Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - VI, 03 : De l’Aurore Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De l’Aurore.

CHAPITRE III.

Genealogie de l’Aurore.HESIODE en ſa Theogonie dit que l’aurore eſt fille d’Hyperion & de Thie, & ſœur du Soleil & de la Lune, comme nous auons remarqué au commencement du 17. chap. du liure precedent. Les autres la font fille de Titan & de la Terre. Les Anciens l’appellent Auant-courriere & chambriere du Soleil (comme Lucifer eſt Auant-courrier de l’Aurore) annonçant aux hommes la prochaine arriuee du Soleil. Homere en l’hymne de Venus dit qu’elle a des doigts roſins, à cauſe de ſa couleur vermeille, ou rougeaſtre, & qu’elle ſe fait porter aſſiſe en vn ſiege d’or. Car les Poëtes feignent qu’elle chemine par pays en vn carroſſe tiré par quatre Cheuaux de poil bay rouge ; teſmoing Virgile au 6. de l’Æneide :

En ces entre-deuis auoit l’Aube doree Par ſes quatre Cheuaux au teint roſin tiree Ia couru le my-ciel par ſon ætheré cours.

Toutefois ailleurs il ne luy donne que deux Cheuaux, & de couleur de Roſe rouge. Mais Theocrite ne luy aſſigne pas des Cheuaux roſins, ou rouges, mais blancs, en ſon poëme nommé Hylas :

Quand l’Aube à blanc Cheuaux reua chez Iupiter,

Lycophron neantmoins en ſon Alexandre dit que le Pegaſe ſouloit porter l’Aurore :

L’Aurore eſtoit deſia montee Sur le mont de Phage, portee Par le vol ailé du Cheual Pegaſe, abandonnant au val De Cerne, Tithon en ſa couche Fermant encor l’œil & la bouche.

Homere en l’hymne de Mercure dit qu’elle ſe leue & sort de l’Ocean, auſſi bien que le Soleil & les autres Eſtoilles, & que de là elle remonte en haut pour eſpandre la clairté par l’Vniuers, apres auoir paſſé la nuict dans les flots de la mer Oceane :

Des flots de l’Ocean l’Aurore matineuſe Rend aux hommes du iour la clairté lumineuſe.

Amours de l’Aurore & de Cephale.Pausanias és Laconiques eſcrit que l’Aurore eſpriſe de l’amour de Cephale, beau ieune homme, l’emporta quand & elle. Cephale eſtoit fils d’Eon, & auoit eſpouſé Procris fille d’Erechthee )ou selon d’autres de Hyphile) Roy d’Athenes, belle en toute perfection. L’Aurore ayant vn iour contemplé la beauté, la grace & la bonne mine dudict Cephale, en deuint fort amoureuſe ; mais voyant que par paroles ny promeſſes elle ne pouuoit faire condeſcendre ce ieune homme à ſon deſir, elle l’enleua de force. Toutefois ne pouuant meſme par ce moven esbranler ſa conſtance, elle le renuoya vers ſa femme, le menaçant qu’vn iour viendroit qu’il deſireroit n’auoir iamais veu Procris ; ce qui luy donna, comme on dit, martel en teſte, ſe perſuadant que ſa bien-aymee prodiguant en ſon abſence ſa pudicité, luy auroit fauſſé la foy, ſi bien qu’il ſe deguiſa, & s’en alla trouuer ſa femme en forme d’vn bonhomme d’affaires, & pour eſprouuer ſa chaſteté, luy fit de belles & riches promeſſes, auſquelles elle reſiſta conſtamment dés le premier aſſaut ; mais comme elle commençoit en fin à ſe laiſſer emporter à la valeur de ſes preſens, Cephale reprit ſa premiere forme, & luy reprocha fort aigrement ſa deſloyauté. Ce que Procris ne pouuant nier, confuſe de honte & de vergongne, elle quitta la maiſon de ſon mary, & ſe retira dans le bois. Mais comme il regrettoit infiniment ſon abſence, elle le vint trouuer ; & ſe reconcilians enſemble, luy fit preſent d’vn beau & bon chien nommé Lelape, & d’vn dard, leſquels Diane luy auoit donnez par grande excellence. Or en ce temps-là Themis auoit eſté chaſſee de ſon Oracle de Thebes par les Thebains, parce qu’elle embroüilloit ſi fort les reſponſes qu’elle leur donnoit, qu’ils ne les pouuoient comprendre. Renard ſuſcité par Themis aux Thebains.Et pour ſe vanger de cette iniure, elle leur ſuſcita vne mauuaiſe beſte, en façon de Renard, grand à merueilles, qui fit vn merueilleux rauage au pays, par la mort de grande quantité de laboureurs, & fit encore perir tous les troupeaux des champs. La Ieuneſſe du pays s’aſſembla pour prendre ce Renard ; mais il n’y auoit, ny halliers, ny rets, ny toiles, ny panneaux qu’il ne franchiſt : & quelques chiens qu’on halaſt apres, il ne faiſoit que ſe iouër deuant eux, tant il eſtoit viſte. Cephale laſcha ſon Lelape, mais comme il eſtoit preſt de joindre le Renard, tous deux furent conuertis en pierre. Il reſtoit encore à Cephale ſon dard, auec lequel il alloit à la chaſſe dés le point du iour, aſſeuré de n’en tirer vn ſeul coup en vain. Puis quand il ſe trouuoit haraſſé, aprés auoir abbatu mainte beſte fauue, il s’alloit repoſer à l’ombre de quelque belle vallee, en laquelle il ſe prenoit à inuoquer l’Aure, pour venir de ſon doux souffle luy donner refraichiſſement, chantant cette chanſon :

