Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de John-Antoine Nau à Fanny Fénéon, 19 novembre 1911 Nau, John-Antoine<br /> 1911-11-19 chargé d'édition/chercheur Macke, Jean-Sébastien Laboratoire LISA ; EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1911-11-19 Texte de Nau : collection privée
Collection particulière Eugène F-X Gherardi
John-Antoine Nau écrit à Fanny Fénéon depuis Porto-Vecchio. Il est question d'une installation commune en Corse. Nau évoque en détail la vie en Corse, ses habitants et les visiteurs occasionnels tels que lui. Français John-Antoine Nau écrit à Fanny Fénéon depuis Porto-Vecchio. Il est question d'une installation commune en Corse. Nau évoque en détail la vie en Corse, ses habitants et les visiteurs occasionnels tels que lui.

Pto Vecchio, 19 Novembre 1911

Tournant de la Marine

Ma chère Fanny,

Nous avons été bien peinés, Yvette et moi, de voir que vous êtes toujours aussi triste. Ma chatte et moi ne sommes pas toujours axcessivement gais, - alors nous savons ce que c'est - et sympathisons très fortement avec les amis qui se font encore plus de bile que nous. On vous aime bien dans ce coin-ci et j'espère que nous ne resterons plus si longtemps sans vous voir. Si les choses marchent bien pour nous, j'étudierai de plus en plus sérieusement notre déjà vieux projet de colonisation

en commun. Cela peut vous faire, à vous, un âge mûr, à nous une vieillesse assez agréables.

Je vois avec chagrin qu'aucune combinaison portovecchienne n'agrée beaucoup à M. Duquesne. Il m'a écrit une lettre fort gentille et aimable mais où le désir d'admirer les plages corses ne perce pas le moins du monde. Il ne me demande quelques renseignements que par acquit de conscience et je crois, d'après ce qu'il me dit, que le séjour d'une bourgade située dans un beau paysage mais dépourvue des moindres distractions, lui serait assez insupportttable. Quand on a, soi-même, horreur de ce qu'on appelle les "distractions", on comprend

assez mal qu'un ami en désire, mais on arrive à se rendre compte des choses par analogie lointaine. Si l'on nous proposait un pays muni de toutes les ressources, très amusant, très joyeux mais éloigné de la mer et des bois, un pays sans petits chemins sauvages et frais, sans horizons lumineux et nacrés, sans fleurs sauvages et sans sauvagerie, nous enverrions ce pays à tous les diables. C'est la même chose pour M. Duquesne en renversant les termes. Je crois que la Corse ne serait décidément pas son rêve.

Nous avons passé l'été dans les montagnes au-dessus de PortoVecchio avec les Boiry. (Félix connaît le mari qui est peintre.) Et depuis que le froid nous a

chassés des sommets nous les avons ramenés avec nous au Tournant de la Marine (Pto Vecchio) En voilà des copains qui aiment la Corse ! Bien plus que nous, - qui ne raffolons pas des habitants, malgré leurs bonnes qualités, qui faisons des réserves de toute sorte, même au sujet de la beauté du pays... Ces amis Boiry, en Corse, représentent les immigrants temporaires enthousiastes, nous, les immigrants temporaires résignés et pas trop mécontents, consolés par quelques paysages ; M. Duquesne représentait le résident exaspéré toujours prêt à fiche un pétard géant sous le Monte Cinto pour faire sauter l'île. J'ai compris son esthétique.

Les amis Boiry ne vont pas, du reste, tarder à nous quitter : M. Boiry a des raisons picturales qui le rappellent à de rentrer à Paris, mais ses quatre mois de Corse l'ont charmé et il ne demande qu'à revoir le plus tôt.

possible l'île aux maquis.

Pour nous, je crois que le cycle Corse se terminera l'année prochaine aux vacances. Nous viendrons, sans doute, à Paris, irons faire un petit tour sur des plages septentrionales, pour changer un peu, - guère, de climat, mais beaucoup de paysages, - et chercherons ensuitre une nouvelle patrie, - toujours temporaire. Si la galatte rapplique, nous irons peut-être jeter les premières fondations de notre future colonie fénéo-nauesque, sinon... il y a encore des Portugals, des régions d'Espagne inconnues de nous, pour attendre l'ère de ce que nous voudrions appeler le l'ère du bonheur définitif sur terre. Ne désespérons jamais, malgré les deuils et les chagrins ! (Allons bon ! Voilà que je fais mon petit pasteur protestant !)

