Transcription Transcription des fichiers de la notice - Extrait : 1540c [Denis Janot] La châtelaine de Vergi BnF Extrait 09 1540c. chargé d'édition/chercheur Marlhoux, Romane Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1540c. Fiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (Fr), Bibliothèque Nationale de France, BnF RES-YE-2963
Français

[C4v] À mon seigneur le Duc parler,
Et vous hastez legierement.

Le Chevalier

Dy moy, amy, par ton serment

Scez tu point pourquoy m’a mandé?

Le messager

Non, chevalier, en verité.

Je vous pry, point ne demourez:

Je voys dire que vous venez.

Sire, voicy le chevalier

Qui tantost sans point deslayer

À vostre mandement est venu

Pour sçavoir tout le contenu

De vostre desir et pensee.

Comment le noble Chevalier arriva devers son seigneur et maistre le Duc pour luy obeyr en tout ce qu’il luy plairoit commander.

[bois]
[C5r] Le Chevalier

Mon seigneur, tres bonne journee

Si vous doint la vierge Marie:

Je suis à vostre seigneurie

Venu obeyr vrayement.

Le Duc

On m’a donné entendement

Que vous n’estes pas si feal

Comme cuidoys, ne si loyal,

Dont j’ay au cueur grand marrison:

Joué m’avez de trahyson,

La chose en est toute prouvee;

Que mauldicte soit la journee

[C5v] Que jamais je vous ay congneu!
En estat vous ay maintenu

Et estevé en grand haultesse,

Deshonneur à vostre maitresse

Luy faire avez pretendu.

Mais je pry Dieu que confondu

Je puisse estre avant la nuictee,

Se n’en avez malle journee:

Desservy l’avez loyaulment,

Faulcé m’avez vostre serment

Quant par pensee tristeresse

Me vouliez jouer telle finesse.

Allez viste hors de ma terre

Jusques à tant que vous mande querre:

Congié je vous donne sans doubte

Et ma terre vous deffendz toute,

N’y arrestez ne tant ne quant.

Sadepuis icy en avant,

Vous y pouoye faire prendre,

Par le col je vous feroys pendre

Quant faulcement m’avez trahy.

Le Chevalier

Ha, mon seigneur, pour Dieu mercy!

Ne croyez point et ne pensez

Que je feusse point si osez

[C6r] Que je pensasse trahyson
Envers vous: trop grand mesprison

A faict celluy qui ce a dit.

Le Duc

Riens ne vous vault vostre esconduyt,

Car cecy est assez prouvé:

Elle mesme si m’a compté

En quelle maniere et quelle guise

Vous l’avez priee et requise

Comme faulx et traystre envieulx;

Telle chose avez faict vous deux

Peult estre dont elle se taist.

Le Chevalier

Ma dame dit ce qui luy plaist,

Dont en mon cueur j’ay grand tristesse;

Je ne sçay dont procede ce

Descombrier qu’on me pourchasse.

Je prie à Dieu qu’il me defface

Se jamais en jour de ma vie

Envers vous pensay villennie:

Je le vous jure par mon ame.

Le Duc

Chevalier, quant est de ma femme

Je cuyde bien sans faulceté

Quelle m’a dit la verité,

[C6v] Car je n’ouys oncques parler
Que d’autres voulsissez aymer,

Et si n’eustes oncques amye,

Dont la chose est plus mal partie.

Vous estes mignon et joly,

Bien parlant, advenant, poly

Plus que nul qui soit en ma terre:

Envers vous je me veulx enquerre

Se point dame avez ou non,

J’en seray hors de souspesson

Et en osteray ma pensee.

Le Chevalier

Sire, par la Vierge honnoree,

Je vous prometz par mon serment

Que je vous ayme loyaulment,

Et si vous diray verité.

Le Duc

C’est bien dit, par la Trinité:

Dictes le moy de tres bon cueur.

Point ne croy par le Createur

Que vous m’aiez faict si grand honte

Comme la Duchesse me compte,

Non pourtant j’en suis en doubtance

Quant je voy vostre contenance:

L’on peult certes moult bien sçavoir

[C7r] Sans aucun souspesson avoir
Que vous aymez, où que ce soit,

Mais nul si ne s’en apperçoit,

Damoyselle aymez ou dame?

J’ay paour que ce ne soit ma femme

Qui m’a dit que l’avez priee,

Si n’en puis oster ma pensee

Se ne me dictes sans demour

Se ailleurs aymez par amour.

Dictes moy sans avoir nul doubte

De ce la verité trestoute;

Et ce faire ne le voulez

Comme traystre vous allez

Hors de ma terre sans delay.

