[1] Le conseil est constitué des professeurs, alors appelés instituteurs, de leurs adjoints, du directeur, des sous directeurs et d’un secrétaire.
[2] Giovanni Battista PIRANESI (1720-1778), graveur et architecte. Antichita romane publié en 4 volumes en 1756 à Rome.
[3] Voir les lettres n°77 et 103.
[4] Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822)
[5] Oxyde de mercure. Voir lettre n°77.
[6] DANTE, La divine comédie. Le poète Dante (1265-1321) est apprécié par les savants, Condorcet dans son Esquisse le décrit « noble, précis, énergique »Condorcet (1795), p.183.
[7] Catherine HUART (1748-1847)
[8] Nicolas HALMA (1755-1828), alors secrétaire du Conseil de l'École polytechnique et dont Monge orthographie par erreur le nom en Alma.[R.T.]
[9] Louis-Alexandre BERTHIER (1753-1815), il est le chef de l’état-major général de l’armée d’Italie.
Paris, le 14 pluviôse de l'an VI de la République française
Le chef de l'École polytechnique au ministre de l'Intérieur
Citoyen ministre,[1]
D'après les ordres que j'ai reçus hier du Directoire, je suis forcé de quitter pour un temps la place de chef de l'École polytechnique, pour me rendre à Rome, comme directeur de la Commission qu'il y envoie.[2]
Dans des circonstances, citoyen ministre, où l'École va peut-être recevoir une organisation nouvelle, dans un temps où elle sera peut-être exposée à un changement de local, il est impossible que la place de chef ne soit pas promptement remplie par intérim. Permettez-moi de vous présenter pour cet objet le citoyen Guyton. Étant membre du conseil et instituteur de cette école depuis sa création, il en connaît parfaitement le régime ; il jouit de la plus grande considération, et par ses talents et par son attachement à la République, et je suis persuadé que le Directoire ne pourra qu'applaudir à ce choix.[3]
Il est aussi nécessaire, citoyen ministre, pour que le service de l'instruction de l'École n'éprouve aucune suspension, que vous y attachiez en qualité d'instituteurs de géométrie descriptive, le citoyen Sganzin, ingénieur des ponts et chaussées attaché au dépôt,[4] et le citoyen Gay-Vernon, officier retiré du corps du génie[5] et frère du représentant du peuple de ce nom.[6] Les talents de ces deux citoyens sont indispensables à l'école pour que le but de son institution soit rempli, et leur nomination est urgente.[7] Leur zèle pour le maintien de notre gouvernement les rend dignes de la confiance du Directoire.
En partant, citoyen ministre, je recommande à votre sollicitude un établissement qui a le plus grand besoin de votre attention particulière et qui contribuera à la gloire de la République, en lui procurant pour ses différents services des sujets distingués par leurs talents et utiles par leurs lumières.
Salut et respect.
Monge
P.S. Comme les fonctions que je vais quitter ne sont pas de nature à recevoir aucune interruption, je vous préviens, citoyen ministre, que je viens d'inviter le citoyen Guyton à s'en charger jusqu'à ce qu'il ait reçu de vous de nouveaux ordres.
[1] François Sébastien LETOURNEUX (1752-1814) il remplace Nicolas FRANÇOIS DE NEUFCHÂTEAU (1750-1828) de septembre 1797 à mai 1798.
[2] L’assassinat du général Duphot lors des émeutes à Rome de décembre 1797, conduit le Directoire à ordonner au général Berthier de se diriger sur Rome avec ses troupes dès la fin janvier 1798 et de modifier totalement sa politique envers le gouvernement papal. Par un arrêté du Directoire du 12 pluviôse an VI, [31 janvier 1798], Florens, Daunou et Monge sont nommés commissaires de la République à Rome. Archives Nationales, A.F. III 498, Dossier 3135. 12 pluviôse. Ils sont chargés notamment d’enquêter sur la mort du général Duphot et d’établir les institutions de la République romaine. Sur les instructions données aux commissaires du Directoire voir les lettres n°150, 152, 157 163.
