Transcription Transcription des fichiers de la notice - [1555_Sertenas_<em>REP_</em>Ptxt] Épître dédicatoire Pasquier, Étienne 1555 chargé d'édition/chercheur Lagnena, Michela Michela Lagnena, Université Ca' Foscari et Université Sorbonne Nouvelle & Projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1555 Projet Pasquier Amoureux ? (Michela Lagnena, Anne Réach-Ngô, Magda Campanini) ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (Fr), Bibliothèque nationale de France, Rés. YE 1662 ; exemplaire disponible sur <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71976c" target="_blank" rel="noopener" title="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71976c">Gallica</a>
<div style="text-align: justify;">Conformément à l'usage de l'époque, dans cette lettre Pasquier exploite toutes les ressources rhétoriques de l'épître dédicatoire - <em>topos modestiae</em>, <em>captatio benevolentiae</em>, rhétorique de l'éloge - et insiste sur la portée édifiante de son ouvrage qui consiste à instruire, à travers la variété des genres représentés, le peuple français sur les principales questions d'amour. Plus précisément, le recueil hétéroclite de Pasquier se propose de donner une leçon morale, où l'<em>éthos</em> auctorial se combine avec l'exploration d'un espace plus intime. La communion avec tout lecteur encourage la perspective pédagogique du volume visant à donner des enseignements sur un plan existentiel plutôt que stylistique. Il s'agit d'une réflexion que Pasquier mettra en lumière également dans <a href="https://eman-archives.org/Pasquier-amoureux/items/show/61" target="_blank" rel="noopener" title="https://eman-archives.org/Pasquier-amoureux/items/show/61">la première de ses lettres amoureuses</a>, qui se présente comme une sorte d'avant-propos encadrant cette composition épistolaire où se condensent les principes de l'épître dédicatoire et les fonctions de l'adresse au lecteur.</div> Français <div style="text-align: justify;">Conformément à l'usage de l'époque, dans cette lettre Pasquier exploite toutes les ressources rhétoriques de l'épître dédicatoire - <em>topos modestiae</em>, <em>captatio benevolentiae</em>, rhétorique de l'éloge - et insiste sur la portée édifiante de son ouvrage qui consiste à instruire, à travers la variété des genres représentés, le peuple français sur les principales questions d'amour. Plus précisément, le recueil hétéroclite de Pasquier se propose de donner une leçon morale, où l'<em>éthos</em> auctorial se combine avec l'exploration d'un espace plus intime. La communion avec tout lecteur encourage la perspective pédagogique du volume visant à donner des enseignements sur un plan existentiel plutôt que stylistique. Il s'agit d'une réflexion que Pasquier mettra en lumière également dans <a href="https://eman-archives.org/Pasquier-amoureux/items/show/61" target="_blank" rel="noopener" title="https://eman-archives.org/Pasquier-amoureux/items/show/61">la première de ses lettres amoureuses</a>, qui se présente comme une sorte d'avant-propos encadrant cette composition épistolaire où se condensent les principes de l'épître dédicatoire et les fonctions de l'adresse au lecteur.</div>

Aux Sieurs Louys Braillon et Christofle de Foussomme.Il s'agit notamment de Monsieur Braillon, Conseiller au Siège Présidial de Lyon et de Monsieur de Foussomme, gentilhomme Vermandois.

