne la pouuoit plus deſerrer, ses cheueux tous roſtis & enfumez, ſes yeux grillez, & le viſage tout maſchuré. Elle luy remontre le deuoir qu’elle auoit fait de rapporter ſon fruict, de l’herbe pour la nourriture du beſtail, du bled pour les hommes, s’expoſans en toutes ſaiſons à l’eau, au froid & autres iniures de l’air : & de produire de l’encens pour en faire des parfums de bonne odeur aux Dieux ſouuerains. Aprés telles & autres remonſtrances, Iupiter eſmeu de ce deſordre qu’il voyoit au Ciel, en la terre & en la mer, voulut ramaſſer quelques nuës pour les faire fondre en bas afin d’eſteindre le feu, mais il trouua que la flamme les auoit deſia toutes deuorees. Le feu cesse par la mort du Chartier.Il eut donc recours aux tonnerres, & à la foudre, qu’il eſlança ſi rudement, que le Chartier, le chariot, & tout l’attellage fut diſſipé en pieces, & par ce moyen le feu ceſſa. Phaëton ainſi foudroyé fut long-temps tourbillonnant en l’air, & en fin precipité vers les monts Pyrenees, où l’Eridan prend ſa ſource : on l’appelle auiourd’huy le Pau. Les Nymphes prindrent ſon corps, & le mirent en vn tumbeau taillé de pierre, ſur lequel elles firent grauer cet Epitaphe :

Son Epitaphe.De Phaëton voicy la ſepulture, Qui bien qu’il ſoit mort par triſte auenture, En conduiſant le beau char paternel, Pour ſon haut cœur a renom eternel.

Regrets sur la mort de Phaëton.Phœbus eut tant de regret à la mort de ſon fils, qu’il fut vn iour entier ſans vouloir departir au monde ſa lumiere accouſtumee. Sa mere d’autre part deſchirant ſes habillemens ſe mit en chemin toute eſploree pour recouurer au moins les os de ſon fils, qu’elle trouua finalement enſeuelis en vne terre eſtrangere. Metamorphoſe de ſes sœurs.Les Heliades, ſœurs du defunct, pleurans leur frere iour & nuict, ſans admettre aucune conſolation, & couchees ſur ſa tumbe, ſans en vouloir departir, furent en fin tranſmuees en Peupliers : & leurs larmes en ambre-iaune, ſuiuant le teſmoignage d’Ouide au 2. des Metamorphoſes :

Dés lors iuſqu’à preſent de ces arbriſſeaux file Mainte larme luiſante, & en gomme diſtile, Dont l’ambre eſt façonné d’vſage nompareil Lors qu’il eſt endurcy des rayons du Soleil, Que les eaux d’Eridan reçoiuent & tranſportent En Italie, afin que les Dames le portent.

De Cycne Roy de Gennes.Cycne Roy de Gennes, parent de Phaëton à cauſe de ſa mere (autres diſent fils) en porta tel dueil, qu’il quitta ſon Royaume pour pleurer le deſaſtre de ſon parent & amy, tant qu’il fut auſſi luy-meſme transformé en vn oyſeau de meſme nom (Cygne communémẽt, lequel de crainte qu’il a de ſentir derechef pareille ardeur, ſe tient dedans l’element cõtraire au feu, & hante les riuieres & pays mareſcageux. Indignation d’Apollon, pour la mort de son fils.D’autre coſté Phœbus fut tant indigné de l’outrage qu’il auoit receu en la perſonne de ſon fils, qu’il ſe delibera de ne plus communiquer ſa clairté à perſonne, quittant la charge, & de Cheuaux & de chariot à qui voudroit & pourroit s’en acquitter : iusqu’à tant que tous les Dieux s’aſſemblerent pour le venir ſupplier de ne vouloir priuer l’Vniuers de la lumiere dont il ne ſe pouuoit paſſer. Iupiter meſme s’excuſant du mieux qu’il pût, le pria de poſer ſa colere, & retourner à ſa function ordinaire ; dont il ne voulut rien faire, iuſqu’à ce qu’auec les prieres il eust entremeſlé des menaces. Alors il reprint ses Cheuaux & les harnacha, deſchargeant ſur eux vne partie de ſa colere, & leur reprochant la mort de ſon fils, paracheua (dit Lucrece au 5. liure) ſa carriere encommencee. Liure 4. chap 11.Au reſte Artemidore Epheſien dit que les Celtes (c’eſtoient anciennement ceux qui ſont entre la Garonne & la Seine) tenoient pour certain que l’ambre ne veint pas des larmes des Heliades, mais bien de celles d’Apollon, lors que faſché de la mort de ſon fils Æſculape il ſe retira en la plage Septentrionale, vers les Hyperborees, eſtant fort irrité contre Iupin ſon pere. D’autres veulent dire que cela auint lors qu’il fut chaſſé du Ciel à cauſe de la mort des Cyclopes, & contraint de ſe mettre en ſeruitude. Quelques-vns croyent que Phaëton fut ainſi nommé depuis cet embraſement, & qu’auparauant il s’apelloit Eridan, duquel la riuiere ſuſdite porta le nom.

