[A4v]
Celluy qui fist le firmament
Vous doint honneur et vie saine,
Ma chere dame souveraine,
Joyeulx je suis quant je vous voy.
Trop hardy estes en bonne foy
D'avoir entré en ce vergier,
Pourtant ce estes chevalier;
Se mon oncle vous y trouvoit
Vistement pendre vous feroit:
Mis vous estes en grand dangier,
[A5r] Car dame suis de ce
Je vous prie, pour Dieu mercy,
Que vistement saillez d’icy
Et que tantost vous en allez.
Ma dame, puisque le voulez
Tres voluntiers je m’en iray.
Mais s’il vous plaist, je vous diray,
Avant que parte, ma pensee,
Ma chere dame honnoree,
Mais qu’il ne vous veuille desplaire.
Voluntiers vous vouldroye plaire,
Mais à vous je n’ose parler:
Perdue seroye sans tarder
S’a vous parlant trouvee estoye;
De mon oncle grand noyse auroye,
Car nuict et jour me faict garder
Que nul ne puisse à moy parler.
Mais je vous prie doulcement
Que me vueillez dire comment
Icy dedans vous estes entré.
[A5v] Helas, ma dame, en verité
Voluntiers je le vous diroye,
Mais par ma foy je n’oseroye.
Vous estes si tres belle dame
Que vous passez beaulté de femme;
Dame vous estes du
Dont vous estes moult à priser:
Sur toutes estes advenant,
Saige, courtoise et bien sçavant
De doulceur et debonnaireté,
De grand valeur et de bonté;
Et moy je suis ung triste homs,
Qui ay des maulx à millions.
Bien sçay que tost perdray la vie,
Car fortune me contrarie:
Je vis en tres grand desconfort,
Bien souvent regretant la mort;
Pieça feusse mort sans doubtance
Se ce ne fust bonne esperance
Qui mon paovre cueur tient en vie
Et diffiner ne laisse mye:
Si redoubte fort l’esconduyre,
Par quoy je ne vous ose dire
La volunté de mon couraige;
Helas, dame de hault paraige,
[A6r] En rien ne vous vueille desplaire.
Pour certain, Chevalier, desplaire
Ne m’en pourroit aucunement,
Mais que je sceusse vrayement
Que mon oncle vostre venue
Ne sceust et que ne feusse veue.
Vous dictes que ne me osez dire
Vostre pensee, car l’esconduyre
Vous craignez et ne sçay pourquoy:
Congé vous donne en bonne foy
De me dire vostre couraige:
De moy vous n’en aurez dommaige.
Dictes tout à vostre loysir.
Ma dame, et puis que à plaisir
Vous vient, de vostre noblesse
Tout vous diray ce qui me blesse
Dont au cueur me touche forment.
Je vous supplie humblement,
Chere dame, par courtoysie
Que me pardonnez ma follie,
Et que n’en ayez aucune yre.
[A 6 v] Force d’Amours le me faict dire:
Il y a sept ans acomplis
Que de vostre amour suis remplis,
Et me destruict si rudement
Que bien vous dy certainement
Se je n’ay aucun bon confort
Faillir je ne peultz à la mort.
Helas, souffrez que je vous ayme,
Et que pour ma dame vous clame:
De ce ne me pouez desdire
Ne deffendre, ne contredire.
Certes, ma dame, bien sçavez
Que despriser ne m’en debvez,
Car par tous les corps sainctz du monde,
Dame qui estes nette et munde,
Vous jure et prometz loyallement
D’acomplir tout vostre comment.
Comme vray amant vous supply
Que me recepvez pour amy,
Ou vostre homme à tout le moins;
Prest suis de vous jurer sur sainctz
Que la vostre amour sans faulcer
Loyaulment vouldroye garder.
Pourquoi, las! ne la garderoye?
Car je n’ay nul soulas ne joye
[A7r] Fors de vostre amour, doulce amye:
En vostre main tenez ma vie,
Et d’autre part tenez ma mort.
Toute ma joye et mon confort
J’auray lequel qu’il vous plaira,
Mais se Dieu plaist point n’adviendra
Que si tres belle dame face
Chose dont le monde le sache,
Se la mort vous m’aviez donnee
À droict vous en seriez blasmee,
Car on diroit en verité
Que trop avez grand cruaulté
De laisser mourir vostre amy
Sans le vouloir prendre à mercy.
Mon cueur, mon corps, ma volunté
Je submetz à vostre bonté.
Vous estes mon cueur, mon confort,
Mon desduyt et tout mon desport;
Ma joye, aussi ma lyesse,
M’amour, mon plaisir, ma maistresse.
Quant je pense à vostre doulx viz,
Voz doulx regardz et voz doulx ris,
En mon cueur j’ay si tres grand joye
Qu’à nul dire ne l’oseroye;
Et pour ce la peine perdroit
[A8v] Que aucunement descouvrir
Le secret d’entre vous et moy.
