Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - VIII, 27 : D’Andromede Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

D’Andromede.

CHAPITRE XXVI.

L’EXEMPLE d’Andromede montre combien il eſt dangereux d’appartenir, ou par conſanguinité, ou par alliance, ou par amitié à des mocqueurs de Dieu & contempteurs de ſes ordonnances. Le peril auquel elle s’eſt veuë preſte de perdre la vie non par la temerité d’elle, mais bien de ſa mere femme tres-arrogante, qui meſme oſa bien ſe vanter de ſurpaſſer en beauté les Deeſſes, a illuſtré la memoire de ſon nom. Andromede fut fille de Cephee Roy d’Æthiopie & de Caſſiope : fille tres-belle & accomplie en toutes perfections & graces, tant de l’eſprit que du corps ; & digne d’eſtre nee de plus gens de bien. Quant à Caſſiope, l’on dit qu’elle eſtoit de ſi belle taille, & d’vn air de viſage ſi parfaictement beau, qu’il n’y auoit femme viuante de ſon temps qui la ſecondaſt : Orgueil de Caſſiope.de façon qu’elle en deuint ſi outrecuidee que de prouoquer Iunon, & conteſter auec elle touchant la beauté. Iunon ne pouuant ſupporter l’impudente temerité de cette femme, aprés luy auoit remontré que toute humaine excellence & beauté n’eſt qu’ordure & que vilainie ſi l’on en faict comparaiſon auec la Majeſté diuine, ſupplia Neptun de vouloir reprimer l’orgueil de cette Royne, & vanger l’iniure qu’elle en receuoit. (Toutefois Silene de Chio en ſes hiſtoires fabuleuſes ne dit pas qu’elle querella Iunon, mais bien les Nymphes Nereïdes) Puny par Neptun.Ainſi doncques Neptun indigné de l’arrogance inſupportable de cette femme, ſuſcita ſur les terres de Cephee & de Caſſiope vne balaine, monſtre prodigieuſement gros & eſpouuentable, qui fit vn merueilleux rauage & degaſt en tout le pays, renuerſant les baſtimens de fond en comble emmy les champs, ſans que les villes meſmes fuſſent aſſez fortes pour ſe garentir de telle peſte, veu que par l’incroyable vaſtité de ſon corps & rude heurt, elle les bouleuerſoit à fleur de terre. Cephee extremément affligé & troublé en ſon eſprit par ſi piteux ſpectacles, ſe tranſporta vers l’Oracle, s’enquerant pour quel ſubiect tant de calamitez luy auenoient, & par quel moyen il ſe pourroit deliurer de danger ſi eminent. Aprés auoit ſacrifié, ſelon la couſtume de ceux qui alloient au conſeil, il luy fut reſpondu que cette calamité ſuſcitee par l’orgueil de Caſſiope ne ceſſeroit iamais que premierement il n’euſt expoſé ſa fille vnique à ce monſtre, pour eſtre par luy deuoree. Cette reſponſe ouye, Cephee garrotta ſa fille auec des chaines de fer contre vn rocher, & la mit à l’abandon de cette hideuſe beſte auprés de Ioppe en Æthiopie. Auint en meſme temps que Perſee paſſant par là auec la deſpoüille de Meduſe, acertainé de l’innocence d’Andromede, eut pitié d’elle, & la deſtacha ; puis attendit de pied ferme la venuë de la balaine ; & comme elle s’approcha, en luy faiſant montre du chef de la Gorgone, il en transforma vne partie en rocher, & defit l’autre à la pointe de ſon eſpee. Quand il eut par ce moyen mis cette belle & vertueuſe Princeſſe en liberté, il l’eſpouſa du conſentement de ſes parens ; puis l’emmena quant & ſoy en l’iſle de Seriphe. L’on dit qu’il en eut vne fille, qu’il laiſſa chez ſon ayeul Cephee. Or comme il eſtoit encore en Æthiopie, ayant deſcouuert que Phinee, frere de Cephee, machinoit contre luy, faiſant eſtat d’eſpouſer Andromede par la mort de Perſee, il fit en ſorte qu’en montrant la teſte de Meduſe à Phinee, il fut tranſmué en pierre. Finalement il ſe retira à Argos auec ſa femme Andromede & ſa mere Daneé, là où il demeura iuſques au dernier iour de ſa vie. C’eſt ce que les Anciens nous en apprennent : examinons maintenant leur intention.