Mythologie de Phaëton.Voila les contes que les Anciens nous ont laiſſé en leurs memoires quant à Phaëton. Phaëton eſt dit fils du Soleil & de Clymene, d’autant qu’il eſt cette ardeur & inflammation qui prouient du Soleil ; car le verbe Phaetho duquel il est extrait signifie ardre. Clymene eſt ſa mere, c’eſt à dire l’eau, car ce mot vient de Klyo ſignifiant ondoyer. Or Anaxogoras & Heraclite ont eſtimé que les eſtoilles ſoient ignees, & nourries des vapeurs que le Soleil par la force de ſes rais attire de la terre, & quand ces vapeurs viennent à s’enflammer, alors la chaleur eſt vehemente, ce qu’on eſpreuue en Eſté. Car quant les vapeurs de la terre s’eſpaiſſiſſent, & lors que le Soleil les eſchauffe (ce qui auient principalement quand le temps ſe prepare à la pluye) alors on ſent vne grande chaleur, & preſque intolerable. Voila comment c’eſt que Phaëton eſt fils du Soleil & de Clymene, c’eſt à dire l’ardeur des vapeurs que le Soleil éleue en haut. Cephale mignon de l’Aurore.Les autres le font fils de Cephale & d’Aurore, parce que Cephale, qui ſignifie le chef où la teſte (duquel l’Aurore fut fort amoureuſe) ſe prend pour le Soleil meſme, chef & Prince de tous les aſtres ; car l’ardeur que nous ſentons, vient de la force du Soleil au moyen de son cours. Cause de chaleur exceſſiue.On dit qu’il impetra de gouuerner vn iour le chariot de ſon pere, pource que cette ardeur s’eſpand par l’vniuers, & bien ſouuent touche de ſa chaleur beaucoup de Prouinces ſi viuement qu’elle y gaſte & bruſle tout. Car i’estime quant à moy que cette Fable nous repreſente vne extreme ſechereſſe, ou bien vne chaleur extraordinaire & exceſſiue qui auint en quelque annee pour la conjonction de quelques planetes, le Soleil ſe trouuant ſur la fin de Septembre en la derniere partie du ſigne de la Balance ; c’eſt pourquoy les Anciens feignent que Phaëton deuant qu’arriuer au Scorpion, ſe ſentit ſurpris d’vne extreme frayeur, qui luy fit choir de ſes mains les reſnes de ses Cheuaux. Il s’eſgara principalement en cette partie du Zodiaque qui eſt la derniere de la Balance vers le Scorpion ; ce chemin s’appelle Voye-bruſlee, & contient dix degrez de coſté & d’autre. Car quand le chariot du Soleil fut arriué en tel endroit, & que neantmoins la chaleur ne cessa point pour la briefueté des iours, on crût que le chariot du Soleil auoit quitté ſa route ordinaire, & de là print-on ſuject de la Fable ſuſdite. Effets qui le ſuiuent commanément.Elle ne nous deſigne donc autre choſe qu’vne exceſſiue ſechereſſe prouenuë de l’aſſemblage & conionction de quelques eſtoilles errantes. Il chût vers le fleuue du Pau, parce qu’aprés telle ſechereſſe ſuit ordinairement vne rauine & lauaſſe d’eaux, ou quelque peſtilence, ou tremblement de terre, ou cherté de viures. Teſmoing en eſt cette chaleur deſmeſuree, & cette ſeichereſſe inouye, qui l’an 1242. ſaiſit la France, la Grece & l’Italie, aprés laquelle en l’an ſuiuant ſuruint vne ſi grande & horrible peſte, que de dix mille hommes à peine s’en ſauua-il vn. Il en eſt quelquefois auenu de meſme en Egypte & en Aſie aprés vne ſechereſſe extraordinaire, & rauiſſantes inondations & desbordemens d’eaux. Car durant l’Empire de Tibere Ceſar douze villes furent en vne nuict englouties par tremblement de terre. Et Aniximandre par l’obſeruation des eſtoilles predict aux Lacedemoniens non ſeulement la deſcente de quelques tempeſtes, mais auſſi de vents ſouſterrains qui ſecoüerent eſtrangement la terre. Iupiter foudroya Phaëton, & le precipita dans le Pau, anciennement nommé Eridan, pource qu’au leuer d’Orion & de l’Eridan (ſignes celeſtes) on void ordinairement choir de grandes rauines d’eaux. Or fut-il atterré d’vn coup de foudre, ſelon cette fiction, d’autant que les vapeurs de la terre, attirees par la chaleur en la plus haute partie de l’air, rangees à l’eſtroit par le froid qui les enuironne (car cette partie de l’air que les rais du Soleil n’eſchauffent point par leur reuerberation, eſt la plus froide) engendrerent durant cette ſechereſſe & firent eſclatter des tonnerres, des eſclairs, & des foudres, iuſqu’à ce que finalement cette chaleur fuſt diſſipee. Pour cette raiſon diſent-ils que Iupin le ietta de ſon chariot en bas, & qu’il reſtabliſt ce qui periſſoit par tel embraſement ; car Iupin ſignifie quelquefois la chaleur, qui eſt la vie de tout ce qui peut viure, quelquefois l’Element ou feu bruſlãt, quelquefois l’air, quelquefois l’eſprit diuin : & aprés cette eſtrange inflammation & chaleur l’air venant à ſe refraichir, recrea quand & & quand, reſiouit & regaillardit toutes choſes ayans ame & ſentiment.