[3] Louis-Bernard GUYTON DE MORVEAU (1737-1816). Professeur de Chimie. Lors de la première absence de Monge il a aidé Prieur à défendre l’École et à en assurer la direction avec Deshautchamps. Il est
[4] Joseph-Mathieu SGANZIN (1750-1837).
[5] Simon-François GAY de VERNON (1760-1822).
[6] Léonard Honoré GAY de VERNON (1748)1822), membre du Conseil des Cinq-Cents.
[7] Catherine écrit à Monge de Paris, le 25 pluviôse an VI [13 février 1798] : « Il n’y a rien de nouveau à l’École, les Anciens n’ont pas encore fait le rapport. On croit qu’il sera favorable. Plusieurs membres se proposent de parler favorablement pour qu’on ne la déplace pas, [Lermina] a écrit au Directoire pour faire part que Gui[ton] était directeur par intérim, on [n’] a point eu de réponse. » C’est au cours de la séance du 7 ventôse an VI [25 février 1798] que Guyton de Morveau, Sganzin et Gay Vernon sont officiellement nommés. Catherine en fait part à Monge le 4 ventôse an VI [4 mars 1798]. « […] le Directoire a nommé Sganzin et Gay Vernon pour être professeurs à l’École et a permis que Guyton soit directeur par intérim ».
Paris, le [16 ] pluviôse[1] de l'an VI
Le directeur de l'École polytechnique, aux membres du Conseil de la même École
Citoyens collègues[2],
La mission imprévue et précipitée que je viens de recevoir du gouvernement me force à quitter pour un temps les fonctions qui m'attachaient à l'École.[3] J'ai cru remplir vos intentions en mettant le gouvernement à portée d'y pourvoir promptement, et j'ai invité le citoyen Guyton[4], l'un de nos membres, à vouloir bien se charger des fonctions de chef de l'École jusqu'à ce que le gouvernement ait statué sur mon remplacement momentané. Je le prie d'être auprès de vous l'organe des regrets que j'éprouve de vous quitter aussi brusquement, et de ne pouvoir pendant quelque temps concourir avec vous au succès d'un établissement digne de vos lumières et qui a besoin de tout votre zèle.
Si, pendant mon absence, je puis être de quelque utilité à l'École, j'en saisirai avec avidité toutes les occasions. [5]
Salut et fraternité.
Monge
[1] Bien que non indiquée, la date de cette lettre peut être fixée au 4 février 1798 [16 pluviôse an VI], veille du départ de la Commission pour Rome. [R.T.].
[2] Le conseil est constitué des professeurs, alors appelés instituteurs, de leurs adjoints, du directeur, des sous directeurs et d’un secrétaire.
[3] Par un arrêté du Directoire du 12 pluviôse an VI [31 janvier 1798], Monge est nommé commissaire de la République à Rome avec Florent et Daunou. Ils sont chargés de l’institution de la République romaine. Sur les instructions données aux commissaires du Directoire, voir les lettres n°145, 150, 152 157 et 163.
[4] Louis-Bernard GUYTON DE MORVEAU, (1737-1816). Voir la lettre n°145.
[5] Monge ne cesse pas d’exprimer et de montrer qu’il se préoccupe activement de l’École et ses absences ne marquent pas un désengagement de sa part. Il continue de veiller à l’élaboration de l’enseignement et à la constitution du matériel d’étude au travers de l’acquisition et de la saisie d’ouvrages, d’instruments et de matériaux comme il a cherché à le faire lors de sa mission au sein de la commission des sciences et des arts en Italie de mai 1796 à octobre 1797. Voir les lettres n°15, 17, 43, 77, 84, 85, 87, 95, 103, 106, 127, 132 et les lettres n°151, 153, 156, 167, 168, 169, 170, 172, 175 et 185.
Origine non indiquée par Taton et une transcription de la lettre n’a pas été retrouvée dans les « Notes chronologiques pour servir à la vie de Monge » d’Eschassériaux.
[1] Charles DELACROIX (1741-1805).
[2] La première personne du singulier disparaît au profit de celle du pluriel. Monge est chargé de la correspondance de la commission. Elle permet une meilleure compréhension des activités des commissaires ainsi que du cours de la mission et meilleure perception de leurs modalités d’action.
