Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - VIII, 11 : D’Æole Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

D’Æole.

CHAPITRE XI.

Genealogie d’Æole.ÆOLE Empereur des vents, ou pluſtoſt threſorier, comme quelques-vns le qualifient, fut fils d’Hippotas, comme l’enſeigne Ouide en l’epiſtre de Leander :

Appaiſe toy, pren pitié de ma peine, Et doucement modere ton haleine, Ainſi te ſoit l’Hippotade ton Roy Doux et bening, que tu ſeras à moy.

Apollonius au 4. des Argonauchers l’appelle fils d’Hippotas. Euthydeme Athenien au liure des Saulmures eſcrit que Menecle, fille de Hylle de Lipare fut mere d’Æole : mais Eudoxe Cnidien au 2. liure du circuit de la terre, dit que la mere d’Æole fut Ligye, fille d’Actor de Caryſte. Et combien qu’il y en ait eu pluſieurs autres de meſme nom, toutefois tout ce qu’on peut dire d’eux ſe rapporte à celuy qui fut fils d’Hippotas. Quelques-vns l’eſtiment fils de Iupiter. Il demeuroit en l’vne de ces ſept Iſles qu’on appelloit iſles d’Æole, laquelle ſe nommoit Strongyle, entre l’Italie & la Sicile. Toutes ces iſles eſtoient ſubiectes à Æole. Celle de Strongyle s’appelloit ainſi, pource qu’elle eſtoit en forme ronde. Car Strongyle en Grec ſignifie rond : auiourd’huy l’on la nomme Stromboly. On l’appelle auſſi Lipare la graſſe, & Thermiſſe, à cauſe du feu qui y rejalit, & Euonyme la gauche, parce que paſſant de Lipare en Sicile on la deſcouure à main gauche. Et pource que les manans d’icelle connoiſſoient à la fumee trois iours auparauant les vents qui deuoient regner, cela fit dire qu’Æole, ſeigneur de cette iſle-là eſtoit Roy des vents, & que la forge de Vulcan eſtoit en ce pays-là. Callias au 10. liure eſcrit à Agathocles, raconte, qu’il y auoit là vne haute croupe de montagne, auec deux trous regorgeans du feu, deſquels l’vn auoit 375. pieds de circuit, dont iſſoit vne grande lumiere, de façon que la clairté s’en eſtendoit bien loing : & de ce gouffre ſortoient par la vehemence du feu de gros quartiers de pierre embraſez ; & que quand Vulcan venoit trauailler à ſa forge, on y entendoit vn ſi grand tintamarre, Vn ſtade faict 125. pieds.que le bruit s’en eſpandoit iuſques à plus de 500. ſtades. Les quartiers de pierre allumez que le feu iettoit dehors, eſtoient de couleur, ou rouge, ou violete à cauſe du feu, ſi brillans qu’on ne les pouuoit non plus regarder, eſtans embraſez, que le Soleil : & de nuict on voyoit fort à clair tout ce qui ſe faiſoit quant à la beſongne de Vulcan : mais de iour on deſcouuroit en ladite croupe d’où ſortoit cette flamme, vn broüillas comme vne noire nuee, ſe poſant ſur cette place-là. Pytheas au liure du circuit de la terre dit que les Anciens auoient de couſtume de poſer à l’entree, des pieces de fer hors d’œuure, auec le ſalaire qu’il falloit, ou pour en forger vne eſpee, ou vne coignee, ou quelque autre choſe que ce fuſt en la nommant, puis reuenans le lendemain, ils trouuoient leur beſongne faicte. Les autres diſent qu’Æole regna à Rhege en Italie. Homere au 10. de l’Odyſſee l’appelle moderateur & threſorier des vents, commis à telle charge par le ſouuerain Iupiter pour les eſmouuoir & les calmer comme bon luy ſemble. Et Virgile au 1. de l’Æneide deſcrit toute la puiſſance d’Æole comme s’enſuit :

Là les vents tempeſteux, les orages grondans, Sous ſon puiſſant empire enfermez au dedans D’vn antre cauerneux contient le Roy Æole, Les bride de liens & d’vne eſtroitte geole ; Eux fremiſſant autour de leur cloſture font Deſpiteux eſclater d’vn grand bruit tout le mont. Dans vne haute tour Æole aßis ſejourne, Tenant le ſceptre en main, flate leurs cœurs & tourne Comme il veut leur courroux ; car ſans les reprimer, Ils pourroient rauiſſaus & ciel & terre & mer Auec eux emportez, entrainer par le vuide ; Mais redoutant cecy pour les tenir en bride, Le Pere tout-puiſſant les empriſonne, ireux, Dans des abyſmes noirs, amoncelant ſur eux La charge des hauts monts, & leur donnant vn prince Qui par certaine loy gouuernant leur prouince, Commandé, ſçeuſt le frein par-fois leur allonger, Et par fois ſous le mors eſtroittement ranger.

