L.P.c.o.g 4°
L.P. c.o. 13 a
ont redige le cours :
M. M.
Beauvallet
Bellin
Bertrand (Edouard)
Bertrand (Diogène)
Blanchet
Crouslé
Cucheval
Fustel
Guibout
Horion
Monin
Perigot
Tournier
Elèves de troisième année.
Les rédactions ont été vues et corigées par le
Professeur.
Les corrections, dont le plus grand nombre portait
sur l'orthographe des mots anciens ou étrangers, ont
passé dans la copie.
2.
3
Extrait du Journal général de l'InstructionAu début de sa leçon, le professeur s'est attaché
à démontrer l'influence du langage sur les opéra¬
tions de l'esprit, et il a fait remarquer que, pendant
longtemps, les grammairiens et les rhéteurs n'ont
vu dans la parole qu'un moyen propre à exciter
certaines impressions chez les autres hommes, sans
y voir un moyen de perfectionnement pour notre
propre esprit, tandis que les fondateurs de la
science qu'on appelle la logique, traitaient de
cette science d'une manière tout abstraite, et
étudiaient la nature des idées, sans s'occuper des
signes qui les représentent. Ainsi, la chaîne était
rompue, et les deux phénomènes du langage et
de la pensée, si étroitement unis, si dépendants l'un
de l'autre, demeuraient isolés et privés de la lumière
qui les éclaire mutuellement. C'est effectivement
le langage qui lie la pensée intime de l'homme
et les formules de la logique. C'est par lui que
nous connaissons le mécanisme du raisonnement;
(1) Les élèves n'ont pu assister à cette première
leçon.
4.
c'est lui qui décompose la pensée, et qui devient
une méthode analytique pour chaque idiome.
L'Etude des langues, leur histoire, les compa¬
raisons que l'on peut faire entre elles, sont donc
aussi l'histoire de notre espèce depuis l'apparition
de l'homme jusqu'aux époques les plus récentes,
et c'est à l'aide de cette étude que nous pouvons, au
milieu des ténèbres des premiers âges du monde,
reconnaître, sinon avec certitude, du moins avec
probabilité, les analogies et les différences exis-
tantes dans la famille humaine et celles qui
caractérisent chaque génération successive.
Après ces considérations, le professeur expose
le ttableau de la famille des langues indo-germa-
niques, ou, plus proprement, indo-européennes,
à laquelle appartiennent le sanscrit et ses dérivés,
le zend, le grec, le latin, et les idiomes modernes
auxquels il a donné naissance (comme le fran-
çais, l'italien et l'espagnol) enfin, les langues
germaniques, les lanques slaves et, jusqu'à un
certain point, les lanques celtiques. Toutes ces
langues, fort différentes au premier aspect, ont,
néanmoins, une parenté incontesttable; car,
outre un certain nombre de radicaux qui leur sont
communs, chacune d'elles a, dans sa grammaire,
5
des analogies évidentes avec les grammaires de
toutes les autres.
Ici le professeur explique les diverses manières
dont se sont opérés les changements qui constituent
la différence apparente de ces idiomes, et il établit
une nottable distinction dans le mode de ces change-
ments entre les langues écrites et les langues sans
écriture. Dans les langues sans écriture, en effet,
les changements sont produits par l' agglutination
des mots, tandis que dans les langues écrites, ils
sont amenés par la simplification des formes des-
tinées à marquer les rapports des mots, par l'élimi-
nation des synonymes inutiles et les altérations euphoni-
ques.
De cet exposé, et après avoir constaté l'utilité de
l'étude du vocabulaire des nations pour mieux
connaître l'origine de leurs langues et comparer les
rapports et les différences des peuples qui les parlent,
le professeur passe à l'examen de la science si
délicate des étymologies, qui, malgré de nombreux
et savants travaux, est encore une science nouvelle et peut-être même une science à faire dans quelques-
unes de ses parties.
Ne voyant dans la recherche d'une langue
primitive qu'un sujet de pures hypothèses, puisque
6.
cette langue a disparu pour la science, il s'occupe
ra exclusivement de l'étude des idiomes qu'il
nous est donné de connaître, et il s'attachera sur
tout à celles des langues indo-européennes qui ont
une littérature dont on peut tirer des notions exactes
sur la grammaire, le génie et le caractère des
peuples qui les parlent.
Au premier rang de ces langues, il place le
sanscrit qui renferme les éléments de la plupart
des langues européennes et les résume toutes.
Viennent ensuite les deux langues dérivées, du
moins en partie, du sanscrit, les langues grecque
et latine. La langue grecque est à la fois la plus
ancienne et celle qui approche le plus de l'antique
idiome de l'Inde. Cette langue qui avait déjà produit
des chefs-d’œuvre avant d'être entièrement figée, et
semble être une des plus parfaites qui jamais aient
servi à l'expression de la pensée humaine, a eu,
au moins pendant une longue durée, l'inappréciable
avantage de ne point s'altérer par la succession
des siècles, de n'être point infectée par la contagion
d'idiomes moins parfaits. On a pu croire qu'elle
avait le privilège de ces fontaines qui traversent
la mer, au dire des poëtes, sans y perdre la douceur
de leurs eaux, qui roulent
7.
Au sein furieux d'Amphitrite étonnée
Un cristal toujours pur et des flots toujours clairs,
Que jamais ne corrompt l'amertume des mers.
Cette belle langue, en effet, dut à un heureux
concours de circonstances et principalement à
l'établissement du siège de l'empire à Byzance,
de se maintenir pendant tout le moyen âge, sinon
avec la pureté antique du moins sans altération
remarquable, jusqu'à l'époque où les Ottomans
achevèrent d'abattre l'empire, et dispersèrent en
Occident les derniers dépositaires des sciences et des
lumières de la Grèce. Et on peut ajouter que si l'an-
cienne langue hellénique a fait place en Grèce à
un idiome vulgaire, celui-ce ne constitue pas, au
fond, une langue différente, mais plutôt un âge
différent de celle qui l'a précédée.
La seconde des langues dérivées du sanscrit et
qui seront l'objet spécial de nos études est la
langue latine. Par une sorte de hasard, ce dialecte
parlé par une peuplade obscure, devint la langue
d'un peuple conquérant, et fut dans la suite
porté par lui, avec le droit de cité, depuis la
péninsule ibérique jusqu'aux rivages du Pont-
Euxin. Aussi, l'empire romain a-t-il présenté,
sous le règne des Antonins, la plus belle unité
8
de peuples qui fut jamais et un
sans manquer à la vérité, en célébrant la politique
à la fois si habile et si humaine de Rome :
et s'il pouvait ajouter:
La langue latine a eu plusieurs âges; l'âge
italien ou national, qui finit avec
des Scipions et finit avec
la décadence marqué en littérature par la prose
d' e siècle,
par les altérations que le latin commence à éprouver dans les monuments épigraphiques.
De ces deux filles aînées du sanscrit, le
professeur passe aux langues néo-latines ou
romanes, qui durent leur naissance à l'irruption
des Barbares dans l'Occident et le Midi de
l'Europe. Les conquérants ne comprenant pas la
structure du latin, en brisèrent le mécanisme, et
leur ignorance des déclinaisons et des conjugaisons
9
les força de recourir à l'usage des articles et des
verbes auxiliaires. Dès lors, les idiomes nouveaux
se formèrent peu à peu. Ces idiomes reçurent des
termes teutoniques nécessaires pour désigner un
certain nombre d'objets, mais le fond du vocabulaire
resta latin, quoique dans une mesure différente
chez chacun des peuples conquis, et, sans doute, dans
la proportion du nombre des individus de chaque
race au moment de la conquête et de la fusion.
Le professeur trace ici un ttableau rapide de
l’histoire de la langue française depuis le IX e
siècle jusqu'à nos jours, et termine par l'indica-
tion
cours.
Ce Cours embrassera trois idiomes, le grec, le
latin et la langue nationale; l'illustre et savant
professeur annonce qu'il comparera les mots et
les procédés que chacun d'eux applique à l'expres-
sion de la pensée. Il donnera la définition des
termes, montrera leur origine, quand cela lui
paraîtra possible, et examinera les formes gram-
maticales communes aux trois langues qu'il vient
de nommer, ou particulières à chacune d'elles.
10.
11
21° Ce qu'il faut entendre par les mots de grammaire
générale, grammaire comparée ou linguistique et
philologie comparée.
2° Classification des langues Indo-Européennes. Les langues
Ibériennes n'en font pas partie
3° Langues indiennes en particulier — Sanskrit et langues
dérivées.
12
13.
1° Ce qu'il faut entendre par les mots de grammaire
sonnée des principes immuables et généraux de la
parole prononcée ou écrite dans toutes les langues:
C'est encore : l'examen philosophique des procédés
des langues, à nous connues, sous le rapport de
l'expression de la pensée. (Définition de M.
En effet, si l'on compare ensemble les grammaires parti-
culières de plusieurs langues on s'aperçoit qu'elles
présentent un certain nombre de procédés communs.
Par exemple elles ont toutes des mots qu'on appelle Verbes
et qui marquent l'action faite par un sujet, ou l'état
de ce sujet : des mots qu'on appelle noms et qui expri-
ment l'idée du sujet. presque toutes ont des particules
dont la fonction est d'unir des phrases entre elles et
qu'on appelle Conjonctions. Ces particules sont ordinai-
rement d'une ou deux syllabes excepté quand elles sont
formées par l'aggrégation de plusieurs mots, ainsi :
Verum enim vero cependant néanmoins qui sont de
vérittables mots composés.
Rechercher ces procédés communs, et en déduire des lois,
c'est faire de la grammaire générale.
14
langues, plus on voit diminuer le nombre des procédés
qui leur sont communs à toutes. Examiner ces diffé-
rences c'est faire de la grammaire comparée ou de la
linguistique.
On ne trouve en latin que Scripsi
à la double forme grecque γέγραφα
à la double forme française J' ai écrit ou j' écrivis.
L'examen de ces différences appartient à la grammaire comparée. On fait encore de la grammaire
comparée en observant que si en latin et en grec, les mots ont
des flexions, ils en ont aussi dans beaucoup de langues
germaniques et dans la plupart des langues celtiques.
dans plusieurs langues, on ne fait plus de la gram-
maire comparée, on fait de la philologie comparée
Les mots sont les pierres de l'édifice, la grammaire
est la structure qui les réunit.
Pour faire ressortir la différence de la grammaire
comparée, et de la philologie comparée, nous allons citer
plusieurs exemples de philologie comparée. Ainsi le
mot grec Sylua
Epée vient du grec
Spatha
15.
dans les Annales de re militari
Végèce remplace les mots Ensis gladius
spatha Pugio Semi Spatha
Le mot aujourd'hui vient de cinq mots latins : ad illud diurnum de hodie
o s'écrivent en français avec un h : Oleum huile, octo huit, ostium huis
Toutes ces observations ne sont pas de la grammaire
à proprement parler, ce sont des remarques qui se rattachent
plutôt à la lexicologie et au vocabulaire, ce sont des
comparaisons qui ne portent que sur la constitution maté-
rielle des mots, c'est de la philologie.
Le nom de philologie comparée ou celui de linguistique
conviendrait donc mieux à l'objet de ce cours, comme
plus exact et plus précis. Nous emploierons cependant
celui de grammaire comparée comme étant plus généra-
lement admis et plus vulgaire.
manière intime et ne peuvent pas être séparées. L’une,
la grammaire comparée est plus métaphysique ; elle se
rattache à des considérations qui ont pour objet l'enten-
dement humain. L'autre la Philologie s'occupe
davantage de la formation des mots et de leur
filiation. Elle suit les diverses formes qu'un mot
16
revêt en passant d'une langue dans une autre et
les transformations qu'il subit. Mais ces deux
études s'aident l'une l'autre de la façon la plus
complète. Car comment peut-on faire de la gram-
maire comparée, si la philologie n'a pas réuni
les matériaux que la grammaire doit mettre en
œuvre ? Ce n'est que par l'observation des faits, que
l'on peut s'élever à la constatation des lois ; ce n'est
donc que par l'étude des mots, que l'on peut
légitimement arriver à l'étude des procédés communs
que les langues appliquent à l'expression de la pensée.
Avant d'entrer dans les études de grammaire comparée
qui sont l'objet de ce cours, il faut dire quelques
mots des langues dont nous aurons plus tard occasion
de rappeler les noms. Nous parlerons surtout des
cinq familles principales de langues que l'on comprend
sous le nom de langues Indo-Européennes.
cinq familles principales qui se rattachent toutes
entre elles, quoiqu'avec plus ou moins d'affinité.
Ce sont les :
17
1° Langues Indiennes et Persanes
2°. Langues Celtiques
3° Langues Pélasgiques (grec, latin)
4° Langues germaniques
5° Langues Slaves.
Nous substituons le nom de lanques Pélasgiques au nom
de langues romanes que quelques auteurs emploient. Le
nom de langues pélasgiques convient mieux ; il a le
double avantage d'être plus genéral et d'éviter toute
amphibologie. Car le nom de langues romanes est
plutôt réservé aux langues néo-latines, qu'aux idiomes
primitifs des nations grecque et romaine.
avons établies, nous n'avons pas compté les langues
Ibériennes qui nous paraissent complètement
étrangères aux langues Indiennes. Les peuples qui
parlaient ces langues ne sont pas de la même race, et
ne sont pas venues des mêmes pays.
À des époques que l'histoire ne peut pas déterminer,
il s'est opéré de grandes révolutions dans le plateau
central de l'Asie. Les peuples qui l'occupaient, l'aban-
donnèrent par une émigration semblable à celle qui
les jeta sur l'Occident au IV et V e siècle de notre ère.
Ils descendirent de ces contrées, antique berceau du
monde, et pénétrèrent en Occident en suivant le littoral
18
du Pont-Euxin et remontant le cours du Danube.
Au contraire les peuples qui parlaient la
langue Ibérienne, semblent être venus par le littoral
de l'Afrique. Ils occupaient primitivement la
péninsule Ibérique, la Sardaigne, la Corse et la
Sicile. Les Cantabres parlaient cette langue et les mots que
nous ont conservés les auteurs grecs et surtout les latins
prouvent que cette langue était différente des cinq autres.
La race Ibérique avait aussi passé les Pyrénées, et
s'était établie dans le bassin de la Garonne. Le premier
témoignage historique que nous ayons sur l'ethnographie
des Gaules, les commentaires de César, nous montrent ce
peuple établi dans le bassin de la Garonne.
aquitani, tertiam qui ipsorum lingua Celtae nostra Galli
occupées l'une par les Belges, l'autre par les Aquitains,
la troisième par ceux qui dans leur langues s'appellent Celtes
Note (1) — Omnis
insister. Omnis totus
signifie en général. Totus tout entier. Cicéron (lettres
à Atticus, livre XII, lettre 14) dit que pour se distraire de la
mort de sa fille, il écrit des jours entiers Totos dies scribo
Dans Térence on trouve totos sex menses totum triduum
trois jours entiers. Le vers suivant d'Horace fait bien sentir
la force de totus. Epist. liv. I. Ep. VII
19
Gaulois (2). La langue, les institutions,
Sextilem totum mendax desideror Cunctus Totus Omnis
ble, d'un accord umanime, et ne s'emploie le plus souvent qu'au
pluriel. Cuncta Aegyptus
(Tite Live) Cuncta Italia
Virgile dit :
Horace :
Note 2 — Nous prononçons celtae c : les
latins n'adoucissaient pas cette lettre. Elle avait pour eux le
son du K ou du Q : Keltae
trouve le k, le q superflus, et parfaitement remplacés par
le c.
Dans les districts les plus anciens de la Haute-Ecosse et
dans quelques régions de l'Irlande, dans le comté de
Cornouailles les peuples qui parlent l'ancienne langue
du pays s'appellent Gaêls, et la langue s'appelle
Gaelic. On comprend alors comment les Romains
abusés par le nom ont pu appeler ces peuples galli
Gaulois
César établit une distinction d'abord entre les
20
centre, séparés des Aquitains par la Garonne et
des Belges par la Marne et par la Seine.
L'Aquitaine s'étend entre la Garonne et les Pyrénées à l'Ouest, du côté de la mer. X a,,
Ces Aquitains ne sont autres que des Ibères qui
ont passé les Pyrenées pour s'établir dans le bassin
de la Garonne. Il ne reste de ces peuples et de leurs
langues, que le peuple et la langue basques, nation
tout-à-fait à part, comme le prouvent sa physiono-
mie et surtout sa langue qui ne ressemble à aucune
des langues connues.
toire des Ibères un parti singulièrement heureux de
nations qui habitent la Gaule, puis entre les
idiomes que parlent ces trois nations. Il fallait
donc que ces différences fussent bien grandes pour
que le général romain les remarquât, lui qui devait
s'occuper davantage des querelles du Sénat, que
des moeurs des peuples dont il faisait la conquête
Nous admettons donc comme certaine l'existence
d'une population Ibérienne dans le bassin de la
Garonne, et l'existence d'une langue parlée par ce
peuple, différente des autres langues.
21.
l'idiome basque et rien ne prouve mieux, combien
l'étude des langues peut aider à la solution de certains
problèmes ethnographiques. Au moyen du basque,
M. de Humboldt a fixé des points nombreux de la
péninsule espagnole et quelques points de la Gaule
méridionale qui ont été occupés par les Ibères et dénommés
par eux. Il fait plus : traçant une ligne oblique de Bilbao jusqu'à l'embouchure du Guadalquivir, il
a reconnu que ce qui est en deçà de cette ligne ne
présente dans-la composition des noms de lieu, aucune
trace des langues celtiques. Tout est basque, c'est-à-
dire, Ibère, Ibère pur. A l'ouest et au nord de la même
ligne, les mots et les terminaisons celtiques, se pré-
sentent en grande abondance ; mais répartis inégale-
ment. M. de Humboldt précisant de plus en plus
les résultats de sa découverte est parvenu à reconnaitre
dans quelle proportion étaient en Espagne les popu-
lations celtiques et Ibériennes à une époque sur
laquelle l'histoire se tait.
De ce côté des Pyrenées M. de Humboldt s’est
borné à indiquer quelques lieux de l'Aquitaine, du
Languedoc et de la Provence qui portent ou ont porté
des noms basques.
Telle est la ville de Calagorris en Aquitaine. Telle
est encore Bigorre, et Bazas. M. Fauriel a porté
22
à 19 les noms de localité qui sont d'origine basque
et se retrouvent les mêmes en France qu'en Espagne.
s'est étendu vers le Nord de ce côté des Pyrénées. Il
faudrait prendre un à un les noms de lieu de la
France méridionale et déterminer le point qu'attei-
gnent les racines basques. Sans que cette étude ait
été faite, on peut croire qu'on les suivrait jusqu'à
la Loire. Polybe parle d'un port de Corbile
situé près de l'embouchure de ce fleuve. Ce mot est
composé de radicaux basques qui se retrouvent dans
divers noms de lieux en Espagne.
La langue basque a une incroyable variété de
formes, et exprime une infinité de nuances. C'est
surtout dans les verbes que la langue basque déploie
une surprenante richesse de formes grammaticales.
Il y a une forme active, et passive, et même des formes
affirmative, négative, éventuelle, courtoise, familière,
de la langue basque prétend que chaque verbe a 206
présents. Cela me parait une exagération ridicule
et je n'y crois pas. Tout ce que je veux conclure de ces
caractères de la langue basque ou Ibérienne, c'est qu'elle
n'a aucun rapport avec les langues Indo-Européennes
et que nous devons la laisser de côté dans notre
23
classification.
3° Langues Indiennes.—leurs divisions
sanscrit, l'idiome sacré des Brahmes, la source com-
mune de toutes les langues de l'Inde. Son nom qui signifie
concret, perfectionné montre assez les phases qu'il a du
subir avant d'être fixé par l'usage, et cependant ses
monuments littéraires les plus positifs le font remonter
sous sa forme actuelle à plus de 15 siècles avant notre
ère. Tracés sur des feuilles fragiles de Palmier que la
religion a cachées dans les temples ou transmises d'âge
en âge chez les fidèles Indous, ces monuments nous ont
revélé une littérature d'une richesse merveilleuse; en
poésie et en philosophie surtout, car l'histoire n'a
pas atteint chez ce peuple le même développement
que ces deux autres branches des Belles-Lettres.
On a prétendu que le sanscrit n'avait jamais
été parlé, et avait toujours été une langue de conven-
tion pour les savants. Cette hypothèse est inadmis-
sible; mais sans la discuter ici, nous pouvons affirmer
que cette langue a eu une grammaire certaine
et rigoureuse, et qu'aujourd'hui encore elle est étudiée
par les prêtres indiens, comme le latin est étudié
24.
par nous. Comment aussi, une langue non parlée
aurait-elle par donner naissance à tant d'idiomes
divers qui se rattachent à elle d'une manière certaine
le Pracrit Idiomes principaux— Le Pracrit qui signifie
naturel, spontané, était l'idiome vulgaire, parlé
par le peuple et les femmes et contemporain du
sanscrit qui était l'idiome des classes privilégiees.
Ainsi à Rome, à côté de la langue de Cicéron et
de l'aristocratie lettrée, se trouvait la langue
romano-rustique, la langue des classes inférieures,
et des provinces latinisées.
Pali 2° Le Pali langue plus cultivée, répandue
autrefois dans le midi de l'Inde, fut adopté par la secte
des boudhistes, qui expulsés de leur patrie par les
Brahmes, portèrent au delà du Gange, au Tibet et
en Chine, leurs dogmes, leurs traditions et leur littér-
rature qui s'est conservée dans les livres religieux.
L'Hindoustani L'Hindoustani - L’Inde traversée par
une foule de peuples, et envahie à plusieurs reprises
par les Arabes, vit sa langue se mêler et se confondre
avec celle de ses vainqueurs, et former ainsi un
grand nombre d'idiomes qui se partagent actuellement
ses différents états. Le plus répandu est l'Hindoustani,
qui né sur les bords de l'Indus de la fusion du
sanscrit et de l'arabe, a fini par régner dans
25
tout l'empire Mogol et dans toute l'Inde mahométane.
Le Bengali. Bengali, particulier aux rives du
Gange et aux adorateurs de Brahma, s'est le moins écarté
de la langue primitive.
nés du sanscrit. On peut encore citer comme langages
tirés du sanscrit, le Cachemire, le Seikh, le Mahratte
nés au nord de la péninsule, ainsi que le Zingane ou
dialecte des Zigennes ou bohémiens réfugiés en Europe.
Le Malabar, le Tamoul, le Telinga, sont en usage
sur les côtes du midi; le Cingalais et le Maldivien
dans les Iles; sans parler de beaucoup de dialectes
intermédiaires plus ou moins rapprochés du Sanscrit.
langues persanes, et au lieu de cinq familles de langues
Indo-Européennes, comptent 6 familles. Ces différences
d'opinion sont insignifiantes. C'est pour ne pas
multiplier les divisions et subdivisions que nous avons
joint les langues persanes, aux langues indiennes,
qui de l'avis de tous les savants leur ont donné naissance.
Trois dynasties principales se sont succédé chez les
Perses, trois langues principales ont été parlées successi-
vement, et ont disparu tour à tour, excepté la dernière
qui a formé la langue parlée aujourd'hui par les Perses.
Zend Zend, l'idiome sacré des Mages, la
26.
que le sanscrit s'est répandue à l'Ouest de l'Asie
parmi les adorateurs du Soleil, domina en Perse avec
la dynastie des Achéménides qui succomba sous les
coups d'
que sont écrits tous les fragments qui nous restent des
livres précieux de Zend-Avesta, fragments
apportés en Europe par un savant français,
C'est en Zend et dans des dialectes peu différents
du Zend ou analogues que sont tracées ces inscrip-
tions cunéiformes, qui depuis le commencement de
ce siècle-ci, ont eu le privilège, d'exciter si vivement
la curiosité des savants européens.
M.
enlevé à la science, dans la force de l'âge, et la maturité
du talent, a fait sur le Zend des travaux remar-
quables, qui, continués par un homme aussi
habile et aussi instruit, nous permettraient de
lire ces inscriptions mystérieuses. Une telle
découverte nous révélerait l'histoire des peuples
qui ont occupé l'Assyrie, la Babylonie, la
Médie et la Perse, tandis que cette histoire peut
à peine être entrevue par nous à travers les récits
fabuleux de Diodore de Sicile et des autres historiens.
27
De nos jours, l'arabe, le Turc, le Persan, quoique
étant trois langues différentes, ont le même alphabet
et se servent des mêmes caractères. Il en était de même
du Zend et des dialectes analogues qui s'écrivaient
avec les caractères cunéiformes. Ce qu'il y a de certain
c'est que la langue, ou les langues dans lesquelles sont
tracées ces inscriptions avaient 30 lettres ; qu'elles
s'écrivaient de gauche à droite, que les voyelles sont
écrites, qu'on y distinguait les brèves et les longues,
comme en grec on distingue l' o bref de l' o long : ο, ω
Si jamais on peut lire les inscriptions cunéifor-
mes, c'est par le Zend qu'on y arrivera.
Pehlvi Pehlvi ancien idiome chaldéen fut +
parlé par les Mèdes et par les Parthes qui vainqui-
rent zends,
est formée par le mélange des Idiomes Sémitiques tels
que 1° le Chaldéen ; 2° l' Hébreu ; 3° le Phénicien ;
4°, et par conséquent, le Punique ; 5° enfin l’ Arabe.
