Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - VI, 15 : De Thamyris Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1627 Images : BnF, Gallica
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Thamyris.

CHAPITRE XV.

Anceſtres de Thamyris.THAMYRIS ou Thamyras, fut fils de Philammon (qui fut fils d’Apollon & de la Nymphe Chione) & de la Nymphe Arſie, ou pluſtost Agriope, ſelon les autres, natif de Thrace, & Agriope de Parnaſſe ; laquelle enceinte s’en alla à Odryſe, ville de Thrace pour lors fameuſe & riche, pource que Philammon faiſoit refus de l’eſpouſer. Thamyris donc eſtant en aage fut d’vne fort belle & agreable taille, & d’vn eſprit accomply en toutes graces & perfections. Ses rares dons de nature.Entre ſes autres vertus l’on dit que les vers qu’il faiſoit eſtoient ſi bien ſonnans, & contentoient ſi gentiment l’oreille, qu’il ſembloit que les Muſes meſmes les euſſent compoſez. Les airs qu’il chantoit eſtoient mignards au poſſible, ſa melodie non moins delecttable qu’il eſtoit gracieux & beau. Plutarque au liure de la Muſique dit qu’il eſcriuit la guerre des Titans contre les Dieux, d’vn ornement de langage ſi bien ageancé, d’vn diſcours ſi net, ſi poly, ſi plein de douceur & d’attraicts, que iamais on ne vid de plus gentille, ny de plus belle Poëſie. Mais d’autant que ceux qui ſurpaſſent les autres en excellence d’eſprit, ou qui ont en fin quelque choſe de plus rare que le reſte du monde, ſont le plus ſouuent accompagnez d’orgueil & de fierté, d’arrogance, voire de temerité & meſpris de ceux qui ſçauent quelque choſe en meſme profeſſion : Orgueil de Thamyris defiant les Muſes.Thamyris oſa bien deſdaigner les Muſes meſmes qui luy auoient conferé quelque choſe de plus excellent qu’à ſes cõpagnons, leur cracher pouïlles, & les deffier à chanter, au lieu quil luy euſt eſté plus ſeant de leur rendre graces des biens-faicts qu’il auoit receus d’elles. Ainſi doncques apres ce deffi, comme il eſtoit en Meſſine, & que d’Oecalie il alloit à Dore, il rencontra les Muſes en son chemin ; auec leſquelles il fit telle compoſition, Que s’il vainquoit, elles s’abandonneroient toutes à luy, pour en iouyr à ſon plaiſir ; s’il perdoit, il ſe rendroit à leur diſcretion. Si fut vaincu Thamyris, & sur le champ meſme perdit la veuë, auec vn oubly general de tout ce qu’il ſçauoit en muſique, comme le teſmoigne Homere au deuxieſme de l’Iliade. Au partir de là ayant de deſpit ietté ſa harpe dans la premiere riuiere qu’il rencontra, elle fut pour cet effect nommee Balyre, de deux mots Grecs, dont l’vn ſignifie ietter, l’autre, lyre, ou harpe. De là eſt venu le prouerbe contre ceux qui font quelque choſe outre leur propre naturel, Thamyris est fol. Toutesfois Pauſanias és Meſſeniaques dit que cela luy auint par maladie, comme il en prit à Homere & à quelques autres, non pour aucun meſpris des Dieux, ains par accident naturel. Il y a plus d’apparence à ce que dit Prodique Phocien, qui a eſcrit des vers ſur la Minyade (Minya est vne ville de Theſſalie, de laquelle les Argonautes, qui firent auec Iaſon le voyage de la toiſon d’or, ſont appellez Minyens) que Thamyris ſouffre vn cruel ſupplice aux Enfers pour ſon arrogance & temerité, veu que le cours de cette vie eſt trop bref pour la punition d’vn ſi grand crime. Zezes qui fait profeſſion de drapper les inepties d’autruy, en ſa 108. hiſtoire de la ſeptieſme Chiliade, dit que Thamyris a eſté vn Poëte tres-excellent, qui eſcriuit la creation du monde en cinq mille vers : mais eſtant ſuperbe & hautain, & ſes eſcrits perdus, les anciens ont pris ſujet de dire qu’il auoit deffié les Muſes, qu’il eſtoit deuenu aueugle, & que les graces diuines qu’il auoit tant à compoſer de beaux vers, qu’a chanter excellemment, luy auoient eſté oſtees. Intention des anciens en la cõpoſition de leurs Fables.Qui ne void bien que ceſte explication de Fable eſt merueilleuſement froide & de peu de gouſt ; car les Anciens n’ont pas introduit leurs Fables pour en faire des contes de vieilles : mais bien (comme ils diſoient) à fin que par la crainte & reuerence des Dieux ils deſtournaſſent les hommes d’vne vaine gloire & arrogance ; à l’exemple de ceux qui ayans eſté tels auoient eſté rigoureuſement chaſtiez de leur temerité pour les inciter à la recognoiſſance des plaiſirs ou des ſeruices qu’on leur fait, & leur apprendre à ne ſe point trop allaſchir és aduerſitez, ny ne s’enorgueillir outre meſure és proſperitez de ce monde, l’vn & l’autre deſquels vices & extremitez eſt deſplaisant à Dieu, & indigne d’vn homme faiſant profeſſion de ſageſſe. Voilà, ce me ſemble, les cauſes qui ont eſmeu les Anciens à la compoſition de leurs Fables, plus honneſtes & vray-ſemblables que celles de Zezes, combien qu’il les couure de quelque apparence d’hiſtoire. Or ie ne met trois pas en ieu les ridicules explications des Fables qu’il allegue quelquefois, ſçachant bien que c’eſt le faict de l’homme de faillir par fois, errer, & ſe tromper, s’il ne ſe montroit luy meſme plus arrogant & importun que Thamyris, & pour dire en vn mot, s’il ne pourſuiuoit à cor & à cri meſme les plus legeres fautes d’autruy. Car nul homme de bien ne doibt en eſcriuant meſdire aucunement de l’honneur & dignité des autres, ains diriger tous ſes eſcrits à ce but, qu’ils puiſſent ſeruir pour l’vtilité & inſtruction du ſiecle preſent & à venir. Mais ceux qui couchent par eſcrit des meſdiſances, des niaiſeries & ſornettes, des matieres ſales & deshonneſtes, doibuent eſtre eſtimez tels que ſont leurs eſcrits, par leſquels on peut aiſément deſcouurir quelle eſt leur humeur & quelle leur façon de viure. Venons maintenant aux autres.