11, rue du Congrès
Je suis à Nice depuis le 7 octobre, mais ce n’est pas maintenant que je peux vous écrire, pour vous donner la certitude que Méditerranée sera enfin terminé. (J'ai vu que vous en annoncez partout la publication. Jamais Rieder n’a fait tant de publicité à un manuscrit promis.)
Maintenant, il est important pour moi de savoir si vous pouvez commencer la publication dès le 1er mars, car il est possible que Rieder veuille ou qu’il fasse semblant de vouloir le faire paraître en volume le 1er juillet (du côté de Rieder je nage toujours dans la plus affreuse incertitude).
Je dois également vous faire savoir que Méditerranée aura, à peu de chose près, les proportions de Sybille, de J.-R. Bloch, mais je n’en ferai pas un seul volume, c’est trop lourd lourd à lire, j’en ferai deux petits, (24 lignes de texte, gros caractères), s’intitulant : Méditerranée (Lever du soleil) et Méditerranée (Coucher du soleil).
Il se peut bien que cet ouvrage soit l’un des meilleurs que j’ai faits. Les deux parties sont presque indépendantes, mais, ainsi que cela s’est passé Haïdoucs, les personnages principaux du premier vol. vivent aussi dans le second.
Le manuscrit du premier tome (Lever du soleil), revu, complété et proprement retapé, vous l’aurez au début de février. Celui du second (Coucher du soleil), ne sera prêt que dans la première quinzaine de mars.
Je travaille très peu. Pensez donc, mon cher ami, je ressuscite, je sors de ma tombe ! On devra me pardonner ces retards.
Veuillez parler avec Mr Gallimard et décider. Je vous prie de m’accorder, exceptionnellement, des droits d’auteur égaux, au moins, à ceux que m’accorde la Revue de Paris, (6000 fr.un seul vol., tel Les chardons du Baragan, bien petit, ou La Maison Thüringer, un peu plus gros). Méditerranée est double, comme volume dimensions. Quant à la qualité, vous en jugerez vous-mêmes.
Sachez encore que Rieder avait promis l’été dernier à Frédéric LefèvreNouvelles littéraires en 1922. La cinquième série de ses Une heure avec... comporte un entretien avec P. Istrati (Gallimard, 1929).
Panaït Istrati
La vie aventureuse et révoltée de Panaït Istrati vient de s’achever ainsi qu’il l’avait prévu et annoncé il y a peu de temps. Il quitte, à cinquante et un ans, notre monde « apocalyptique », avant d’avoir pu achever de dire le plus précieux et le plus « honnête » de ce qu’il avait à dire. Il meurt amer, déçu, non résigné, loin de là, mais ne croyant plus à rien, hors l’amour, la passion, la joie, la fraternité. L'homme qui n’adhérait à rien, et ne voulait plus enseigner à ses frères « qu’à refuser de crever pour qui que ce soit » a été emporté par la mort, qui n’est pas égale pour tous. Le « brasier de désirs » qu’il était ne pouvait pas être dispersé. La vie était trop forte et trop profonde chez cet homme au tempérament exceptionnel, pour