Transcription Transcription des fichiers de la notice - Cinquième état dactylographié, copie carbonée Valéry, Paul 1924 [circa] chargé d'édition/chercheur Johansson, Franz (édition scientifique) Franz Johansson, équipe Paul Valéry, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1924 [circa] Texte de Valéry publié avec l'aimable autorisation des ayants droit de Paul Valéry
f°39-41<br />Cote Rousseau : <br />f. 39 : 383 17/133<br /> f. 40 : 383 20/133<br />f. 41: 383 18/133
<p>Ces 3 feuillets sont le double carboné des feuillets 35-36-37 : les frappes des deux séries correspondent très exactement. Il est à remarquer que le denier feuillet de l’autre série (f. 38) avec la numérotation 4 n’a aucun équivalent ici (ce qui incite à lui donner un statut à part).</p> <p>Valéry a relu les deux séries de façon indépendante : chacune porte en effet des ajouts et des modifications différentes.</p> <p>Le verso du f. 39 comporte des annotations à l’encre, dont il n’est nullement certain qu’elles un rapport avec <em>Robinson</em>.</p> <p>Le verso du f. 40 est vierge.</p> <p>Le verso du f. 41 comporte une frappe (rayée d’un trait vertical) est identique à la celle du f. 33 recto (Valéry s’est servi de la copie carbonée d’une frappe antérieure comme feuille de récupération).</p> <br id="tinymce" class="mce-content-body " data-id="Elements-41-0-text" spellcheck="false" style="padding-left: 1px; padding-right: 1px; padding-bottom: 50px;" contenteditable="true" /> <p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%;"> </p> <p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%;"> </p> <p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%;"><span style="font-family: ’Times New Roman’, serif;"><span style="font-size: medium;"><em> </em></span></span></p> Français <p>Ces 3 feuillets sont le double carboné des feuillets 35-36-37 : les frappes des deux séries correspondent très exactement. Il est à remarquer que le denier feuillet de l’autre série (f. 38) avec la numérotation 4 n’a aucun équivalent ici (ce qui incite à lui donner un statut à part).</p> <p>Valéry a relu les deux séries de façon indépendante : chacune porte en effet des ajouts et des modifications différentes.</p> <p>Le verso du f. 39 comporte des annotations à l’encre, dont il n’est nullement certain qu’elles un rapport avec <em>Robinson</em>.</p> <p>Le verso du f. 40 est vierge.</p> <p>Le verso du f. 41 comporte une frappe (rayée d’un trait vertical) est identique à la celle du f. 33 recto (Valéry s’est servi de la copie carbonée d’une frappe antérieure comme feuille de récupération).</p> <br id="tinymce" class="mce-content-body " data-id="Elements-41-0-text" spellcheck="false" style="padding-left: 1px; padding-right: 1px; padding-bottom: 50px;" contenteditable="true" /> <p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%;"> </p> <p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%;"> </p> <p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%;"><span style="font-family: ’Times New Roman’, serif;"><span style="font-size: medium;"><em> </em></span></span></p>
Robinson.

Robinson avait assez assuré sa subsistance et presque pris ses aises dans son île.

Il s'était bâti un bon toit. il s'était fait des habits de palmes et de plumes, des bottes souples, un chapeau immense et léger. Il avait amené l'eau pure tout auprès de lui à jaser, jusque dans l'ombre de sa hutte. Elle jasait Le feu lui obéissait ; il l'éveillait quand il voulait. Une multitude de poissons séchés et fumés pendaient aux membres de bois de la case ; et de grandes cor beilles qu'il avait tressées étaient pleines de galettes grossières, si dures qu'elles pouvaient se garder éternelle ment.  

Un trait de crayon rouge semble isoler le paragraphe suivant

Robinson commençait  se laissait d'oublier ses commencements. Le temps qu'il allait tout nu et qu'il devait tout le jour courir après son dîner déjà lui semblait déjà pâle et historique.

Même il s'émerveillait à présent des propres œuvres de ses mains. X  L’ cet en surcharge sur L heureux Robinson se sentait plutôt l'héritier d'une lignée de Robinsons infortunés que l'ouvrier de tant de prospérité. Ses travaux assemblés étonnaient ses regards. Il avait grand peine à se sentir l’auteur agent de cet ensemble qui le contentait, mais qui ne laissait pas de le dominer En vérité Quoi de plus étranger au  à un créateur que le total et l’accomplissement de son ouvrage dont il n’a jamais connu que les degrés et les parties ?

autre limite de crayon rouge

Une demeure bien assise, des conserves surabondantes, toutes les sûretés essentielles retrouvées, ont le loisir pour con séquence. Robinson au milieu de ses biens se sentait confusément doucement   redevenir un homme, c'est-à-dire un être indécis et comme un peu plus  que les circonstances. Il res pirait distraitement, il ne savait quels fantômes poursuivre. Il était menacé de songes et d'ennui. Le soleil lui semblait trop trop

  Mais il y a d’autres genres de suicides –

longuement médités étudiés avec soin suicides brusques / impulsions

Il y a des suicides par vertige, par imitation irrésistible vertige de curiosité

par dans tous ces cas le tout est placé à la merci d’une partie or c’est bien là le reste Le déchiffrement de cette ligne est très incertain.