Je pouvois pour mon honneur (freres et amis) me contenter d'avoir esté amoureux, sans donner ouverture de mes amours à un peuple : toutesfois je ne sçay comment ceste bouillante jeunesse qui domine sur mes esprits, m'a tellement transporté en elle, qu'encores que je voye à l'œil mille incommoditez qui s'offrent à mon entreprise, si fault il contre l'ordre de ma raison que je commette mes conceptions à la vanvolle d'un populaire. Je sçay et ne suis point tant enfolastré de moy mesmes, que je ne descouvre fort bien qu'entre une infinité de jeunes gens qui employent aujourd'huy leur esprit à voltiger sus l'amourEn plus de la production lyrique amoureuse, on assiste à la diffusion des traités et des dialogues consacrés à l'amour. La mode des livres d'amour vient plus précisément d'Italie. À ce titre, Les quatre livres du Courtisan de Baltazar de Castillon sont traduits, en 1537, par Jacques Colin (Paris, Denis de Harsy). En 1545, Jean Martin fait paraître la traduction des Azolains de Bembo (Paris, Michel de Vascosan et Gilles Corrozet). En 1551, le Dialogue traittant d’Amour et Jalousie de Sperone Speroni est édité par Claude Gruget (Paris, E. Groulleau). La même année, Pontus de Tyard traduit les Dialogues d’Amour de Léon l’Hébreu (Lyon, J. de Tournes, 1551). ,je ne soye des plus petis : et qui plus est je cognois encores mieux que combien que j'eusse receu ceste faveur du Ciel d'estre mis au ranc [A2r°]de ceux qui sçavent bien deduire ce qu'ils pensent, si est ce qu'estant la diversité des opinions telle comme je la voy entre nous, je ne fais aucune doute, que mettant quelque œuvre en lumiere, si je suis des uns prisé, j'en trouveray en contrebalance infinis, ausquels n'agréeront mes escrits : et les aucuns esmeuz d'autant que leur intention est fondée sur autre point que la mienne, les autres par jalousie, et les autres par aventure estimants s'avantager en reputation envers le peuple, pour vilipender les œuvres estrangeres, par quelque cavillation. Car tel est le malheur de nostre nature, que tout ainsi qu'un trop grand amour de nous autres, nous esblouyt les esprits pour bien juger de nos œuvres : aussi le mesme et mesme amour nous oste la cognoissance de bien asseoir nostre jugement sur les autres, d'autant qu'ordinairement nous n'accommodons noz louanges sinon es lieux et endroicts qui s'avoisinent de nos esprits. Quant est de l'amour de mes œuvres, je confesseray vrayement que je me sen chatouillé du mesme esperon, dont nature aiguillonne toute personne en son fait : j'enten de mes œuvres qui sortent de leur naturel, et qui ne sont point adoptez à la volunté d'un vulgaire [.] Et pour le regard de l'affection que nous tous en general portons aux choses d'un estranger : je veux dire qu'il seroit bon par avanture tenir tous nos œuvres sous main, et que celuy (comme dist quel- [A2v°] quelquefois un sage mondain, des femmes) se bastiroit plus grand louange, qui ne se descouvrant au public, se tiendroit tousjours couvert soubs les courtines de la nuict. Parce que nous sommes fort pervers juges au fait d'autruy, y trouvants tousjours à remordre : et ne feust ce qu' estants toutes choses bien succedées à son autheur, et deduites selon son proget et intention, luy imputer toutesfois qu'il se fait tort, ou pour l'impertinence de la matiere, ou que le subjet qu'il traite ne soit respondant à son aage, ou à l'estat duquel il fait profession. De maniere que la pluspart de ce sot peuple (quand j'appelle ce sot peuple, j'y conjointz mesmement ceux là, qui par reputation populaire sont estimez les plus sages) se donnera ordinairement plus de peine de mon avancement, que du sien, ny semblablement que moy mesme. Et toutesfois il ne voit pas que toutes choses tendants à un contentement d'esprit, je demeure aussi satisfait en ce que tu tracasse dans moy, que luy en la poursuite de ses estats et honneurs, ou d'une vile lucrative. Voilà pourquoy (pour me donner plaisir à part moy) peu me chault qu'à l'ouverture de ce livre quelque sot, qui par aventure pensera estre bien discret, soudain s'aprestera à rire, non seulement pour voir icy un amour deduit, qui sera (ce luy semblera) un argument de trop legiere estophe : mais aussi jugera que le mestier de faire son- [A3r°] nets ne vault plus rien, comme estant chose trop commune et usitée entre les esprits de la France. Et dira à l'aventure, que je suis des nouveaux poëtes, me pensant faire un grand tort. À telle maniere de gens, comme despourveus de tout sens, je ne veux dresser response : [j]e me complaindray seulement de l'iniquité de tout temps, et que jamais entre tous les siecles, ne furent que bien rarement favorisez les vivants. Et fault encores que j'appelle ingrate toute une France, qui ne veult recevoir en faveur les sacrifices de nos esprits, que nous immolons devant elle. Et toutesfois je ne suis point tant enamouré de moy, que je ne m'avise fort bien, qu'il y a mille autres subjects, ausquels pour le deu de mon office je devois employer mon esprit, et avec plus grand honneur. Mais aussi je veux bien aviser tout homme, qui m'improperera ce deffault, qu'il entend mal l'horologe et conduite de nostre corps, et ne cognoist, que bien souvent le contrepoix et pesanteur des passions reigle les rouës de nostre esprit : tellement que qui voudroit se forcer, pensant par une raison dompter son inclination naturelle, par aventure osteroit il l'harmonie et gentillesse qu'il monstre par ses effects, suivant ce qui luy est propre. Suffise vous seulement si estes gents d'esprit (Car à vous peuple François, j'adresse ceste mienne parolle, à l'imitation d'un Cesar et Pline en tous livres [A3v°]qui se presentoient Dans ses Commentaires - ouvrages historiographiques et ethnographiques - César propose un récit détaillé de ses campagnes militaires, dans le but d'éduquer les Romains. Quant à Pline L'Ancien, son Histoire naturelle est offerte au profit de tout lecteur.) prendre mes escripts, pour vostre usage et faire profit de mon dam : car pour tel regard vous les ay-je destinez, sans vous imaginer mille sottes superstitions, desquelles ne pouvez tirer à la longue, si bien vous y pensez, qu'une semblable vanité que celle que estimez resider en mes amours. Et cependant (freres) pour retourner devers vous, quelle que soit mon entreprise, je vous l'ay voulu dedier, comme derniere retraicte de mon esprit en cest endroict. En attendant que mon labeur me moyenne avec le tems quelque plus haulte invention. Car que puis-je moins faire pour vous, sinon vous monstrer, que si pendant vostre absence j'ay quelquefois transporté mes esprits en autre part, que ce à neantmoins esté sans l'alteration de l'amitié qui est entre nous commencée, depuis le temps de nostre estudeLe rapport d'amitié entre Pasquier et les dédicataires de cette épître liminaire est témoigné entre autres par les lettres que notre auteur leur adresse dans sa correspondance (voir Les Lettres d'Estienne Pasquier, I-IV,dans Les Œuvres d'Estienne Pasquier, Amsterdam, [imprimé à Trévoux], Compagnie des libraires associez, 1723, t. II).? Vous asseurant que si basty un temps ces sonnets pour l'affection que j'avois en unes et autres dames, vostre amitié premierement, puis le zele et affection que je porte naturellement à mes œuvres, est cause de les publier.[A4r°]

de ceux qui sçavent bien deduire ce qu'ils pensent, si est ce qu'estant la diversité des opinions telle comme je la voy entre nous, je ne fais aucune doute, que mettant quelque œuvre en lumiere, si je suis des uns prisé, j'en trouveray en contrebalance infinis, ausquels n'agréeront mes escrits : et les aucuns esmeuz d'autant que leur intention est fondée sur autre point que la mienne, les autres par jalousie, et les autres par aventure estimants s'avantager en reputation envers le peuple, pour vilipender les œuvres estrangeres, par quelque cavillation. Car tel est le malheur de nostre nature, que tout ainsi qu'un trop grand amour de nous autres, nous esblouyt les esprits pour bien juger de nos œuvres : aussi le mesme et mesme amour nous oste la cognoissance de bien asseoir nostre jugement sur les autres, d'autant qu'ordinairement nous n'accommodons noz louanges sinon es lieux et endroicts qui s'avoisinent de nos esprits. Quant est de l'amour de mes œuvres, je confesseray vrayement que je me sen chatouillé du mesme esperon, dont nature aiguillonne toute personne en son fait : j'enten de mes œuvres qui sortent de leur naturel, et qui ne sont point adoptez à la volunté d'un vulgaire : Et pour le regard de l'affection que nous tous en general portons aux choses d'un estranger : je veux dire qu'il seroit bon par aventure tenir tous nos œuvres sous main, et que celuy (comme dist [A2v°]
