Espace Afrique-Caraïbe

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Collection Poèmes


Déjà... j'ai habité tous ces mots

*** Présentation de la collection :

 

En l’absence de toute mention de ce titre dans les lettres à Françoise Ligier, il paraît difficile de placer ce recueil dans une chronologie absolue. Nous pouvons juste savoir qu’il n’a pas été écrit après 1983 (terminus ad quem), date à laquelle, dans un entretien, on trouve le titre cité par Sony parmi d’autres recueils de jeunesse :

J’ai écrit je ne sais plus combien de recueils de poèmes. Je peux en citer quelques-uns : La Vie privée de Satan, Les Vers au vinaigre, Mais déjà j’ai habité tous ces mots, Vivre plus loin que jadis, Sauter la vie, L’Autre Rive du pain quotidien. J’ai écrit beaucoup de recueils de poèmes, je dois en avoir environ une douzaine[1].

Dans cette série aléatoire et lacunaire, deux titres, Vivre plus loin que jadis et Sauter la vie, n’ont laissé aucune trace manuscrite. Quant à la citation approximative de Mais déjà…, elle nous donne à penser que pour le Sony de 1983, cette série de recueils doit relever de souvenirs assez lointains, remontant à cette période prolifique où il écrivait « plein » de poèmes, et en « détruis[ait] »[2] autant.

Tout au plus pouvons-nous proposer de situer ce recueil dans une période relativement élastique, bornée en amont (terminus a quo) par la mention du titre de roman qui le suit sur le même cahier, Ces hommes qui fatiguent les chiffres. En février 1976, il évoque un titre très proche attribué à « une pièce que j’ai écrite en quatrième vitesse : Les chiffres aussi se fatiguent »[3], que l’on peut considérer comme une esquisse de ce qui deviendra un roman, écrit à la suite du recueil, sous le titre modifié Ces hommes qui fatiguent… Un an plus tard, le 20 février 1977, il écrit à Sylvain Bemba : « Une vie et demie avance sur les pas de la Natte. Avec un recueil de poèmes : “J’ai déjà habité tous ces mots” mais la poésie je n’y crois plus. Je me fais un chemin sur le roman »[4].

Ainsi ce recueil composé à la charnière des années 1976-77 nous paraît-il clore le cycle intime et philosophique des cinq Actes de… : CreverCommencerRespirerQuitterHabiter… Et ce n’est pas tout à fait un hasard s’il est abandonné au poème « VI », peut-être même au moment des événements tragiques du mois de mars 1977[5] qui désespèrent le poète :

 Mais pendant ce temps de Dieu qui nous submerge ici, je n’ai pas eu la tête de tracer un seul mot qui me ressemble. Ce qui s’est passé ici, si un écrivain l’avait imaginé, on le prendrait pour un fou. Hélas ! Les choses ont eu lieu. C’était des trucs forts, dans un temps plus fort que nous[6].

Pour « vomir » ce temps, Sony inventera bientôt de nouvelles écritures romanesques – La Vie et demie, Le Mort te dit adieu toi qui restes vivant et enfin L’État honteux – puisées dans la « force majeure » d’un rire apocalyptique. Cependant, il n’abandonne pas pour autant la poésie. Dès juin 1977, est annoncé son recueil « Naître Plus Loin que la vie […] nouvelle écriture, mais surtout nouvelle dimension de l’âme en ces moments carnivores, sur cette terre carnassière »[7] ; et en juillet 1977, il affirme « retourne[r] poète », « perce[r] » jusqu’à ses premières amours poétiques, exhumant ses premiers recueils pour les réécrire avec des « mot[s] qui [lui] ressemble[nt] », et qui reviennent sous de nouveaux titres, Le Pays intérieur et Le Poète en panne.

Dernier indice qui vient indirectement confirmer cette datation : le pseudo de la page de titre, « Sony la Boutansi », ne se retrouve, inscrit avec le même tampon, que sur les 1ère et 4e de couverture du cahier II de La Natte, manuscrit[8] cité à plusieurs reprises dans des lettres à Françoise Ligier, notamment dans celle du 5 juin 1977 : « Le secrétaire finit bientôt le cahier II de La Natte. Je te l’envoie dès que c’est fait »[9]. Ce pseudo, attesté par ces deux seules occurrences, pourrait bien provenir du nom donné par Sony à sa première fille, née l’année précédente. Le 18 octobre 1976, en effet, il écrit à Sylvain Bemba : « Pendant ces vacances j’ai vécu avec une amie de Loubakou qui avant de repartir a accouché d’une fille Yavelde Laboutansi. On dit que le nom est vilain. Je m’en fous. La fille sera belle »[10].


[1] Propos recueillis par Ange-Séverin Malanda, Le Mois en Afrique, n° 205-206, février-mars 1983.

[2] Lettre à Françoise Ligier, 29 septembre 1976, in Sony Labou Tansi, SLT. L’Atelier de Sony Labou Tansi, vol. I, op. cit., p. 189.

[3] Lettre à Françoise Ligier, 5 février 1976, ibid., p. 181.

[4] « Fragments de lettres à un ami », Équateur, n° 1, 1986, p. 27. Passage cité par Tati-Loutard in Sony Labou Tansi ou la quête permanente du sens. Sous la direction de Mukala Kadima-Nzuji, Abel Kouvouama et Paul Kibangou. Paris : L’Harmattan, 1997, 487 p. ; p. 127.

[5] Assassinat de trois hautes personnalités, le président Marien Ngouabi, l’ex-président Alphonse Massamba-Débat et le cardinal Émile Biayenda.

[6] Lettre à Françoise Ligier, 10 avril 1977, in Sony Labou Tansi, SLT. L’Atelier de Sony Labou Tansi, op. cit., p. 196.

[7] Ibid, pp. 203 et 206.

[8] Manuscrit confié d’abord au professeur Mukala Kadima-Nzuji, à présent déposé à la BFM de Limoges, sous la cote 21 NAR MAN, non disponible sur le site en ligne.

[9] Lettre à Françoise Ligier, in Sony Labou Tansi, SLT. L’Atelier de Sony Labou Tansi, op. cit., p. 206.

[10] « Fragments de lettres à un ami », op. cit., p. 27. 

Auteur de la fiche : Nicolas Martin-Granel
*** Dossiers génétiques / Sous-collections

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    *** Fiche de descriptive la collection

    *** Titre : Déjà... j'ai habité tous ces mots

    *** Auteur : Sony Labou Tansi

    *** Type : Poésie (Recueil)

    *** Langue : Français

    *** Auteur de la fiche :

    Nicolas Martin-Granel

    *** Éditeur de la collection : Claire Riffard, équipe francophone,​ Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

    *** Mentions légales : Fiche : équipe Manuscrits francophones, ITEM (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

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