Yéyette veut ajouter un petit mot à ma lettre. Je vais donc, tout à l'heure, lui laisser une petite place.

J'espère que Félix aussi bien que vous et les trois amis Duquesne, se porte comme tous les ponts de Paris réunis, plus l'obélisque et la Tour Eiffel.

Nous serons bien contents de vous voir le plus tôt possible car il nous arrive bien souvent de nous ennuyer de vous.

Nous vous embrassons tous de tout coeur et demeurons vos vieux amis qui vous aiment bien.

E. A. J. Nau Torquet et Yette

Oh ! Je vous en prie, dites bien à Félix qui me demande depuis deux ans ce que je pense de Léon Werth, que je le considère comme un garçon du plus grand talent et un critique d'art merveilleux.

en commun. Cela peut vous faire, à vous, un âge mûr, à nous une vieillesse assez agréables.

Je vois avec chagrin qu'aucune combinaison portovecchienne n'agrée beaucoup à M. Duquesne. Il m'a écrit une lettre fort gentille et aimable mais où le désir d'admirer les plages corses ne perce pas le moins du monde. Il ne me demande quelques renseignements que par acquit de conscience et je crois, d'après ce qu'il me dit, que le séjour d'une bourgade située dans un beau paysage mais dépourvue des moindres distractions, lui serait assez insupporttable. Quand on a, soi-même, horreur de ce qu'on appelle les "distractions", on comprend

assez mal qu'un ami en désire, mais on arrive à se rendre compte des choses par analogie lointaine. Si l'on nous proposait un pays muni de toutes les ressources, très amusant, très joyeux mais éloigné de la mer et des bois, un pays sans petits chemins sauvages et frais, sans horizons lumineux et nacrés, sans fleurs sauvages et sans sauvagerie, nous enverrions ce pays à tous les diables. C'est la même chose pour M. Duquesne en renversant les termes. Je crois que la Corse ne serait décidément pas son rêve.

Nous avons passé l'été dans les montagnes au-dessus de PortoVecchio avec les Boiry. (Félix connaît le mari qui est peintre.) Et depuis que le froid nous a

chassés des sommets nous les avons ramenés avec nous au Tournant de la Marine (Pto Vecchio) En voilà des copains qui aiment la Corse ! Bien plus que nous, - qui ne raffolons pas des habitants, malgré leurs bonnes qualités, qui faisons des réserves de toute sorte, même au sujet de la beauté du pays... Ces amis Boiry, en Corse, représentent les immigrants temporaires enthousiastes, nous, les immigrants temporaires résignés et pas trop mécontents, consolés par quelques paysages ; M. Duquesne représentait le résident exaspéré toujours prêt à fiche un pétard géant sous le Monte Cinto pour faire sauter l'île. J'ai compris son esthétique.

Les amis Boiry ne vont pas, du reste, tarder à nous quitter : M. Boiry a des raisons picturales qui le rappellent à de rentrer à Paris, mais ses quatre mois de Corse l'ont charmé et il ne demande qu'à revoir le plus tôt.

possible l'île aux maquis.

Pour nous, je crois que le cycle Corse se terminera l'année prochaine aux vacances. Nous viendrons, sans doute, à Paris, irons faire un petit tour sur des plages septentrionales, pour changer un peu, - guère, de climat, mais beaucoup de paysages, - et chercherons ensuitre une nouvelle patrie, - toujours temporaire. Si la galatte rapplique, nous irons peut-être jeter les premières fondations de notre future colonie fénéo-nauesque, sinon... il y a encore des Portugals, des régions d'Espagne inconnues de nous, pour attendre l'ère de ce que nous voudrions appeler le l'ère du bonheur définitif sur terre. Ne désespérons jamais, malgré les deuils et les chagrins ! (Allons bon ! Voilà que je fais mon petit pasteur protestant !)

Yéyette veut ajouter un petit mot à ma lettre. Je vais donc, tout à l'heure, lui laisser une petite place.

J'espère que Félix aussi bien que vous et les trois amis Duquesne, se porte comme tous les ponts de Paris réunis, plus l'obélisque et la Tour Eiffel.

Nous serons bien contents de vous voir le plus tôt possible car il nous arrive bien souvent de nous ennuyer de vous.

Nous vous embrassons tous de tout coeur et demeurons vos vieux amis qui vous aiment bien.

E. A. J. Nau Torquet et Yette

Oh ! Je vous en prie, dites bien à Félix qui me demande depuis deux ans ce que je pense de Léon Werth, que je le considère comme un garçon du plus grand talent et un critique d'art merveilleux.