Mythologie morale d’Andromede.Si l’on conſidere ſoigneuſement ce que nous auons eſcrit touchant Andromede, l’on trouuera que ce n’eſt qu’vne exhortation des Anciens pour embraſſer la pieté & moderation d’eſprit. Car Caſſiope ne ſçachant pas faire ſon profit des ſingulieres graces de Dieu, fut ſi hardie que d’entrer en conteſte auec les Deeſſes, autrices de tous biens, & ſe preferer à elles és biens meſmes qu’elle auoit receuz de leur liberalité. Mais Dieu iuſte iuge, & vangeur de toutes meſchancetez, ne laiſſe point impunie telle rage ou arrogance, deuant lequel toute magnificence humaine n’eſt que fiante & ordure quand les hommes deſpourueuz de bonté & de iuſtice, s’oſent bien parangonner auec les eſſences diuines. Ainſi doncques aprés que Iunon eut oſté à Caſſiope ſa beauté & belle taille de corps, elle affligea quand & quand toute l’Æthiopie de la calamité ſuſdite. Et combien que la punition des peruers redonde quelquefois ſur leurs parens & affins ; ſi eſt-ce que Dieu ne permet pas que les bons leſquels il chaſtie, periſſent ; mais ſe montre protecteur de leur innocence au milieu des dangers qui les aſſaillent. C’eſt pourquoy le conte dit qu’Andromede expoſee à la mercy d’vn tant impiteux monſtre, & preſte de ſe voir engloutir par la mort, à cauſe de la temerité de ſa mere fut par la miſericorde des Dieux, non ſeulement remiſe en liberté par Perſee, qui par leur inſtinct addreſſa ſon chemin par là où elle eſtoit garrotee : mais auſſi pour auoir patiemment ſupporté ſon affliction, promuë à plus grande felicité. Les terres d’Æthiopie & les manans d’icelles ne ſe peurent exempter du rauage de ce monſtre, ſinon que par ſa mort, aprés laquelle ils rentrerent en leur premier heur & ſeureté, d’autant que pour le peché des Roys & Princes commis à l’encontre de la Majeſté de Dieu, non ſeulement eux, mais auſſi les peuples & les nations qui leur ſont ſuiettes, & complices ou fautrices de leurs impietez, ſentent l’ire & la main diuine s’appeſantir ſur eux ; ioint que Dieu a touſiours aſſez de iuſtes raiſons de punir vne commune à cauſe d’vne infinité de pechez commis par pluſieurs ; car nul forfaict ne demeure à iamais impuny, ſinon que l’autheur meſme d’iceluy s’en puniſſe par ſaincte & deuë penitence. Nous voyons que Dieu ſuſcite les nations eſtrangeres à l’encontre des Roys iniques ; ou les peuples s’eſleuent contre les Magiſtrats iniuſtes ; ou bien vn Magiſtrat contre l’autre : comme ainſi ſoit que Dieu n’a point de commerce qu’auec iuſtice ſeule, vraye & ſeule ame des villes, & plus ſeur lien des Eſtats, & des Royaumes. Or perſonne ne doit eſtimer que les Anciens ayent en vain forgé ou tranſmis à leur poſterité de main en main vne ſi grande & ſi admirable varieté de contes, d’autant que ce qui n’a ny gouſt ny profit, ne dure guere : mais ce qui eſt ſagement enſeigné, ne peut par aucune violence de temps eſtre affoibly ny deſrompu. Voila comment les Fables feintes pour la correction & amendement des mœurs de l’homme, ſont paruenuës iuſques à noſtre preſent ſiecle : au lieu que les autres façons de philoſopher, à cauſe des diſcordes & des guerres ciuilles, & des contentions ordinaires entre les Philoſophes, ont eſté reiettees, ou pour le moins ont receu pluſieurs & frequentes mutations.