[3] La tâche des commissaires déterminée par les victoires de l’armée d’Italie et la politique diplomatique ne concerne au début que le nord de l’Italie.
[4] Voir les lettres n°12, 18, 21, 22, 30, 42, 45, 51, 53 et 55.
[5] Cela constitue le convoi rassemblé à Tortone dont une partie est conduite par La Billiardière jusqu’à Paris et une autre par Escudier jusqu’à Toulon. Voir infra.
[6] FERDINAND 1er [DE BOURBON] (1751-1802).
[7] En mai 1796, après la défaite des Autrichiens face à Bonaparte, effrayés les ducs de Parme et Modène sollicitent la paix que Bonaparte accorde au prix de lourdes contributions de guerre. Le traité du 9 mai avec le duc de Parme et de Plaisance amène à créer la commission des sciences et des arts dès le 14 mai, et celui du 17 mai avec le duc de Modène complète sa mission.
[8] « La Madone de saint Jérôme » (1527-1528) et la « Madonna della scodela » (1530) du Corrège.
[9] Albert de HALLER (1708-1777) Anatomiste, botaniste et poète Allemand. L’herbier est encore conservé à Paris. Il fait partie de l’imposant cortège d’exposition des fruits de la campagne d’Italie en 1798 qui fera l'essentiel du programme de la fête de la Liberté les 9 et 10 thermidor de l'an VI [26 et 27 juillet 1798]. L’herbier d’Haller est constitué de 59 gros volumes, reliés assez serrés. Il est « l’image biologique » de la dernière publication de Haller en 1768, Historia stirpium indigenearum Helvetiae inchoata, cela lui confère une importance historique et taxinomique considérable. (LAMY D. (2005), « Le savoir botanique par les herbiers : une permanence du travail de cabinet », communication lors du Colloque « Voyage en Botanique », Besançon, p. 7. [en ligne]) Thoüin indique que dans la bibliothèque de l’université de Pavie il a pu consulter des ouvrages d’Haller qui comportaient des notes de la main de l’auteur. Il consulte aussi le fameux herbier et donne un nombre de volumes plus important. « Je parcourus plusieurs cartons de l’herbier de ce naturaliste ; il est relié en soixante-douze volumes. Les plantes, passablement desséchées, sont fixées sur les feuilles avec de la cire à cacheter et rangées suivant la méthode de Haller. Il a étiqueté de sa main presque tous les nombreux exemplaires de chaque espèce. C’est une très belle collection. » THOÜIN A. (1841), p. 83.
[10] Ulysse ALDROBRANDI (1522–1605) médecin, et professeur d’histoire naturelle à Bologne. L’herbier d’Aldrobrandi en 15 volumes reliés a été rendu à Bologne. Il a dû être commencé en 1551. (http://www.sma.unibo.it/erbario/erbarioaldrovandi.html consulté le 12 05 2012.) Thoüin ne manque pas de faire référence aux volumineux travaux du bolonais lors qu’il fait le récit de sa visite à l’Institut de Bologne. « Les manuscrits d’Aldrovande occupent peut-être la seizième partie du local. Si l’on y comprend ses notes, ses herbiers et les minutes de ses ouvrages imprimés, on conçoit à peine comment un homme, en lui supposant la vie la plus longue, a trouvé le temps d’écrire un nombre si considérable de volumes qu’il me paraît impossible de les lire dans le cours de dix années. » THOUIN A. (1841), pp. 193-194.
[11] Lazzaro SPALLANZANI (1729-1799) Dans le cadre de ses missions en tant que directeur du cabinet d’Histoire naturelle de Pavie, Spallanzani cherche à combler les lacunes sur les substances volcaniques. Il part alors effectuer des recherches à Naples au cours de l’été 1788. Voir lettre n°22. Thoüin dans son récit décrit le savant italien. « J’eus à Reggio une longue conversation avec Spallanzani, célèbre par ses voyages et ses expériences sur la fécondation artificielle. C’était un homme d’une haute taille, âgé de soixante-huit à soixante-dix ans, parlant français avec assez de grâce et de facilité. »THOÜIN A. (1841), p. 138.