Le Chevalier

Helas, tres doulx Dieu, que feray?

J’aymeroys mieulx perdre la vie

Que descouvrir ma doulce amye.

Je ne sçay si me parjure

Ou se die verité pure.

Je me tiens mort se meffaictz tant

Que je trespasse convenant

Las! Qu’à m’amye faicte j’ay:

Je suis seur que je la perdray

Se elle s’en peult appercevoir.

[C7v] Parjure je feray pour voir
Dont fauldra le pays laisser

Et à tout mon faict renoncer.

Mais de tout ce ne m’en chaulsist

Se ma dame me remansist

Laquelle perdre me convient.

Helas!Quant d’elle me souvient

De la grande joye et du soulas

Que j’ay eu entre ses deux bras,

Las! Comment pourray je durer

Quant je ne la puis emmener?

Certes mourir me conviendra

Quant delaisser la me fauldra.

Comment me peult durer le cueur

Qu’il ne part par trop grand langueur?

Le cueur me fault certainement.

Ha, vray Dieu, je ne sçay comment

En cecy je doibve penser,

Ne en quel moyen commencer:

Se je dis ma desconvenue

Nostre amour si sera congneue,

Par quoy je seray desloyal.

Le Duc

Envers moy n’estes point feal,

Vuydez d’icy plus que le pas!

[C8r] Bien voy que ne vous fiez pas
En moy, tant que vous deussiez:

Se vostre conseil me deissiez,

Sachez de moy certainement

Bien je le tiendray celeement;

Plustost me laisseroys sans faulte

Tirer les dentz l’une aprés l’autre

Que vostre secret deceller.

Le Chevalier

Vray Dieu, vueillez moy consoler!

Helas, mon seigneur, je vous prie

Que de ce n’aye villennie:

Je vous jure Dieu sans mentir

Que plus cher j’auroye mourir

Que perdre ce que je perdroye:

C’est tout mon soulas et ma joye,

Toute ma lyesse et plaisir.

Se je luy faisoys desplaisir

Je seroye certes mauldit.

Au convencier elle me dit

Que tantost mourir se lairroit

Quant nostre amour sceue seroit

De nul homme qui fust vivant.

Le Duc

Chevalier, je fais convenant

[C8v] Sur l’ame et le corps de moy
Et sus l’amour, aussi la foy

Que je vous doibtz de vostre hommage,

Et aussi à tout mon lignaige,

Que point à creature nee

N’en sera parolle comptee,

Ne semblant à grand ne petit.

Le Chevalier

Cher seigneur, vous avez bien dit:

Puisqu’ainsi va vous le sçaurez,

Vostre convenant me tiendrez

Ainsi comme l’avez promis.

Le Duc

Puisque me suis à ce submis,

Ma convenance veulx tenir

Et devant tous la maintenir

Sans la faulcer aucunement.

Le Chevalier

Croyez, seigneur, certainement

Que vous diray sans menterie

Tout mon cas sans nul tricherie:

J’ayme ma Dame du Vergier,

Vostre niepce, seigneur tres cher,

Loyaulment et par bonne amour

Sans penser à nul deshonnour

[D1r] Et elle moy tant que peult plus.
Le Duc

Or me dictes doncque au surplus

Comment voulez vous que vous croye:

Scet nul fors vous deux la voye?

Je vous prie dites le moy.

Le Chevalier

Certes, mon seigneur, par ma foy

Creature qui soit nee

Le Duc

Comment est doncques vostre allee,

Ne comment avez lieu et temps?

Le Chevalier

Par ma foy, mon seigneur, par sens,

Quant il est temps que à elle aille

Ung petit chien si vient sans faille

Cheminant du long du vergier,

Lors y puis entrer sans dangier:

Vela ainsi que nous faisons.

Le Duc

Vous me dictes bonnes raisons,

Mais par bonne amour je vous prie

Que me menez sans villennye

Avec vous, que mieulx seur soye

Plus cher mourir certes vouldroye

[D1v] Que nulle personne en sceut rien.
Le Chevalier

Mon seigneur, je le veulx tres bien:

Vostre vouloir je veulx parfaire.

Je vous prie que point desplaire

Ne vous vueille de cestuy faict.

Le Duc

Vous estes mon amy parfaict:

Je le vous prometz sur mon ame,

Ne craingnez point d’avoir diffame

De moy mener avecques vous:

Bien joyeulx suis de voz amours

Puisqu’i sont en honnesteté.

Comment le Chevalier monstre au Duc la maniere du revisitement de sa dame par amours.