Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Gabriel Bounoure à Jean Paulhan, 1931 Bounoure, Gabriel (1886-1969) 1931 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1931 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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[1931]

Il n’est aucune approbation, très cher ami, qui me soit aussi précieuse et aussi chère que la votre. Mon détachement n’est pas si entier que votre suffrage ne me donne une bien vive joie. Je pense bien avoir cette année le plaisir de vous revoir, pendant mon bref séjour en France.

Habiterai-je de nouveau cette patrie terrestre ? Je ne sais pas : il me semble maintenant que cela m’ennuierait de vivre parmi des gens dont le langage m’est entièrement connu, parmi des femmes dévoilées. Cela me paraît à la fois ennuyeux et dangereux. Il n’y a que chez les plus arriérés des Bretons Armoricains que je retrouve salutairement ce mystère, cette interdiction, qui n’empêchent pas une familiarité avec les choses essentielles, une communion dont je ne puis plus me passer. Je me rend compte qu’il y a une espèce de lâcheté dans mon attitude : je fuis le combat. C'est au contraire dans l’abime de la médiocrité qu’il est beau de mener une vie belle. Et la beauté sans décor de la vie occidentale n’est elle pas la plus haute ? J'ai peur d’être un peu niaisement romantique. Mais « la lumière-Nature » est si captivante que la Ville des Villes elle-même, celle où vous vivez, me paraît souvent envahie par un esprit souterrain. Venez, venez quelque jour voir avec moi Alep & Palmyre.

Je suis heureux que vous ayez échappé à la grippe perfide de cette année. Prenez bien soin de vous. Croyez à ma vive affection.

Bounoure

Il y a longtemps qu’on n’a rien lu de vous.