Transcription Transcription des fichiers de la notice - Matinata corsa Leca, Petru Santu 1923 chargé d'édition/chercheur Christophe Luzi, laboratoire "Lieux, Identités, eSpaces, Activités" (UMR 6240 LISA) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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<a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32695408m" target="_blank" rel="noopener">https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32695408m</a> 1923 Textes et images : domaine public
L'Annu corsu, p. 102
Dans le droit fil du courant littéraire corse des années 1920 connu sous le nom de cyrnéisme, naissent parmi la ferveur des millieux intellectuels corses de cette époque, les créations manifestes et abondantes de Petru Santu Leca. Ecrites en langue corse, les principales nous sont parvenues fort heureusement. On les retrouve dans la revue littéraire <em>L'Annu Corsu</em>, pour laquelle il assume le rôle de secrétaire général en 1925 et de directeur en 1931, et aussi dans la revue méditerranéenne <em>L'Aloès</em> parue pour la première fois en mai 1914, où il endosse à la fois la double responsabilité de fondateur et de rédacteur en chef.<br /> <p>Béatrice Elliott, dans l'analyse qu'elle livre au fil du numéro 5 des <em>Cahiers du Cyrnéisme</em>, retient de la revue <em>L'Annu Corsu</em> qu'elle se démarque « par son indépendance absolue, par son amour du pays natal, sa compréhension profonde de tout ce qui est corse a fait beaucoup pour le développement de « l'Ile », pour le retour aux coutumes et à la tradition, et pour l'union, l'entraide et la fusion de tous ses enfants. Au point de vue littéraire, elle a su grouper d'excellents collaborateurs ».<br /><br />Dans <em>L'Annu Corsu,</em> chronique de l'année régionaliste et littéraire de 1927, sont mentionnés les liens qui existent avec la revue <em>U Laricciu</em> que dirige Carulu Giovoni, où l'on peut notamment lire des poésies de Pierre Leca<a href="#_ftn1" name="_ftnref1"><span>[1]</span></a>. Le 20 février 1927, l'association Salvadore Viale de Bastia, « centre d'études qui permet à une élite de mieux connaître les œuvres de nos écrivains locaux »<a href="#_ftn2" name="_ftnref2"><span>[2]</span></a>, fait paraître un numéro spécial sur Santu Casanova où son neveu, Pierre Leca, fait reproduire deux de ses poèmes, <em>Matinata corsa</em> et <em>Loghi fatati</em>, inspirés des paysages de la région d'Arbori où son oncle passa ses années de jeunesse.</p> <p>Petru Santu Leca brigue par le délaissement volontaire des images recherchées, une simplicité poétique qui suscite l'admiration et qui provoque l'émotion. Ses paysages sont sobres mais grandioses. Celui que campe le poème <em>Matinata Corsa </em>par exemple<em>, </em>tissé de scènes pastorales, au creux desquelles le soleil peu à peu réveille un village, jusqu'à son zénith, ces enfants qui courent dans les ruelles, ces visages familiers qui se côtoient, ce foyer - <em>issu fuculaghju tantu caru - </em>que rallume le magnifique poème de Peppu Flori afin d'y accueillir un ami<a href="#_ftn1" name="_ftnref1"><span>[3]</span></a><em>, </em>tout nous remémore des préludes que nous connaissons bien. Tout parle au lecteur de manière émouvante, à qui se demande ce qu'est un village corse et lui donne l'aspect de la vie.</p> <p>Les vers sonnent juste dans le cœur, pour la raison d'une écriture à la difficile simplicité certes, car la simplicité ne se donne guère facilement à un poète ; mais une écriture bien moins savante qu'émotive. Et tout résonne à l'esprit, d'un principe de conscience et de sensibilité où l'art poétique devient presque palpable. Le poème <em>Matinata corsa</em> reste sans doute à cert égard, l'un des plus aboutis.</p> <p></p> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1"><span>[1]</span></a> <em>L'Annu Corsu,</em> 1927, p. 181.