O belle Aura plaiſante & agreable, Vien dans mon ſein, & me ſois ſecourable ! Vien tout ainſi comme tu fais ſouuent, Pour refraiſchir ma chaleur de ton vent ! Vien tout ainſi que tu as de couſtume De mon trauail adoucir l’amertume ! Vien çà, mon cœur, vien ma joye & ſoulas, Seule allegeant mes membres qui ſont las ! Tu fais que i’ay aux foreſts mon eſtude, Aymant l’ombrage & lieux de ſolitude, Et pour garder ma ioye d’empirer Tu viens ſur moy doucement reſpirer.

Quelque lourdaut & mal-auiſé oyant d’auenture Cephale nommer pluſieurs fois le nom d’Aure en ſa chanſon, ſe fit accroire qu’il appelloit quelque belle Nymphe qu’il aymaſt, & de bouc eſtourdy (comme on dit) s’en alla imprimer cette ialouſe creance en la ceruelle de Procris. A cette premiere nouuelle la pauure Dame ſe laiſſa choir tout de ſon long eſuanoüie, puis reprenant ſes eſprits vint à deſplorer ſon malheur, ne pouuant (cõme diſent les femmes atteintes de meſme maladie) endurer qu’vn autre vint manger ſon aueine : toutefois elle diſſimula pour l’heure ſon mal-talent, ne ſe voulant de leger faire acroire que ſon Cephale euſt bien le cœur de preferer l’amour d’vne concubine au ſien. Elle en voulut donc eſtre teſmoing oculaire : ſi le ſuiuit le lendemain comme il partit pour aller à ſon exercice ordinaire, lequel finy, ſuiuant ſa couſtume, il s’alla rafraiſchir à l’ombre, diſant la chanson ſuſdite : & elle remplie de defiance (ſelon qu’amour eſt choſe pleine de ſoupcon) s’eſtoit cachee derriere vn buiſſon dans la foreſt où il chaſſoit : & comme elle ouyt proferer ce mot d’Aura, croyãt deſia pour certain que ſa ribaude deuſt arriuer, hauſſa la teſte pour mieux deſcouurir le fait. Procris inſciemmẽt tuee par Cephale ſon mary.Cephale oyant les fueilles & branches cracqueter, ſe persuada que ce fuſt quelque beſte fauue, ou autre qui fuſt à l’ombre du buiſſon, tellement que lançant ſon dard, il en transperça le corps de ſa chere femme : qui ſe ſentant blessee ietta vn grand cry, auquel Cephale accourant, recogneut que c’estoit ſa Procris, qui par son dernier A dieu luy fit cette requeſte :

Ie te ſupply, Cephale, par les Dieux Tant infernaux que ceux qui ſont és Cieux, Et pour l’accord de fermeté loyale Qui nous lia d’aproche coniugale, Et par l’honneur de ma fidelité, Si aucun bien i’ay vers toy merité : Et par l’amour qui touſiours me demeure, Qui ne meurt point ſinon qu’außi ie meure : Ce nom d’Aura par toy tant appellé, Hors de mon lict ſois mis & reculé.

