[C4v] À mon seigneur
Et vous hastez legierement.
Dy moy, amy, par ton serment
Scez tu point pourquoy m’a mandé?
Non, chevalier, en verité.
Je vous pry, point ne demourez:
Je voys dire que vous venez.
Sire, voicy
Qui tantost sans point deslayer
À vostre mandement est venu
Pour sçavoir tout le contenu
De vostre desir et pensee.
Comment le noble
[bois]
[C5r]
Mon seigneur, tres bonne journee
Si vous doint la vierge Marie:
Je suis à vostre seigneurie
Venu obeyr vrayement.
On m’a donné entendement
Que vous n’estes pas si feal
Comme cuidoys, ne si loyal,
Dont j’ay au cueur grand marrison:
Joué m’avez de trahyson,
La chose en est toute prouvee;
Que mauldicte soit la journee
[C5v] Que jamais je vous ay congneu!
En estat vous ay maintenu
Et estevé en grand haultesse,
Deshonneur à vostre maitresse
Luy faire avez pretendu.
Mais je pry Dieu que confondu
Je puisse estre avant la nuictee,
Se n’en avez malle journee:
Desservy l’avez loyaulment,
Faulcé m’avez vostre serment
Quant par pensee tristeresse
Me vouliez jouer telle finesse.
Allez viste hors de ma terre
Jusques à tant que vous mande querre:
Congié je vous donne sans doubte
Et ma terre vous deffendz toute,
N’y arrestez ne tant ne quant.
Vous y pouoye faire prendre,
Par le col je vous feroys pendre
Quant faulcement m’avez trahy.
Ha, mon seigneur, pour Dieu mercy!
Ne croyez point et ne pensez
Que je feusse point si osez
[C6r] Que je pensasse trahyson
Envers vous: trop grand mesprison
A faict celluy qui ce a dit.
Riens ne vous vault vostre esconduyt,
Car cecy est assez prouvé:
Elle mesme si m’a compté
En quelle maniere et quelle guise
Vous l’avez priee et requise
Comme faulx et traystre envieulx;
Telle chose avez faict vous deux
Peult estre dont elle se taist.
Ma dame dit ce qui luy plaist,
Dont en mon cueur j’ay grand tristesse;
Je ne sçay dont procede ce
Descombrier qu’on me pourchasse.
Je prie à Dieu qu’il me defface
Se jamais en jour de ma vie
Envers vous pensay villennie:
Je le vous jure par mon ame.
Chevalier, quant est de ma femme
Je cuyde bien sans faulceté
Quelle m’a dit la verité,
[C6v] Car je n’ouys oncques parler
Que d’autres voulsissez aymer,
Et si n’eustes oncques amye,
Dont la chose est plus mal partie.
Vous estes mignon et joly,
Bien parlant, advenant, poly
Plus que nul qui soit en ma terre:
Envers vous je me veulx enquerre
Se point dame avez ou non,
J’en seray hors de souspesson
Et en osteray ma pensee.
Sire, par la Vierge honnoree,
Je vous prometz par mon serment
Que je vous ayme loyaulment,
Et si vous diray verité.
C’est bien dit, par la Trinité:
Dictes le moy de tres bon cueur.
Point ne croy par le Createur
Que vous m’aiez faict si grand honte
Comme
Non pourtant j’en suis en doubtance
Quant je voy vostre contenance:
L’on peult certes moult bien sçavoir
[C7r] Sans aucun souspesson avoir
Que vous aymez, où que ce soit,
Mais nul si ne s’en apperçoit,
Damoyselle aymez ou dame?
J’ay paour que ce ne soit ma femme
Qui m’a dit que l’avez priee,
Si n’en puis oster ma pensee
Se ne me dictes sans demour
Se ailleurs aymez par amour.
Dictes moy sans avoir nul doubte
De ce la verité trestoute;
Et ce faire ne le voulez
Comme traystre vous allez
Hors de ma terre sans delay.
Helas, tres doulx Dieu, que feray?
