Je vous ai répondu un peu hâtivement, hier soir. (Répondre aussitôt à une lettre est chez moi une espèce de réflexe…)
J’aurais dû mieux vous remercier du souci que vous avez pris de relancer G.G. [Gaston Gallimard] à mon sujet. Je necomprends fort bien qu’il ne tienne pas à se créer de nouvelles charges, s’il peut l’éviter.
Je vais, évidemment, étudier avec G. Gallet la question « V-Magazine », où, d’ailleurs, il n’est pas certain du tout qu’il y ait place pour moi. (Mon ami Gallet, beaucoup moins méticuleux et scrupuleux que vous, est un peu l’homme des propos et des suggestions en l’air…) Si, d’aventure, je pouvais trouver par là un modeste gagne-pain, en échange de quatre ou cinq heures de travail quotidien, oui. Mais s’il me fallait retomber dans une autre espèce de bagne Lang, non. Je constate, bien humblement, que je n’en aurais, que je n’en ai plus le courage. Quatre années ont épuisé mes ressources de patience, de résignation et d’attente de jours meilleurs. S’il me fallait, dans l’avenir, retrouver tout cela, je préférerais perdre le peu que j’ai reconquis. Je vous remercierais bien sincèrement de m’avoir aidé à en (re)connaître le goût,- et, ma foi, je pense que je prendrais sans cris inutiles le chemin… d’où je me suis
Que voulez-vous, c’est bien fatigant de lutter pour rien.
Je suis, je vous assure, sans amertume. Simplement las. En général, je fais en sorte que cela ne se voie pas trop : à quoi bon ennuyer ses semblables avec tout cela, surtout s’ils ne peuvent pas tout savoir, tout comprendre ? Vous le pouvez : pardonnez-moi si c’est à vous que je me confie.
Il est donc bien possible que, d’ici deux, trois mois, si rien ne s’arrange, si je n’ai pas trouvé un moyen de vivre décemment et pas trop bêtement, je tire ma révérence.
En attendant, je vous promets de ne plus vous ennuyer avec ces épanchements désabusés…
Voilà. C’est fini.
Je ne sais toujours pas quand viendra Pilotaz – qui part le 25 pour Conakry. Je souhaite que ce ne soit pas le week-end prochain (11-12), car il y aurait un peu « embouteillage » : comme je vous l’ai dit, je pense avoir la visite de ma femme et de ma fille. Je les verrai sans doute samedi matin (le 11) chez Spitz. D’où peut-être je vous téléphonerais pour vous demander si, où et quand nous pourrons vous rencontrer un moment.
(Ma femme aussi m’écrit que tout est bien long et bien difficile, et que seuls la présence de notre fille et leur pensée qui m’empêche d’envisager tout à fait sereinement les solutions de découragement… Ah, tout cela n’est pas simple.)
Évidemment, je reconnais que sans Pilotaz (c’est-à-dire, en fait, sans vous) j’en serais déjà au point où il n’y a plus d’autres solutions.
La générosité de P.P. [Paul Pilotaz] me donne du moins un ou deux mois de répit.
Sait-on jamais ? Cela pourrait permettre à certaines choses de s’arranger.
(Parce que je refuse aussi de désespérer a priori …)
Mardi matin 11h1 /2 , comme convenu, puisque vous avez la gentillesse de ne pas me trouver trop ennuyeux...