Parsi. Parsi dialecte de la même famille
que le Zend et le Pehlvi et restreint longtemps à la
Perse, où il se perfectionna de plus en plus, finit par
devenir sous la domination des Sassanides, l'idiome
dominant de tout l'empire. Il s'y conserva intact jusqu'à
l'invasion mahométane qui joignant l'arabe aux
Le Persan éléments nationaux donna naissance au Persan, (actuel
28
Cette langue malgré sa double origine, qui la met
à l'égard du Zend dans les mêmes conditions que
l'anglais par rapport à l'allemand, est cependant
pleine de concision et de force, pleine de grâce et
de poésie. Les monuments de ses grands écrivains
tels que le Schahnameh de Firdansi et le gulistan
de Saadi lui donnent une haute importance littéraire
et attestent ce qu'elle peut produire encore. Enrichie
à la fois des racines arabes et indiennes dont elle
abrège les terminaisons, simple et claire dans sa
syntaxe, expressive dans ses compositions, élégante
jusque dans son écriture, perfectionnée de l'alphabet
arabe, elle est considérée avec raison comme la langue
la plus polie de l'Asie moderne.
Autour d'elle viennent de grouper, à des distances
plus ou moins éloignées, quelques idiomes âpres et
sauvages, tels que l' afghan parlé dans le royaume
de Caboul, le Beloutche sur les confins de l'Inde
le Koorde chez les montagnards de la Perse, et
enfin l' Ossete qui s'est perpétué dans une tribu
du Caucase, antique reste de la grande émigration
des peuple indiens ou en Europe.
Telles sont les observations que suggèrent la
comparaison des langues indiennes et le ttableau de
leurs subdivisions.
29
La leçon suivante aura pour but d'examiner les langues celtiques, et de rechercher ce qu'était cette langue des celtes avant la conquête de César. Nous en retrouverons de nombreux débris dans l'Irlande, la Haute Ecosse, le pays de Galles, la Basse Bretagne. Nous traiterons de ces langues et des traces qu'elles ont pu laisser dans la nôtre.
30
31.
332.
34
On peut rapporter aux langues indiennes les trois
langues persanes dont quelques linguites veulent
faire une famille séparée : Le Zend, le Pehlvi, le
Parsi.
Le Zend fut l'idiõme sacré des mages de l'anciennes
Perse. En zend sont écrits les livres de
Zendavesta; l'écriture des inscriptions cunéiformes qu'on
trouve dans les ruines de Babylone, sur les affluents
du Tigre et de l'Euphrate, à Persépolis, à Hamadan,
est la même que le Zend. Ce fut la langue des
Achéménides.
Le Pehlvi parlé par les Mèdes et les Parthes qui
succédèrent aux Achéménides, est mêlé aux langues
Sémitiques, c.a.d le Chaldéen, l'Hébreu, le Phénicien
le Punique. Le Zend et le Pehlvi ont disparu depuis
longtemps.
Le Parsi devint l'idiôme dominant sous les Sassanides,
il a donné naissance au Persan moderne.
La seconde famille des langues originaires de l'Asie,
et venues de l'Est à l'Ouest, est la famille des langues
Celtiques.
Elle semble s'être séparée avant les autres, de l'Asie;
33.
Nous avons établi cinq grandes familles de langues
qui, venues de l'Asie par un mouvement de l'Est
vers l'Ouest, ont entre elles un rapport d'origine, et des
ressemblances.
e Leçon.
des langues indiennes : le Sanskrit qui donne naissance
au Pracrit et au Pali ; L' Indoustani et le Bengali.
Le Sanskrit n'existe plus comme idiôme vivant. Les
Brahmes de l'Inde l'étudient, comme nous le latin ; il a
fourni une littérature immense dans presque tous les
genres, excepté dans le genre historique. Selon quelques
Indianistes le Pracrit était contemporain du Sanskrit
même. Le Pali devint la langue Sacrée des Bouddhistes.
L' Indoustani, mêlé de Sanskrit et d'Arabe ; le Bengali
sont deux langues modernes parlées sur les bords du
Gange.
35
Ce qui nous autorise à dire que, des cinq grandes familles
que nous avons indiquées, les langues celtiques sont les
plus éloignées de leur origine asiatique, quoiqu'elles
en conservent encore des traces. Les Celtes partis de l'Est,
suivant leur marche en remontant le Danube au Sud,
sont arrivés dans l'Europe occidentale.
astronome et voyageur de Marseille, vivant au com-
mencement du IV e Siècle avant J.C. nous en a donné les
premières notions sur ces peuples de l'Occident. Il
nous montre, à l'époque où les Grecs avaient déjà établi
leurs colonies en Ligurie, et dans le midi de la Gaule, la
au Sud du Danube ; du reste ce fait est prouvé d'une
manière évidente par les noms des localités anciennes.
de l'Italie jusqu'à l'Apennin. Il y laissèrent les
Lygures (Ligurie) les Isombra (issubriens) et les
Ombra (Ombriens)
dans les larges bassins de la Loire, de la Seine, et du
Rhône ; ils s'étendirent au Sud jusqu'à la mer, et s'établirent dans les endroits qui n'étaient pas
encore occupés par les colonies grecques, tels que
Marseille.
36
C'est à dire en Angleterre, en Ecosse, et en Irlande.
C'était une des familles de peuples les plus repan-
dues au III e siècle avant notre ère. Les choses ont
bien changé depuis. Tous les Celtes établis sur le
continent furent soumis par les Romains, et
subirent les conséquences de la conquête, c.à dire
la triple influence des armes, de la littérature et des
mœurs ; quelque-uns de ceux qui habitaient les îles Britanniques
eurent le même sort ; plus tard ils
furent entièrement remplacés par les Anglo-Saxons.
On peut diviser les idiômes qui dérivent de la langue
Celtique en deux grandes classes :
1° le rameau Gaélique, qui se divise lui-même en
L'Irlandais. le calédonien. Irlandais et le Calédonien.
L' Irlandais ou Erse a été peu à peu chassé
par l'anglais qui a dominé dans les villes. Mais
jadis cette langue était beaucoup cultivée.
Les anciens eux-mêmes et les écrivains du moyen-
âge nous disent que l'Irlande s'appelait autrefois
Erin, c'est à dire en Irlandais : île occidentale ( er, ouest,
in, île). C'est le mot les Romains, maîtres
de l'Angleterre, entendirent prononcer, et qu'ils
écrivaient Iuerne. Or les Romains, qui avaient
deux sons pour l' u et le v, comme pour l' i et le j,
n'avaient cependant qu'un caractère pour l' u et le v
37
comme pour l' i et le j, de sorte qu'on lisait tantôt
u, tantôt v, c'est ce qui arrive pour
Ainsi Pomponius Méla appelle l'Irlande Juverna
"
(
cause de ses gras paturages, méritait le surnom
de la verte Erin que les Irlandais lui donne aujour-
d'hui. On dirait aussi que
Remarquons ici que les habitants de la Haute Ecosse
et ceux de l'Irlande sont appelés Scoti par les anciens,
à cause de la conformité de leur dialecte, ce qui a donné
lieu à beaucoup d'erreurs ; bien souvent on a traduit
Scoti par Ecossais dans les cas où il signifiait
Irlandais. Enfin le troisième nom qui a prévalu c'est
Hibernia
d'assimiler un mot, qui par lui-même n'a aucun sens
et ne représente rien aux esprits, à un mot connu et
usité dans la langue populaire : Ivern a fait penser
à Hibernus ; de là : Hibernia
La lang ue Irlandaise ou Erse a eu sa période
florissante. au VI et au VII e siècle, quand la Gaule
et l'Espagne furent près de périr, ce qui restait de la
38
civilisation Romaine en Grande-Bretagne fut anéanti
par les Anglo-Saxons ; Mais la langue Erse jouis-
sait alors d'une grande influence. Les Irlandais
avaient été convertis au christianisme, et dans les
monastères Irlandais on voyait une civilisation su-
périeure à la plupart des civilisations du reste du
continent. Au grand nombre des tribus de la Germanie païenne fut converti au christianisme
par des Irlandais qu'on appelait toujours Scoti.
le monastère de Luxeuil (h. Saône) d'où sortirent
tout d'hommes célèbres par leur Sainteté, et en
était un moine Irlandais.
585, et qui se retira plus tard en Suisse, y fonda à
huit kilomètres du lac de Constance le célèbre monas-
tère de Saint-Gall qui a donné son nom à un
canton Suisse. Le moine
Irlandais. Quand l'Irlande fut soumise par
l'Angleterre, on vit plusieurs Irlandais aller, comme
missionnaires, fonder des monastères dans l'Europe
centrale, en Germanie. Ces monastères restèrent en
relation avec l'Irlande. Aujourd'hui, au monastère
de Saint-Gall, on trouve les manuscrits les plus anciens
39
de la langue Gaélique.
Le Calédonien ou Ecossais ressemble à la
langue Erse ou Irlandais. Voila pourquoi, avons
nous dit, les Irlandais et les Ecossais ont été également
nommés Scoti. Le Calédonien a été peu connu au
moyen-âge. Mais en 1760 un poète écossais
Macpherson (1738-1796) prétendit avoir découvert
dans les chants des bardes Calédoniens des hymnes
guerriers, remontant à la fin du deuxième, et au
commencement du troisième siècle de notre ère, com-
posés par Ossian, ancien barde écossais. Macpherson
en donne une traduction en prose poétique.
Vingt ans après Smith publia à Edimbourg (1780)
un recueil plus complet de ces poèmes. Cette décou-
verte fit une grande sensation ; car les chants, tels
que les ont présentés les éditeurs, offrent de vraies
beautés, de la grandeur, de la hardiesse ; les uns
doutèrent de leur authenticité, les autres les accueilli-
rent avec enthousiasme, précisement à cause de leur
caractère sauvage et poétique.
e Le Cymrique.
langues celtiques est l'idiôme appelé par les
Le Cymrique.
Le Cymrique se divise lui-même en deux
40
dialectes, comme le Gaëlique ; ce sont le dialecte
Gallois et le dialecte Bas-Breton ; autant les
deux dialectes de la branche Gaélique, l'Erse et
le Calédonien, se ressemblent, autant ceux de la
branche Cymrique, le Gallois et le bas-Breton
diffèrent.
de Galles par les habitants des montagnes, et
dans la péninsule de Cornouailles.
Le Bas-Breton se parle aujourd'hui dans
l'ancienne Armorique. Le bas-breton a été
l'objet de grandes controverses. On lui a attribué
une influence extrême ; on a voulu en faire
dériver toutes les langues. Sans doute il y a
dans le bas-breton un certain nombre de radicaux
qui se retrouvent dans les autres dialectes, mais
cela ne vient pas de l'antériorité du Bas-Breton
sur ces dialectes, cela prouve simplement leur
affinité avec le bas-Breton.
voulu faire dériver du bas-Breton un quart des
mots français. La plupart de ces mots sont latins
ou viennent d'une langue antérieure au latin,
de l'Osque. Ainsi, on a cru que le mot auser (oie)
est bas-breton. Déjà on trouve AVCA dans la
41
langue Osque, on a prononcé AUCA en confon-
dant le V et U, de là dans le moyen-âge,
- AC rivière, en Cymrique, a formé Bedriacum
Cette terminaison iacum
de la France s'est contractée en y, clippiacum
était une villa Regia) est devenue Clichy ;
Poligny au Nord et Polignac au midi.
Leuca
Dune vient du mot celtique douk
montagne, c'est pour cela que tant de villes de la
Gaule formées sous les Romains se terminent en
dunum :
Rusk
que vient le mot ruche. Dans l'antiquité les
ruches d'abeilles étaient formées d'écorces d'arbres et
surtout de liège. Il en est question dans les Géorgiques :
......
42
43.
444
45
Langues PélasgiquesNous arrivons aujourd'hui aux langues qu'on
appelle quelque fois Romanes ; ce titre cependant nous
paraissant mieux convenir aux idiomes néo-latins,
nous les appellerons Pélasgiques, du nom de la
principale d'entre-elles. On les peut diviser en 4 classes.
Les langues Thraces nous offrent quatres dialectes
ou plutôt quatre idiomes ayant entre eux des affinités
et des ressemblances, mais au fond différents l'un de l'autre.
1° Le Phrygien doit nous occuper d'abord ; il en
reste il est vrai peu de vestiges ; mais depuis que l'inté-
rieur de l'Asie Mineure est exploré en détail, on trouve
des monuments d'art Phrygien remontant à une
époque presque antérieure à notre histoire. On a
même découvert Nacolea (
46
du Sangarins (Sakaria) entre Dorylæum
(Eski-Chehr) et Cotyæum (Kutaieli) une inscrip-
tion peut-être sépulcrale écrite en lettres grecques,
mais dans une langue inconnue qu'on croit être
la langue Phrygienne. Cette inscription a été
gravée dans le Voyage du colonel Feake en
Asie Mineure (1 Vol. in 8°.) On y lit le nom des
anciens rois de Phrygie
dernier iota est sans doute l'iota que nous appelons
souscrit (
anciens appellent aussi ascrit (
ce nom est suivi de quelques points que nous
figurons ici, et il faut lire de gauche à droite
comme dans les écritures de l'Occident, et non pas
de droite à gauche, comme en hébreu par exemple
et dans la plupart des langues orientales. Il existe
encore dautres inscriptions Phrygiennes toutes en
lettres grecques archaiques, mais on n'est pas assez
sûr de les bien lire pour avoir du Phrygien une
connaissance certaine. Du reste, les auteurs anciens
nous ont conservé eux-mêmes quelques mots de cette
vieille langue demeurée presque inconnue pour nous.
"Les Egyptiens, avant le règne de Psammitichus,
nous raconte
comme le premier de tous les peuples par l'anti-
48
réitérant ses visites et ses observations, il remarqua
que les enfants répétaient toujours le même mot,
et en instruisit le roi, qui ordonna de les amener
en sa présence.
Ψαμμέτι Χος έπυνθάνετο,
όιτινεϛάνθρώπων ϐεκόϛ τι
καλέυνσι , πυνθανόμενοϛ δέ
εύρισκε Φρύγαϛ καλέοντας
τονάρτον
leur bouche le mot
un sens dans la langue de quelque peuple, et
appris que les Phrygiens s'en servaient pour dire
du pain.
ces de cette expérience, consentirent depuis à regarder
les Phrygiens comme issus d'une race plus ancienne
que la leur. " Nous pouvons trouver que la
conclusion n'est pas très rigoureuse, mais ce récit
n'en est pas moins instructif et curieux ; n'est-ce pas
en effet une chose assez extraordinaire que de voir un
roi de l'antiquité, un roi de la vieille Egypte, se préoc-
cuper de savoir quelle est la langue primitive du
monde.?
Le second idiome Thrace est la langue Lydienne
parlée dans ce riche empire dont Sardes était la capitale
et dont Crésus fut le dernier roi. De cette langue
autrefois si répandue il ne nous reste pas même une
inscription, tout ce que nous en savons se réduit à des
mots conservés par Strabon, par les lexicographes
grecs Herychius, Suidas et d'autres, et aussi dans
l' etymologicum magnum
49
naire géographiquement par
A l'Ouest, de l'autre côté de l'Hellespont, nous
trouvons la langue des Thraces, le Thrace propre-
ment dit ; mais il ne nous en reste guère que les
noms des rois de ces pays, comme par exemple
Cotys, et d'autres que nous ont conservés les
historiens d'Athènes et de Rome.
Enfin vient l'idiome Macédonien au nord
de la Grèce proprement dite, depuis l'Hémur
jusqu'au mont Olympe qui sépare la Thessalie de
la Macédoine ; là était en effet une langue différente
du grec, qui s'étendait ensuite plus à l'O. dans l'Epire
jusqu'au littoral de l'Adriatique. Plus tard même,
à l'époque où les rois de Macédoine recevaient une
éducation tout à fait hellénique, tandis qu'eux et leur
cour se servaient du grec comme d'une langue élégante
et savante, le peuple conservait encore une langue
différente qui était la langue nationale. On sait
par le témoignage de
temps de ces expéditions glorieuses qu'
poussa jusqu'aux affluents de l'Indus, une grande
partie des soldats de ses armées n'entendait pas le grec
et ne connaissait que la langue du pays ; le peuple
tenait à ce langage indigène, nous en avons
plusieurs preuves. Dans le récit si dramatique
50
que fait
déjà du côté oriental de la Perse, nous voyons
qu'un chef militaire fort distingué, jeune encore,
Philotas, fut accusé comme complice ; traduit devant
une espèce de conseil de guerre, auquel
avait voulu assister lui même, il recut l'ordre de parler.
"Soit remords, soit accablement causé par la grandeur
du danger, il n'osait lever les yeux ni ouvrir la bouche.
Bientôt ses larmes coulèrent, ses forces défaillirent, et
il se laissa tomber sur celui qui le tenait. On lui
essuya les yeux avec son manteau, et reprenant
alors par degrés, le sentiment et la voix, il semblait
prêt à commencer.
ce sont les Macédoniens qui vont te juger ; je te
demande si c'est dans la langue du pays que tu leur
parleras ? Philotas répondit : outre les Macédoniens
je vois ici en plus grand nombre d'autres assistants qui,
je crois, entendront mieux ce que je dirai, si je m'ex-
prime dans la même langue où tu as parlé toi-même,
sans autre motif, il me semble, que d'être compris
de tout le monde. Vous le voyer s'écria le roi, il a
en horreur jusqu'à la langue de sa patrie ; seul il
dédaigne de la parler. Mais qu'il choississe celle
qui lui plaira le mieux, pourvu que vous vous
51
souveniez qu'il a également en haine et nos coutumes
et notre langage" et aussitôt il quitta l'assemblée.
Le Macédonien, cette langue de la patrie, dont il est
question dans ce paysage, survécut à
se maintint plusieurs siècles encore après lui ; il ne
faudrait pas le confondre avec le dialecte Macédonien
Ce dialecte sur lequel un savant allemand Hurtz
il est vrai, de quelques mots empruntés à la langue
macédonienne, mais surtout d'idiotismes du grec
de la Macédoine ; ce n'était plus le grec attique, mais
c'était enore le grec avec des altérations légères, on y
changeait par exemple le y en b et au lieu de
Victoire) d'où est venu notre mot Bérénice, emprunté
comme on le voit à la forme grecque macédonienne.
Nous arrivons maintenant à la langue grecque
des Pélasges, et d'abord au pélasge proprement dit.
Dans ce grand mouvement de peuples de l'Est à l'Ouest,
antérieur à nos notions historiques, et qui a donné
52
des habitants à notre Occident on peut croire, bien
que ce ne soit qu'une hypothèse, que les Celtes se sont
avancés toujours de l'Est à l'Ouest au sud du Danube
et de là jusque dans la Gaule et dans les iles
Britanniques. Ils avaient les peuples Germains
à leur droite depuis le Danube jusqu'aux mers
du Nord, et à leur gauche les Pelasges qui ont
certainement à une époque reculée, limite de la
fable et de l'histoire, occupé la presqu'ile de la Grèce
et une partie de l'Italie. Or les grecs descendent
de ces Pélasges ; eux-mêmes les reconnaissent hautement
pour leurs ancêtres, si bien que
devenu synonyme d'Hellènes.
inconnue: les gramairiens anciens
l'ont fait venir de
lance; il tient plutôt à une langue antérieure et ne vient pas même d'un
mot grec. Mais les grammairiens grecs
eurent le tort de ne jamais chercher
à remonteren étymologie au delà de
leur propre langue. Les latins auraient
pu le faire peut-être plus facilement,
mais ils suivent rarement une méthode
logique. De là tant d'étymologies
fausses qui nous paraissent aujour-
d'hui ridicules ; comme Minerva qui a Hudium minuit nervos
l'étude affaiblit ceux qui s'y livrent !
ce mot, on l'a reconnu depuis, est
d'origine étrusque, comme le prouvent
plusieurs miroirs magiques de l'Etrurie.
chant de l'Illiade x
(vers 840) Hippothous conduisait les bandes des Pelasges
qui combattent à coups de piques ; il s'agit du dénom-
brement de l'armée d'
question de Grecs désignés sous le nom de Pélasges.
positivement :
parait avoir été vendue dans la patrie de la Grèce,
qui jadis était connue sous le nom de Pelasgie, et qui
53.
actuellement habitée par les Thesprotes.,,
dans toute sa force et dans toute sa pureté la poésie
notionale de cette vigoureuse race Romaine, alors
victorieuse partout, a raconté au premier livre de ses
annales l'arrivée d'Enée en Italie. Soit qu'il considère
ce fait comme historique et réel, soit qu'il en fasse
simplement une sorte de personnification, pour ainsi
dire mythologique (comme on a inventé la légende
de où tombait l'empire du vieux Priam sous les coups de Grecs: quum veter occubuit Priamus sub Marte Pelasgo
bien démontré qu'aux yeux des Romains, comme du
reste à leurs propres yeux, les Grecs descendaient
des Pélasges.
La langue grecque eut d'abord deux dialectes
primitifs, l'Eolien et l'Ionien, d'où sortent plus tard,
le Dorien de l'Eolien, et l'attique de l'Ionien. Ces
dialectes ont formé une langue d'une richesse incompa-
rable qui a produit une des plus belles et une des
plus grandes littératures du monde. Nous n'avons
pas à nous en occuper ici ; remarquons seulement en
passant que nous devons encore aux Grecs deux choses
très importantes 1° l'introduction des voyelles dans
l'écriture; l'usage de la monnaie.
54.
L'écriture orientale d'où est sortie l'écriture
grecque, malgré son élégance et sa grâce, n'est
graphie. La plupart de voyelles ne s'écrivant pas,
celles-ci s'échangent souvent l'une pour l'autre ; les
noms ne conservent donc pas de prononciation
fixe, ils perdent même leur physionomie propre;
ainsi Abraham devient Ibrahim, Salomon se
donné à l'écriture des voyelles certaines et dinstinctes,
et nous avons en cela suivi leur exemple.
La monnaie d'un usage si nécessaire tant
pour les transactions commerciales que pour les
tranactions les plus simples de la vie de chaque
jour, que sans elle nous ne pouvons pas comprendre
comment substituait la civilisation telle que nous
la connaissons, du moins dans nos sociétés de l'Occident.
C'est encore aux Grecs que nous sommes redevables
de ce merveilleux secours; car les monnaies de l'île
Enfin n'oublions pas cette persistance
sans exemple de la langue grecque qui depuis
de trois mille ans, a résisté aux effets du temps
et à l'influence des hommes. De la langue
55.
attique modifiée est sortie de la langue ordinaire ou
vulgaire que les grammairiens anciens appellent
Polybe a duré pendant tout le moyen âge ; elle existe
encore, tant est grande la force vitale qui l'anime ! la
nation grecque asservie si longtemps aux Eures, a su la
conserver intacte, quoique dépouillée de quelques mots
et altérés dans quelques formes, et depuis \
sa liberté, elle fait les plus louables efforts pour se rappro-
cher, en écrivant comme en parlant, de ce noble héritage
que lui ont laissé ses ancêtres.
Ceci nous amène a dire quelques mots de la manière
de prononcer cette langue ancienne ainsi presque arrivée
vivante encore jusqu'à nous. Il y a comme on sait
deux méthodes différentes, l'une qui est celle des Grecs
modernes, l'autre qui vers le milieu du XVI siècle a été
introduite dans nos écoles de l'Occident par
qu'il en eut assurément une érudition très riche et très variée
voulait qu'on lui fit sentir dans la prononciation toutes
les lettres et toutes les diphtongues ; ses partisans répè-
tent encore aujourd'hui qu'il y a en effet dans la pronon-
ciation grecque moderne ce grand défaut que beaucoup
de mots différents par l'orthographe et même par le
sens ont le même son pour l'oreille. Mais quoi, la
56
même chose n'arrive-t-elle pas souvent même en
français, quand vous dites par exemple Saint faut-
il entendre Saint, Sain, Sein, Ceint, Seing a la
langue française n'en est pas moins cependant la langue
la plus claire et la plus facilement entendue, et à cause
de cela même la langue de la science et de la diplomatie.
Les Erasmiens veulent qu'on prononcent toutes les voyelles
et toutes les diphtongues, mais l'on remarque
bien, cela n'a lieu dans aucune langue, si vous pro-
noncez seulement je veux, en détachant et en faisant
entendre séparément toutes les voyelles ne serez vous
pas arrivé à faire une phrase parfaitement inintel-
ligible et barbare. La prononciation des Grecs eux-
mêmes, dit-on, a beaucoup trop varié depuis tant de
temps pour qu'on en puisse suivre les traces ? Sans
doute, le grec a varié comme le français, au siècle dernier
Eure et nature, français et bourgeois, rimes déjà
anciennes qui n'en sont plus pour nous ; cependant
malgré ces altérations de détail, la prononciation
française est au fond la même; n'est-il pas aussi
naturel de croire qu'il doit y avoir dans la manière
de prononcer des Grecs modernes une certaine tradition
noninterrompue ? Si le latin était encore aujour-
d'hui une langue parlée dans les transactions
58
57
diplomatiques, comme il l'était pendant le moyen-
âge, ne devrions nous pas penser que les Italiens
seraient plus près de la prononciation romaine que
tout autre peuple, et par conséquent former notre
prononciation sur la leur? IL en est de même du Grec,
et l'espèce d'avantage, très contesttable d'ailleurs, qu'on peut
trouver pour l'orthographe à prononcer toutes les
voyelles et toutes les diphtongues comme elles doivent
s'écrire, nous parait beaucoup moins grand que l'in-
convénient immense de rompre par une prononcia-
tion factice et toute notre invention avec ce qui
nous reste de l'antique et noble race grecque.
59
560
61.
Langue étrusque - Langue osque.Dans nos études sur les langues Pélasgiques,
nous nous sommes occupés d'abord des langues
Thraces et du Grec ; il nous reste maintenant pour
achever notre vue d'ensemble sur cette famille de
langues, à parler de l'Etrusque et du Latin.