quelquefois un sage mondain, des femmes) se bastiroit plus grand louange, qui ne se descouvrant au public, se tiendroit tousjours couvert soubs les courtines de la nuict. Parce que nous sommes fort pervers juges au fait d'autruy, y trouvants tousjours à remordre : et ne feust ce qu'estants toutes choses bien succedées à son autheur, et deduites selon son proget et intention, luy imputer toutesfois qu'il se fait tort, ou pour l'impertinence de la matiere, ou que le subjet qu'il traite ne soit respondant à son aage, ou à l'estat duquel il fait profession. De maniere que la pluspart de ce sot peuple (quand j'appelle ce sot peuple, j'y conjointz mesmement ceux là, qui par reputation populaire sont estimez les plus sages) se donnera ordinairement plus de peine de mon avancement, que du sien, ny semblablement que moy mesme. Et toutesfois il ne voit pas que toutes choses tendants à un contentement d'esprit, je demeure aussi satisfait en ce que tu tracasse dans moy, que luy en la poursuite de ses estats et honneurs, ou d'une vile lucrative. Voila pourquoy (pour me donner plaisir à part moy) peu me chault qu'à l'ouverture de ce livre quelque sot, qui par aventure pensera estre bien discret, soudain s'aprestera à rire, non seulement pour voir icy un amour deduit, qui sera (ce luy semblera) un argument de trop legiere estophe : mais aussi ingera que le mestier de faire son [A3r°]
nets ne vault plus rien, comme estant chose trop commune et usitée entre les esprits de la France. Et dira à l'aventure, que je suis des nouveaux poëtes, me pensant faire un grand tort. À telle maniere de gens, comme despourveus de tout sens, je ne veux dresser response : Je me complaindray seulement de l'iniquité de tout temps, et que jamais entre tous les siecles, ne furent que bien rarement favorisez les vivants. Et fault encores que j'appelle ingrate toute une France, qui ne veult recevoir en faveur les sacrifices de nos esprits, que nous immolons devant elle. Et toutesfois je ne suis point tant enamouré de moy, que je ne m'avise fort bien, qu'il y a mille autres subjects, ausquels pour le deu de mon office je devois employer mon esprits, et avec plus grand honneur. Mais aussi je veux bien aviser tout homme, qui m'improperera ce deffault, qu'il entend mal l'horologe et conduite de nostre corps, et ne cognoist, que bien souvent le contrepoix et pesanteur des passions reigle les rouës de nostre esprit : tellement que qui voudroit se forcer, pensant par une raison dompter son inclination naturelle, par aventure osteroit il l'harmonie et gentillesse qu'il monstre par ses effects, suivant ce qui luy est propre. Suffise vous seulement si estes gents d'esprit (Car à vous peuple François, j'adresse ceste mienne parolle, à l'imitation d'un Cesar et Pline en tous livres [A3v°]
qui se presentoient) prendre mes escripts, pour vostre usage et faire profit de mon dam : car pour tel regard vous les ay-je destinez, sans vous imaginer mille sottes superstitions, desquelles ne pouvez tirer à la longue, si bien vous y pensez, qu'une semblable vanité que celle que estimez resider en mes amours. Et cependant (freres) pour retourner devers vous, quelle que soit mon entreprise, je vous l'ay voulu dedier, comme derniere retraicte de mon esprit en cest endroict. En attendant que mon labeur me moyenne avec le tems quelque plus haulte invention. Car que puis-je moins faire pour vous, sinon vous monstrer, que si pendant vostre absence j'ay quelquefois transporté mes esprits en autre part, que ce a neantmoins esté sans l'alteration de l'amitié qui est entre nous commencée, depuis le temps de nostre estude? Vous asseurant que si basty un temps ces sonnets pour l'affection que j'avois en unes et autres dames, vostre amitié premierement, puis le zele et affection que je porte naturellement à mes œuvres, est cause de les publier. [A4r°]