Par quoy vous pry en bonne foy
Qu’il vous plaise moy esprouver:
Vostre amour vouldroye recouvrer
Et estre vostre doulx amy.
Beau chevalier, je vous empry:
Ne me requerez villennie,
Mais faictes d’autre part amye,
Car tantost l’aurez belle et gente
Se mettre y voulez vostre entente.
Vous estes beau, doulx et poly,
Saige, courtoys et bien joly.
Digne vous estes d’estre aymé
Et aussi d’estre ami clamé:
Par quoy je vous vouldroye prier
Que ne me veuillez engigner
S’ainsi est que m’amour vous donne.
Helas, ma dame chere et bonne,
De certain croyez fermement:
Mourir vouldroys cruellement
Avant que je vous feisse tort.
Vous estes mon cueur, mon confort,
[B1r] Mon soulas et toute joye.
Chevalier, mon cueur si larmoye
Quant vous entendz ainsi parler.
Ne pensez point à vous galler
Envers moy, puis vous en mocquer;
Se vostre amour veulx colloquer
En mon cueur pour vostre plaisir,
Je vous prie que desplaisir
Ne m’en advienne aucunement,
Car je vous jure bon serment
Et le sacrement de baptesme,
Autant vous aime que moy mesme:
Long temps a que vous ay donné
Tout mon cueur et habandonné,
Mais je ne m’osoye descouvrir
À vous, de paour d’encourir
À la vostre indignation.
J’ay de vous grand compassion
Car en amour a doulce vie,
Plaisir, deduyt et courtoysie,
Et toute doulceur sans mentir,
Fors quant se vient au departir.
Toutes les foys qu’i m’en souvient
Grand desplaisance au cueur me vient,
[B1v] Car sans aymer je ne pourroye
Avoir au cueur soulas et joye.
Si n’euz oncques amy par amour,
Dont j’ay au cueur fort grand doulour
Et en suis malade forment
Et nuict et jour certainement,
Fors vous, je vous jure mon ame,
Dont bien souvent le cueur me pasme,
Et s’i ne fust le doulx espoir
Qui me garde de son pouoir
Et tous les vrays amantz conforte
Certes je feusse pieça morte,
Plus de moi il ne fust nouvelle.
Ma gratieuse damoyselle,
Joyeux suis de vostre parler:
Si vous requiers que appeller
Me vueillez pour le vostre amy.
Le cueur seroit bien endormy
Qui à ce vous reffuseroit.
Mais dictes moi s’il vous plaisoit
Que je feusse la vostre amye,
Et je vous promectz que en ma vie
Je n’aymeray autre que vous.
[B2r] Certes, ma dame, à tousjours
Seray vostre loyal servant,
Mais tenez moy vray convenant
Et je vous promectz sur ma vie
Que jamais n’auray autre amye,
Je vous le promectz et le jure.
Pour Dieu point ne soyez parjure,
Monstrez vous estre noble en cueur:
De m’amour estes possesseur
Sans nulle contrarieté;
Faites à vostre volunté,
Certes à vous je suis donnee.
Ma chere dame honnoree,
Je vous mercye humblement.
Mon cueur, mon corps tout en present,
Je vous donne sans nul diffame,
Et si vous jure sur mon ame
Que loyaulment vous serviray
À tousjours, tant que je vivray,
Je vous promectz par mon serment.
Je vous prie amoureusement
Que nostre amour ne revelez
[B2v] À nulluy, mais bien le celez,
Car je vous faitz serment loyal
Que ce vous estes desloyal
Vers moy, par Dieu le filz Marie,
Vous aurez perdu vostre amye;
Et si sachez pa
Que recepvoir m’en fauldra mort:
Je vous pry ne le dictes mye.
Ma tres chere dame et amye,
Voici ma foy, je la vous baille:
Je vous promectz comment qu’il aille
Que mieulx aymeroye mourir
Que point nostre amour descouvrir.
Par quoy ne soyez en doubtance
Que jamais en face semblance.
Il nous fauldra trouver la voye
Comment demenrons nostre joye
Et à quelle heure je viendray.
J’ai ung chiennet que j’apprendray:
Quant le verrez en ce
Venez tost vers moy sans dangier,
Adoncques vous pourrez sçavoir
Qu’avecq moy ne peult nul avoir;
[B3r] Ainsi deduyrons noz amours.
Mon bel amy, le voulez vous?
Est ce bien vostre volunté?
Ouy, ma dame, en verité
Vostre vouloir si est le mien:
Vous ne dictes sinon que bien.
Il seroit temps de s’en aller,
Ma dame, car j’ay à parler
À la duchesse en cestuy jour.
Je vous supply par doulce amour
Que me donnez ung doulx baiser,
Le soleil se prend à baisser,
Et que j’aye congé de vous.
À Dieu mon amy soyez vous,
Souvienne vous souvent de moy.
Ma chere dame, je l’octroy.
Jamais en mon cueur n’auray joye
Jusques à tant que vous revoye.
À Dieu ma dame vous comment.
Comment