A cette priere ſi amoureuſe, Cephale plus mort que vif, connut bien qu’elle s’eſtoit trompee à l’equiuoque : mais comme il taſchoit à luy faire entendre la verité du faict, & luy teſmoigner ſon innocence, elle rendit l’ame entre ses bras : aucunemẽt toutefois conſolee quand elle ſceut la loyauté que ſon bien-aymé luy auoit touſiours gardee. Hygin recite cette hiſtoire fabuleuſe au 189. chap. & Ouide au 7. des Metamorphoſes, toutesfois vn peu diuerſement. Aurore ayma auſſi Orion, & le rauit, ſelon le dire d’Homere au 5. de l’Odyſſee. Mais nous en traitterons amplement en ſon lieu. Liure 8. chap. 15.Elle enleua pareillement Tithon frere de Laomedon, & le prenant pour ſon mary, l’emporta à Delos : & quand elle ſe leue, elle le laiſſe dormir tout ſon ſaoul auec ſon fils Memnon, cõme feignent les Poëtes. Virgile au 4. de l’Eneide :

De nouuelle clarté l’Aube premiere nee, Laiſſant de ſon Tithon la couche ſafranee, Ià la terre épardoit ;—

Elle l’aima ſi affectionnément, que quand il deuint vieil, à force d’herbes & de drogues elle le fit raieunir. Elle conceut d’Aſtree les vents & les Eſtoilles, ſelon le teſmoignage d’Apollodore au 1. liure de ſa Bibliotheque, & d’Heſiode en ſa Theogonie :

L’Aube engendra les vents conjointe auec Aſtree. L’Argeſte Occidental, & l’engelé Boree, Le Zephyr & Notus.—

Mythologie de l’Aurore.Or ils la font fille d’Hyperion & de Thia, d’autant que par la bonté de Dieu le Soleil eſpand & diſtribuë ſa lumiere par le monde ; car quelle commodité auons-nous qui ne vienne d’enhaut ? Les vns l’appellent fille de Titan & de la Terre ; les autres la nomment meſſagere ou auant-courriere de Titan, & diſent qu’elle ſe leue de dedans la mer Oceane : pource qu’il ſemble à ceux qui nauigent, qu’elle ſorte de dedans l’eau, & à ceux qui ſont en la campagne deſſous terre, & de la clairté du Soleil au deuant duquel elle marche. Car la veuë de l’homme peut bien diſcerner la diſtance des lieux ſelon qu’elle peut eſtendre au long ; mais elle s’abuſe auſſi à cauſe de ſon imbecillité & de cette maſſe d’air interpoſee entre elle & les corps qui ſont eſloignez d’elle, & pourtant ſi nous voulons meſurer quelque choſe eſloignee de nous, il faut que nous nous ſeruions des inſtrumens de l’optique & de la perſpectiue, ou autre choſe qui ſoulage & reſtreigne noſtre veuë. La nature doncques de l’air trouble, & des vapeurs, qui continuellement s’eſleuent en haut, fait que la lumiere du Soleil ſemble eſtre blanche à ſon leuer eſtant encore tenve & deliee, & celle de l’Aube, roſine & rougeaſtre. Voila pourquoy les Poëtes l’equippent d’vne couleur de Rose, de doigts roſins, d’vne chaire d’or, & de Cheuaux bay-rouges, tels que le Soleil en a auſſi ; & à cauſe de la viſteſſe de ſon mouuement, ils la font marcher en carroſſe. Les autres diſent qu’elle auoit des Cheuaux blancs, n’ayans pas eſgard aux vapeurs montans en haut, mais à la nature & qualité de la lumiere. Parlons maintenant de ſon fils Memnon.