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2"><span>[2]</span></a> <em>L'Annu Corsu</em>, 1928, p. 181.</p> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1"><span>[3]</span></a> Peppu Flori, « L'Ultimu viaghju »</p> Corse Dans le droit fil du courant littéraire corse des années 1920 connu sous le nom de cyrnéisme, naissent parmi la ferveur des millieux intellectuels corses de cette époque, les créations manifestes et abondantes de Petru Santu Leca. Ecrites en langue corse, les principales nous sont parvenues fort heureusement. On les retrouve dans la revue littéraire <em>L'Annu Corsu</em>, pour laquelle il assume le rôle de secrétaire général en 1925 et de directeur en 1931, et aussi dans la revue méditerranéenne <em>L'Aloès</em> parue pour la première fois en mai 1914, où il endosse à la fois la double responsabilité de fondateur et de rédacteur en chef.<br /> <p>Béatrice Elliott, dans l'analyse qu'elle livre au fil du numéro 5 des <em>Cahiers du Cyrnéisme</em>, retient de la revue <em>L'Annu Corsu</em> qu'elle se démarque « par son indépendance absolue, par son amour du pays natal, sa compréhension profonde de tout ce qui est corse a fait beaucoup pour le développement de « l'Ile », pour le retour aux coutumes et à la tradition, et pour l'union, l'entraide et la fusion de tous ses enfants. Au point de vue littéraire, elle a su grouper d'excellents collaborateurs ».<br /><br />Dans <em>L'Annu Corsu,</em> chronique de l'année régionaliste et littéraire de 1927, sont mentionnés les liens qui existent avec la revue <em>U Laricciu</em> que dirige Carulu Giovoni, où l'on peut notamment lire des poésies de Pierre Leca<a href="#_ftn1" name="_ftnref1"><span>[1]</span></a>. Le 20 février 1927, l'association Salvadore Viale de Bastia, « centre d'études qui permet à une élite de mieux connaître les œuvres de nos écrivains locaux »<a href="#_ftn2" name="_ftnref2"><span>[2]</span></a>, fait paraître un numéro spécial sur Santu Casanova où son neveu, Pierre Leca, fait reproduire deux de ses poèmes, <em>Matinata corsa</em> et <em>Loghi fatati</em>, inspirés des paysages de la région d'Arbori où son oncle passa ses années de jeunesse.</p> <p>Petru Santu Leca brigue par le délaissement volontaire des images recherchées, une simplicité poétique qui suscite l'admiration et qui provoque l'émotion. Ses paysages sont sobres mais grandioses. Celui que campe le poème <em>Matinata Corsa </em>par exemple<em>, </em>tissé de scènes pastorales, au creux desquelles le soleil peu à peu réveille un village, jusqu'à son zénith, ces enfants qui courent dans les ruelles, ces visages familiers qui se côtoient, ce foyer - <em>issu fuculaghju tantu caru - </em>que rallume le magnifique poème de Peppu Flori afin d'y accueillir un ami<a href="#_ftn1" name="_ftnref1"><span>[3]</span></a><em>, </em>tout nous remémore des préludes que nous connaissons bien. Tout parle au lecteur de manière émouvante, à qui se demande ce qu'est un village corse et lui donne l'aspect de la vie.</p> <p>Les vers sonnent juste dans le cœur, pour la raison d'une écriture à la difficile simplicité certes, car la simplicité ne se donne guère facilement à un poète ; mais une écriture bien moins savante qu'émotive. Et tout résonne à l'esprit, d'un principe de conscience et de sensibilité où l'art poétique devient presque palpable. Le poème <em>Matinata corsa</em> reste sans doute à cert égard, l'un des plus aboutis.</p> <p></p> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1"><span>[1]</span></a> <em>L'Annu Corsu,</em> 1927, p. 181.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2"><span>[2]</span></a> <em>L'Annu Corsu</em>, 1928, p. 181.</p> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1"><span>[3]</span></a> Peppu Flori, « L'Ultimu viaghju »</p>
Matinata corsa

