J'ai bien eu tort de me laisser entraîner un instant sur le terrain que j’étais le mieux décidé à éviter. Tout ce que j’ai dit dans ce petit essai, c’est que certains des arguments, dont usent vos amis, ne font guère qu’illustrer une surprenante (mais précieuse) illusion de langage. Quant à la question même que vous soulevez, eh bien votre solution me semble fort sage, et j’espère qu’elle trouvera un jour les preuves qui jusqu’ici semblent lui manquer. Mais il s’agissait pour moi de toute autre chose Me direz-vous qu’en critiquant les preuves que se veut telle ou telle doctrine, c’est à la doctrine elle-même qu’on paraît s’attaquer ? Mais non ! Et c’est un service à rendre à une opinion que de la débarrasser des faux arguments qui risquent de l’entraîner un jour dans leur ruine.
Rhétorique : voici ce que je voulais dire : Ce que l’on reproche (le plus justement du monde) depuis 150 ans aux rhétoriqueurs et néo-classiques, c’est qu’ils sont :
1. faux
2. abstraits
3. banals.
Remarquez que les Rhétoriqueurs modernes se sont en quelques façons partagé la besogne : Valéry assumant la défense du faux (« l’écrivain est toujours un faussaire »), Benda l’apologie de l’abstrait (cd. Discours cohérent ), Alain celle du banal (par le biais de l’étymologie : le plus banal étant, si l’on relève ses origines, le plus surprenant.)
De sorte que me voilà bien forcé de m’attaquer à chacun d’eux, successivement.
Affectueusement à tous deux
P.S. - De m’attaquer… Enfin, je veux dire d’analyser, de décortiquer leur raisonnement. Bien sûr cela aboutit à trouver à la base des illusions (une illusion différente pour chacun d’eux). Mais enfin, des illusions – comme il arrivait pour la Terreur – aussitôt corrigées (ou plutôt compensées). Et quel est le raisonnement, après tout, qui ne se fonde sur une illusion rectifiée ? (D'où je me vois conduit, – mais vous le soupçonnez déjà – à former certaine logique critique...)