Car deuant qu’Æole euſt commandement ſur les vents, on dit qu’ils ſe battirent pluſieurs fois les vns contre les autres, & ruinerent beau- coup de bonnes villes & prouinces : comme quand par leurs continuelles & impetueuſes courſes ils demembrerent la Sicile d’auec l’Italie, Mer Mediterranee non de tout temps.& comme ainſi ſoit que iadis n’y euſt point de mer Mediterranee, la violence d’vne tempeſte s’eſleuant & regnant vne bonne eſpace de temps ſur la mer Oceane, fendit la terre, d’où l’eau entrant par la montagne de Calpe és confins de l’Eſpagne, fit cette mer Mediterranee, pource que le pays eſt bas, ſepara l’Afrique d’auec l’Europe, rompit & briſa les montagnes qui enfermoient la terre, & par ſon impetuoſité ondoya tout ce pays-là, plus affaiſſé que le reſte és enuirons vers l’Occident, prés des colomnes d’Hercule ; & les montagnes qui eſtoient là deuindrent iſles. Qui oſeroit nier cela tout à plat à cauſe de l’antiquité ? Enfans d’Æole.Cet Æole Hippotade eut ſix fils & ſix filles, entre leſquels on nomme Magnes, Æthlie, Iocaſte, Canagre, Perier, Arne, Pheræe : & ne me ſouuient point en auoir leu d’autres : mais quant aux enfans des autres Æoles, on faict mention de Macaree, Athamas, Siſyphe, Miſene, Iphicle, Salmonee, Cephale, Critee, Alcione, Canace. Vents pourquoi nommez Thraciẽs.Au reſte les Poëtes ont appellé les vents Thraciens, pource qu’ils eſtimoient qu’ils vinſſent de cette contree-là, & Dionyſophane a eu opinion qu’il y euſt vne cauerne en Thrace d’où les vents ſortoient & s’eſpandoient par le monde : & meſme ils cuidoient que leur domicile fuſt en Thrace : & ſuiuant cet auis Homere au 14. de l’Iliade dit que,

De Thrace iſſoient ſoufflans la Biſe & le Zephire.

Et Horace au 4. des Carmes :

Or la mer doucement flatans Vont les toiles les vents de Thrace Pouſſant, compagnons du prim-temps.

Quelques-vns veulent dire que les iſles d’Æole ſont preſque toutes égales, & ont de circuit plus de cent cinquante ſtades, diſtantes autant de la Sicile. On dit qu’elles auoient des ſources de feu, & des trous & fentes ſouſterraines qui paruenoient iuſques-là, & furent deſertes quelque eſpace de temps, iuſques à ce que Lipare, fils d’Auſon ayant querelle auec ſes freres arriua là, auec quantité de vaiſſeaux & de ſoldats Italiens, & s’habitua en l’vne de ces iſles, que de ſon nom il appella Lipare. Moyens & vertus requiſes à vn nouueau Cõquerant.Æole eſpouſa ſa fille Cyane, & fit de tous coſtez venir gents pour peupler ſon iſle, dont auint que non ſeulement Lipare, mais auſſi toutes les autres furent habitees. On adiouſte qu’Æole fut tres-benin & courtois enuers les eſtrangers & paſſans, exerçant iuſtice à ſes ſubiects ; & bon guerrier : au demeurant Prince de bon entendement, & qui n’ignoroit rien de ce qui concerne la ſageſſe humaine : comme de faict il fut premier inuenteur en ce pays-là de voiles pour l’vſage des mariniers. Quelques-vns luy donnent pour fils, Xuthe, Andiocle, Pheremon, Iocaſte, Agathyrne, Aſtyoche : & d’autant qu’il auoit bonne connoiſſance des vents, & prediſoit ordinairement ceux qui deuoient ſouffler, cela luy fit donner le tiltre de Threſorier des vents, comme nous auons dict.