Tout le monde sait que les Etrusques ont exercé
une grande influence sur Rome naissante. Entre autres
emprunts faits par Rome à ses voisins, les cérémonies
du culte viennent en grande partie des Etrusques ;
mais comme ici, il ne s'agit pas pour nous que des langues,
nous laisserons de côté, après l'avoir rappelée en
passant cette influence morale et politique que l'Etrurie,
nation aristocratique, exerça surtout sur le patriarcat romain.
Il parait que le vérittable nom des Etrusques, celui
qu'ils se donnaient a eux-mêmes, était Rasani, ou
Rhasani. Depuis
le commencement de ce siècle, l'Italie centrale et méridio-
nale a fourni de nombreux précieux renseignements
sur l'état primitif de l'Italie avant la domination
romaine. Déjà, au XVIII e siècle,
sur ce sujet deux ouvrages, 1° L'Italie avant la domi-
nation des Romains, 2° Histoire des anciens peuples
de l'Italie.
-ses souvent aventureuses, unit beaucoup de science
et une pénétrante sagacité,
" les Etrusques", se sont occupés surtout de - l'influence
de l'Etrurie sur les institutions romaines, mais peu
ou point de la langue. Leurs estimables travaux
sont donc d'un médiocre secours pour l'objet spécial
de nos études.
Le nom grecs des Etrusques est Tyrrhéniens.
er de son histoire, ch. 94
qu'ils avaient été conduits en Italie par un chef nommé
des Grecs dans ces obcures questions de l'histoire primi-
tive, de tout individualiser, s'il nous est permis de
parler,
simple et convenait aux habitudes d'esprit d'un
peuple plus vif à imaginer que parient à rechercher
plus artiste qu'érudit. C'est un héros qu'ils placent
ainsi à l'origine de toutes les sociétés ; ici le héros
s'appelle
vient en effet de l'Asie-Mineure ; de la Lydie.
écrit en Jonien ;
remarquons qu'
63.
en effet, quand une nouvelle population vient se joindre
à d'anciens habitants ;
la contrée est encore inhabitée et qu'on la peuple, ou
bien qu'on la remplace entièrement la population
primitive. Ce n'est pas ici le cas ; un peu plus loin,
toujours au chapitre 94 du 1 er livre,
On trouve plus d'une trace dans la littérature
latine de cette colonisation Lydienne de l'Etrurie; le
Lydius Ausius
781) l'ombre de Créuse apparaît à Enée et lui
dit :
..... Lydius, arva Inter opima virûm, leui fuit agmine, Thybris
Un autre poète, le dévot admirateur "de la divine
Enéide", Hace, appelle la rive droite du Tibre qui
regarde l'Etrurie, Lydia ripa
Depuis le commencement de ce siècle, on a
retrouvé à Vulsinie, à Clusium (
résidence de
dans les nécropoles. La construction de ces vases
rapelle bien, en effet, l'origine asiatique des habi-
tants ; malheureusement ils ne paraissent par
64
avoir connu cette sorte de publicité des Hellènes,
qui à chaque fait religieux, politique, administratif,
attachait une inscription, même dans la moindre des
bourgades. Les vases étrusques ont bien quelques
inscrptions ; leurs sarcophages offrent des épitaphes
mais elles ont peu détendue. Il n'y en a pas qui ait plus
de trois ou quatre lignes. Aussi malgré les efforts des
savants, entre autres de essai sur la langue Etrusque 3
qu'on lit néanmoins parfaitement. Les lettres comme
chez tous les peuples de l'Italie, sous une imitation
de celles de l'alphabet grec ancien, tel qu'il était
avant l'archontat d'
reconnait les noms propres et quelques radicaux, mais
on ne saurait reconstruire la grammaire. On sait
seulement que cette langue n'avait pas les terminaisons
en us comme le latin ; quelques philologues
prétendent même, qu'elle n'avait presque pas de
déclinaison, ce qui est rare dans les langues anciennes.
Ce qui est certain, c'est que les noms grecs qui y sont
transportés perdent leur terminaison; et d'autres qui
ont passé de l'Etrusque au latin, ont reçu une terminai-
son en latin, mais n'en avaient pas en Etrusque.
Ainsi sur un miroir magique on lit : ƎꝉYꝉ ETUT, ce qui en
lisant de droite à gauche, forme TUTE. Le grec
65
Tydée, père de
fonda des colonies au
le savons, un des héros de la religion Etrusque.
Un nom étrusque devenu romain est ENIREH, Hériné,
qui devient en latin Herennius
des Fourches- Caudines.
On le voit, nous savons bien peu de chose de la
langue des Etrusques, ce grand peuple aristocratique
et religieux, qui disputa à Carthage la domination
de la mer Méditerranée et à Rome celle de l'Italie. Nous
allons maintenant nous occuper du latin, la langue du
peuple-roi, que la conquête imposa au monde, et à qui
l'admiration du monde emancipé garde la place que la
victoire lui avait faite.
La langue latine fut d'abord étroitement resserrée entre
deux langues bien plus répanduées qu'elle, l'une essentiel-
lement différente, l'Etrusque, l'autre, ayant au contraire
de nombreux traits de ressemblance, avec elle, l'osque.
Avec le temps le latin non seulement a absorbé ces deux
langues, mais encore s'est étendu jusqu'à l'embouchure
du Tage, jusqu'au mur de Septime-Sévère, à peu de
distance d'Edimbourg, et sur tout le littoral de l'Afrique.
D'abord il n'était parlé que dans la Vallée inférieure du
Tibre. Du
66
côté, à demi-journée de Rome, à Velitræ,
(Velletri), commençait la langue Osque. Elle résista
longtemps à l'action de sa puissante voisine, la
langue de Rome. Déjà on parlait latin en Andalou-
sie, qu'aux portes même de la ville, subsistait encore
une langue indépendante et assez différente. C'est
ainsi que dans cents, cent cinquante ans peut-être on
parlera français sur une grande étendue de la côte
africaine, et que dans notre Bretagne on parlera
vieux gallique, la langue de Haël et de Noménoé.
Ainsi en fut-il de l'Osque et du Latin.
fragment d'un comique, contemporain de
Titinius qui, en parlant de Terracine, dit qu'il y a aux
environs de cette ville des gens qui : osce et volsce fabulantur, nam latine nesciunt
Revenons à la langue Osque. Elle était à l'époque qui
précéda immédiatement les grandes guerres Sammites
bien plus répandue que la langue latine. nous
67
l'appelons Osque, il serait plus exact de l'appeler Samnite,
car elle était parlée par toute la race Sabellienne ou
Samnite, comprenant les Sammites proprement dits, les
Campaniens, et les Sabins. Les Sabins en effet n'étaient
autre chose que des Samnites ; les deux noms ont la
même racine, et les grammairiens latins disent avec
raison que Samnium
Sabinium
du Tibre au
dans toute sa largeur, jusqu'à la mer Adriatique,
parait être parvenu à un degré de civilisation très
supérieure à celle de Rome, au moment de la lutte, qui
s'engagea entre eux. La poésie dramatique des Atellanes
passa du Samnium à Rome, et
traité de Senectute, au ch. 12., parlant du Samnite
C. Pontius, le père du vainqueur des Fourches-Caudines,
rapporte un entretien que Pontius eut à Tarente avec
d'une morale déliée et abstraite que n'auraient assuré-
ment pas compris les Romains de cette époque.
Il nous reste beaucoup de monuments de la langue
osque ; on les lit parfaitement ; c'est l'alphabet archaïque
grec, mais modifié, sans ressembler cependant à l'alphabet
étrusque. C'est là le vrai berceau de la langue latine:
ou du moins celle-ci a avec l'osque une grande affinité.
68
On en peut juger sur la Tabula Bantina
en Osque et en latin, ou sus un autre monument de
l'époque de l'indépendance des Samnites, un traité
entre Noda et Abella, gravé sur les deux côtés d'un
stèle, et connu sous le nom du Cippus Abellanus
le lit de droite à gauche. En voici une ligne.
ce qui veut dire en latin, quod apud istud sacellum est pud up eisiud sakaraklud ist Pud quod
à se confondre. Epus
equus, et Dea Epona
La forme ancienne du neutre était ud
elle est restée dans illud, istud, quod
up apud
Eisind istud
consistance, comme en français dans Pampre,
venant de Pampinus Sakaraklud
de sacer, sacrum ; ud
est sacellum chapelle, et non sacrarium
l'armoire ou sont les vases sacrés.
Dans ist est
commençant par le pronom relatif, le verbe est à la
fin, comme cela arrive toujours en allemand, le plus
souvent en latin. Ansi il y a non seulement
69
ressemblances de mots, dans le passage que nous
venons d'analyser, mais encore analogie de construc-
tion grammaticale.
70
71
6͈72.
73.
De l'origine, du développement et de la dissolutionCe n'est qu'à partir de la guerre sociale qu'a été défini-
tivement réalisée l'unité de l'Italie et que la domination
Jusqu'à cette époque l'Italie nous présente le spectacle
d'un pays soumis extérieurement à une domination
unique, mais divisé en une foule de petits états ayant
presque tous leurs lois et leurs magistrats particuliers.
Mais, à dater de ce moment, Rome impose partout des
lois et remplace les chefs des villes ombriennes et samnites, appelés Meddix, par des magistrats romains, des diumvirs
des quatuorvirs, ou autres. C'est aussi à cette époque que
commence le plus grand développement de la langue latine,
qu'elle s'étend dans toute l'Italie et prend le pas sur les
idiômes particuliers.
Cependant elle était déjà bien
même dès le temps de la troisème guerre punique, les
Romains les plus distingués par leur connaissances et
leur éducation ne comprenaient plus, ou ne comprenaient
qu'à peine les monuments de la langue parlées sous les rois.
Un fait, rapporté par
évidente. Cet historien nous dit qu'il avait vu dans
le temple de Jupiter Capitolin des ttables du bronze
74
dans lesquelles était gravé un traité de commerce entre
Rome et Carthage (a) remontant aux premiers temps de
la République, et il ajoute qu'il l'a traduit comme il
l'a pu, car la différence du langage est telle que certains
paysages ne peuvent être compris par les plus habiles
d'entre les romains qu'avec les plus grands efforts:
" (b)"
Il est permis de croire que la langue latine, dans les
premiers temps de la République, ressemblait au moins
autant à la langue osque, dont nous avons cité
quelques exemples, qu'à la langue du siècle d'
au latin de
Depuis la renaissance des lettres en Europe, on a
beaucoup discuté sur l'origine de la langue latine.
Comme on a vu, depuis qu'on s'est mis à étudier les idiômes
des familles celtique, Pelasgique et Germanique, qu'un
grand nombre de radicaux sont communs à ces langues
et au latin, on a fait à ce sujet les hypothèses les plus
(a) Ce traité cité par
une nation déjà commerçante et maritime et traitant d'égal à
égal avec Carthage.
(b) III, 22.
étranges. Certains savants ont voulu dériver le latin
directement du Celtique, d'autres
ou même des idiômes slaves. Ce sont là autant d'erreurs:
la langue latine ne vient pas plus de ces
langues que ces langues ne viennent du latin. Mais le latin et ces divers
idiômes sont des langues sœurs, si l'on peut ainsi parler,
n'y d'une même langue, que nous n'osons pas appeler
primitive, et qui devait ressembler beaucoup aux anciennes
langues de l'Inde et surtout à la langue sacrée des Brahmes.
C'est là un fait aujourd'hui acquis à la science, mais dont
la découverte est très récente. Des savants estimables
d'ailleurs, comme Cellarius fatis linguae latinae e siècle; comme Cluvier,
comme Funccius Jo. Nic. Johann Nicolaus Funccius, savant du dix septième siècle, est l'auteur d'une série de traités sur la langue latine; intitulés : De origine linguæ latinæ tractatur, De pueritia linguæ latinæ, De Virili ætate linguæ latinæ, De imminente linguæ latinæ senectute, De vegeta linguæ latinæ senectute, De inertiæ decrepita linguæ latinæ senectute commentarius.
cela que leurs ouvrages, où ils ont cependant déployé une
grande érudition, ont aujourd'hui beaucoup perdu de
p. 4 76
leur prix. Funccius, qui écrivait au XVII e siècle,
disait, dans son traité de Origine linguæ latinæ
que l'aïeule de la langue latine était inconnue, sa
mère Celtique, et sa maîtresse, (c'est à dire la langue qui
servit à la former), grecque: "
seule est vraie ; mais il n'y a pas longtemps qu'on s'en
est aperçu. C'est seulement vers le commencement de
ce siècle, qu'un missionaire, le P. Paulin de San- Bartholomeo, ayant longtemps vécu dans l'Inde et
frappé de la ressemblance des flexions du sanscrit avec
celles du latin et de l'identité d'un grand nombre de
radicaux de ces deux langues, eut le premier l'idée
d'assigner à la langue latine une origine orientale.
Son ouvrage, qui parut à Rome en 1802, sous le titre
de latini sermonis origine et cum orientalibus linguis connexione
savants de l'Europe et attira leur attention sur cette
étude comparative des langues de l'Occident et des
idiômes Indiens, qui a pris depuis lors un si grand
développement.
Il est aujourd'hui hors de doute que le latin est venu
du sanscrit par des intermédiaires qui ne nous sont
pas connus, mais qui n'ont pas dû être très nombreux.
77
Peut-être est-ce cette langue Osque, dont nous nous
sommes occupés, qui a servi de transition entre les
langues de l'Orient et le latin. On ne saurait prétendre
en tout cas que ce soit le Grec, car certains radicaux sancrits
qui ont passé dans le latin ne se retrouvent pas en grec.
Bhrater aghin allava
mrta dur, doù sont certainement dérivés les mots latins
Frater ignis lavare, mortuus durus
d'analogues en Grec. On peut dire presque avec certi-
tude que la moitié des mots particuliers à la langue
latine et qui ne se trouvent pas en grec, viennent du
sanscrit par des intermédiaires que nous ne connais-
sons pas. Cela suffit pour démontrer l'origine
orientale du latin.
La langue latine prit, grâce aux conquêtes des Romains
un tel développement qu'elle finit par être parlée dans
la plus grande partie du monde connu des anciens.
Elle s'étendait, en Espagne, jusqu'à l'embouchure du
Tage; dans les îles Britanniques, jusqu'auprès
d'Edimbourg ; dans l'Europe centrale jusqu'au Rhin et
au Danube ; et même en Afrique, jusque vers le Désert.
Au II e siècle de notre Ere, à l'époque des Antonins,
elle était parlée dans toutes les villes de l'Occident, dans
les cités et les municipes. Toutefois la langue latine ne
put jamais pénétrer dans les pays où le grec avait pris
79
celle des classes inférieures, la langue du peuple,
Lingua plebeia vulgaris, rustica
latine ne peut pas échapper à cette loi. Il est vrai que
les autorités romaines mettaient le plus grand soin à
n'introduire dans les provinces que le langage élégant,
le latin des classes élevées, et les empereurs, de leur côté,
faisaient tout pour le propager. On ne pouvait arriver
aux charges publiques, si l'on n'écrivait correctement le
latin, et
qu'
assez elevé en dignité (il était légat consulaire - Legatus consularis ixi
populaire pour ipsi
" ixi, pro ipsi scriptum animadverterat
Mais, malgré tous ces efforts pour propager la langue
élégante, la langue populaire se maintint dans les
couches inférieures de la société, et comme un fleuve
qui, à un certain endroit de son cours se perd sous la
terre pour ressortir un peu plus loin, cette langue
après être restée long-temps comme inconnue et ignorée,
reparut tout à coup lorsque les barbares vinrent en
foule envahir l'empire Romain. Chose remarquable !
La langue latine, dans ces temps de décadence et de
dissolution, se rapprocha en beaucoup de points de
la langue des premiers siècles de Rome, c'est qu'en
général c'est le propre de la languepopulaire de rester
bien plus fidèle aux formes archaïques que la langue
des classes polies. C'est ainsi que des manières de parler
usitées dans la langue latine, puis abandonnées et
dédaignées comme archaïques par les écrivains du siècle
de
populaire, et reparaissent au IV e ou au V e siècles de notre ère, servirent à former les langues néo-latines.
Nous n'en citerons qu'un seul exemple. On sait que
ce qui a disparu le plus vite, dans la langue latine;
après l'arrivée des barbares, ce sont les terminaisons
en us, qui ont été remplacés par O en Italien et en
Espagnol. Or il est aisé de voir que, déjà dans l'an-
cienne langue latine, il n'y avait rien de plus commun
S à la fin des mots. Le
grammairien Maximus Victorinus
un vers d'
blessé:
"
Voilà un hexamètre dans lequel l' S final est retranché
trois fois et qui nous
lui-même, dans sa jeunesse, se permettait de ces sup-
pressions de lettres, et dans la traduction en vers
des phénomènes d' Magni Leo
81
torvu' draeo
dans Horace, mais reparaissent dans la langue Romano-
rustique, d'où sont formées les langues néo-latines. (a)
De la dissolution de la langue latine sont nées
cinq langues:
sons pour ne pas trop multiplier les subdivisions ;
et qu'on pourrait appeler le Rhétique.
en Valachie, mélange curieux du Latin et
du slave.
(a) C'est ainsi que certains mots
pas dans les auteurs anciens, appartenaient probablement
au grec populaire. Le mot, par exemple, qui aujourd'hui
veut dire eau, est γερόν
auteur ancien. Mais le nom des divinités de la mer, les
Néréides, nous atteste que ce mot avait été certainement
usité autrefois et l'était peut-être encore, au siècle de
dérivé du mot sanscrit Nara Fluide.
82
Nous aurons à considérer successivement ces
cinq langues dans les prochaines leçons.
83.
7,,84
85
Formation et Caractères générauxParmi les langues Indo Européennes nous avons
déjà passé en revu les langues Indiennes, Celtiques et
Pelasgiques. Ces dernières comprennent, nous l'avons
vu,
Nous devons maintenant nous occuper des idiômes
nés du latin ou langues Néo Latines. Elles sont au
nombre de cinq.
Ces langues ont entre elles de nombreuses analogies.
Toutes ont des articles, et par là elles se rapprochent
plus du grec que du latin.
Toutes remplacent, dans la déclinaison du sustan-
tif et de l'adjectif, les flexions qui en latin désignent
les différents cas, par des prépositions, de à, etc (en
86
latin, de, ad.)
Toutes ou presque toutes suppléent aux terminai-
sons des verbes, peu sensibles et peu distinctes les unes
des autres dans la langue parlée, par des pronoms. En
grec et en latin, les diverses terminaisons du verbe, (
appréciables pourqu'il soit encore nécessaire de marquer
la personne et le nombre par un mot spécial; cela
devient nécessaire dans les langues néo-latines.
Enfin elles forment beaucoup de temps, non seule-
ment avec le verbe auxiliaire être, qui se trouve employé
d'une manière analogue en latin, mais encore avec
le verbe auxiliaire avoir. Ce genre de formation
n'est pas en usage dans les deux langues Classiques
on n'en peut citer que des exemples très rares.
D'abord pour le Grec.
Voici deux textes où l'emploi du verbe
comme auxiliaire peut être contesté
(
(
(1) Il faut remarquer qu'en Jonien, l'esprit rude ne change pas
en y le π qui le précède.
87
En voici d'autres où la contestation n'ont pas possi-
ble. Dans
comme
verbe auxiliaire, et, joint à un participe, équivaut
à un parfait,
Voici enfin un exemple qui ne laissera pas de
doute.
.....
(
En latin les exemples sont nombreux. Nous ne parlons pas des locutions vulgaires, habeo cognitum, persuasum habeo habeo
signifie je possède.
On trouve dans
On pourrait multiplier les citations, si celles-ci
n'étaient pas concluantes.
Il y avait donc déjà dans le latin quelques
germes des transformations que cette langue devait
subir pour donner naissance aux langues néo latines.
Cette transformation commence au V e siècle, avec
88
l'invasion des barbares. Ils brisent partout les
constructions savantes du latin, et remplacent les
flexions des verbes par des particules et des verbes
auxiliaires. Le latin redevient aussi barbare qu'à
l'époque de sa naissance, et l'on peut lui appliquer
ce proverbe grec:
toutefois cette différence qu'aux VI e, VII e et VIII e siècles,
l'écriture était beaucoup plus répandue qu'aux
premiers temps de la République romaine. De
plus, à côté de cette langue barbaro latine, de ce
langage Romano-rustique, le latin correct était
conservé par la religion, et empêchait l'autre de se
dégrader tout à fait.
Les mouvements de cette époque, assez rares
pour la langue française, le sont moins en Italie
où l'on écrivait davantage pour le peuple; les
monuments épars de la langue italienne du moyen-
âge ont été recueillis par Muratori, dans des antiquita- tes Italicae medii aeri
contient une longue dissertation De origine linguae latinae
ments pour cette partie de l'histoire des langues.
A Rome, le service religieux se faisait en latin.
Mais vers l'an 680, on compasa pour le peuple des
prières dans un dialecte qui tient le milieu entre le
89
latin et l'italien. Ainsi un de ces prières, qui est pour
le pape, commence par ces mots :
le en français.
Dans la formation des langues néo latines, lorsque
les cas ont été remplacés par des prépositions, c'est le génitif
qui a résisté le plus longtemps. Jusqu'au XIV e siècle
on ne mit pas de préposition entre le nom et le génitif;
on disait la maison-roi, pour signifier la maison du
Roi. Encore de nos jours on dit la fête-Dieu, l'Hôtel
Dieu (
C'est ainsi que dans le grec vulgaire, tandis que le
datif disparaissait et qu'on dirait ει͗ς τὸν ͗άνϑρωπον,
comme les latins ont dit ad illum hominem
venu à l'homme), le génitif était conservé.
Un autre caractère distingue encore les langues néo-
latines de celle qui les a formées. Elles ont moins d'inver-
sions. Les latins avaient l'avantage, en plaçant à la tête
de la phrase le mot important, d'attirer l'attention sur
ce mot et de produire l'effet qu'ils voulaient. Le mot
qui est placé le premier, celui qu'ils appellent Vocem pragnantem
pressentir tout de suite l'intention de la phrase.
C'est ce que les grammairiens latins font bien remar-
quer, lorsqu'ils analysent ce mot de Mucins Scévola
90
rapporté par
Les mots ainsi placés appellent l'attention sur la
qualité du citoyen. S'il y avait Romanus sum civis
c'est la nationalité de celui qui parle qui serait en
relief. Enfin s'il y avait sum civis
ce serait insister sur la personnalité; c'est moi qui
suis, [signe]
Les langues néo latines ou romanes ont donc perdu
de ce côté. Elles ont gagné sous un autre rapport. En
général elles sont plus claires (et ceci doit être dit
surtout du français) que leur langue-mère.
En second lieu, comme elles ont toujours été
employées concurremment avec le latin, comme
elles en ont continuellement subi le contact, elles se
sont enrichies des emprunts qu'elles lui ont pu faire.
Le Français, par exemple, entre les mots nombreux
qu'il a pris au latin à l'époque de sa formation, et à
l'aide desquels il s'est constitué, a puisé de nouveau
à la même source, dans un temps postérieur. Delà
vient qu'il y a une foule de mots latins, surtout
d'adjectifs, qu'on retrouve en français sous deux
formes différentes. A l'origine, ils sont entrés dans
la langue par importation populaire, et par trans-
mission orale. Plus tard, particulièrement au XV e
91
et XVI e siècle, on a senti le besoin de former des mots
nouveaux et l'on a repris directement au latin le
radical qu'on possédait déjà sous une forme altérée.
Les mots empruntés les premiers et aussi anciens que la
langue sont plus défigurés; les mots d'importation
relativement récente sont formés d'une façon plus
scientifique, ils ressemblent plus aux mots dont ils
sont sortis ; ils ont aussi généralement une significa-
tion plus particulièrement morale et abstraite.
Voici quelques exemples :
frêle dans le premier âge de la
langue française; il a formé fragile à une époque
postérieure. Aussi voyons nous que fragile s'emploie
plus souvent au moral que frêle, une vertu fragile,
un système fragile, etc.
raide qui se dit souvent des
objets matériels, et rigide qu'on applique plutôt
aux choses abstraites, une vertu rigide, etc.
étroit , (estroict) (1), puis strict e;
(1) Quand un mot latin commençait par S suivi d'une consonne
on plaçait presque toujours un e devant cette lettre double, par
une erreur facile de prononciation. Ainsi Etat ;
92
a donné naissance à Etat (estat), et depuis à
statistique.
On pourrait multiplier ces exemples, et en prendre
d'analogues dans les quatre autres langues de la même
famille; car les observations que nous venons de faire
s'appliquent aux cinq langues néo latines.
On conçoit que, celle facuilté de créer ainsi des mots
soit pour elles une grande richesse. C'est un moyen
leur vocabulaire. C'est un avantage qu'il faut
a donné naissance.
93.
894
95
De la langue Française. Formation du verbeAprès avoir parlé de la langue latine nous avons
dû nous occuper des langues qui sont sorties de la
décomposition et qu'on a appelées néo-latines.
Nous avons indiqué les caractères communs de
tous ces idiômes dans la leçon précédente. Nous allons
maintenant exposer les origines de la langue française.
Nous passerons ensuite à l'Espagnol, à l'Italien,
au Rhétique et au Valaque.
On peut dire que la langue française existait
au IX e siècle, au moins quant à ce qui concerne les
éléments de sa syntaxe. Son vocabulaire, il est vrai,
était incomplet ; mais dans les langues, la syntaxe
est la partie la plus importante ; les mots ne sont en
quelque sorte que les matériaux du langage.
C'est une étude intéressante que celle des
origines d'une langue ; mais c'est aussi une étude diffi-
cile. Car les idiômes qui ont formé celui qu'on étudie
sont souvent inconnus. Par exemple nous ne connai-
ssons qu'imparfaitement l'Osque qui a fourni un
grand nombre de mots à la langue d'où le grec est sorti.