Autres options touchans cette Fable.Quelques-vns veulent dire que cette Fable eſt iſſuë de ce que Phaëton fut le premier qui s’occupa à la contemplation du cours & des effects du Soleil, & que mourant premier que d’en auoir acquis vne parfaite connoiſſance, le bruit courut qu’il auoit eſté frappé de fouldre : teſmoing en eſt Lucian en ſon Aſtrologie. Sens moral.Les autres eſtiment que les Anciens ont voulu par cette fiction donner à entendre, qu’il ne falloit pas mettre és mains des ieunes gens, ou de ceux qui n’ont aucune experience le maniment des affaires importantes, ny le gouuernement d’vn Eſtat souuerain : veu qu’il n’appartient à perſonne de commander ou ſeigneurier autruy, s’il ne precelle les autres en ſageſſe & conſeil. Car ceux qui ont cõmis à des personnes, ieunes d’ans & d’auis, le regime de quelque Eſtat ou Republique, ont auec le temps reconnu qu’ils auoient faict vne lourde faute au grand hazard d’eux-meſmes, de leurs Eſtats, officiers, ou commis, & ſubjets. Raison de la Metamorphoſe des ſœurs de Phaëton.On adiouſte que les ſœurs de Phaëton porterent tant de dueil de leur frere, que par la miſericorde des Dieux elles furent trãsformees en peupliers. Cela ne ſignifie autre choſe, ſinon que de l’humeur de la terre, & de la chaleur du Soleil naiſſent pluſieurs ſortes d’arbres & plantes : toutefois quand la chaleur vient à ſurmonter la faculté de la matiere, elle n’eſt plus autrice de generation, ou bien de corruption. Mais le ſuc qui découle le dernier, ou des corps des animaux, ou des arbres & plantes, à cauſe de la force expultrice qui le fait ſortir hors, eſt plus groſſier : c’eſt pourquoy ils diſent que l’ambre iaune ſe fit des premieres larmes de ces peupliers tout fraiſchement nommez. Nartatiõ historique.D’autres ayment mieux accommoder cecy à l’hiſtoire, car il n’y a Fable qui n’ait pour fondement quelque partie de verité. Zezés en ſa cent vingt-ſeptieſme histoire eſcrit que Phaëton fut fils d’vn certain Roy, qui ſe proumenant en chariot, & conduiſant luy-meſme ſes Cheuaux le long de Pau, chût dans la riuiere & ſe noya, dequoy ſes ſœurs eurent ſi grand regret, qu’elles deuindrent toutes ſtupides, & pourtant le bruit courut qu’elles auoient eſté changees en arbres. Auſſi Plutarque en la vie de Pyrrhe, dit que Phaëton fut aprés le deluge le premier Roy des Theſprotiens & Moloſiens. Les autres ſouſtiennent que le ſujet de cette Fable veint de ce que quelque grande comete de la nature du Soleil, ſe diſſoluant en quelques contrees, y produiſit vne chaleur inſupporttable. Car la nature de la Comete eſt telle (ſoit elle vne vapeur amaſſee autour des eſtoilles, ou que de ſoy-meſme eſtat bien longue, elle vienne à bruſler & ardre peu à peu, ſoit qu’elle s’engendre de quelque autre cauſe) qu’il s’en enſuit vne ſechereſſe & vne chaleur exceſſiue, auec diſette d’eaux : d’autant que les vapeurs de l’air ſont plus promptes à s’enflammer en l’air, qu’à fondre en eau. Quant à ce qui concerne les mœurs, les anciens ont voulu rabaiſſer l’orgueil de quelques-vns, qui pleins de preſomption ſe font accroire des merueilles, ne penſent pas que rien leur ſoit impoſſible, & à cauſe de leur grade & qualité, ou de la nobleſſe de leur ſang, cuident tout ſçauoir : laquelle arrogance perd beaucoup de perſonnes, ou pour le moins les fait rougir de honte en beaucoup de bõnes compagnies. Voila ce qu’il eſt besoin de connoiſtre touchant Phaëton : s’enſuit l’Aurore ou Aube du iour.