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beau et le rendait triste. 

Trait horizontal

Contempler des monceaux de nourriture durable, n'est-ce point voir du temps de reste et des actes épargnés ? Une cais se de biscuit s, c'est tout un mois de paresse et de vie. Des pots de viande confite, et des couffes de fibre bourrées de graines et de noix sont un trésor de quiétude ; tout un hiver tranquille est en promesse dans leur parfum.

Robinson humait avec ennui la sagesse du passé et la présence de l'avenir prudence et la vertu  dans la senteur des caissons et des coffres de sa cambuse. Son Un trésor de labeur dégageait de l'oisiveté. Il en émanait de la durée, comme il émane se dégage de certains métaux une sorte de chaleur absolue.

Il ressentait confusément que son triomphe triomphe était celui de la vie ne lui était pas personnel. Ordre fat  un triomphe, qu'il était un agent de la vie et qu'il avait accom pli la tâche essentielle de la vie qui est de transporter jusqu'au lendemain les effets et les fruits du labeur de la veille. L'humanité ne s'est lentement élevée que sur le tas de ce qui dure. Prévisions, provisions, peu à peu nous ont dé tachés de la rigueur de nos nécessités animales et du mot à mot de nos besoins. La nature le suggérait : nous portons avec nous de quoi résister quelque peu à l'inconstance des évé nements où elle ; la graisse qui est sur nos membres nous permet d’attendre, la mémoire qui se tient toute prête dans l'épaisseur de nos âmes s’accroît de noble, ce sont des modèles de ressources que notre industrie a imités. nous franchissons les  sommeil

Il y avait chez Robinson, [traînant] non loin de l'âtre, une vieille table de logarithmes sauvée des eaux, qui lui servait à maint usage domestique. 

Ses pages toutes dévorées de chiffres menus et qu'on eût juré couvertes de fourmis rangées en batailles, disaient dans leur naïf langage décimal que notre mm espèce laborieuse s'était constitué des économies de vérités. Des écritures ingénieuses propagent les longues peines de quelques-uns à travers jusqu'à l'impatience de tout le monde …

Trait horizontal

Oisiveté, se disait Robinson, Oisiveté, fille du sel, de la cuisson, et de tous les apprêts qui suspendent, en quelque sorte, le destin des aliments périssables, filles des empyreu mes, des fumées conservatrices, des aromates, des épices, et même des logarithmes, – que ferai-je de toi ? Que feras-tu de moi ? Voici que mes appétits ne dessinent ni ne colorent plus mes journées. Je suis libre ; n'est-ce pas être informe ? Quand nous croyons de nous appartenir, nous ne sommes qu'à la disposition des incidents les plus petits de notre regard. La variété, l'in finité des objets insignifiants nous abusent sur nos pouvoirs. Je n'ai plus de loi que mon indifférence. Ma mobilité me paralyse. Ma légèreté me pèse. Ma sécurité n'est pas sans m'in quiéter. Que vais-je faire de cet immense temps que je me suis mis de côté ?

Les lumières de la faim Les images de la soif  Les infinies clairvoyances de la peur Les idées.

graînes et de noix sont un trésor de quiétude ; tout un hiver tranquille est en promesse dans leur parfum et l’ave nir est amassé dans les caissons de la cambuse. C’est le plus grand triomphe des hommes et la condition essentielle de tous les autres, que d’avoir su transporter jusqu’au lendemain les effets et les fruits du labeur de la veille.

L’humanité ne s’est lentement élevée que sur le tas de ce qui dure. Provisions, prévisions peu à peu nous ont détachés de l’exactitude de nos nécessités animales et du mot à mot de nos besoins. La nature le suggérait : nous portons avec nous de quoi résister quelque peu à l'inconstance de nos êtres. La graisse qui est sur nos membres, la mémoire qui se tient toute prête dans l’épaisseur de nos âmes, ce sont des ressources que notre industrie a imitées et déve loppées.

Il y avait chez Robinson, traînant non loin de l’âtre, une vieille table de logarithmes sauvée des eaux, qui lui servait à maint usage domestique. Quand elle s’ouvrait, on eût dit que ses pages fussent couvertes de fourmis en rangs serrés. Ces feuillets tout dévorés de chiffres menus disaient dans leur naïf langage décimal, que notre espèce laborieuse s’était constitué des économies de vérités, et que des écritures convenables offrent les longues peines de quelqu’un à l’utilité de tout le monde…