[12] Dans la lettre suivante à Prieur, la question du développement du réseau d’échanges scientifiques entre l’Italie et la France est manifeste, mais au sein d’un domaine bien déterminé, la mécanique. Voir les lettres n°8, 9 et 22. Le récit de voyage de Thoüin donne plus d’éléments sur ses rencontres avec les savants italiens notamment à Milan tel que Volta, professeur de physique à Pavie. Voir la lettre n°47.
[13] Ces objets tirés en partie de Bologne ont été reçus par l’École le 2 décembre 1796. Il s’agit d’une chambre obscure en bois d’acajou, un microscope solaire de Martin de Londres pour les objets opaques, dans une boite d’acajou, un deuxième microscope solaire, microscope composé et petit télescope grégorien, dans une même boite d’acajou, un microscope lacernal dans deux boites d’acajou, il s’adapte à la chambre obscure au moyen d’un chassis d’acajou portant deux vis,. Ces instruments sont accompagnés d’ouvrages, L’italiano istrutto sopratolle l’especie del carbon fossile […] de Franscisco Heurin, 1 vol. broché, Esame fisico chymico, […]1 vol. broché. De quam plurimis phosphoris, […], 1 vol. relié, Pareri intorno al raglio della machina di Viariggio, 1 vol. broché, Dei bagni di abani del Salvator Mandruzzato, 2 vol. brochés in- 4°, Lettera sopra una specie d’insetto marino, petite brochure. Voir les lettres n° 17 et 43.
[14] Jacques-Julien LA BILLARDIÈRE (1755-1834) arrive à Paris le 26 Brumaire an V [16 novembre 1796] avec une seule partie du convoi. Il ne transporte pas les tableaux. Ils arriveront en décembre 1796 conduit par Escudier. Voir les lettres n°14, 16, 22, 28, 33, 41, 42, 48, 52 et 53.
[15] Antoine-Christophe SALICETI (1757-1809) commissaire à l’armée d’Italie. Voir lettre n°13.
[16] André-François MIOT DE MELITO (1762-1841) ministre plénipotentiaire à Florence, il est envoyé à Rome pour veiller à l’exécution des clauses de l’armistice de Bologne avec le Pape du 23 juin 1796. Voir les lettres n°13 et 14. Voir la lettre n°14.
[17] Le 5 Messidor an IV [23 juin 1796], Signature de l’armistice de Bologne par le plénipotentiaire du Pape Antonio Grudi et sous la médiation du chevalier d’Azara, ambassadeur d’Espagne à Rome de l’armistice entre le Saint Siège et la République française. L’article 8 stipule : « Le pape livrera à la République française cent tableaux, bustes, vases, ou statues au choix des commissaires qui seront envoyés à Rome, parmi lesquels objets seront […] compris le buste en bronze de Junius Brutus et celui en marbre de Marcus Brutus […] et 500 manuscrits au choix des commissaires. »
[18] La commission quitte Florence pour Rome le 25 juillet. Ils dînent le soir à Foligno. Ils arrivent à Rome le 29 juillet à 10h du matin. B.É. Voir lettre n°18.
[19] Sur les critères de saisie établis par les commissaires voir la lettre n°120.
[20] Les commissaires André THOÜIN (1747-1824), Jean-Guillaume MOITTE (1746-1810), Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822), Jacques-Pierre TINET (1753-1803), Jean-Simon BERTHÉLÉMY (1743-1811) excepté LA BILLARDIÈRE, chargé du premier convoi mentionné dans la lettre.
[1] Anne-Germaine DUCHÉ (1762-1815), femme de Guillaume-Charles FAIPOULT DE MAISONCELLES (1752-1817).
[2] Femme de César VAN LOO (Paris 1743-1821), le dernier des Van Loo peintres. Il se spécialise en paysages hivernaux et travaille à Turin et à Paris. Bénézit, Dictionary of artists, T. VIII, 2006, pp. 1218-1221.
[3] BERNARD (17 ? - ?) secrétaire général du ministre de la guerre Barthélemy Louis Joseph SCHÉRER (1747-1804).
[4] Louise MONGE (1779-1874) et Marie-Élisabeth Christine LEROY (1783-1856).