Le Français a sous ce rapport un très grand
avantage sur le grec et sur le latin. Car nous
96
connaissons les langues d'où il dérive. Nous
connaissons le latin auquel il doit la plus grande
partie de ses mots. Nous connaissons aussi quoique
d'une manière bien inférieure la langue des Francs.
Il nous reste des monuments de la langue gothique
qui avait beaucoup d'affinité avec l'idiôme des
francs. Le Celtique enfin qui a contribué à sa forma-
tion, sans lui avoir cependant fourni autant d'élément,
que quelques uns le prétendent, est aussi connu.
Mais ce qui jette surtout beaucoup de lumière
sur les origines de notre langue, c'est la comparaison
que nous pouvons établir avec le grec et le latin.
Les verbes irréguliers grecs nous éclairent sur la
formation des verbes irréguliers latins, et les uns
et les autres sur celle des verbes irréguliers français.
Quand on étudie les langues, on voit qu'elles
se forment toutes de la même manière. Les mêmes
circonstances étant données, les mêmes phénomenes
reparaissent. Mais parmi les procédées qu'on
rencontre, il n'y en a pas de plus général ni de
plus uniforme que celui qu'on peut appeler, élimination.
Lorsque les langues se trouvent dans un état
complet de désorganisation, qu'il n'y a plus ni
écrivains consacrés, ni sociétés littéraires pour
97
veiller au maintien du langage, alors l'imagination
et le caprice des peuples créent des mots nouveaux. Il
arrive souvent que deux mots de signification analogue
coexistent pendant un certain temps dans la langue.
Si ces deux mots ont ou peuvent recevoir des nuances
différentes, ils restent : Ainsi danger et péril sub-
sistent ensemble. Quoiqu'ils se rapprochent beau-
coup l'un de l'autre pour le sens, il y a cependant
entre eux cette différence que péril appartient à
la langue poétique et danger à la langue de tous
les jours. Lorsque ces deux mots sont identiques, la
langue, dès qu'elle commence à se fixer, en expulse
un.
Mais les mots qui sont exclus d'une langue s'en
vont rarement tout entiers : ils laissent quelques traces.
Il existait dans la langue grecque avant qu'elle
fut écrite trois verbes qui paraissent synonymes :
C'était :
expulsés. Mais ο̕ίω a laissé une trace de son existence,
le futur
La veille Euryclée dans le 20 e livre de
98
L'Odyssée dit :
Ainsi le verbe
de deux autres verbes.
Prenons un autre exemple.
ont existé conjointement avec
disparu, mais il a laissé le futur
aussi n'existe plus dans la langue écrite, mais
on le retrouve dans l'aoriste
Le latin nous présente les mêmes faits. Au temps
de la guerre des Samnites, lorsqu'on a commencé à
écrire, il y avait dans la langue 3 verbes synonymes
par leur sens. Un synonyme parfait est un mot super-
flu et un mot superflu ne tarde pas à tomber en
désuétude.
Les trois verbes en question étaient
Fero tulo
tollo
tetuli dont la première syllabe est tombée avec
le temps.
99
tetuli
tuli
composés. On le trouve aussi chez
l' Andrienne, IV, 5, 13 ;
à partir de
forme usitée est tuli
Reste tlao
dans les vieux poètes latins.
Mais le verbe correspondant existe en grec. Il
est vrai que
et qu'il signifie supporter et non porter :
je porte.
Il est probable que ce verbe a existé en latin. On
a dit : tlao, tlare, tlatum. le t s'est perdu comme
cela est arrivé à beaucoup d'autres mots : litis
s'écrivait d'abord slitis latum
est devenu le participe de fero
Faisons l'application de ceci à quelques verbes
français qui se sont aussi formés par ce procédé
d'élimination. La langue latine a cinq verbes pour dire
marcher.
1° Eo ire
100
2° Vado
avait précédé
avait été condamné à mort. Mais, ajoute-t-il,
ce triste présage n'émut pas
courageusement vers la même prison et vers la même
coupe.
Porsenna rapporte un trait qui reste dans
toutes les mémoires. Les Etrusques avaient
poussé jusqu'aux portes de la ville. Horatius Coclès
pour favoriser la retraite des Romains s'était
jeté au devant d'un pont où il soutint seul
pendant quelque temps l'effort des ennemis.
Vadit im primum aditum pontis
3° Ambulare
et venir. S'il fallait lui trouver un synonyme
ce serait le verbe commeare
Dans
lui dit: bene ambula
Dans l'ouvrage de de re rustica
101.
soit près d'une grande route pour faciliter le trans-
port des produits, et près d'une rivière sur laquelle,
dit-il, les barques montent ou descendent :
amnis qua naves ambulant
Dans le Digeste,
publique. Le voie publique, c'est le droit d'aller et de venir et de
circuler.
Via est jus eundi et ambulandi
4° Gradior vado
Peut-être le mot vado
En tous cas on le trouve rarement empoyé à certains
temps. Ainsi le futur Vadam Vadens
ne se recontrent pas dans les auteurs de la bonne
latinité. On les remplace par gradiar gradiens
Dans les Tusculames (liv. 1 ch. 110)
quand on a devant les yeux l'exemple de nos vaillants
ancêtres, on marche courageusement à la mort.
- Fidenti animo, si ita res feret, gradietur ad mortem
Vaded
d'
5° Incedo
vraie, unaffectée.
Immédiatement après la chute des Tarquins,
aruns, un des fils de Tarquin, et Brutus, l'un et l'autre
102
à la tête d'un corps de cavalerie se rencontrèrent sur le
champ de bataille. A la vue de son ennemi, Aruns
dans
fier, s'avance revêtu de nos insignes.
Dans le livre intitulé quætiones naturales
8)
Romains de son temps. Il dit :
C'est surtout dans ces antithèses et ces oppositions
de mots qu'on s'aperçoit que des termes qu'on aurait cru
synonymes, ont des nuances différentes.
Par exemple
nymes comme on le pense généralement.
Sileo taceo
Dans le prologue du Fenulus au 3 e vers
aux spectateurs :
aux jeux olympiques le héraut criait
Revenons à eo vado ambulo
de coté gradior et incedo
pour compléter la liste des verbes qui signifient marche
103
en latin.
Ces trois verbes sont donc restés dans la langue
latine parce qu'ils ne sont pas synonymes. C'est
par la même raison que marcher et aller existent
simultanément en français.
Au VI e siècle de notre ère la langue était barbabre
et ceux qui écrivaient confondaient toutes les nuances
des mots. Ces trois verbes étaient devenus synonymes:
on les employait indifféremment l'un pour l'autre.
Lorsque la langue française se forma, le même systè-
me d'élimination eut lieu à l'égard de ces trois verbes.
Le verbe aller est formé des débris de plusieurs
verbes.
Dans je vais, tu vas, il va nous reconnaissons
le radical du verbe vadere
de
Quelques linguistes trouvant dans les langues germaniques
les verbes wantar, wallar aller ont pré-
tendu que ce dernier verbe était dérivé. Ils suppo-
sent que le w qui avait peut-être un son analogue au
w anglais est tombé avec le temps.
Mais il est plus probable que aller vient de
ambulo u on aura d'abord
dit ambler, puis le b s'étant peu à peu effacé dans
la prononciation, l'm se sera transformés en l à cause
104
du voisinage de l'autre l.
C'est ainsi que andare
ambulare
rentes.
Ce qui donne quelque poids à ces conjectures, c'est
l'usage fréquent dans les écrits du moyen-âge du verbe
ambulare
Dans la vie de
signification. On y lit cette phrase : il obtint que
cet homme de bien allât à la ville.
avec la 3 e personne du pluriel, vont, on voit reparaître
le verbe vado vadunt
Notre verbe est plus irrégulier que les verbes
grecs. Le grec se contente d'entreméler les temps de divers
verbes ; le français entremêle les personnes : de
de ambulatis vadunt
Au futur apparait le verbe ire irai.
Le verbe aller est donc composé de trois verbes latins,
absolument comme le verbe qui signifie porter en grec
composé de 3 verbes grecs.
Sous ce rapport la comparaison des 3 langues est
très utile. Elle sert à expliquer leurs origines et à
rendre raison de phénomènes dont, sans ce secours, on
aurait de la peine à dire la cause.
106
105
9107
Du verbe substantif en grec et en latin.Nous avons vu que certains verbes irréguliers
se forment des débris de plusieurs verbes qui avaient jadis
tous leurs temps et qui en ont perdu depuis une partie.
Mais il en est d'autres qui empruntent les temps qui
leur manquent, sans que les verbes aux quels ils font ces
emprunts aient pour cela disparu de la langue.
Le verbe qui dans chaque langue répond à l'idée
d' Etre est presque toujours irrégulier. Cette irrégularité
vient probablement de la confusion qui régnait à l'origine
des verbes. Le langage n'était alors soumis à aucune
règle, si ce n'est à celles d'une logique en quelque sorte
instinctive. On avait recours pour exprimer sa pensée
à toutes les formes qui se présentaient. Or de tous les
verbes, il n'en est pas de plus indispensable que le
verbe être. Pour exprimer cette pensée, le vulgaire
dut donc employer des formes hétérogènes et en grand
nombre. De là les irrégularités qui ont subsisté dans
la conjugaison de ce verbe, même après que la gram-
maire eût définitivement fixé la langue.
Cet emploi fréquent du verbe être a été cause que
les grammairiens grecs l'ont considéré comme formant
la transition entre le verbe et le substantif. Ils
l'appelaient ν͑παρxτxόν ρ͑η̃μα
108
latins ont traduite assez exactement cette fois (1) par
substantivum verbum verbe substantif.
Le verbe substantif est composé d'une manière très
singulière dans les trois langues. Le verbe
une exception presque unique dans le système de la
conjugaison grecque, manque d'aoriste, et n'a pas
d'autres temps que le présent, l'imparfait et le futur.
Les Grecs suppléent à cette absence d'aoriste, gênan
dans le verbe substantif, de plusieurs manières, entre
autres par l'aoriste de
on lit dans la Cyropédie de
Έγένοντο, λέγονται ʾαστρα παὶ xαὶ Βρονταὶ αʾντϖ αʾὶσιοι (2) γενέσθαι
cette phrase les mots Έγένοντο γενέσθαι remplacent
l'indicatif aoriste et le participa aoriste qui manquent
(1) Ils ne sont pas toujours exacts; par exemple c'est à tort qu'ils
ont traduit casusaccusativus
aurait fallu dire causativus casus
(2) Remarquons que les écrivains attiques préfèrent souvent au
féminin des adjectifs la terminaison en os à la terminaison en
a. La désinence os est même la seule pour les adjectifs commençant
par a privatif, sauf de rares exceptions, comme
la désinence a s'est substitué dans beaucoup d'adjectifs qui d'abord
avaient le féminin en os. αίσία
109
au verbe substantif.
Le verbe sum
bizarreries; mais ces bizarreries sont plus apparentes que
réelles. -
ment Esum de lingua latina
Liv. IX, C 100, Ed. Egger)
aussi esumus esunt
remarquer, tout le présent était presque régulier. De
plus, et c'est encore
présent était en analogie avec l'imparfait esam
lieu d' eram
En effet, dans beaucoup de mots où l' r s'est plus
tard introduite, l'ancienne langue latine avait un s.
Jusque vers le temps de la 1e guerre punique on disait
Asa, Lases, Valesins, au lieu de Ara, Lares,
Valerins. Il parait que le Consul Papirius
Cursor fut le premier qui remplaca l' s par l' r, sinon
dans l'écriture, au moins dans la prononciation. -
L' s ancienne s'est même maintenue dans quelques
mots à côté de la forme moderne, par exemple dans
arbos bonos quaeso
sens se confondait certainement dans l'origine avec
quaero esam
de eram ero
110
la même voie à la forme primitive eso
pelle le futur grec esum
personne au pluriel
Le parfait fui
Il vient probablement du radical d'où est sorti le verbe
grec
Le verbe substantif latin est donc plus riche que
le verbe grec correspondant, puisque outre un présent,
un imparfait et un futur, il a encore un parfait. Mais
il n'a pas plus que le verbe
Les latins ont senti comme les Grecs la nécessité de
combler cette lacune. Ils ont employé quelque fois pour
cet usage le participe passé du verbe nasci natus
ou gnatus
C. 2) on lit Itanatus locus est dans le sens de
(1) Cette substitution de l' r à l' s montre combien il est difficile
de se faire à distance une idée de la valeur des sous et des analo-
gies qu'ils ont entre eux : ce qui est d'ailleurs est prouvé par un
grand nombre d'exemples. Quel rapport y a t-il pour nous
entre le p. et le ch? Cependant
Clichy, arripio arrapio arracher.
111
Is fuit locus
a tant reproché à
est il moins ridicule qu'il ne le semble au premier
abord. (1) On peut croire, il est vrai, que ce mot natam
fait allusion au titre de Père de la patrie qu'avait reçu
pe passé du verbe substantif. - Cette innovation ne
(1) D'abord il est injuste reprocher à Fortunatam natam
lui même cite tout à coté un passage en prose du même
" Resmichi invisae visae sunt, Brute
vers.... Dans sa prose même, indépendamment de l'exemple
cité par
d'assonances, qui certainement ne lui avaient pas échappé;
par exemple: Mendacem memorem esse aportet;
Misi me meae memoriae sensus fallit
112.
serait pas d'ailleurs la seule que
introduire dans la langue latine. S'il se conforme
partout dans ses constructions, aux règles d'une syntaxe
sévère, il ne craint pas de forger un mot à l'occasion ;
tout en ayant soin d'en demander la permission au
lecteur. C'est ainsi par exemple qu'il a hasardé le
mot mundanus
du moins dans ce sens. D'autres fois
plus heureux dans ses innovations. Quoiqu'il en soit, il
est possible que dans le vers fameux tout reproché à
sa vanité, le mot natam
que celui qu'on y croit voir généralement, et ne
fasse que tenir lieu d'un participe passé du
verbe Sum
été heureuse.
Telle est en grec et en latin, la conjugaison du
verbe substantif. Dans la prochaine leçon nous nous
occuperons du verbe qui correspond en français au
grec sum
114
113
116
114
115
10117
être en
français :
s'est formé le verbe substantif en grec et en latin.
Recherchons aujourd'hui la composition du verbe
être en français.
Les temps du verbe être de formation en grande
partie du verbe stare
il n'y a pas longtemps encore estre, et dans lequel l'E
initial représente l'aspiration latine, comme dans Espée
Escole Spatha Schola
verbe être, la forme dérivée de esse
de stare
qu'au XIV e siècle on disait encore ; j'ers; tu ers, il ert;
nous ermes; on reconnait les formes eram eras Erat
eramus stabam
rester dans la langue, était aussi employé. Les chartes
et les chroniques latines portent stabat
118
erat Stabat male cum illo
ayant tout à fait la valeur de l'expression française,
il était mal avec lui. Enfin au XVIII e siècle on
écrivait encore j' estais, contraction évidente de
Stabam
Ces deux verbes Stare esse
une sorte de connexion dont toutes les langues néo-
latines nous offrent des exemples. Ainsi j' ai été
où le mot été est le latin Status
tendance des langues néo-latines,
passés au verbe Stare
Ainsi j e fus ou j' ai été se dit
française ou Romane est le serment de Strasbourg en
contre
alliance à Strasbourg en présence de leurs armées.
pour être entendu des guerriers d'outre-Rhin ;
les soldats de
119
Nous a été conservé par
histoire d'après l'ordre du roi de France :" Voici le
serment prononcé par
romane.
VII p. 27.)
Pour l'amour de Dieu et pour le peuple chrétien
et notre commun salut, de ce jour en avant, en tant que
Dieu me donnera de savoir et de pouvoir, je soutiendrai
mon frère
comme il est juste qu'on soutienne son frère, tant qu'il
fera de même pour moi. Et jamais avec
ferai aucun accord qui de ma volonté soit au détriment
de mon frère.
Il n'est presque pas un mot dans ce serment dont
la linguistique et la grammaire comparée puissent
tirer de curieuses observations. Prenons pour exemple
la première phrase :
Pro
120
le sens de pour, et non plus celui à la place de
Deo
pour les autres cas obliques. Le nominatif seul que
l'on rencontre plus loin, est
entre le nominatif et les autres cas se conserva long-
temps. Ainsi l'on dirait plus tard au nominatif
Diex le volt ou x remplaçait s de Deus
autres cas étaient Dié
resté dans la langue quelques faibles traces de ce
génitif formé sans de : comme Hôtel - Dieu ;
fête-Dieu qui viennent de Hospitale Dei Festa Dei
Quant à Amur
a entièrement perdu la flexion latine ; mais nous
ne saurions dire d'une manière certaine si U dans
Amur
serait possible que cette lettre eût ce dernier son
comme en latin, en Italien, en Espagnol et que
plus tard, quand elle n'eut plus le son U simple,
on eût ajouté o dans amour, pour faire le son que
nous prononçons aujourd'hui.
Et s'est conservé sans altération
Christian a perdu toute flexion, bien que le
substantif au quel il se rapporte, poblo
génitif. L'adjectif a déjà perdu ses cas. Dans la
langue française perfectionnée, il ne prendra que
121
le genre et le nombre du subtantif.
Poblo
le subtantif salvament qui suit. de plus le B
consonne douce a remplacé la forte P de Populus
on y reconnait l'origine de l'Espagnol Pueblo
commun - nous ferons pour ce mot les mêmes
observations que pour Christian
salvament. On reconnait déjà la formation
de ces mots en ment, si nombreux dans le français
moderne ; salvament sauvement comme
salvare sauvement n'est
plus employé après le XIV siècle.
D' ist De est la préposition latine.
On voit déja l'usage de l'apostrophe.
Ist iste
latin trois pronoms démonstratifs;
chacun avec une nuance différente. Les grammairiens
latins disent expressément que hic
démonstratif de la 1e personne ; iste
ille
par les bons auteurs. Plaute dit souvent hic homo
comme synonyme de ego
(adelphes V, 8.) au milieu des reproches que fait
Demeu à Eschine : qui te plus amat quam hosce oculos hosce meos : et bientôt après :
122.
vin' tu huic semi oscultare huic est synonyme de
mihi
en ces termes :
Si Pergama dextra Defendi possent, etiam hac defensa fuissent
Istel e personne.
Ainsi l'on trouve fréquemment o Isti o vos
parlant aux juges de Roscius d'Amérie leur parle ainsi:
homines sapientia atque ista auctoritate praeditos
qua vos estis
qu'il écrit Cilicie à son ami qui est à Rome, il
nous fait parfaitement connaître la différence de hic
et de istic Intelligo te istic (là ou tu es, à Rome)
mihi prodesse hic nullo
modo me levare posse
Enfin ille
Mais dans les siècles de décadence de la langue latine
cette distinction des pronoms s'effaça : Et en 842 iste
seul était resté : hic avait entièrement disparu : Ille
qui ne subsistait plus comme pronom, était devenu
un article, que les langues néo-latines se partagèrent. il ou el
le fut emprunté par la langue française.
Di dies
Mais ce mot trop exigu fut remplacé par le mot
123
jour, venant de diurnum ; giorno
journal, journalier en Français.
En avant. On ne saurait assurer que en soit
la forme usitée en 842. Il n'existe de
qu'un seul exemplaire manuscrit, appartenant à
la Bibliothèque du Vatican et qui date du XI e ou
XII e siècle ; et le mot en est écrit à cette place In ;
le copiste français entraîné par l'habitude ou l'on
était de son temps de prononcer en, aura écrit d'abord
en. Puis s'apercevant de son erreur il aura fait
lui même la correction In. Il est probable que l'
on disait in avant en 842.
Le mot avant est déjà formé tel qu'il est aujour-
d'hui. Avant est formé de deux mots latins ab ante
Quand les langues se décomposent, le besoin d'être
clair fait que l'on réunit plusieurs mots, adjectifs,
prépositions, pour en former un seul. Tel est le mot
français aujourd'hui, débris de cinq mots : ad illud diurnum de hodie. De même dans la basse latinité
on a dit ab ante
avant, c'est qu'à partir du IV e siècle le B latin se pronon-
cait V. On le voit par les inscriptions. Ainsi dès le
III e siècle, les ouvriers qui se laissaient guider unique-
ment par l'oreille mettaient souvent sur la pierre
124
DEBITUM SOLVIT. BIBUS SIVI FECIT
pour VIVUS SIBI FECIT
son de ces deux lettres était si générale que l'on avait
senti le besoin de traités d'orthographe où il fût ensei-
gné dans quelles occasions il fallait écrire V ou B. Ainsi
dit qu'il faut écrire VIRUM par un V : et que la même
règle s'applique à tous les mots commençant par VI
" exceptis bitumine, bili (quando fel significat et iis quae ab adverbo BIS componuntur, velut BICEPS BIVIVM
Ces exemples prouvent qu'au VIe siècle, les deux sons
B et V étaient identiques en latin; il n'est donc pas
surprenant que les mots latins
formé en français AVANT, en espagnol
et
125
11126.
127
De la langue italienneIl est remarquable que la langue d'une seule
ville, de Rome, imposée d'abord à la péninsule tout
entière, se soit ensuite répandue et ait dominé depuis le
Pont-Euxin jusqu'au détroit de Gadès, depuis le mur
d'
des déserts de l'Afrique. Jamais langue n'a eu un
plus beau destin. Mais elle a dû suivre la fortune
de l'empire romain, et lui a à peine survécu. Et il est
remarquable qu'elle n'ait pas duré plus longtemps
dans l'Italie que dans les plus lointaines provinces.
Qu'une langue s'éteigne et meure, nous ne
devons pas nous en étonner. Le langage varie comme
tout ce qui est de l'homme ; et rien au monde n'est
moins constant. Il est de sa nature de n'être pour ; deux générations de suite, semblable à lui-même,
et nous devons être convaincus que, toutes les fois
que l'homme parvient à le fixer, c'est par des moyens
artifiels et factices. Quand un grand peuple est
parvenu à se faire une grande langue, s'il veut
la conserver pure et belle, il lui faut d'abord qu'une
forte centralisation donne l'unité au langage comme
à la nation et contienne l'une
128
nécessaires ; il faut ensuite qu'un corps soit spécialement
chargé de veiller sur la langue et de la défendre
contre les altérations de toutes sortes ; il faut
enfin que cette belle langue ne soit pas seulement
la langue écrite ; celle des écrivains, mais qu'elle soit
parlée, au moins par une société d'élite. C'est
seulement à ces conditions, et au prix d'efforts in-
cessants, d'une prudence toujours éveillé, de luttes
toujours renaissantes contre les innovations que
le temps apporte malgré tout, que l'on peut parve
-nir à sauver l'intégralité et la pureté d'une langue.
Détruisez la civilisation, cet échafaudage
si artificiel et si savant, mais si fragile aussi, et que
le moindre coup de la fortune ou des hommes , peut ren-
verser, la langue périt dans la rime générale. Vous
la voyez alors, non pas s'éteindre tout à coup, chose
impossible, mais se morceler, varier de province à pro-
vince, puis de village à village, et enfin de famille
à famille ; l'anarchie est générale, et la langue
abandonnée à elle-même, sans unité, sans habilité,
subit toutes les influences du sol, du climat, de l'état
social, des travaux enfin de ceux qui la parlent. Alors
des mots nouveaux s'introduisent, adoptés sans
précaution et sans réserve ; des mots anciens s'effa-
cent, parce qu'ils ne répondent plus aux faibles
129
idées d'un peuple en décadence, ou, ce qui est pis encore,
ils changent de signification, ils s'affaiblissent et se
décolorent.
A ces causes générales auxquelles aucune langue
ne peut échapper, il s'en joint de particulières à l'Italie.
Sur cette terre l'unité et la fixité sont plus difficiles
et plus passagères que partout ailleurs. Les mêmes
obstacles qui s'opposent à l'unité politique, s'opposent
aussi à l'unité et au maintien de la langue : c'est le peu
de largeur de la péninsule relativement à sa longueur;
c'est la chaine des Apenniens qui la coupe par le milieu
et la difficulté des rapports entre les deux versants;
c'est enfin l'impossibilité de toute centralisation.
Songeons qu'il a fallu le génie romain pour faire
l'unité de l'Italie, qu'il n'y a réussi qu'après 6 siècles
d'efforts, et qu'après Rome nul n'a été capable de rétablir
cette unité.
La décadence de la langue commença des le V e
siècle de notre ère. Encore assez pure dans le peu d'oeuvres
littéraires qui nous restent de cette époque, elle se montre
de plus en plus altérée dans les inscriptions ; et remarquons
que les inscriptions sont les témoins les plus fidèles de
l'état d'une langue ; la littérature représente l'état de
l'élite de la nation ; elle a toujours, mais surtout à ces
époques de décadence, quelque chose de factice et de fardé.
130
qui nous fait illusion ; mais la langue des
inscriptions est celle du peuple entier et elle
se montre dans toute sa vérité. Sur les monuments
du V e siècle nous surprenons déjà la décadence de
la langue ; nous lisons déjà par exemple la formule
Espiritu Santo
Ces changements nous étonneront moins si
nous songeons qu'à côté de la langue littéraire et
savante il y avait en Italie une langue vulgaire,
qui existait depuis le temps de
toujours persisté en dépit des efforts de la classe éclairée,
ce fut elle qui, au V e siècle essaya de reprendre le
dessus et qui précipita la chute de la langue savante.
de cet idiôme vulgaire qu'ils appellent lingua plebeia
vulgaris ou rustica.
Quelques philologues ont voulu faire ressortir
l'origine de la langue italienne au V e siècle ; selon eux,
ce n'était plus le latin, c'était déjà l'italien que l'on
parlait à cette époque, l'italien avec ses éléments déjà
constitués. On peut voir ce système soutenu par Ciampi,
De linguiae italicae origine, saltam a soeculo quinto
Pise 1718.
origine linguae italicae
Ciampi, il établit seulement que du V e au XII e siècle
131
s'étend une période de transition où se formèrent, non
pas même la langue, mais les éléments de la langue.