J’aymeroys mieulx perdre la vie
Que descouvrir ma doulce amye.
Je ne sçay si me parjure
Ou se die verité pure.
Je me tiens mort se meffaictz tant
Que je trespasse convenant
Las! Qu’à m’amye faicte j’ay:
Je suis seur que je la perdray
Se elle s’en peult appercevoir.
[C7v] Parjure je feray pour voir
Dont fauldra le pays laisser
Et à tout mon faict renoncer.
Mais de tout ce ne m’en chaulsist
Se ma dame me remansist
Laquelle perdre me convient.
Helas!Quant d’elle me souvient
De la grande joye et du soulas
Que j’ay eu entre ses deux bras,
Las! Comment pourray je durer
Quant je ne la puis emmener?
Certes mourir me conviendra
Quant delaisser la me fauldra.
Comment me peult durer le cueur
Qu’il ne part par trop grand langueur?
Le cueur me fault certainement.
Ha, vray Dieu, je ne sçay comment
En cecy je doibve penser,
Ne en quel moyen commencer:
Se je dis ma desconvenue
Nostre amour si sera congneue,
Par quoy je seray desloyal.
Envers moy n’estes point feal,
Vuydez d’icy plus que le pas!
[C8r] Bien voy que ne vous fiez pas
En moy, tant que vous deussiez:
Se vostre conseil me deissiez,
Sachez de moy certainement
Bien je le tiendray celeement;
Plustost me laisseroys sans faulte
Tirer les dentz l’une aprés l’autre
Que vostre secret deceller.
Vray Dieu, vueillez moy consoler!
Helas, mon seigneur, je vous prie
Que de ce n’aye villennie:
Je vous jure Dieu sans mentir
Que plus cher j’auroye mourir
Que perdre ce que je perdroye:
C’est tout mon soulas et ma joye,
Toute ma lyesse et plaisir.
Se je luy faisoys desplaisir
Je seroye certes mauldit.
Au convencier elle me dit
Que tantost mourir se lairroit
Quant nostre amour sceue seroit
De nul homme qui fust vivant.
Chevalier, je fais convenant
[C8v] Sur l’ame et le corps de moy
Et sus l’amour, aussi la foy
Que je vous doibtz de vostre hommage,
Et aussi à tout mon lignaige,
Que point à creature nee
N’en sera parolle comptee,
Ne semblant à grand ne petit.
Cher
Puisqu’ainsi va vous le sçaurez,
Vostre convenant me tiendrez
Ainsi comme l’avez promis.
Puisque me suis à ce submis,
Ma convenance veulx tenir
Et devant
Sans la faulcer aucunement.
Croyez, seigneur, certainement
Que vous diray sans menterie
Tout mon cas sans nul tricherie:
J’ayme ma
Vostre niepce, seigneur tres cher,
Loyaulment et par bonne amour
Sans penser à nul deshonnour
[D1r] Et elle moy tant que peult plus.
Or me dictes doncque au surplus
Comment voulez vous que vous croye:
Scet nul fors vous deux la voye?
Je vous prie dites le moy.
Certes, mon seigneur, par ma foy
Creature qui soit nee
Comment est doncques vostre allee,
Ne comment avez lieu et temps?
Par ma foy, mon seigneur, par sens,
Quant il est temps que à elle aille
Ung petit chien si vient sans faille
Cheminant du long du
Lors y puis entrer sans dangier:
Vela ainsi que nous
Vous me dictes bonnes raisons,
Mais par bonne amour je vous prie
Que me menez sans villennye
Avec vous, que mieulx seur soye
Plus cher mourir certes vouldroye
[D1v] Que nulle personne en sceut rien.
Mon seigneur, je le veulx tres bien:
Vostre vouloir je veulx parfaire.
Je vous prie que point
Ne vous vueille de cestuy faict.
Vous estes mon amy parfaict:
Je le vous prometz sur mon ame,
Ne craingnez point d’avoir diffame
De moy mener avecques vous:
Bien joyeulx suis de voz amours
Puisqu’i sont en honnesteté.
Comment