Transcription Transcription des fichiers de la notice - Extrait : 1540c [Denis Janot] La châtelaine de Vergi BnF Extrait 05 1540c. chargé d'édition/chercheur Ouattara, Salimatou Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1540c. Fiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
[B6r] Dame, mercy je vous requier:

La Duchesse

Traystre vous estes et desloyal!

Allez hors de ma compaignie:

Vous ne pensez qu’à villennie,

Dont je suis fort desconfortee.

Mais devant qu’i soit la nuictee

Serez en vostre cueur marry:

Dire le voys à mon mary;

Bien je sçay, quant il le sçaura,

En son cueur courroucé sera

Quant me verra ainsi troublee.

Comment la Duchesse se va complaindre au Duc son mary que le Chevalier l’a requise de deshonneur, dont le Duc sera marry.

[bois]

[bois]
[B6v] Honneur ayez celle journee,

Mon loyal seigneur et amy,

Eussiez vous pensé qu’ennemy

Vous fust ung de vostre maison,

Lequel est plain de desraison,

De deshonneur et villennie?

Le Duc

Or me dictes, ma doulce amye

Qui est celluy dont me parlez:

Dictes le point, ne le celez

Et ne soyez plus courroucee.

La Duchesse

[B7r] Certes, je vous dy que couchee,
Vouldroys estre au lict de la mort:

Traÿson on vous faict à tort

Dont ne vous appercevez mye.

Le Duc

Et comment doncq, ma doulce amye?

Je ne sçay pourquoy vous le dictes.

De ses parolles je suis triste:

Jamais certes je ne tiendroye

Nulz traystres, se je le sçavoye,

Ne je ne me firoye en luy.

La Duchesse

Vous debvez sçavoir que celluy

Qui m’a priee au long du jour

N’ayme vostre bien ny honnour,

Et m’a dit qu’il y a long temps

Qu’il a esté en ce pourpens,

Ne jamais ne me l’osa dire.

Si me suis pourpensee, beau sire,

Que certes je le vous diroye.

Certainement mieulx aymeroye

Mourir plustost cruellement

Que de vous faulcer mon serment.

Par quoy, mon doulx amy loyal,

Faictes que le tres deloyal

[B7v] Soit pugny bien amerement:
Offencé il a faulcement

Envers vous, je vous certifie.

Le Duc

Or me nommez sans tricherie

Celluy de quoy vous me parlez;

Dictes le moy, plus ne le celez,

Car j’en ay au cueur grand tristesse.

La Duchesse

Mon seigneur plain de grand hault,

C’est bien raison que le vous die,

Et que envers vous ne contredie

Chose contre vostre plaisir.

Le Chevalier à qui plaisir

Tous les jours pretendez de faire

Le jeu d’Amours m’a voulu faire,

Et souventeffoys m’a requise

Que m’abandonnasse à sa guise

Et à la sienne volunté.

Par quoy, mon seigneur redoubté,

Vous y debvez remedier.

Le Duc

Comment cecy? Jamais cuidé

Je n’eusse en jour de ma vie

Qu’il m’eust pourchassé telle follie.

[B8r] En luy si treffort me fioye
Que le jour que ne le veoye

Mon cueur estoit plein de tristesse.

Eslevé l’avoys en haultesse

Plus que nul qui fust en ma court.

Enragé suis, à dire court,

S’il est vray ce que allez disant.

La Duchesse

Estre n’en peult contredisant.

Je vous promectz Dieu et mon ame:

Mettre m’a voulu à diffame

S’à luy me feusse habandonnee,

Mais plus cher mourir la journee

Eusse voulu qu’à luy complaire

Ne que de sa volunté faire,

Je vous promectz certainement.

Le Duc

Par le vray Dieu du firmament,

De ce cas je suis esbahy:

M’a il ainsi voulu trahyr?

Je prie à Dieu qu’il me confonde

Que plus l’aymoye que nul du monde,

En luy du tout je me fioye

Et mon secret tout luy disoye.

Pourchassé il m’a trahyson,

[B8v] Mais bien en feray la raison.
Point ne me trouvera si nice

Que de luy ne face justice:

Remedier je veulx au cas.

Comment le Duc appella ses conseilliers pour prendre conseil du cas imposé sur le Chevalier.

[bois]

Sa, mon conseil, plus que le pas!

Escoutez que je vous vueil dire:

Le cueur si me fend de grand yre

Tant que bien pres suis de la mort.