Cet état a duré pendant la longue époque de désordre
qui a affligé l'Italie, c'est à dire jusqu'à vers l'époque
de
Beaucoup d'hommes admirent ce poète sans savoir
qu'il a été aussi un philologue. Il a écrit un traité en
latin, de Vulgari eloquio
est curieux pour l'histoire de la langue de cette époque,
est remarquable aussi par l'influence qu'il a dû avoir
sur la formation de la langue.
dialectes en Italie : tel était le morcellement de la langue,
égal à celui de la société. La langue parlée, il ne
l'appelle pas encore l'italien, il l'appelle la langue
vulgaire; si l'italien existait déjà, il n'était donc pas
encore reconnu comme langue.
tous ses voeux la formation d'un idiôme commun, et il
démontre que cet idiôme commun doit naître du lan-
gage vulgaire, que loin de condamner cette langue nais-
sante, comme bâtarde et dégénérée, il faut donner droit
de bourgeoisie aux fores et aux constructions que les
derniers siècles ont apportées, et qu'enfin, en une seule chose,
on doit revenir aux anciens, c'est dans le style et dans la
période. L'oeuvre philologique de
par
132.
de leur mort.
Dès ce moment, la langue italienne est fixée
et son caractère propre se détermine. Fille de
la langue latine, mais fille abâtardie, elle n'en
a pas conservé l'accent si net et si ferme, elle en a
perdu la vigueur, mais elle est aussi fine, aussi ex-
pressive, aussi savante et peut-être plus gracieuse
même que sa mère.
On peut remarquer que c'est une des langues néo-
latines qui ont le moins contracté, et par conséquent le
moins dénaturé, les mots de l'ancienne langue. Tandis
que le Français, comme nous l'avons vu, resserre,
contracte les syllabes, raccourcit les mots tout en allon-
geant les formes, et comprime pour ainsi dire ces six
mots : ad illud diurnum de hodie
aujourd'hui, l'italien a conservé dans un grand
nombre de ses dialectes la simplicité et la pureté
des formes primitives. Ces dialectes italiens ne
ressemblent pas à nos patois populaires; ils ont
une fixité, une stabilité et en même temps une élégan-
ce que les patois français n'ont pas. Celui de la
Sardaigne, en particulier, s'éloigne très peu du latin
et l'on a même pu composer dans ce dialecte des
vers qui sont à la fois latins et italiens : Tel est
le commencement de l'hymne :
133
Tandis qu'en français nos contractions ont défiguré
les mots à tel point que souvent nous n'en reconnais-
sons plus les racines, l'italien qui les a moins défi-
gurés peut souvent nous servir à connaître les mots
mêmes de notre langue. Trouverions nous l'origine
de notre mot émail, si nous ne voyons dans l'italien
le mot smalto
smeltan
médiaire, de transition; ses formes mieux conservées
sont à égale distance des mots racines et de nos dérivés
défigurés. Notre mot fauteuil, par exemple, s'est
bien éloigné de sa source; nos ancêtres écrivaient faudes
teuil fadistolium
de l'italien a conservé faldistorio
naître ici les deux mots Lombards falden stul faldistolium sella plicatilis
chaise pliante, ce que les grecs appelaient όxλαδίαϛ.
C'est ainsi encore que dans l'italien giorno
naissons mieux le diurnum
jour. On peut donc dire en thèse générale que dans les mots
italiens les contractions sont beaucoup moins
fortes que dans les mots correspondants de notre langue.
L'Italien nous a servi à détruire une erreur
134.
philologique longtemps accréditée parmi nous.
Jusqu'au XVII e siècle on a cru que notre mot
savoir vient de scire
scavoir. Mais l'italien qui dit sapere
savoir nous montre clairement la vérittable origine
de notre mot savoir vient du latin sapio Sapio
en effet n'a signifié être sage qu'à partir du siècle
d'
savoir, le seul qu'il eût auparavant. On trouve dans
reste ego rem meam sapio
j'ai à faire. Et sapien
in mentem Sapio
donc savoir ; sapiens, qui sait, qui est habile; le grec
σοφόϛ avait le même sens, il signifiait proprement
habile, qui sait ce qu'il faut faire.
σοφοί
sept habiles, les sept savants, que nous appelons
improprement les sept sages. En français même,
le mot sage a eu très longtemps le même sens, le sens
du savant. Quand nos ancêtres ont dit :
philosophique qu'ils louaient dans ces princes, c'était
l'habileté et la science.
Quant à notre mot Sage, il ne vient pas de
135
sapere sagus sagax qui signifie
clairvoyant. On trouve dans Sagire,
être clairvoyant, d'où est venu le composé plus usité
prœsagire
136
137
12138
139
3° Langues néo-latines (suite)
Langue espagnole.
I. La langue espagnole présente un caractère très
différent de celui des autres langues néo-latines. - Le
français et l'italien, par exemple, se sont formés
du mélange des idiômes germaniques avec le latin
corrompu du IV e et du V e siècles; en Espagne, un
3 è élément a concouru à la formation de la langue
nationale: c'est l'arabe.
L'Espagne, sous les Romains, était parvenue à
une civilisation très avancée. Elle avait encore, aux
3 e et 4 e siècles, les poètes plus brillants que ceux-mêmes
de l'Italie.
La grande invasion du V e siècle détruisit cette
civilisation. Il est vrai que les Alains et les Vandales
ne firent que passer ; que les Suèves n'occupèrent qu'une
faible partie de la péninsule. Mais les Wisigoths
y fondèrent un empire qui dura 300 ans. Dès lors,
l'idiôme germanique entre dans l'usage des popula-
tions du midi ; et les nouveaux conquérants exercèrent
sur la langue latine en Espagne la même influence
que les Franks aivaient exercée sur elle dans la Gaule.
Les arabes furent le dernier peuple qui marqua
son empreinte sur l'Espagne. En 711, Musa, lieutenant
du Khalife Walid, débarque sur les rivages de la
140.
péninsule : la bataille de Xérès mit fin à la
domination des Wisigoths ; le dernier roi Germain
y périt, et, dans l'espace de 20 ans, l'Espagne
tout entière fut soumise, à l'exeption des Asturies,
où s'étaient réfugiés les restes de la nation vaincue. La
conquête arabe, comme la conquête romaine, s'arrêta
au pied de ces montagnes des Asturies ; et elles devin-
rent le berceau du royaume de Léon, qui devait,
à la longue, s'étendre sur toute la péninsule, et
se substituer à la domination arabe.
La lutte commença de bonne heure entre les
chrétiens des Asturies et les Maures. Bientôt l'em-
pire des arabes se divisa : l'Espagne, sous le nom de
Khalifat de Cordoue,
même ne tarda pas à se morceler en une foule de
petits royaumes indépendants -Grenade-Murcie-
Valence-etc a- Les rois chrétiens profitèrent habile-
ment de ces divisions ; et, en quelques années, ils
firent des progrès considérables dans le Nord de la
péninsule.
C'est alors que commence le romancero
recueil de chants nationaux, analogues à ceux d'
mais beaucoup plus authentiques. Ils célèbrent
le roi
chrétiens d'Espagne. Mais peut-être ne faut-il
141
voir là qu'une légende nationale, semblable à celle
qui fait remonter jusqu'au roi Pharamond les
origines de la monarchie française: l'histoire
positive du royaume de Léon ne commence qu'à
Alphonse 1 er le Catholique, qui mourut en 759.
Il restait, dans les provinces soumises aux
arabes, un très grand nombre de chrétiens, qui
parlaient le latin corrompu par l'introduction
des idiômes germaniques - Mais il arrive souvent
que, dans les pays où dominent les musulmans,
les chrétiens, tout en conservant leur religion,
oublient leur langue, pour adopter celle des
conquérants. C'est ce qui est arrivé en Asie-mineure
où le Turc a remplacé le Grec : ce fut aussi ce qui eut
lieu en Espagne, particulièrement dans les royaumes
de Murcie et de Valence. Les chrétiens cessèrent
de parler le romanço (langue romane), et adoptèrent
la langue des arabes, avec q.q uns des rites musul-
mans. - Les arabes appelèrent ces chrétiens Mosarabes
(arabes adoptifs) ; et les chroniques latines les
nomment arabes abscititii. -
En Afrique, où les Arabes dominèrent aussi,
la langue et la population latines avaient presque
complètement disparu à la fin du XII e siècle, dans
les plaines et dans les villes ; il n'en subsista quelques
142.
restes que dans les montagnes de la Kabylie. - Il
en serait probablement arrivé de même en Espagne,
si, au delà des Pyrénées, les arabes n'avaient
rencontré la belliqueuse nation des Franks. Les
victoires de
refoulèrent les flots de l'invasion musulmane, et la
continrent dans les limites de la péninsule. A partir
de cette époque, l'empire des Arabes déclina rapidement.
Chaque jour, les chrétiens gagnaient du terrain sur
leurs adversaires: les royaumes de Castille et d'Aragon
se formèrent; les arabes, reculant peu à peu jusqu'aux
dernières provinces du sud de l'Espagne, furent
bientôt réduits à la possession de Grenade; et la
prise de cette ville, en 1492, par
Ferdinand le Catholique, mit fin à la domination
des arabes en Espagne: elle avait duré près de
800 ans.
II
La langue espagnole a donc pour base le latin
et pour éléments secondaires le Wisigoth et l'arabe.
Du Romanço espagnol sont sortis, au mayen-âge
3 dialectes assez différents. Ce sont:
Catalan très analogue à la langue
des troubadours français, et qui est resté dialecte
143
de province;
III
Les traces de la langue des Wisigoths sont visibles
dans l'espagnol - Ainsi le mot lastrar
du Wisigoth last lester. (l'r de lastrar
a été intercalé pour donner plus de fermeté au mot,
connue dans diacre, qui vient de diaconus
pampre, qui vient de pampinus
ruica
Mais c'est au moins dans les mots que dans la syntaxe
que l'on retrouve l'influence de la langue des
Wisigoths. - Ce sont évidemment les Wisigoths qui
ont introduit en Espagne le verbe avoir employé
comme auxiliaire. Yo habia temido
et autres formes analogues.
144
IV.
L'arabe a donné une foule de mots à
l'Espagnol, sans cependant altérer beaucoup le
fond primitif de la langue, c'est-à-dire le latin.
Ce n'est pas introduisant dans une langue
des mots étrangers, qu'on l'altère; c'est en donnant
aux mots de cette langue même un sens contrai-
re à son génie, et
écrivains consacrés. " Rebus novis nova ponenda sunt nomina
d'expression (
mérite de son style, introduire dans l'Anabase
des mots Persans, tels que παράδεισοϛ
παρασάγγηϛ (parasange mesure itinéraire).
Mais voici un exemple de corruption des langues
par l'altération du sens des mots. πλοῖον
L'influence de l'arabe sur l'espagnol n'a
pas été corruptrice, parce qu'elle ne s'est point exercée
sur la syntaxe : elle s'est bornée à l'importation de
mots arabes dans la langue nationale - tel est
145
alcade (le Kadi des arabes) ... etc. Aussi la
langue espagnole est elle, de toutes les langues
néo latines, celle qui s'est le moins écartée du
latin.
Cependant l'arabe a laissé à l'espagnol
une aspiration gutturale, qui n'était point dans
le génie de la langue latine, et qu'on ne trouve
pas dans les autres langues néo latines. Cette
aspiration peut se représenter par le χ des Grecs,
ou par ch allemand. Pendant longtemps les
Espagnols l'on écrite par un x : aujourd'hui,
l'Academie de Madrid l'écrit par un j: ainsi
majo ch,
comme on aspirerait le ch allemand, ou le χ grec.
Cette aspiration gutturale, avons-nous dit,
était étrangère à la langue latine. Encore au temps
de
moins dans sa jeunesse, ne mettaient l'aspiration
qu'apères une voyelle. C'est ce que prouve le pas-
sage suivant de l' Orator, où quin ego ipse, cùm scirem majores nostros, nonnisi cum vocali, aspiratione, esse usos, ita loquebar, ut puleros dicerem et triumpos
ce n'est que plus tard qu'il a laissé cette pronon-
ciation au peuple. -" Aliquandò et serò usum
146
populo concessi, mihi scienticum reservavi.
Ainsi on prononçait Pulcros
piration gutturale; et, lorsque cette aspiration
passa dans l'usage, ce fut peut-être par affec-
tation et par mode qu'on prononça Pulchros,
en aspirant le ch à la façon du χ des Grecs.
Phryges, mais
- Bruges- qu'il prononcait probablement
Brouguès.-
147
13148
149
Langues néo-latines.La langue latine, corrompue et mélangée avec
différents idiômes, a donné naissance, comme il a été
dit, à cinq langues modernes, qui forment la famille
des langues néo-latines, savoir: le français, l'italien,
l'espagnol et le portugais, la langue rhétique, et
la langue Valaque.
Dans la dernière leçon nous avons abordé
la troisième de ces langues, l'espagnol, auquel se rattache
le portugais On a exposé brièvement les origines de
ces deux dialectes d'une même langue, et analysé les
éléments qui ont concouru à leur formation. On a indiqué
ce qu'ils doivent à la langue des Wisigoths et à celle des
arabes. Il reste à dire ce qu'ils ont conservé de la langue
latine.
De toutes les langues issues du latin, l'espagnol et
47
quité ; mais depuis ce roi qui voulut approfondir
quelle était la race d'hommes la plus
ancienne, les Phrygiens furent reconnus pour l'être,
et les Egyptiens ne vinrent plus qu'après eux. Voici
comment ce roi, peu satisfait des recherches qu'il avait
faites sur cette question et qui ne lui avaient fourni rien
de positif, parvint à la résoudre. Il fit remettre deux
enfants nouveau nés, pris au hasard, entre les mains
d"un berger chargé de les élever au milieu de ses
troupeaux, avec l'injonction de ne jamais proférer
devant eux une seule parole, et de les laisser constam-
ment seuls dans une habitation séparée. Il devait
les amener des chèvres à de certains intervalles, les
faire téter, et ne plus s'en occuper ensuite. Psammitichus
en prescrivant ces diverses précautions, se proposait
de connaitre, lorsque le temps des sagissements du
premier âge serait passé, dans quel langage ces
enfants commenceraient à s'exprimer. Les choses
s'étant exécutées comme il l'avait ordonné, il arriva
qu'après deu années écoulées, au moment où le
berger, qui s'était confirmé exactement aux instruc-
tions qu'il avait recues, ouvrait la porte et se préparait
se mirent à crier ensemble.
fit pas d'abord beaucoup d'attention; mais en
151
a l' s en latin, cette consonne demeure toujours en
espagnol. C'est ce que montrera la comparaison de
quelques personnes du verbe amo
espagnol.
Latin. Espagnol.
Présent de l'indicatif. amo amo amas amas amat ama amamus amamos amatis amais amant. aman
Imparfait. amabam amaba amabas etca amabas. etc
On voit que les altérations consistent à supprimer
le t final, qui affaiblit le son de l' a, à remplacer
la voyelle u par la voyelle o dont le son est plus
plein. Quant au b prononcé comme v, c'est une sub-
stitution fréquente, et dont nous avons vu de nombreux
exemples non seulement d'une langue à une autre, mais
dans une même langue.
L'espagnol, comme toutes les langues néo-latines, a
souvent raccourci les mots latins soit par contraction,
150
le portugais sont celles qui se sont le moins écartées
de cette souche commence. L'espagnol surtout est resté
fidèle à ce caractère de grandeur qui est le propre
de la langue du peuple romain. Il a retenu ces
fortes intonations d'une langue tout oratoire,
faite pour l'éloquence et pour l'empire. Si l'on
compare l'harmonie de l'espagnol avec celle de
l'italien, on remarquera qu'où l'une de ces langues
s'approprie les sons les plus doux du latin,
l'autre s'empare des plus âpres et des plus reten-
tissants.
La langue italienne a, pour le pluriel de
ses noms, adopté les terminaisons des nominatifs
de la première et la seconde déclinaison latine:
pour les noms masculins i ; pour les noms fémi-
nins e, qui reproduit le son du latin æ: ce sont les
terminaisons les plus douces à l'oreille de la langue
latine. L'espagnol au contraire s'est arrêté à deux
des plus fortes, celles de l'accusatif pluriel des mêmes
déclinaisons as et os.
Dans les verbes espagnols, on remarque la même
prédilection pour les sons forts. En général, la conju-
gaison espagnole tend à donner à la dernière voyelle
une prononciation plus pleine, par la suppression
des consonnes; mais quand la désinence
152.
soit par la suppression des terminaisons. La comparai-
son d'une même phrase de l'oraison dominicale
rendue en latin et en espagnol donnera lieu à
quelques remarques sur les altérations que la langue
espagnole a fait subir à la langue latine.
Latin
Espagnol
Examinons successivement les mots de cette phrase.
Le mot latin Sed
mas magis
rustique, cet idiôme des campagnes, qui subsiste
en présence même de la langue littéraire de
le mot magis
sens de davantage, qu'il a conservé longtemps dans
les langues romanes ; mais il y a joint un sens
d'opposition qui a fini, dans les langues modernes,
par absorber l'autre. Il est devenu en espagnol mas
en se contractant, il n'a point perdu cet s. final, qui
plait tant aux oreilles espagnoles. En italien, par
l'effet d'une contraction semblable, en vertu de la
prédilection qu'a̽ cette langue par les sons doux, il
s'est réduit au monosyllabe ma. Ce même mot est
entré, grâce au long séjour des vénétiens en Grèce, dans
153.
le grec moderne, où les érudits cherchent aujourd'hui
à lui substituer l'ancien mot
l'adverbe magis mais ; où le mot
est moins altéré que dans l'Italien ma
mas
tées en une
davantage, il s'est prenque entièrement perdu. On
n'en retrouve plus de traces que dans la vieille locution
française, (1) Le malheureux lion se déchire lui-même Fait raisonner sa queue à l'entour de ses flancs, bat l'air, qui n'enpent mais..... (La Fontaine Le lion et le moucheron II, IX) Il nen peut moins (1)"
sa faute", par suite d'une forte ellipse, qu'on pourrait
ainsi suppléer en latin : " non potest magis quam alius ad impediendam illam rem mais a gardé une
signification plus voisine de celle du mot latin dans
certains composés tels que jamais et désormais. Jamais
n'est autre chose qu'une contraction de Jammagis
dans l'ancienne langue il avait un sens affirmatif,
qu'il conserve encore dans certaines locutions où il est
employé sans négation: " a-t-on jamais vu pareille chose?" Adieu à jamais. " Etc. Désormais est une
contraction de ces quatre mots latins: De ista hora magis
nous retrouvons dans les langues modernes ce mot
magis mas
Poursuivons l'analyse des mots de la phrase
proposée.
154.
Libra n'est autre chose que le mot latin
Nos s final
y est demeuré en vertu du principe général dont
nous avons parlé.
De mal a malo
d'abord la suppression de la terminaison du mot
latin malum
Observons ensuite la substitution de la prépo-
sition de a
des prépositions a subi de grands changements dans
les langues romanes: les rapports exprimés par les
mêmes particules ne sont plus les mêmes qu'ils étaient
en latin. Cette différence est très sensible ici. Le
verbe liberare
soit simple, soit dans une periphrase avec la prépo-
sition ab liberare obsedione et liberare ab obsidione
155.
familier, et dans la causerie.
e vous enverrai quel- qu'un de ma suite. " - Ailleurs, il lui parle des chances diverses des
156.
Cet emploi de la préposition de, qui, dans
les auteurs latins, ressemble presque à un galli-
cisme, rentre dans une série d'exemples fort
intéressants, où certains préjugés des latinistes
modernes sur la latinité de quelques constructions,
sont confondus par l'autorité des meilleurs écrivains
de Rome. Le savant Henri Estienne a publié sur
ce sujet un traité qui a pour titre : De latinitate falso suspecta
"plus difficile à croire." - Ce livre, fait à une
époque où la linguistique était fort peu avancée,
aurait besoin aujourd'hui d'être corrigé et complété;
mais il est encore très instructif.
Nous nous bornerons, sur la langue espagnole,
aux observations qui précèdent et nous passerons
sur le champ à la langue portugaise.
l'espagnol. Elle s'en distingue par des contructions
plus fortes. Par exemple le mot populus
devenu en espagnol pueblo a fait en portugais
povo
seulement) n'est plus en portugais que somente
Comme l'espagnol, le portugais aime les finales
157
en S. Les pluriels des noms se terminent en os, en as
et en es.
Le portugais a conservé du latin des mots qui se
sont perdus dans toutes les autres langues néo-latines.
Un savant portugais, assez illustre comme commentateur
du
Lisbonne en 1680 un livre intitulé l'Europa portuguesa
où il s'attache à démontrer que la langue portugaise
ne s'est pas beaucoup plus écartée de la langue latine que l'espagnol. Pour le prouver, il cite un poème
religieux qui peut se lire à la fois en latin et en
portugais. En voici un vers;
L'illusion n'est possible qu'à condition de n'employer:
dans la langue latine, que des nominatifs singuliers
féminins et des accusatifs pluriels. Hors delà, les
ressemblances s'évanouissent. L'auteur a été obligé,
pour sourtenir cette sorte de gageure, d'user de certaines
licences poétiques. Ainsi, dans les vers suivants, où il
s'adresse aux saints :
Per vos innumeros de Christo spero favores
Spero
doit dire espero
Tels sont les caractères principaux par lesquels
158
l'espagnol et le portugais se rattachent à la langue
latine, et ceux par les quels ils s'en éloignent. Dans
cette rapide revue, nous ne saurions insister davantage
sur ces deux langues. Nous sommes obligés de
passer à la quatrième langue néo-latine, que nous
avons annoncée sous le nom de langue rhétique.
Parmi les langues modernes issues du latin, il faut
tenir compte d'une langue peu connue, que nous avons
appelée langue rhétique, de l'ancien nom du pays où
elle prit naissance, la Rhétie des Romains ; nom par
lequel on désigne encore la partie la plus septentrionale
des Alpes. Dans ces hautes vallées, où le Rhin et l'Inn
prennent leurs sources, et qui forment le pays des
Grisons, à l'extrémité
une vieille abbaye des Bénédictins. Le lieu porte
encore aujourd'hui le nom de Disentis
Romains, et même au moyen âge, Discentium
Coire ( Curia Rhœtorum Rhin antérieur
dans une vallée profonde.
Là s'est formée une langue fort singulière,
qui est une sorte d'intermédiaire entre le français
159
l'italien et l'espagnol. Les gens qui la parlent l'ap-
pellent langue ladine. Ils sont peu nombreux :
à peine forment-ils deux ou trois cent mille âmes.
Cette langue offre deux phénomènes remar-
quables : une multiplicité singulière de sons vocaux;
et la persistance d'un de ces idiomes romans, qui n'ont
été partout ailleurs qu'une transition de l'ancienne
langue latine à quelqu'une des langues modernes.
Il parait que l'organe vocal des Romains
avait peu de souplesse : car leur langue n'a jamais
eu que cinq voyelles a, e, i, o, u, (qui se prononçait
ou) Les langues italienne et espagnole ont hérité
des mêmes sons, et ne les ont ni altérés ni multipliés :
les barbares n'ayant jamais été en grand nombre
dans les deux péninsules, n'ont pu modifier la
prononciation des cinq voyelles. Mais, dans les
pays où les invasions ont été plus puissantes, et où
deux idiômes entièrement hétérogènes se sont trouvés
fortement en contact, il est né de leurs combinaisons
plusieurs sous intermédiaires. La langue rhétique
en offre un exemple. Là, il y a eu collision entre des
idiômes très différents. Aussi est-elle plus riche en
diphtongues que toutes les autres langues néo-latines.
Par exemple le mot latin Sanctus
en italien Santo, est devenu dans la langue rhétique
160
soinchi
lettres ch se prononcent comme ch français,
son inconnu à la langue latine. Quant aux conson-
nes, la langue rhétique substitue l' r à l' n : ainsi,
de anima arma
se rencontre quelque fois au moyen âge dans les
troubadours.
Le pays où se parle cette langue, protégé par
ses hautes montagnes et par ses profondes vallées
arrosées de plusieurs cours d'eaux, a été de tout temps
peu visité. Il a dû à cet isolement le privilège de
conserver sa langue primitive presque sans altération.
Ou monument qui parait authentique fait foi.
On conservait à l'abbaye de Disentis le testament
d'un évêque de Coire, nommé Tello, mort en l'an
720. Cet acte, s'il n'est point apocryphe, et il ne
semble point l'être, servit le plus ancien monument
connu de la langue romane. Or, il est déjà écrit, à fort peu de choses près, dans la langue que l'on
parle encore aujourd'hui dans ces vallées. Nous
voici donc en présence d'un phénomène de linguis-
tique étrange : une langue qui, dans le cours de
plus de onze siècles, s'est à peine écartée de ses
origines; et tandis que le roman n'a été en général
qu'un état transitoire des langues européennes, ici,
161
nous le voyons fixé par l'usage, et erigé en langue
définitive d'un peuple. Cette persistance parait
d'autant plus surprenante, que la langue rhétique n'a
pas de littérture, et sauf quelques traductions des écri-
tures saintes, pas de livres. Or, on a déjà dit, en maxime
générale, qu'une langue qui se parle sans s'écrire, s'altère
continuellement, et que l'écriture seule peut fixer
le langage. Mais comme l'isolement du pays a
préservé la langue rhétique de l'invasion des locu-
tions et des mots étrangers, là, par exception, l'ab-
sence de littérature a contribué à maintenir la
langue dans son état primitif. Nous avons dit qu'en
général, les langues néo-latines, à l'époque de la
renaissance des lettres, avaient cherché à s'enrichir,
en reprenant à la langue-mère, avec un sens nou-
veau, et sous une forme plus régulière, des mots qui
étaient entrés déjà dans l'usage vulgaire, mais avec
une grande altération de la forme. Ce travail de
réflexion et d'érudition n'a pas peu contribué à
rapprocher les langues modernes de la langue latine,
et à les éloigner de l'ancien roman. Dans la langue
rhétique, ce travail ne s'est point fait. Aussi la
langue a-t-elle conservé son caractère populaire;
et puisque, d'autre part, elle a eu le bonheur de
se préserver de la mobilité propre au règne absolu
162
de l'usage, il s'en est suivi que nous avons, dans
cette langue l'unique modèle du roman primitif
et non altéré. C'est principalement à ce titre
que cette langue si peu connue mériterait une
étude particulière. Mais le plan de ce cours,
qui ne permet d'indiquer ici que quelques notions
générales, nous force de passer à la dernière des
langues néa-latines, la langue valaque.