Mythologie d’Æole.Or conſiderons le ſuject qui a induit les Anciens à faire ces contes, Iſace nous apprend qu’Æole fut homme fort bien verſé en l’Aſtronomie, & qu’il s’exerça principalement en cette ſcience qui concerne la nature & qualité des vents, pour le profit des nauigeans. Ainſi doncques il prediſoit, pour exemple, quand le Soleil s’approchoit du ſigne du Taureau, quel deuoit eſtre l’eſtat de la mer, qu’elle tourmente la menaçoit ; ou bien comment l’air deuoit eſtre diſpoſé, le beau temps qu’il promettoit, à quel iour, & à quelle heure du iour : & combien dureroit le vent, ſi tel ou tel ſe leuoit ; ou bien quel vent deuoit tirer au leuer de la Canicule, ou autre ſigne celeſte ; ou meſme és iours critiques, cinquieſmes, ſeptieſmes, & autres ſemblables, les comptant depuis le iour auquel tel ou tel vent auoit commencé à tirer. Pourquoi qualifié Roy des vents.Voila pourquoy l’on luy donna la qualité de Roy des vents, empriſonnant ceux que bon luy ſembloit, & donnant congé à ceux qu’il vouloit laiſſer ſouffler. Strabon au premier liure eſcrit qu’Æole fut fils du Roy des vents, pource que par le flux & reflux des eaux, luy qui habitoit en lieux raboteux & de difficile accez, prediſoit aux mariniers les ſignes de la tourmente qui deuoit auenir, & des vents qui ſe leueroyent long-temps deuant qu’on en viſt l’iſſuë : ce qu’auenant ainſi qu’il auoit predit, le commun peuple luy donna la reputation de contenir les vents ſous ſa puiſſance & ſeigneurie, & les laſcher à ſon plaiſir. Car il ſembloit que ce fuſt vne choſe admirable & preſque diuine, de pouuoir predire les changemens des ſaiſons long temps deuant qu’ils auinſent. Toutefois Thales Mileſien monſtre bien que cela ſe pouuoit faire, quand il predit la fertilité de l’annee ſuiuante, & la grande quantité d’oliues qu’on recueilliroit, comme dit Diogene Laërcien en la vie d’iceluy. Vertus de ſageſſe.Certes la vertu de ſageſſe eſt grande, voire preſque diuine, non ſeulement pour predire les choſes à venir, mais auſſi pour faire & exploiter ce qu’on n’euſt iamais penſé que l’eſprit de l’homme peuſt accomplir. Mais comme ainſi ſoit qu’il y ait fort peu d’hommes ſages, & que pluſieurs neantmoins veulent eſtre tenus en telle reputation, bien qu’ils les imitent fort mal voire meſme iniurient & blaſphement les plus ſages qu’eux : voila pourquoy les malauiſez eſtiment qu’Empedocle ait à faux tiltres eſcrit certains vers, & ne les peuuent ouyr ſans riſee, eſquels il attribuë vne ſi diuine puiſſance à ſageſſe, que de pouuoir acoiſer la fureur des vents, qui de leur ſouffle balayent la terre, & par leurs eſprits deſtruiſent le labourage : puis derechef s’il luy plaiſt les poulſera hors de leurs grottes & taſnieres, pour humer & boire les eaux immoderément ondoyans ſur la terre, ou bien l’abbruuer ſi elle eſt trop hauie & alteree : voire d’arreſter tout court les riuieres ; & reuoquer les ames des enfers. Mais cette narration eſt d’vn autre ſuject. Les autres qui recerchent les forces occultes des choſes naturelles, diſent que ſi quelqu’vn fait vn ouyre de la peau d’vn Dauphin, & le tient par deuers ſoy ; il pourra moyennant certaines ceremonies faire ſouffler tel vent qu’il voudra, ſans qu’aucun autre s’entremeſle parmy : dont a procedé la fiction d’Homere touchant les vents donnez par Æole à Vlyſſe. Æole patron d’homme ſage.Quant à ce qui touche les mœurs, Æole repreſente vn homme ſage, raſſis & diſcret, qui commande à ſa cholere & autres paſſions ſelon l’opportunité des ſaiſons & des affaires qui ſe preſentent, attendu que c’eſt choſe tres-vtile de ſimuler parfois, & parfois diſſimuler ſon courage, c’eſt ce que les Anciens (ſelon l’auis de quelques-vns) ont entendu par ces termes de brider & laſcher les vents au gré d’Æole. Or cette diuerſité l’a faict nommer Æole. Ire profitable à l’homme, mais moderee.Pour certain, nature a ſagement & auec proufit concedé à l’homme toutes ſortes d’affections ; veu que la cholere luy ſert pour corriger ſes mœurs, pourueu qu’elle ne s’eſchauffe pas outre meſure : que ſi nous n’en auions point du tout, nous endurerions quelquefois aſſez volontairement toute iniquité, & ne ſerions ſi ſoigneux de nous ſauuer de dommage. Mais ſur toutes choſes la mediocrité eſt pofitable, & faut qu’vn chacun apprenne à vſer de moderation ; autrement la cholere ſera la plus dangereuſe paſſion de toutes, & ſe conuertira finalement en fureur. Il faut donc qu’Æole, ou la raiſon, commande ſur telles affections & mouuemens de courages : car quiconque ne ſçaura tenir en ſubiection ſa cholere, force luy ſera de s’aſſubiettir à elle, non ſans vn trop tardif repentir. Dauantage les Anciens ont feint telles choſes pour montrer auſſi que rien n’aduient ſans la prouidence de Dieu, puis que les vents, les plus legeres & inconſtantes creatures qui ſoient point, ont auſſi leur gouuerneur. Les autres veulent dire que par cette fiction ils ont voulu inciter les mariniers à s’adonner à la connoiſſance de la nature & qualité des vents & des tempeſtes, afin de les remarquer, predire & entendre, deuant qu’ils en fuſſent ſurpris, par les ſignes qui ordinairement les precedent & preſagiſſent, comme font ceux qu’ont remarquez Arat & Theophraſte traittans des ſignes des eaux & des vents. Deuiſons maintenant de Biſe.