A tutti i Mei.

Spuntat’è l’alba, e da e cime di Libbiu

A strascinella fala versu i pini

Ficcati fieramente, stretti e fini,

Una striscia di luce. Una campana

Sona l’Ave Maria a u campanile

D'Arburi. L’agula chi face u nidu

Nant’à u monte Pinzutu in lu Castaldu

Spicca lu volu pront’à la rapina,

E parte pa la pesca matutina.

U mar di Liamone è calmu e bellu,

I scogli, da luntanu, a fiore d’acqua.

Bruni, allungati e cume vioti in mezzu,

Parenu tante barche senza vele.

Une torra si scopre chi rammenta

Un passatu di gloria e di battaglie :

Assalti sarracini o jnuvesi,

Tradimenti, scunfitte, urli e ghjasteme

Di suldati firiti in pienu pettu,

Sanguinosi. ma ritti, ma superbi,

O Corsi Variante de L’Aloès : « Corsi, Corsi ». : morti, si, ma schiavi, no !

Sparit’è l’ombra chi cupria e vigne

E i campi cinarchesi. Sopr’à i tetti

Di le case d’Ambiegna e Calcatoghju

U sole sparghje u so mantellu d’oru.

U stradone chi corre versu Ajacciu.

Si piatta dopu San Sebastianu,

Francu ch'ell’ha la jesgia di lu collu,

Poi piglia la falata a tronca collu.

Da la parte di Guagnu, cume un fiume

Di fogu copre l’elpe, annega i monti ;

E certe case a Letia e certe a Rennu

So cusi belle sparse in li castagni

Tocche da i primi raggi di lu sole.

Bianche so’ le facciate e rossi i vetri

Chi parenu da qui tizzoni accesi.

E pò, carchi di luce, ecculi tutti

l monti amati, ricchi di fureste,

Di macchje, d’acque fresche e di ricordi.

A vedeli cusi tamanti e fieri,

L’unu a cavallu a l’altru, diciaristi,

Ch’elli vanu a l’assaltu di lu celu !

Si spartanu l’acelli : fischi e canti

Di capinere e di pincioni ; chjama

Rispondi di parnice sparucciate ;

Lamenti di ranochje sott’a l’alzi ;

Salti di rilli dentr'a stoppia ; frombu

Di cavalli mullati e chi laziosi

Corran’a coda ritta in mezzi prati ;

Bêli di capre e son di campanelle ;

Voce di pasturelli allegri ; abbaghj

Di jagari di caccia, e fucilate

Tirate in piaghja o più vicinu in Mela ;

Brioni di piugoni spavintati ;

Colpi d’ale in le scope ; martillate

D'un picchju capi-rossu e Iongu-beccu

Chi cerc’â tafuna un ghjambone seccu ;

Strunchizzume di legne sott’a i pedi

D’animali cappiati pa la macchja

Chi parte da lu fiume e sbocc’â u Masciu,

Chi circonda u castellu ruvinatu

Di quale fu signor l’eroe corsu

Ghjuvan Paulu Leca, mortu a Roma

E suppillitu in San Francesco in Ripa.

Avà si diciaria chi l’aria canta,

E si sente un ador di mucchju frescu.

E pò tutti sti gridi e sti rumori,

Colti da u ventu, uniti e mischjati,

Pruducian’una musica divina.

E cun elli, in lu ventu, passa, eterna,

Nobile, bella, fiera e fida sempre

L’anima di la Corsica. Mi parla...

A sentu… E lu me’ cor trema di gioja,

E mi mettu in ghjnocchie par amalla.

U sole è altu e d’Arburi le case

Chi s’eranu la notte, l’una a l’altra,

Strinte par dorme megliu sott’e stelle,

Si so’ lintate. Possu facilmente

Cuntà, senza sbagliammi, tetti e piazze.

Una ne vegu, alta e muri grisgi,

Duv’ell’è mamma cu le me surelle

Antonia, Agata e Marta, e c’è Filippu,

U me fratellu, e po’ cinque cugini.

Babbu l’ha fatta fa, ma babbu è mortu.

Da a jornu ch’ellu dorme in campusantu,

Duve d’aprile nasce u talavellu,

Duve fiurisce u mucchju muscatellu,

Duve m’aspetta lu riposu etemu,

Eju possu di ch’in casa nostra a gioja

Ghjunta un n’è più senza faldetta nera...

Altu è lu sole e la vita ripiglia.

E donne vanu a l’acqua a la funtana,

Cu la tinella in capu o a cerra in manu,

E l’omi, cu le bestie innanzu, vanu

A i campi a travaglià. E li zitelli

Correnu pa le strette e sott’a e ripe

Facendu fughje i jalli e le jalline.

Avà è tuttu luce u me paese.

Ridenu le so case e le so vigne.

U venticellu di sittembre piega

E punte di l’alive e di li piobi.

A croce di la jesgia, in pienu celu,

Cume par binadisce e cunsulà,

E duie braccie rughjnose allarga.

A pace sia cu boscu, o paisani

Chi state in casa votra e chi bardate

A tarra ind’elli so’ li nostri morti !

L’Annu corsu, 1923, p. 102.

Repris dans L’Aloès, juillet 1922, n°9, p. 24-28.