Nous avons parlé jusqu'ici des langues modernes
qui se sont formées du mélange du latin avec les
idiomes germaniques. La langue valaque a
ceci de commun avec les précédentes, quelle a eu
pour principal élément la langue latine ; mais
ce sont les idiomes slaves qui ont joué dans sa
formation le rôle qui appartient dans celle des
autres langues néo-latines aux idiômes germa-
niques. A beaucoup d'égards, la langue valaque
est restée assez voisine de la langue latine ; mais
elle est fortement mêlée de slavon. Cette langue
se parle dans les pays qui ont fait autrefois
partie de la Dacie Trajane, sur la rive gauche
du Danube, c'est à dire, dans la Valachie, et
163
une partie de la Hongrie.
164.
165
14166.
167.
Tableau ethnographique des mangues indo-Europé-Il ne reste, pour achever la nomenclature des
langues néo-latines, à parler de la cinquième, la langue
valaque, de ses origines et de son caractère particulier.
Le Valaque n'a pas une autre origine que le français,
l'italien, l'espagnol et le rhétique: comme eux, il descend
du latin. Toutefois, il se distingue de ces langues
par un caractère qui lui est propre. Car, tandis
qu'elles ne sont qu'une décomposition du latin,
déterminée et limitée par l'influence des idiômes
germaniques, le Valaque, en se formant du latin,
s'est fortement mélangé de slavon; ce qui s'explique
par la position géographique des peuples qui le
parlent.
La population valaque est fort nombreuse; si
on la compare à celle qui parle le thétique: on l'évalue
à six millions d'hommes. Elle descend des colons romains
ou, si l'on veut, des Daces romanisés, qui, dès l'époque
de
168
jusqu'au Bas-Danube ou Ister, occupaient tout
le pays compris entre ce fleuve au nord, et la
chaîne de l'Hæmus et du Rhodope au sud, chaîne
qui forme la ligne de séparation entre les fleuves
qui appartiennent à la région du Danube et ceux
qui, comme l'Axius et le Hrymon, arrosant la
Macédoine et la Thrace, prennent leur cours vers la
Mer Egée. Tout ce pays devint alors romain, aussi
romain, les inscriptions en font foi, que la Gaule ou
que l'Espagne. Cette population romaine s'accrut
considérablement, lorsqu'au commencement du
second siècle de notre ère,
n'est point ici le lieu de raconter avec détail les
exploits de
Parthes, prenant Ctésiphon, Sélencie, Babylone,
et prêt à se déclarer l'héritier des projets et de la
gloire d'Alexandre, descendant le Tigre et l'Euphrate
jusqu'au golfe Persique, et, ce que les Romains ne
firent qu'une seule fois, parcourant ce golfe avec
une flotte, s'emparant de l'île d'Ormuz, et regrettant de n'être plus assez jeune pour aller plus loin encore
qu'
dans l'Inde, ce foyer mystérieux d'antiques et floris-
santes civilisations. Disons seulement que Rome
169
pour la dernière fois, sous
r écrudescence inespérée de force expansive, recula les
bornes de son empire. Mais ce fut là son suprême
effort: après
à défendre. Quoiqu'il en soit,
Danube, pénétra dans la Transylvanie actuelle et
dans la partie orientale de la Hongrie, refoula les Daces
à l'Ouest et au Nord, anéantit leur puissance en
s'emparant de leur capitale, réduisit la Dacie en
province romaine, et prit soin de la coloniser. Des
citoyens romains furent transportés en Dacie, au
milieu des populations récemment conquises, avec la
mission de les instruire dans la pratique des lois, de la
langue, des usages et des institutions de la métropole.
On sait comment ces précepteurs du monde s'acquittaient
de leur tâche; et cette phrase, que prononça
Lugdunum, sa patrie, est démeuré célèbre: "Les
petits-fils de ceux que mon aïeul (
assiégea jadis dans Alix, aujourd'hui commandent nos
légions sur les bords de l'Euphrate.." La Dacie,
comme la Gaule, comme l'Espagne et toutes les autres
provinces, devint donc en très peu de temps romaine
par les moeurs, les idées et principalement par le
langage, la première chose que le peuple vainqueur
s'efforce d'imposer au peuple vaincu. Toutefois
170
sa réunion à l'empire fut de courte durée.
abandonna cette conquête trop difficile à défendre
et retira de la Dacie tout ce qui s'y trouvait de
colons romains. Mais Rome avait eu le temps de marquer une empreinte profonde, ineffaçable
sur cette province; et c'est cette population romaine
du temps de
population valaque de nos jours. Nous ne
savons pas bien au juste jusqu'où se sont
avancées les légions du conquérant de la Dacie;
car des quatre historiens de cette époque, aucun
n'est parvenu jusqu'à nous; rien non plus n'a
survécu des Mémoires de
ttable et que nous aimerions tant à rappocher du
Commentaires de
ce magnifique monument de la guerre contre Décébale,
reste muette à nos regards étonnés. Mais ce qui est
certain, c'est que cette population valaque a porté
sa langue plus loin que
conquêtes. Elle occupe une partie de la Hongrie (cap
Ofen on Bude), la Transylvanie (cap. Kolosvar), la
Valachie (cap. Bukharest), la Moldavie (cap. Tassy),
où Trajan n'a certainement point pénétré, et tout
le pays à l'Est jusqu'à la mer noire.
Quant à la langue valaque,
171
de Slavon, où sont entrés aussi des mots turcs et
beaucoup de mots grecs, j'entends de grec moderne ;
double élément qu'elle doit à ce que pendant long-
temps, depuis le XVII e siècle, la Moldavie et la
Valachie, sujettes de la Porte, ont été gouvernées
par des princes grecs envoyés de Constantinople.
Mais le fond de cette langue reste latin, et l'étude
en est intéressante sous plus d'un rapport.
C'est un fait de grammaire comparée que les
idiômes peuvent se ressembler de trous manières diffé-
rentes :
faite de leurs combinaisons diverses, c'est-à-dire de la
syntaxe. C'est ainsi que les pierres peuvent se ressembler
d'un édifice à l'autre, et leur arrangement architectural
varier pourtant à l'infini ;
génie
c'est-à-dire par la construction, par la syntaxe, abs-
traction faite des mots qui peuvent n'avoir entre eux,
d'une langue à l'autre, aucune ressemblance; l'allitération, c'est-à-dire
par une certaine permutation de lettres, régulière et
toujours la même, qui a lieu dans le passage d'une langue
à une autre, sans qu'elle se produise dans
d'autres conditions. Des exemples éclairciront cette
172
définition.
Or, dans l'idiôme valaque ou moldo-valaque,
on trouve de ces trois ressemblances avec le latin,
plus peut-être que dans les autres langues néo-
latines. Ce qui n'empêche pas que cet idiôme se
soit plus éloigné du latin que les autres langues
romanes, et surtout plus que le portugais, l'espagnol
et l'italien.
Ainsi, pour les substantifs, la langue valaque
a conservé un grand nombre de mots latins qui se
sont perdus dans les autres langues néo-latines.
Exemples:
Vase se dit olla
Urceolus Urceol;
Vitricus Vitrec
Murus Muora
Culmen Cilme a
Ces mots latins et bien d'autres encore ne se sont
conservés que dans le Valaque, et n'ont point passé
dans les autres langues romanes.
Des exemples, emprunté à nos trois langues classi-
ques, vont d'abord nous expliquer d'une manière
précise en quoi consiste cette ressemblance.
175
Du latin au français, nous l'avons déjà vu, il y a
en permutation entre p. et ch. : Clippiacum Clichy;
Apium ache ; rupe (1); arrapio
arripio j'arrache, etc a.
Voilà une des ressemblances du français avec
le latin, ressemblance qui est dite par allitération.
De même aussi, à l'origine de la langue latine,
il y a eu permutation entre le π
qu des latins.
Ainsi equus
nous apprend que l'ancienne forme latine était
epus
italique, dea epona
des chars, nom qui se trouve dans certaines inscrip-
tions d'une époque assez ancienne.
Le verbe grec
(1) car ce mot français vient de l'ablatif du mot latin corres-
pondant, rupe rupes
on le démontre par des preuves qu'il ne convient pas de
développer ici. Il en est de même des substantifs français,
douleur, labeur et fleur, etc. qui se sont formés, non pas
de dolor labor flor dolore labore
flore
174
est devenu le sequor (1) des latins;
quinque
τ qu comme π
tiré du chapitre XXXVII de la vie d'
buée à
disaient
γὰϱ οʿι Aίολεὶς τὰ πέυτε πέμπε ʿουομάξουσι
en effet,
quelques inscriptions. Le même mot présente donc
ici une double permutation du π qu des
latins; quinque
equus de ιπποϛ, et sequor de ʿέπομαι.
(1) Et ici il est à propos de remarquer que les latins ont mis
le plus souvent un S à la place de l'esprit rude des Grecs. Exemples:
sequor serpere sex septem
(seulement dans les composés); - sub super; sal, salis, sales; - sus sylva
sudor, et peut être somnus
ils le remplacent par un V : vesta vesper
vinum; - vicus
après coup par les latins à la langue grecque, l'esprit rude est
remplacé par un h. Ex: harmonia
déjà par
175
Or, cette loi qui veut que les latins à la place du
appelons une ressemblance entre les deux langues par
allitération.
Chose curieuse! la même permutation de lettres
s'est opérée du latin au valaque, mais à l'inverse, c'est
à dire que le qu des latins est redevenu p. dans la
langue valaque.
Exemples:
Aqua apa
Equa, cavale, epa epus
Quatuor patron etc.
Phénomène remarquable, et qui peut-être nous révèle
une des lois mystérieuses qui président à la formation
des idiômes! Le qu, en passant, disons-
nous, du grec au latin; il serait plus sûr de dire, en
passant d'une langue antérieure au latin et au grec;
dans le latin. Car le latin et le grec sont deux langues
sœurs, et se rattachent à une commune origine. Or, voilà
qu'une langue moderne, fille du latin, retourne ins-
tinctivement et du premier coup aux habitudes de
la vieille langue, son aïeule, et qu'elle en retrouve les
formes effacées depuis longtemps et disparues. Si ce
fait pouvait être un jour érigé en loi, quelle lumière
cette découverte ne jetterait-elle pas sur la généalogie
177
où les chiffres sont exprimés en lettres, decem octo
decem novem duodeviginti
dix huit, c'est-à-dire vingt moins deux, undeviginti
pour dix neuf, c'est à dire vingt moins un. Quant à
octodecim et novemdecim
auteur latin, excepté dans deux passages de
qui, selon toute apparence, portent la trace d'habitudes
de langage plus modernes. En effet, les soldats de la
49 e légion, par exemple, ne se sont jamais appelés que
les undevicesimani
d'Alexandrie, attribué à
nuateur de Cum |quinque cohortibus
Or, cet usage de séparer les noms de nombre l'est
conservé dans la langue valaque. Seulement la
conjonction et des latins a été remplacé par Spra
176
des langues et des nations!
3° Ressemblance par la syntaxe.Enfin, les idiômes peuvent se ressembler aussi d'une
troisième manière, à savoir, par la syntaxe, ou par
l'arrangement, par la combinaison des mots. Le valaque,
sous ce rapport, a conservé avec le latin quelques res-
semblances qui ne se trouvent point dans les autres
langues néo-latines.
Les Romains, à la belle époque de leur langue
et de leur littérature, aimaient mieux, pour exprimer
les noms de nombres, séparer les mots que les composer.
Comme nous disons en français: onze, douze, treize,
quatorze, etc., nous nous sommes imaginés qu'il en
était de même chez les Romains. Notre erreur vient
de ce qu'ayant lu, sur les marbres et dans les manuscrits,
les nombres exprimés en chiffres, nous avons supposé par
analogie qu'on disait en latin: Septem decim octo decim
novem decim dix sept,
dix huit, dix neuf. Mais ce n'est là qu'une supposition.
Et les Romains, (
son traité De figuris numerorum
undecim duodecim sexdecim
vement, préferaient à septem decim septem decem
à octodecim octo decem novem decim novem
et decem
178.
abréviation de supra
doï spra dieci, douze, duo et decem
oct spra dieci, dix huit, Octo et decem
noa spra dieci novem et decem
Ainsi, il est démontré que le valaque se rapproche
souvent du latin par une triple ressemblance, celle
des mots, celle de la syntaxe, celle que nous avons
appelée ressemblance par l'allitération. Mais sur
ce fond essentiellement latin sont venus, comme
nous l'avons déja dit, se superposer divers éléments,
empruntés aux langues des peuples voisins, à la
langue des Grecs modernes à celles des Turcs, et
surtout à celle des Slaves.
Nous avons épuisé ainsi la nomemclature
des idiômes romans. Ayant distingué cinq grandes
familles de langues indo-europénnes, nous en
avons fini avec trois d'entre elles, la famille des
langues indiennes, celles des langues celtiques et
celle des langues pélasgiques. Il nous reste à
examiner les deux dernières, c'est-à-dire les
langues germaniques et les langues Slaves.
179
15180
181
Sur les langues germaniques en généralAu début de ce cours nous avons étébli cinq
grandes familles de langues Indo-Européennes.
Nous avons déjà indiqué les caractères principaux
des trois premières familles de langues. Il nous reste
à examiner les langues germaniques et les langues
slaves. Notre étude d'aujourd'hui portera sur les
langues germaniques considérées en général.
Aussi loin qu'on peut remonter dans l'histoire, on
aperçoit un mouvement continu des peuples de l'Orient
à l'Occident. L'asie est certainement le berceau de
l'espèce humaine. Des hauts plateaux de ce vaste
continent, des peuples innombrables sont descendus
à diverses époques, et guidés par la marche du soleil,
se sont toujours avancés vers l'Occident. Est-ce quel-
que évolution terrible du globe qui les a chassés de
leurs foyers primitifs, ou bien ne font-ils qu'obéir
à une fatalité inexplicable qui pèse sur eux et les
pousse en avant, comme
182
On ne sait. Mais on les voit pénétrer en Europe le
long de la mer Baltique par la vallée du Danube,
remonter le cours du fleuve jusqu'à sa source, et
de là se répandre sur notre continent tout entier.
C'est ainsi, par des émigrations succesives, mais dont
on ne peut assigner la date, que les Celtes ont quitté
les régions supérieures de l'asie, et se sont avancés
les premiers jusqu'à l'océan atlantique, tandis que
sur leurs pas se pressaient tour à tour les Pélasges,
les peuples de la race germanique, et enfin les slaves.
La race germanique venue après les Celtes
et les Pélasges, occupa le centre et le nors de
l'Europe. Au sud Elle
à l'Ouest elle rencontrait les Celtes a l'Est elle
devait toucher plus tard à la race des Slaves. Le
nord de l'Europe et le centre étaient libres; c'est
là qu'elle se répandit et se fixa pour toujours.
Pendant longtemps les Grecs n'eurent que
des notions confuses sur la géographie des peuples
du Nord et du centre de l'Europe. Ils les enve-
loppaient tous dans le surnom commun de
barbares ou de Scythes. Longtemps ils confondirent
les Slaves et les Germains. Ce n'est que très tard
nom de Germains et de Francs à la race germanique
183.
et quils réservèrent aux slaves le nom de Sarmates
et de Scythes.
Hérodote appelle Gètes,
barbare, qu'on a prétendu être de race germanique.
Cette opinion est controversée, et il est difficile de
l'admettre.
Au défaut d'
plus complet témoignage que nous trouvions sur
les peuples germains, est celui du navigateur
e
siècle avant J.C.
brassait la plupart des connaissances de son
époque. Le premier il fit des observations astro-
nomiques pour déterminer la position des lieux,
et fixa à 43' degrés la latitude de Marseille.
La science moderne a peu modifié son calcul.
Nord de l'Europe. Parti de Marseille, il
franchit les Colonnes d'Hercule, longea les cotes
de la Lusitanie, de l'Espagne septentrionale,
de l'aquitaine, et pénétra dans le détroit de la Manche.
Jusqu'ici on peut suivre pas à pas sa navigation le
long des côtes. Mais on ne sait quel pays
veut désigner par le nom de Thulé,
184.
les Romains et
l'Islande par le nom de Thulé, le récit de
croire que c'est à la Norvège qu'il applique ce nom
mystérieux.
Dans son second voyage
jusqu'à la mer Baltique. Il trouva sur le
littoral un peuple barbare qu'il appelle Guttones
(Goths?) Les détails qu'il nous donne sur les mœurs
de cette nation, et sur la position qu'elle occupe,
nous prouvent que dès cette époque les peuples germa-
niques étaient à peu près établis dans les mêmes
contrées, où
plus tard.
Les voyages, les découvertes de
chez les anciens la plus vive émotion. On peut se
la figurer par l'enthousiasme qu'eprouvèrent
les modernes pour les découvertes de
et de
ce qui se rapportait à ces mystéreuses contrées
du Nord et
riosité de ses concitoyens, publia le récit de ses
voyages dans deux livres dont l'un est intitulé :
"description de l'Océan
l'autre porte le nom de "Tour de la Terre,
185.
Ces deux livres appartenaient peut être à un
grand ouvrage qui aurait roulé sur l'ensemble des
connaissances physiques de son temps. On est
réduit à des conjectures sur cette question. Il ne nous
reste en effet de
conservés surtout par
et d'imposture.
En effet, il est arrivé à
à tous les voyageurs qui décrivent les premiers, les
moeurs, les habitudes de peuples inconnus; on
traite de fables leurs récits, jusqu'à ce que des recher-
ches plus approfondies forcent de rendre justice à
leur véracité. Ainsi beaucoup d'écrivains du
18 e siècle se sont élévés contre la sincérité
d'
Babyloniens. Aujourd'hui plus la science fait
de nouvelles découvertes en fouillant les ruines
de Minive, et plus on constate la vérité des récits
d'
De même,
que
à la douce température de l'Italie, de la Grèce, au-
186
de l'Egypte, ne connaissant l'hiver que de nom,
il refuse de croire aux effets d'une température
glaciale qu'il n'a jamais éprouvée.
était arrivé dans les parages de la mer du Nord,
vers le solstice d'Eté, à l'époque du dégel, lorsque la
glace flotte par énormes morceaux, et fondue à
moitié, offre une surface presque spongieuse. Des
brouillards épais et lourds, si fréquents dans ces
contrées, enveloppaient toutes choses dans des
teintes ternes et confuses, et redoublaient l'effet
étrange de ces montagnes de glace. Frappé de
ce spectacle si nouveau pour lui,
tait que dans ces climats maudits des dieux, il
n'y avait plus ni mer, ni terre, ni air, mais comme
un mélange ectraordinaire de tous les éléments
qui ne pouvait mieux se comparer qu'à un
zoophyte marin, spongieux, appelé poumon marin.
Il avait dit
ϧαλαττίω ἐοιχόϛ
cette observation. Aujourd'hui elle n'a rien d'étrange
pour nous autres peuples du Nord, et nous pouvons
constater qu'ici au moins
Les fragments de
et publiés plusieurs fois. L'édition la plus
complète que nous ayons, est due à un savant
187
suédois, M r
Les ouvrages de
connus pour que nous ayons besoin de relever ce
que les historiens racontent des Germains.
L'ouvrage qui pourrait nous donner le plus de
lumières sur les peuples de race germanique serait
l'histoire des guerres des Romains contre les Germains,
en 20 livres par
liv. 111. lettre 111) Malheureusement il ne nous
reste rien de cet ouvrage. Il nous eût, sans contre-
dit, fourni plus de renseignements précis et
d'indications précieuses que le livre même de
La race germanique se divise en trois
familles principales de peuples.
La branche gothique s'étend depuis le bas-Danube
jusqu'à la mer Baltique. La branche saxonne
et la branche Teutonique se trouvaient entre
la branche gothique et les Celtes.
Dès les premiers commencements de la
188
littérature, on remarque entre leurs langues
des différences remarquables qui vont toujours
en s'accroissant. Cependant ces langues
appartenant à des peuples de même race se
tiennent par des ressemblances frappantes
dont voici les quatre principales.
189
190
191.
16192.
193
Suite des langues germaniques. Le Gothiques.
Indo-Européennes, nous avons établi cinq grandes
familles:
Nous avons étudié dans les leçons précédentes,
les trois premières familles, Indiennes, Celtique
Pélasgique. Nous sommes arrivés à la quatrième,
Nous avons vu qu'elle se partage en trois
grands rameaux.
Que ces trois langues germaniques ont entre elles
quatre caractères communs.
194
qui abonde en radicaux et en verbes primitifs.
Voici quel est le système prosodique des langues
germaniques dont nous nous occupons.
Les mots se composent de syllabes brèves et longues
comme en latin et en grec. Sous ce rapport
les langues germaniques ressemblent aux langues
classiques de Rome et de la Grèce. La valeur
des syllabes longues et brèves est tellement bien
déterminée qu'on peut imiter dans ces idiômes
195
les mètres des anciens, surtout le mètre élégiaque,
c'est à dire l'hexamètre suivi du pentamètre,
et le mètre saphique et qu'il est employé par
e siècle, des savants distingués
ont essayé de transporter dans les langues Néo-
latines ce système prosodique de brèves et de
longues, mais malgré l'art, l'habilité, et la
patience de ces érudits, les essais de ce genre n'ont
pas réussi ; il n'en est résulté que des exercices ingé-
nieux mais inutiles.
Cette ressemblance de la prosodie des langues
germaniques avec la prosodie des langues latine et
grecque n'est, pour ainsi dire, qu'une ressemblance
de forme ; elle est tout extérieure ; il y a entre ces
deux familles de langues des différences prosodi-
ques qui tiennent au fond même et à la nature
du génie des races germaniques, et à la logique
grammaticale de leur langue.
Ainsi, en latin et en grec, il y a des syllabes
qui par nature sont longues et brèves, il y a aussi
qui par position ont l'une ou l'autre quantité.
Ces variations de prosodie tiennent à l'addiction ou
à la suppression d'une syllabe, par conséquent
à un pur accident, à une pure rencontre de lettres
ou de mots ; dans les idiômes germaniques la
196
quantité n'est pas soumise à ces vicissitudes
prosodiques dont il est, la plupart du temps,
impossible de déterminer la cause, elle a, si
nous pouvons le dire, un caractère plus régulier,
plus fixe, plus logique.
La syllabe radicale est toujours longue.
quant aux syllabes ajoutées à ce radical pour
en faire un substantif, si ce radical est adjectif,
pour en faire un adjectif, s'il est substantif,
elles sont, dis-je, toujours brèves. Ainsi dans
les mots composés fort nombreux, comme nous
l'avons vu, s'il entre deux deux différents, il y
aura inévittablement deux syllabes longues;
c'est-à-dire les radicaux des deux mots faisant
partie du terme composé. Prenons un exemple:
Dans le mot latin: " bonitas
lettres bon forment le radical, tas est une
syllabe ajoutée pour faire de ce radical adjectif
un subtantif (car dans bon
est l'adjectif; us, a, um sont des annexes -
Quant à l' i qui apparait dans Bonitas
c'est une simple voyelle de liaison.) Eh bien!
dans la prodosie latine, ce sont les premières
voyelles qui sont bŏnĭ-, quoique bon
soit la syllabe radicale, et tas la syllabe
196
quantité n'est pas soumise à ces vicissitudes
prosodiques dont il est, la plupart du temps,
impossible de déterminer la cause, elle a, si
nous pouvons le dire, un caractère plus régulier,
plus fixe, plus logique.
La syllabe radicale est toujours longue.
quant aux syllabes ajoutées à ce radical pour
en faire un substantif, si ce radical est adjectif,
pour en faire un adjectif, s'il est substantif,
elles sont, dis-je, toujours brèves. Ainsi dans
les mots composés fort nombreux, comme nous
l'avons vu, s'il entre deux deux différents, il y
aura inévittablement deux syllabes longues;
c'est-à-dire les radicaux des deux mots faisant
partie du terme composé. Prenons un exemple:
Dans le mot latin: " bonitas
lettres bon forment le radical, tas est une
syllabe ajoutée pour faire de ce radical adjectif
un subtantif (car dans bon
est l'adjectif; us, a, um sont des annexes -
Quant à l' i qui apparait dans Bonitas
c'est une simple voyelle de liaison.) Eh bien!
dans la prodosie latine, ce sont les premières
voyelles qui sont bŏnĭ-, quoique bon
soit la syllabe radicale, et tas la syllabe
198
effet à chaque instant, en latin et en grec,
que les mots sur les quels porte vérittablement
le sens, les mots pour ainsi dire, proéminents
dans la pensée, sont marqués d'une quantité
brève, et passent presque inaperçus dans la
rapidité de la prononciation.
Au début de l'Eneide, le personnage sur
lequel
ment Enée, le héros qui va faire le sujet du
poème entier; Enée est toute la préoccupation du
poète et du lecteur ; sans doute le premier vers
de l'Enéïde va mettre ce nom en relief de manière
que non seulement l'esprit, mais les yeux même
soient frappés de ce mot, Enée le héros troyen, le
père des Romains. Voilà ce qu'on attend.
Une syllabe brève le désigne; on est obligé
de passer légèrement sur ce mot; et l'esprit reste
comme déconcerté en voyant disparaitre l'effet
qu'il attendait. Ainsi l'homme, le héros, en
latin, est représenté par une simple syllabe brève,
il en est bien autrement en allemand où le mot
[
de la voix.
Dans e Eglogue)
199.
luttent ensemble, devant Salœmon, pour le prix du
chant; ils disent chacun deux vers,
"
Danaœtas commence ainsi:
Jove, Jovis
deux brèves. On sera encore plus frappé du désacord
qu'il y a entre le sens et la quantité de ce mot si l'on
songe que la différence des syllabes brèves et longues
était beaucoup plus semsible pour les latins que pour
nous, et que c'était précisément cette profonde distinction
des syllabes brèves et longues qui permettait aux
anciens de se passer de la rime. On devait donc glisser
très rapidement sur Jovis Jove
l'admirable harmonie du vers et l'heureux mélange
de dactyles et de spondées.
La prosodie grecque présente les mêmes bizarreries,
je dirai presque les mêmes contresens, de quantité.
Ainsi ce vers latin:
est la traduction du premier vers des Phénomènes
d'
On ne voit rien de pareil dans les langues germaniques.
Ainsi, pour résumer les caractères généraux des langues
201.
Parmi les peuples barbares qui de l'Asie se
précipitèrent sur l'Europe au 4 e et au 5 e siècle de
notre ère, les Goths vinrent les derniers. Ils semblent
former l'arrière garde de cette grande invasion des
peuples germaniques ; à l'époque où commence leur
histoire, on les trouve établis sur les bords de la
Baltique; ils s'étendent des rivages de cette mer jus-
qu'au Pont Euxin. Qaund on les découvrit, les
Francs et d'autres populations germaniques s'étaient
déjà avancées vers l'Ouest, et occupaient les bords du
Rhin.
S'il était prouvé que les Gètes (
peuple germain, comme beaucoup de savants le
croient, on pourrait remonter à une époque assez
reculée pour en trouver la première mention. Ils
sont cités pour la première fois par
historien raconte l'expédition de Darins contre les
scythes, vers l'an 506 avant Jésus-Christ; il nous
apprend qu'avant de traverser l'Ister, il rencontre les
Gètes.
Gètes qui se disent immortels. Les Thrace des Salonydesse;
et ceux qui demeurent au dessus d'Apollonie et de la
ville de Mésembrie, qu'on appelle Scyrmiades et
Mipséens, s'étaient rendus à lui sans combattre.
202
σόνην Τραπόμενοι, αῠτίxα ἐδουλώ-
ςησυν, Θρηίxων, Εόντες ᾰνδρει-
οτατοι ϰαὶ διxαιότατσι.
(
en défense, mais ils furent sur le champ réduits en
esclavage. Ces peuples sont les plus braves et les
plus justes d'entre les Thraces-"
Ainsi Hérodote prend ces Gètes pour un peuple
Thrace. Il rapporte des circonstances mystérieuses
ὀὐτε ἀποϧνήσξειν Ἑωυτοὺς νομίζονσω
ῐἐναι τε τὸν ἀπολλύμενον παρὰ
Ζἀλμοξω δαίμονα. οῐ δὲ αῠτῷν
τὸν αῠτὸν τοῦτον νομίζουσι Τεϐε-
λέϊζω. Ώςδὲἐγὼ πυν ϧάνομαι
Τῶν τον Ἑλλήσποντον οῐϰεόν ων
Ἑλλήνων ϰαὶ πόντον, τὸν Ζάλμοζιν
τοῦτον, Ἐόντα ἄνϧρώϰον, ἀναδιδάς
ϰεω τοὺς, Θρήϊϰας ᾡς ὀύτε αῠτὸς
ὀύτε οῐ ἐϰ τούτών ᾰεὶ γινόμενσι
ᾰποϧανέονται.ἐϰ μὲν τῶν Θρηϊϰων
ἠφανίσϧη, ϰαταϐὰς δὲ ϰάτω ἐς
τὸ ϰατάγαιον ὀίϰγμυι, διαιτᾶτο
ἐπ' ἔτεα τϱία οὶ δἐ μν ἐπόθεόν
τε ϰαὶ ἐπένθεον ὡς τεθγεῶτα.
τϱτάρτω δέ ἔτεϊ ἐφάνη τοῖσι Θφήϊξι,
ϰαὶ οὔτώ πιθανά ουι έγένετο τα
ἔλεγε ὁζάλμοξις.
(
se croient immortels et pensent que celui qui meurt
va trouver leur Dieu Zalmoxis que quelques uns
d'entre eux avaient le même que Gébéleizis. J'ai
néanmoins entendu dire aux Grecs qui habitent
l'Hellespont et le Pont que Zalimoxis était un homme,
qu'il apprenait aux Thraces que ni eux ni leurs
descendants ne mourraient, qu'il se déroba à leurs
yeux et descendit dans un souterrain creusé d'avance,
où il demeura environ trois ans; qu'après avoir
pleuré et regretté comme mort, il reparut la
quatrième année, et rendit croyables par cet
artifice, tous les discours quil avait tenu."
ϐασιλεύς, ϧεὸς ὤν
( Charmive V.)
de ce Zalmoxis, comme d'un personnage ancien
moitié souverain, moitié législateur, qui après
sa mort, devint un espèce de Dieu.
Plusieurs savants ont cru voir dans ces Getes
que Darins trouva établis en 506 sur les bords
203
de l'Ister, un peuple gothique,malgré l'opinion
d'
Sael Sal
à dire heureux en gothique) et mahti
de sorte que Zalmoxis génie heureux,
ou génie qui donne le bonheur,
Ce rapprochement peut-être ingénieux ; mais d'abord
c'est une hypothèse
et il faut se défier des hypothèses même de celles qui paraissent spécieuses et peuvent
avoir une vraisemblance ; ensuite une raison historique
nous empêche d'identifier les Gètes et les Goths, c'est
qu'il semble qu'au 6 e siècle avant notre ère, les Goths
n'étaient pas encore descendus aussi bas vers le Sud;
ils n'occupaient pas encore les bords de l'Ister. Il est
donc fort probable que les Gètes et les Goths sont
deux peuples dinstincts.
Ce qu'il y a de certain, c'est que
histoire naturelle parle d'un peuple appelé Guttones,
et qu'il s'agit ici des Goths.
genti, accoli Œtuarium Oceani,
mentonomon nomine, spatioa stadio-
rum sex millium. Ab hoc dici navigam
tione insulam abesse. Abalum:
illuc, per ver fluctibus advehi et
esse concreti maris purgamentum
succinum ; incolas pro|ligno ad
ignein uti eo proximo que Teutonis
les Guttons, nation germanique, habitant, dans
un espace de
on appelle ainsi l'embouchure d'un fleuve qui se jette
dans l'Océan ; qu'à une journée de navigation est
l'île d'Abalus où les vagues jettent le succin au
204
sedinsulam Basili am vocanit
d'excrément de la mer congelée; que les habitants
s'en servent en guise de bois, et en vendent aux
Teutons, leurs voisins; Timée a admis cette
opinion, mais il a nommé l'île Basilie -
- Succinum
205
est l'ambre jaune, electrum, dont les Romains fai-
saient le plus grand cas. Dans
l'
même signification; il désigne alors un mélange de
quatre parties d'or et d'une partie d'argent. Ce n'est
que dans les écrivains postérieurs qu'il a signifié
ambre.
Ainsi
des Guttones ou Goths. Les Goths eux-mêmes
s'appelaient Gutthinda. Nous reconnaissons
déjà cette langue l'habitude des mots
composés.
l'un Gut bon, et l'autre thinda peuple.
Il ne faut pas s'étonner du nom flatteur que
les Goths s'étaient donné à eux mêmes. C'est
l'habitude des peuples primitifs, de mettre un
éloge dans le nom qu'ils se décernent. Ainsi
Franci veut dire libres: "
sunt à Romano tributo Franci
peuple, nation en gothique,
est resté dans beaucoup de noms propres où les Grecs
ont mis
en gothique Thindareiks
dernière syllabe, reiks
noms propres, tels que Alarik, roi de tout;
206
Hermanrik chef des guerriers. Reiks
gothique veut dire chef. C'est le Rex latin et
le Raj sanskrit, devenu Rajah
Mais jusqu'ici nous n'avons rencontré pour
désigner les Goths que le mot de Guttones; nous
ne les avons pas encore vus nommés dans les
écrivains anciens par le nom que nous leur donnons
aujourd'hui. Il se trouve pour la première fois
dans
e siècle, sous
et
Parthici et arabici et Alemanni nimen abscri-
beret, Halvieus Pertinax filius Pertinacis
dicitur joco dixisse: "adde, si placet
etiam Geticum maximum," quad
Getam occiderat fratrem et Gotti
Getae dicerentur; quosille dum
ad Orientem transiit tumultua-
riis praeliis devicerat cs
(
histoire
rapporte q'u Helvius Pertinax, fils de
lui dit en se moquant de lui: "Ajoute si tu le veux
à ces surnoms, celui de Getiens Maximus"-
parceque
que, dans son expédition en Orient, il avait
vaincu avec des troupes levées à la hâte, les Goths
que l'on appelle aujourd'hui Gètes"-
A partir de ce moment on trouve les Goths
établis sur les bords du Danube, dans la Moldavie,
la Valachie actuelle. Là ils eurent une influence
très grande, et souvent très funeste, sur les destinées
207
de l'empire romain.
208
209
17210.
211
La famille des langues germaniques qui nous
occupe en ce moment se partage nous l'avons dit
en trois rameaux 1° la branche gothique ou
scandinaves, 2° la branche saxonne, 3° la branche
dite Teutonique. Nous devons parler aujourd'hui du
plus ancien document écrit dans ces idiomes germani
-ques, c'est une traduction
appartenir au dialecte gothique, et qui a été faite
dans la deuxième moitié du quatrième siècle, par
un évêque de cette nation, établie alors du moins
en partie sur la rive septentrionale du Bas-Danube,
dans les contrées que nous désignons maintenant
sous les noms de Valachie et de Bessarabie, depuis
la frontière de la Hongrie actuelle jusqu'au Pont
Euxin. L'auteur de cette traduction, ecclésiastique
initié à la civilisation et à la littérature grecque,
autant qu'on pouvait l'être à cette époque, est
ph, si on se
conforme à l'orthographe des écrivains grecs presque
contemporains, qui appelés à en parler comme d'un
homme politique mêlé aux grands évènements de
son temps, l'écrivent
on le trouve dans certaines éditions, mais par erreur
212
de copiste,
il
a inventées lui-même étant [texte à transcrire], c'est
à dire,
caractères invités du grec; et en effet l'alphabet
gothique est un mélange des eux alphabets grecs
et latins tels qu'on les écrivait à cette époque. Ce
nom a la même signification que
nutif de loup; c'est que chez les peuples primitifs
presque illetrés encore, vivant dans des climats
où le lion est inconnu, toujours le loup prend la
place du lion et devient l'emblême du courage, de
l'audace et des vertus guerrières; il conserve cette place
dans les imaginations et dans les poésies populaires
jusqu'à ce que le lion soit connu au moins par les
livres. Ainsi dans les traditions des pâtres du Latium
la louve par laquelle Romulus et Rémus furent
allaités, doit nous représenter une lionne. Chez les
peuples de race germanique les quatre premières
lettres du nom d'
nombre de prénoms qui transmis par les Francs ou
par d'autres peuplades se retrouvent dans notre
Europe occidentale : Athelwolf (noble loup) d'où
on a fait adolphe ; Rothwolfus (Loups rouge) d'où
Rodolphe, dont Raoul n'est que la contraction.
213
l'armée de Xercès arriva en Macédoine; elle trouva
entre les fleuves Nestus et Achéloüs des lions à l'état
sauvage; on ne les trouvait qu'entre ces deux rivières.
"Les Nestus qui traverse Abdère, sert de borne aux
lions d'un côté, et de l'autre l'Achéloüs, qui arrose
l'Acarnanie. Caron n'a jamais vu de lions ou
aucun endroit de l'Europe, à l'Est, au delà du
Nestus, et à l'Ouest dans tout le reste du continent,
au delà de l'Archéloüs; mais il y en a dans le pays
entre ces deux fleuves". Cette assertion du vieil
historien a été combattue; on a prétendu que le climat
du Nord étant incompatible avec l'existence des lions;
d'autres savants cependant ont cru qu'il n'y avait rien
là d'impossible. En dehors de toutes les raisons
tirées de l'histoire naturelle, nous avons une preuve
de la véracité d'
cesse dans les comparaisons de l'Iliade; or, si les Grecs
dès les temps héroïques, quand les communications
entre les peuples étaient si difficiles et si rares,
parlent déjà du lion dans leurs chants, c'est que
dans leurs pays même ils voyaient sous leurs
yeux; sans cela le loup aurait certainement pris
dans les traditions et dans la poésie la place du
lion, comme cela est arrivé dans le Latium.
214.
Mais revenons à
quelques circonstances de sa vie, car il est question
participe même du verbe
et en le mettant sur la dernière. La règle
générale est que: quand un adjectif ou
un participe devient nom propre, l'accent
change.
nom propre;
phe cynique.
dans
et dans
alors au délà du Danube, à un concile tenu à
Constantinople, l'année même ou
qui commence à moins être connu dès le temps
de la Lutèce romaine, si bien qu'on pourrait
dire des Parisiens ce que
des atheniens. Semper vestigium in histo- ria ponunt; pas une rue, pas une place
Il traduisit du grec de la version des septante,
pour l'ancien testament, et du texte grec lui-même,
pour le nouveau, toute l'écriture Sainte, excepté les
livres des rois, parce que, dit
étant déjà une nation belliqueuse, il craignit que
les récits des guerres qui s'y trouvaient ne vinssent
les animer et les exciter encore davantage.
toire ecclésiastique en 12 livres. Photins patriarche
de Constantinople prétend [rature] dans sa bibliothè- que que comme il y a douze lettres dans ce nom,
215
convaincre quand les auteurs dont il a donné des
extraits existent encore. Il parlait ainsi d'
ayant été mais
aussi employé dans ce sens, déjà
même par
μετέφρασεν εἰς τὴν αὐτῶν φωνὴν τὰς γραφὰς
ἁπασας, πλήν γε δὴ τῶν ϐασιλείων
"Et de plus étant devenu pour eux inventeur d'une
écriture nationale, il traduisit dans leur langue toutes
les écritures, excepté les livres des rois."
Une partie de cette traduction fut faite après l'année
360; nous savons qu'
des Goths avec Valens qui périt peu après à la
bataille d'Andrinople; c'est donc entre 360 et 377
qu'elle a été achevée, et elle est plus ancienne d'un demi
siècle que les poèmes encore assez élégants de
Il ne nous en est resté qu'une partie relativement
peu considérable: nous avons les quatre évangiles, mais
avec de grandes lacunes; ils se trouvent dans le
manuscrit que l'on nomme
manuscrit fort ancien, du sixième siècle, ou au moins
du septième, fut trouvé dans le monastère de la
ville de Werden, et transporté à Prague: il est main-
tenant en Suède à la bibliothèque de l'université
d'Upsal. Il forme un volume in 4°, et, comme
cela est arrivé quelquefois, assez souvent même, pour
les livres Saints, les initiales sont en or, le reste est en
2
216
argent, et le parchemin est très mince, comme toujours,
à cette époque très ancienne; de plus, beaucoup
d'anciens manuscrits étaient couleur de pourpre;
cette couleur qui n'est pas encore bien connue, [mot à transcrire]
qu'on sait seulement quel coquillage en faisait
le fond, sans connaitre les autres ingrédients que les
anciens y fesaient entrer, s'est changée en un bleu
très foncé, ce qui rend la lecture souvent difficile.
D'autres fragments nous ont été conservés
encore ailleurs. Monseigneur
philologie doit tant de découvertes, retrouva dans
une bibliothèque de Milan cinq manuscrits
sur lequel il y avait autrefois une ancienne
écriture, lavée depuis pour être rem-
placée par une autre. Souvent, ici
par exemple, l'opération a été heu-
reusement assez mal faite pour qu'on
puisse lire les anciens caractères
sous les nouveaux.
partie d'abord d'un seul et même manuscrit, et ils
contiennent: 1° une partie de l'évangile de St Mathieu,
ce qui sert à compléter plusieurs lacunes de celui qu'on
avait déjà; 2°, les Epitres de St Paul presque
complètes; 3°, quelques fragments des livres d'Esdras
et de Néhémie, seule partie de l'ancien testament
que nous ayons; tout le reste appartient au nouveau.
Depuis le XVII e siècle, il y a eu plusieurs
éditions, d'abord de la partie qui se trouve dans le
Codex argenteus
sevement; mais la plus complète de toutes est une
édition en 2 volumes in 4°, donnée à Leipsik en
217
1836, par
En tout, nous possédons tout au plus le quart
de l'œuvre d'Ulfilas; mais cela suffit complètement
pour nous donner une idée de cette langue telle qu'elle
pouvait être avant la grande migration des peuples,
dans la seconde moitié du quatrième siècle. L'affinité
entre le gothique et le sanscrit s'y montre clairement,
non seulement par le grand nombre des radicaux
tout à fait identiques, et dont beaucoup se sont perdus
dans les langues germaniques modernes, mais aussi
dans les déclinaisons et les conjugaisons.
Cette traduction écrite dans l'idiôme le plus ancien
que nous connaissions des langues germaniques forme
en quelque sorte la transition entre la langue sacrée
des Brahmes et les langues de notre Occident.
Le fond de l'écriture d'
grec, tel qu'il était alors, c'est à dire les lettres grecques
non capitales; mais onciales. On appelle lettres
capitales celles qui ressemblent à nos grandes lettres
des livres imprimés, et qui ne sont que la reproduction
des caractères latins, tels qu'on les voit sur les
marbres et dans les inscriptions de la belle époque, mais
jamais dans les manuscrits. Dans les manuscrits
on employait les lettres onciales; capitales plus abrégées;
au lieu de l'A [sigle], au lieu de Σ C, qu'on appelle
218
sigma luniforme.
De plus il fallait rendre des sons particuliers
à la langue gothique, et alors
comme les Cophtes l'ont fait de leur côté des
caractères nouveaux, le j, par exemple, et le ch.
Les anciens, on le sait, écrivaient iei unus, et si
nous disons, je junus, ce n'est pas qu'en prêtant par
un effet rétroactif aux lettre latines la valeur que
ces lettres ont dans notre propre langue.
Parmi les radicaux, beaucoup se trouvent
à la fois en sanscrit, en gothique et dans les
langues germaniques modernes.
219
18220
221.
Ressemblances et différences du Sanscrit et du GothiqueEn nous occupant de la langue Gothique, le plus
ancien des idiômes germaniques, nous avons parlé
de la traduction de l'écriture Sainte par l'évêque
miracle. Cette langue est la transition du sanscrit
aux langues germaniques. Elle n'a pas sans doute
toute la richesse des formes grammaticales du
sanscrit, qui a huit cas au singulier et au pluriel,
et six modes. Outre ceux du grec en effet, il a un
mode intens itif, qui marque l'insistance; il a
222.
que l'altération a lieu par suite de l'invasion
brusque des formes barbares introduites tout à coup
dans une langue, ou par suite de la transformation
lente et insensible qu'opère inévittablement l'action
des siècles. Il n'y a en effet pour les langues que
ces deux manières de se décomposer. Comme exemple
du premier cas, le latin se présente naturellement.
Les inflexions complexes étaient trop délicates pour
l'esprit grossier des barbares; aussi, parlé par eux,
s'altèra-t-il rapidement. Dans le second cas, la
transformation se fait plus lentement. Sans doute
une langue abandonnée à son propre cours, et sans
action étrangère, tend toujours à subdiviser les signes
représentatifs des idées des rapports, comme ces idées
et ces rapports eux mêmes se subdivisent par l'action
du temps; mais l'altération est moins rapide. Aussi
longtemps qu'il y a une littérature, une société élevée
qui parle cette langue, le mouvement de décomposi-
tion est insensible, quoiqu'il aille bien plus vite
dans la couche inférieure. Ainsi jusqu'à la
prise de Constantinople, les hautes classes essayaient
de parler le grec antique; pourtant depuis long-
temps déjà la décomposition se faisait sourdement.
Quand le dernier
lui se fut évanouie la classe lettrée qui maintenait
223.
les formes grec antique, le Romaïque parut; et
en ce moment même, la Grèce régénerée cherche à le
ramener vers le grec ancien. Un changement produit
par d'autres causes a du avoir lieu pour le gothique.
Le Gothique tel que nous le présente la traduction
d'
le langue des Brahmes, non seulement par les
radicaux, mais même par les déclinaisons. Les
terminaisons des différents cas sont presque les
mêmes. Néanmoins le gothique a déjà éprouvé
des pertes. Ainsi en sanscrit, il y a comme en grec
trois nombres: Singulier, Pluriel, Duel. En
gothique le Duel a disparu dans les déclinaisons,
quoique subsistant encore dans les verbes. En sanscrit,
il y a huit cas, d'abord
à l'ablatif, plus un causatif et un locatif. Le causatif
est une inflexion particulière au sanscrit que des
philologues appellent aussi instrumentale. Ainsi
là ou nous disons en latin percussus est gladio
il a été frappé du glaive, le sanscrit a une termi-
naison particulière pour indiquer la manière dont
on a été frappé. Le Sanscrit a encore une autre
terminaison qu'on appelle le locatif, pour désigner
que telle chose se passe dans tel ou tel endroit. Où
les latins diraient: Acta est res Romae
224.
mettaient leur cas locatif. Remarquons toutefois
qu'en latin le génitif même n'était pas seul
employé pour indiquer le lieu ou une chose se
fait, et qu'à côté de la forme synthétique coexis
-tait déjà l'analyse et un commencement de subdi-
vision: Acta est res in urbe
Le gothique a perdu ces deux formes du
Causatif et du Locatif, et presque aussi déjà le
vocatif. Dans ce qui nous reste en effet, nous
trouvons que le vocatif est toujours semblable au
nominatif. Les huit cas du sanscrit se trouvent
donc déjà réduite à cinq. Mais pour les cinq cas,
les terminaisons sont à pour de choses près les
mêmes qu'en sanscrit. Ainsi SUNO en Sanscrit
est filius
c'est [texte en gothique], [texte en gothique] (Sunus Sunos) au
nominatif, et au génitif également, l' U se
prononçant OU.
L'alphabet, tel qu'Ulphilas le donna aux
Goths (ce que quelques uns contestent) est composé
d'une manière fort remarquable. Il faut nous
y arrêter un moment.
On voit qu'
des lettres gothiques,
225
classiques, le grec nécessairement, puisque sa traduc-
tion est faite sur le grec, mais le latin aussi, puisque
son alphabet est un composé de l'alphabet grec et de
l'alphabet latin. Le fond est grec, mais tel qu'on
l'écrivait au IV e siècle de notre ère, c'est à dire que ce
sont des lettres onciales et non des lettres capitales. On
distingue en effet ces deux sortes de majuscules dans la
paléographie grecque et latine. Les capitales sont
celles dont on s'est servi depuis
à peu près de nos typographies. Mais jamais on
ne les trouve dans les manuscrits, même dans ceux
qu'on a découverts à Herculanum; il ne semble donc
pas qu'on s'en soit servi ailleurs que pour les inscrip-
tions.
L'alphabet grec forme donc le fonds de l'alphabet
d'
gothique, il y avait des sons que ne lui fournissaient
ni le grec, ni le latin. Il y avait par exemple un W
qui avait probablement la prononciation du W
anglais - Il y avait un soir, ou comme un j très fugitif,
ou comme j, dans jour. [rature],
[rature] - Il y avait de plus
une sorte de q, également particulier à la langue
gothique - [rature] il a rendu
226
onciale de l'U latin, dont la forme capitale était
V.
Cet alphabet est composé de vingt-cinq lettres;
sont doubles. Ainsi our l'o et l'
qu'un o, dont la forme est [symbole]; quand il veut
indiquer qu'il est long, il emploie la diphtongue
au. Ainsi le génitif de [symboles],
[symboles]
Nous voyons déjà chez les Romains au se
prononcer ô. Plaustrum a en effet pour
diminutif Plostellum, et Suétone nous apprend
que Plaustrum comme
Plostrum, o et non aou.
Autre remarque importante à faire pour la con-
naissance de la prononciation grecque. Les sons que
les peuples aux différentes époques de leur existence
ont attachés aux diverses lettres, ont changé, et souvent
beaucoup, quand la langue à a duré très
Ainsi les signes gravés sur le marbre on
sur le parchemin, restent : mais leur valeur est
fugitive, et ce serait une erreur de croire que leur
prononciation n'ait pas varié. Le système d'
est toujours, quand il rend les voyelles longues,
d'employer les diphtongues, excepté pour l'
227
rend l'
par AI ; il rend même par AI l'
grec, ce qui prouve que dès lors l'accent avait plus
de force que la prosodie. Quand en effet, l'accent se
pose sur des syllabes prosodiquement brèves, les Grecs
d'aujourd'hui ne font sentir que l'accent. Ainsi dans
est dactyle,
appuie sur l'
prédomine. Or, cette prononciation se retrouve déjà
dans la manière dont ce mot est constamment écrit
par
qu'il faut appuyer sur cette syllabe; preuve que
déjà alors l'accent commençait à dominer la prodosie.
l'J long, ou accentué, il met EI. Il met ει aussi
pour rendre l'H. [symboles].
Cela prouve qu'au IV e siècle la prononciation grecque
devait être à peu de chose près la prononciation
des Grecs d'aujourd'hui. Nous ne voulons pas dire
toutefois par là que ce fût aussi celle du temps de
inventé l'H, on ne lui a pas donné le son qu'avaient
déjà iota et upsilon, et que
228
et
même manière, himis et himis -. Nous
avons donc vu que les huit cas du sanscrit
étaient en gothique réduits à cinq. Pour les
conjugaisons, le gothique a conservé le
qu'il a perdu dans les déclinaisons, et ce qui
est fort remarquable, il possède encore comme
le sanscrit, le grec, le latin, une forme parti-
culière pour le passif ; mais pour les temps
il est aussi pauvre que l'allemand moderne.
Les flexions des verbes ressemblent beaucoup
à celles du sanscrit. Ainsi la première personne
des verbes sanscrits est toujours en mi Bahrami,
je porte barasi, barati. Notons ici en passant
que les verbes en μι dans les plus anciens monuments
de la langue grecque et dans les dialectes qui ont
précédé l'Jonien, sont très fréquents. Nous lisons encore
dans
....
(Joylle VII, v.40)
Nous retrouverons ces verbes en mi dans la langue
d'
229
19230
231
De la langue gothique (Suite)Nous avons, dans la dernière léçon, montré les
principales analogies qui existent entre la conjugaison
gothique, telle que nous la connaissions d'après la tra-
duction des livres Saints d'
sanskrite.
Ces analogies ne consistent pas seulement, comme
nous l'avons dit, dans le système général de la
conjugaison, dans l'usage du duel commun aux deux
langues, dans l'emploi d'une forme particulière pour
le passif, mais encore dans les diverses inflexions par
lesquelles le gothique et le sanskrit distinguent les
temps, et, dans les temps, les parsonnes des verbes.
Prenons un exemple qui rende cette ressemblance
sensible à tous
En sankrit, le verbe qui signifie porter se|dit
( Bhar
à la 1 ere personne, bharami - je porte
à la 2 e ........ bharasi - tu portes
à la 3 e ......... bharati
Le même verbe se retrouve en gothique, et il fait
aux trois premières personnes du présent
232.
(a) (
Il suffit de faire ce rapprochement pour être
frappé de la ressemblance entre le sanskrit et le
gothique- remarquons cependant que déjà les
formes gothiques sont plus abrégées que celles de
la langue sacrée des brahmes. En même temps,
elles servent, pour ainsi dire, de transition entre
le sanskrit et le grec.
qui lui même nous conduit tout naturellement au
latin fero
fers
forme primitive feris
(a) Ce caractère qui a presque la forme du d aspiré.
ce son, de même que celui du b aspiré, qu'on trouve en sanskrit,
et que nous avons représenté dans le verbe bharami bh est
une de ces aspirations dont notre langue ne nous fournit aucun
exemple et dont nous avons bien de la peine à nous faire une
idée exacte. - On peut se demander à la vue de ces caractères,
pourquoi
gothique, n'a pas emprunté le B des Grecs et des Latins. C'est que
déjà le B des Latins et probablement aussi celui des Grecs, avait
le son du v.
233
dans les auteurs, comme fert
d'une forme perdue ferit
Toutes ces formes, bharami bara
en gothique, φέρω fero
certainement de l'affinité avec le verbe latin pario
qui signifie produire et porter, dans le sens où
cet arbre porte d'excellents fruits. Nous trouvons en
effet, en sanskrit, un mot qui se prononce bharas,
et qui signifie fécond; et de même, en grec, φέρω
certains composés, comme ϰαρποφόρος (qui porte
des fruits) offre l'idée de production et de fécondité.
Enfin, en latin même, fero
sert à former une foule de mots composés, comme
frugifer, où fer a tout-à fait la même signification
que le φόρος ϰαρποφόρος
désinence latine parus Oviparus
viviparus
dans apulée pour traduire ὠοτόϰος ζωντόϰος
Observons aussi l'analogie de ces consonnes
bh, b, p, φ f et avec quelle facilité de permutation
elles sont prises l'une pour l'autre, et se remplacent
mutuellement dans les diverses langues de la famille
Indo-Européenne. A la vérité le changement du
φ f que nous remarquons, en composant le mot
grec φέρω fero
234.
beaucoup, car nous sommes habitués à regarder le φ
des Grecs et le f
même son. Mais, en réalité, si nous consultons les
auteurs anciens, nous verrons qu'il n'en était pas ainsi.
Sans doute les Grecs, quand ils avaient à transcrire
un mot latin ou se trouvait un f, étaient bien obligés,
à défaut d'autre caractère, de le rendre par un φ, et
c'est ainsi qu'ils traduisaient Fulvius Φούλϐιος
mais quand les Latins empruntaient à la langue
grecque un mot où se trouvait un φ
Fordeum fœdus que, pro aspi-
ratione vav simili litera utentes:
nam contra Graeci aspirare solent,
ut pro Fundanio Cicero testem, qui
primamejus litéram dicere non
posset, ittidet
(Quint. Inst. Orat. 1,4. §. 14.) ph et non par f, et
dit d'une manière très - précise, qu'il y avait une
différence entre le son de ph et celui de f; il nous
apprend même que
s'était beaucoup moqué d'un témoin, sans doute
contraire à son client, qui prononçait la première
lettre de Fundanius comme ph.
Afin d'avoir une idée de ce que c'est que le
gothique d'
sa traduction des livres Saints et étudions en succes-
sivement tous les mots, comme nous avons déjà
fait pour le serment des fils de
et pour tous les plus anciens monuments des diverses
langues dont nous nous sommes occupés jusqu'ici
Dans le dernier chapitre de l'Evangile de
235
demander à
"
cette phrase de la façon que voici:
[
Prenons à part chacun des mots de cette phrase pour
l'étudier en détail et faire toutes les observations
qu'elle comporte.
236
tenir la place de s, on ne peut manquer d'être
frappé de la ressemblance de l' ὁ sa
sanskrit et gothique. On trouve beaucoup \
de mots en grec où ὁ transformé vaut
démonstratif et rappelle le pronom sanskrit.
Ainsi σημερον, qui signifie ce jour-ci, et qui
237
la même façon; à l'origine il aura désigné
quelque chose de couché, d'étendu par terre, et
ensuite il aura été pris pour signifier un cadavre.
Cette phrase qui a cinq mots en grec; n'en a
que quatre en gothique, parce que dans cette langue
on ne met pas d'article devant les noms propres.
- Nous n'insisterons pas plus
sur les caractères de la langue gothique. Il
nous reste maintenant à parler d'une manière
générale des différentes langues dont le gothique
est la souche, à savoir des langues scandinaves;
ce sera l'objet de la prochaine leçon.
238
239
20240
241
De l'Ecriture runique - des Eddas.Nous avons dit que la famille des langues
germaniques se partageait en trois branches:
Nous avons déjà parlé de la langue gothique. On
peut rattacher à cette langue la langue scandinave:
Nous allons en dire quelques mots.
Occupons-nous d'abord de son origine.
La langue scandinave descend de l'ancienne langue
normanique, langue que parlaient les Normands,
ces hardis pirates qui au VIII et IX siècles ravagèrent
la France tantôt dépouilant les iles, tantôt
pénétrant par les fleuves jusqu'au coeur du pays,
et qui finirent par obtenir du Roi
la cession d'une partie de l'Armorique où il s'établirent,
contrée qui reçut d'eux le nom de Normandie.
On connait la langue Normanique par un
monument très remarquable, l'Edda. Elle est appelée
dans les plus anciens documents Morrœna tunga
Ce mot Tunga
remarque importante. On peut le rapprocher
du mot latin lingua
242
dingua
Il est à croire qu'il y a une affinité secrète entre
le d ou le t et l' l, comme il y en a une évidente
entre le d et le t, et qui lors de la formation des
langues ces lettres s'échangent volontiers. Plus
nous remontons vers les origines de la langue latine
plus nous voyons ces changements de d en l devenir
fréquents. Citons des exemples.
Le mot lacryma
Ce mot termine souvent les vers d'
l'Andromaque de ce
Andromaque dit: nous sommes toujours plongés
dans le deuil, les gémissements et les larmes.
le mot
On le voit: les mots dingua lingua tunga
primitive.
Revenons à notre objet. La langue normanique
s'éteignit peu à peu et fut remplacée par le Norvégien
qui en dérive. C'est l'idiôme dans lequel les poètes
de la Scandinavie composaient et chantaient leurs
sagas, chants héroïques, qui répondent à peu près
aux mythes de l'antiquité grecque, comme les
scaldes répondent aux rhapsodes, ces chantres qui se
243
transmettaient des poèmes plus ou moins étendus,
retraçant les exploits des Grecs ou les hants faits des
héros.
Le Norvégiens lui-même est tombé en désuétude
vers le 15 e siècle, et a fait place à trois langues parti-
culières ayant de très grandes affinités, mais possédant
des littératures différentes.
Ces langues sont:
Ces trois langues, cependant, malgré les dissemblan-
ces qui les séparent, ont conservé des caractères communs
244.
qui les distinguent des autres idiômes.
Avant de nous arrêter sur chacune de ces langues, parlons un peu de celle d'où elles dérivent, du Normanique.
Les Normands avaient une écriture particulière. C'est ce qu'on appelle l'écriture runique ou les runes.
Cette écriture a été en allemagne l'objet de longues
dissertations. On a breaucoup discuté sur son
origine. Les uns n'y voient qu'une altération ou
qu'une imitation du latin, comme l'alphabet
d'
à l'alphabet latin, soit à l'alphabet grec. D'autres, et
ce sont surtout les érudits Suédois et Danois, entre
autres M r Bask, prétendent que ces runes remon-
tent à une haute antiquité. Suivant eux cette
écriture aurait été apportée aux peuples du
Nord par ces hardis navigateurs Phéniciens
qui, à une époque antérieure à l'histoire, visitaient
les côtes de la Baltique. Les caractères Phéniciens
auraient été conservés par la caste sacerdotale qui
les aurait appliqués à la magie.
Ce qui rend cette opinion plausible, c'est que
beaucoup de ces caractères ne ressemblent ni aux
caractères grecs, ni aux caractères latins. Ensuite le
245.
mot runa
qui appartient à cette partie de la race qui vint s'éta-
blir en Italie sous
a composé un ouvrage intitulé, de gothorum origine et rebus gestis
Le mot runa
et il existe encore des poésies extrèmement curieuses d'un
poète latin du V e siècle, né en Italie, et qui vivait à la
cour des rois Francs,
Ses écrits nous donnent des détails intéressants sur la cour des rois Francs. Il est au dessous de
mais il avait un vif sentiment de la nature. Il abonde
en descriptions de localités. Il écrit quelque part à
246
un ami et se plaint de son silence: Ecrivez moi,
lui dit-il, en grec, en hébreu, ou bien en écriture
runique. Voici les paroles:
quod que papyrus agit, virgula plana valet
C'est à dire,
que la rune barbare soit peinte sur des tttablettes
de frêne; une barre vulgaire vaut le papier.
Virgula virga
barre. Il est aisé de l'établir.
L'
celui-ci → ou bien ↑. Ce mot était passé en
latin.
lire les latins:
Or Virgula censoria
Quant au sens du mot Plana, il n'est pas
douteux. Les pièces qui représentaient à Rome les
mœurs de la dernière classe du peuple étaient
appelés Comœdiæ planipediæ
Il n'y a qu'à considérer l'écriture runique
pour voir combien est juste le mot dont se sert
écriture ressemblent en effet à des barres.
247
Cette écriture existait avant l'alphabet d'
Lorsque le christianisme pénétra chez ces peuples
la connaissance du latin se répandit, et on cessa
de se servir de caractères runiques. Ils ne furent
plus employés que dans les inscriptions, de même
que les lettres capitales en grec se conservèrent sur les
marbres, quoi qu'on se servît à l'ordinaire d'un
caractère cursif et abréviatif.
On peut consulter avec fruit plusieurs travaux
sur cette question de l'écriture runique.
Voyez les travaux de Sjöberg et de
anciennes langues scandinaves, leur rapport avec le
sanskrit, leur histoire, les poèmes qui ont été écrits
dans ces langues.
Voyez aussi les travaux de
sujet. Ce dernier a recueilli toutes les inscriptions
runiques. Il en compte 1300 en Suède. Il a tracé une
paléographie des langues du Nord. Dans les
inscriptions anciennes on ne trouve que les caractères
runiques. Mais plus tard ces caractères commencent
à être mêlés à des caracères empruntés au latin.
Il n'y a que les lettres représentant des sons étrangers
à la langue latine qui résistent. L'invasion du
248
latin augmente avec le temps. La dernière inscrip-
tion est de 1449. Depuis cette époque on se sert en
Suède de caractères gothiques (caractères gothiques) ou avec leur forme
régulière ( de).
L'ouvrage le plus remarquable écrit en Norma-
nique; ou Norræna tunga
les Eddas: car il y en a deux, l'un en prose, l'autre
en vers.
Le mot Edda a quelque analogie avec le mot
sanscrit Veda
aussi le titre de plusieurs ouvrages sacrés des brahm.
On saisit aussi quelque ressemblance entre veda
précepte, et défense de faire une action injuste,
et veto
Les Eddas sont des recueils de traditions mytholo-
giques et historiques.
L'Edda en vers fut composée en Islande à peu près
50 ans après l'introduction du Christianisme. Ce fut
l'an 1000 de notre ère qu'une assemblée générale
abolit en Islande le paganisme. Il y avait alors
un scalde appelé sœmund
sage. Ce scalde se convertit au christianisme.
Il sentit que la religion nouvelle allait effacer
non seulement l'ancienne religion, mais encore
249
les traditions intimement unies à l'ancien culte.
Alors animé d'un zèle patriotique, il voulut conserver
quelques débri de ces traditions. Sœmund connaissait
la langue runique. Son ouvrage est un recueil de
pièces détachées, comme les hymnes attribués à
il est écrit en caractères latins.
L'Edda en prose a été composé 100 ans après le
premier Edda par
commente l'ancien Edda en suppléant aux lacunes;
et en essayant de faire un récit suivi, en liant ensemble,
par des transitions; ce qui auparavant n'était qu'un
recueil de morceaux détachés.
250
251
21252
253.
Des langues Scandinaves et des languesNous avons parlé dans notre dernière leçon de
l' Edda poétique. À cent ans de distance ou environ
de ce premier recueil, à une époque où le christianisme
était déjà établi en Scandinavie, fut rédigé l' Edda
en prose. Un historien nommé
(Snorro fils de Sturle) commenta en prose les chants
de l'ancien Edda, et les rattacha les uns aux autres
en comblants les lacunes du recueil primitif, de
manière à en faire un récit continu. Tel est l'Edda
en prose. A l'époque où nous sommes parvenus,
l'ancienne langue normanique commençait déjà à
tomber en désuétude.
L'Edda en prose se compose de trois parties.
Dans la première se trouvent recueillis et transcrits
en prose les chants de l'ancien Edda; c'est la collec-
tion des anciens mythes ou sagas
Vient ensuite un vocabulaire poétique, dans lequel
les mots difficiles de l'ancien Edda sont expliqués
par des mots usités du temps des rédacteurs. Le
lexique d'Hésychins peut donner aux hellénistes
x de Sagen
254
une idée approximative de ce vocabulaire. La
troisième partie se nomme la
sorte d'art poétique, de traité de versification
et de prosodie, dont les règles sont savantes
et compliquées, ce qu'on n'attendrait guère d'un
peuple encore barbare.
Les Eddas ont eu plusieurs éditions: la dernière
est l'ouvrage d'un savant danois nommé Finn Magnusen
On est donc fondé à croire qu'il existe entre ces
différentes langues d'étroits rapports de parenté.
Mais l'histoire ne nous donne sur cette question
d'origine, aucun renseignement précis; puisque c'est
antérieurement aux temps historiques que les scandinaves
nommés plus tard, au IX siècle ap.
quittèrent l'Asie pour l'Europe, et vinrent occuper
le pays qu'ils habitent encore aujourd'hui.
Mais malgré cette insuffisance de données histo-
x C'est proprement le féminin de Scalde: la femme poète.
255
riques, il est facile de se convaincre de l'affinité
primitive des langues scandinaves avec le sanscrit.
Il suffit pour cela d'examiner les noms des principales
divinités scandinaves. Le dieu suprême, le Jupiter
des scandinaves est Odin, nommé aussi Wodan
Ases sont des chefs divinisés, des héros qui composent
l'escorte d'
Quant au nom des Ases, il vient du mot Asus
(souffle, génie) qui dérive lui-même du verbe sanscrit
as
singulier, asmi asi, asti, formes correspondantes aux
formes grecques
Au reste le verbe qui, en grec, répond le plus exactement
au sanscrit as
remplacé dans la prose par πνέω, se retrouve jusque
dans la poésie Alexandrine. Ainsi on lit dans
C'est de ce verbe
les substantifs latins animus anima
gardait même dans l'ancienne langue latine la signi-
fication de vent, comme trace de son origine. Par
exemple on trouve dans
256
Nous avons signalé et confirmé par quelques
exemples les rapports qui existent entre les langues
scandinaves et le sanscrit. Il nous reste à dire
quelques mots des caractères principaux de ces
idiômes.
Ainsi se forme le passif de tous les temps,
dans la langue islandais. Dans le danois et dans
le suédois, idiômes plus récents, un S simple a
remplacé la désinence primitive St.
Les langues saxonnes étaient parlées dès le 1 er
siècle de notre ère ou environ, par les peuples qui
habitaient les pays compris entre le Weser et l'Oder.
257
Cimbres aux environs de
l'Océan, dans ce qu'il appelle un golfe; sans doute
il faut entendre par là la Chersonèse Cimbrique.
(
tenent. De mor Germ
connaissait aussi les Angles qu'il place plus à l'Est.
Quant aux Saxons, ils ne sont pas encore nom-
més. Le premier auteur qui en fasse mention,
est
du II e siècle. Dans le livre précieux où il nous a
laissé des renseignements si précis, sinon toujours
exacts sur le monde ancien, ce géographe place
les Saxons à l'entrée de la Chersonèse Cimbrique.
258
259
22260
261
Suite des langues GermaniquesSous le nom général de Langue Saxonne, nous
désignons les langues parlées dans le nord de la
Germanie depuis le Weser jusqu'à l'Oder.
ne parle pas encore des Saxons; il mentionne les
Cimbres entre le Weser et l'Elbe (Germanie c. 37);
et les Angles au delà de ce dernier fleuve (ibid 40)
Le nom de Saxons parait pour la première fois
dans
ère; cet auteur les place à l'entrée de la Chersonèse
Cimbrique.
σου οἱ Σάξονες
III e siècle, toutes les tribus germaniques s'agglomerè-
rent et formèrent trois grandes confédérations ou
lignes militaires. Les Saxons donnèrent leur nom
à celle du Nord et absorbèrent toutes les tribus qui
habitaient des deux côtés de l'Elbe. au V e siècle,
quand les Franks établis sur la rive orientale du
Rhin inférieur, abandonnèrent ce pays pour envahir
la Gaule, les Saxons se portèrent vers l'Ouest et occupè-
rent le pays que les Franks avaient quitté. Dans le
même siècle ils envahissaient la Grande-Bretagne,
262
dont les Romains avaient retiré leurs troupes, et ils
portèrent leur langue dans ce pays demi-celtique,
demi romain. Cette langue appelée l' anglo-saxon,
parce que les Angles avaient fondé aussi [rature]
des royaumes qui se réunirent aux royaumes Saxons
du sud pour former l' Heptarchie, cette langue domina dans la partie autrefois Romaine de l'Ile; depuis
Douvres jusqu'au mur de Septime Sévère
des montagnes de la Haute Ecosse où vivaient
indépendants Les Piétes et les Scots. Elle eut même
une littérature assez riche.
900), guerrier, législateur, ami des lettres, traduisit
du latin en Anglo-saxon l'histoire de Bede le vénérable
263
saxon, ainsi que la Structure et la grammaire;
mais les substantifs sont en grande partie français
ou latins. De là de nombreux synonymes. Cette
langue est remarquable par son extrême simplicité;
la conjugaison est peu compliquée; et les adjectifs
sont invariables.
L'ancienne langue Saxonne a aussi formé
sur le continent le Hollandais, le Flamand, et le
Bas-Allemand que parlent dans le nord de l'Allemagne les peuples qui occupent aujourd'hui la patrie des
anciens saxons. Mais cet idiôme n'est pas une
langue littéraire.
On peut diviser cette langue en deux rameaux; le
rameau Frank, et le rameau allémanique.
germaniques. A III e siècle, ils absorbèrent toutes
les tribus qui habitaient entre le Rhin inférieur,
depuis Mayence jusqu'à la mer, l'Océan, le Weser et
le Mayn; Frisons, Sicambres, Bructères etc. Au Ve
siècle ils occupèrent la Gaule et y fondèrent l'Etat qui
est devenu la monarchie française. La langue des
Franks qui se rapprochait beaucoup de celle des
264.
Saxons, se maintint en Gaule sous les rois de la
race Mérovingienne. Elle commençait déjà à
s'affaiblir sous les premiers princes Carovingiens.
Car Charlemagne
ordonna, au témoignage de son biographe
que l'on recueillit tous les chants nationaux. Ce
recueil si précieux est perdu. Après les Carlovingiens,
la langue des Franks s'éteignit en Gaule, et
fit place à la nouvelle langue française, sur
la formation de la quelle elle eut beaucoup
d'influence (consulter sur cette question les
ouvrages suivants: 1° Ampère
de la littérature française au moyen âge;
précédée de l'histoire de la formation de la langue
française - 2° Du Méril
sur la formation de la langue française = 3°
Le Chevallet
française, avec un vocabulaire des mots français
d'origine germanique.
Allemanni formaient la troisième confé-
dération des peuples germains. Ils habitaient
sur la rive orientale du Haut-Rhin et au Nord
du Danube. Ils absorbèrent les nombreuses
tribus de la Germanie méridionale dont parle
Tacite Suèves, Cattes, Hermundures, Marcomans
265
Il est question pour la première fois des allemanni
sous
de la nature de leur état politique ; all, tout, mann
homme; hommes de tutes tribus. Les anciens
même savaient l'étymologie de cette appellation.
Car
ainsi:
Ἕπεσθαι, ξύγϰλυδές εἰσυν ἄνθρωποι, ϰαὶ τοῦτο
δύναται αὐτοῖς ἡ ἐπωνυμία
restés à la même place malgré les migrations et les
guerres qui ont bouleversé l'Europe au commence-
ment du
succès, et appelée haut allemand, est devenue
langue littéraire de l'Allemagne, grâce surtout
aux empereurs Souabes de la maison de Hohenstaufen,
originaires de ce pays, et protecteurs des Lettres.
Cette famille est comme toutes les précédentes
d'origine asiatique. Les slaves vinrent en Europe
après les Germains et les suivirent dans leur marche
vers l'Occident. Aujourd'hui ils forment une grande
partie de la population Européenne. Leur langue
est divisée en nombreux idiômes; mais tous, dans
266
leurs racines et leurs formes grammaticales,
offrent une analogie frappante avec le sanscrit.
On y trouve une déclinaison sans article, une
conjugaison sans pronoms, jointes à une merveilleuse
richesse d'intonations. Chez les slaves, la flexibili-
té de l'organe vocal est très grande; ainsi ces
peuples parlent-ils toutes les langues étrangères
sans accent, parce qu'ils en trouvent tous les sons
dans leur propre langue. Le premier monument
de leur langue remonte au XI e siècle; c'est la chroni-
que du moine Russe Nestor, écrite dans l'ancien
Slavon qui est l'origine de la langue Russe. La
littérature de ces peuples est beaucoup moins riche
que celle des nations germaniques et Néo-latines,
parce que la plupart des Slaves, à l'exeption des Russes
qui forment un état indépendant, sont soumis à des
peuples de race étrangère. Ainsi les Monténégrins,
les Bosniaques, Les Serbes, les Bulgares vivent sous
la domination de la Turquie; Les Dalmates, les
Illyriens, les habitants de la Moravie et de la
Bohème, sous le sceptre de l'Autriche. Aujourd'hui,
grâce à la puissance colossale de la Russie, cette race
domine de la Vistule au Kamtchatka; elle s'étend
de la mer glaciale à l'Adriatique.
267
268.
Table des Matières.
Leçons Titres des leçons Pages 1e Leçon. Ouverture du cours 1 2e id Définitions-classification des langues indo-européennes " Revue des langues indiennes 11. 3.e id Langues celtiques. 31 4e id. Langues pélasgiques 43 5e ind. Langue étrusque- Langue osque. 59 6e id De l'origine, du développement et de la dissolution de la langue latine. 71 7e id Formation et caractères généraux des langues néo-latines 83 8e id De la langue française: formation du verbe aller. 93 9e id Du verbe substantif en grec et en latin. 105 10e id Formation du verbe français être. Les serments de Strasbourg en 842. 115 11.e id De la langue italienne. 125 12e id. Des origines, de la formation de la langue espagnole. 137 13e id Langues espagnole et portugaise (fin)- Langue rhétique- " Langue valaque. 147 14e id De la langue valaque (suite) 165 15e id. Des langues germaniques en général. 179 16e id De la langue gothique. 191 17e id. De la bible d'Ulfilas. 209 18e id Ressemblances et différences du sanscrit et du Gothique 219 19e id De la langue Gothique (suite) 229 20e id. De l'écriture runique-des Eddas 239 21e id Des langues scandinaves- de la langue Saxonne. 251 22e id. De la langue saxonne. 259 Ecole normale supérieure estampille de la bibliothèque