[5] Sans nouvelle de sa femme et de sa famille, Monge exprime de l’inquiétude. Bonaparte à deux reprises cherche à rassurer Monge sur le sort de sa famille et de sa femme. Le 1er Floréal an VI [20 avril 1798], Bonaparte écrit à Desaix : « Mille choses à Monge ; sa femme se porte bien. » (2420, CGNB). Voir la lettre n°168. Voir aussi les lettres n° 151, 152, 153, 163, 173, 176, 181 et 182.
[6] Monge exprime toujours une préoccupation pour l’esprit public et les résultats des élections d’avril 1798 voir les lettres n°156, 160, 163, 164, 168, 171, 176 et 177. Jean-Nicolas PACHE (1746-1823) ami de Monge. Voir les lettres n°13 et 164. RUISSET (17 ? - ?), Pierre-Antoine ANTONELLE, (17 ? -18 ?), GOYER (17 ? - ? ).
[7] Comme cela s’est passé après la victoire des Royalistes à l’élection pour le renouvellement d’un tiers du Conseil des Cinq-Cents en avril 1797. Sur la montée des Royalistes et la réponse du Directoire, voir les lettres n°89, 90, 116, 118, 119, 131 et 132.
[8] Catherine Huart continue d’occuper le logement de fonction du directeur de l’École, elle est en contact quotidien avec les collègues de son mari. Cette situation renforce le rôle d’intermédiaire de Catherine entre Monge et l’École. Voir les lettres n°147, 151, 154, 156, 164 et 177. Les livres sont envoyés le 5 floréal an VI [24 avril 1798] de Rome. Voir en annexe la transcription de la liste des livres envoyés de Rome pour la bibliothèque de l’Ecole polytechnique transcrite par Rochas, administrateur de la bibliothèque de l’Ecole polytechnique. Comme lors de sa précédente mission en Italie, Monge cherche à être utile à l’École alors que ses collègues Prieur, Guyton et Deshautchamps doivent la défendre et la protéger. Sur les signes de la préoccupation incessante de Monge pour l’École voir les lettres n°15, 17, 43, 77, 84, 85, 87, 95, 103, 127, 132, 145, 146, 151, 153, 156, 167, 168, 169, 170, 172, 175 et 185.
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
[1] Monge est préoccupé par le résultats des élections du 20 au 29 germinal an VI [9 au 18 avril 1798] pour le renouvellement du tiers du corps législatif (notamment après l’expérience des élections d’avril 1797 voir les lettres n°89, 90, 116, 118, 119), voir les lettres n°156, 160, 163, 164, 167, 176 et 177.
[2] Monge exprime à plusieurs reprises son ennui dans l’accomplissement de sa mission administrative et politique confiée par le Directoire. Voir les lettres n°151, 160, 163, 171 et 182. Catherine comme Monge fonde beaucoup d’espoir sur une élection au corps législatif pour permettre à son mari de rentrer à Paris (voir les lettres n°171 et 177).
[3] Monge souhaite poursuivre sa tâche à la direction de l’École polytechnique (voir les lettres n°127, 145 et 146) et la protéger des attaques (voir les lettres n°17, 43, 77 et 95). Comme dans sa précédente mission (voir les lettres n°15, 17, 84, 87, 85, 103, 127), Monge ne cesse d’exprimer sa préoccupation au sujet de l’École. Voir les lettres n°146, 151, 153, 156, 170 et 185.
[4] Dominique-Joseph GARAT (1749-1833) est envoyé comme ambassadeur à Naples en avril 1798.
[5] Louis-Charles-Antoine DESAIX (1768-1800) voir les lettres n°161 et 163.
[6] ? LACHAISE (17 ? - ? )
[7] Guillaume-Charles FAIPOULT DE MAISONCELLES (1752-1817) Monge a été son professeur et a étroitement collaboré avec lui en Italie. Les familles semblent entretenir de bonnes relations. Paméla et Louise sont amies avec sa fille adoptive Julie. Voir les lettres n°3, 42 et 164.
[8] Anne-Germaine DUCHÉ (1762-1815)
[9] Joseph Antoine FLORENS (1762-1842).
[10] Monge se montre attentif et prend garde de ne pas contrarier inutilement sa femme. Lors de cette mission il est beaucoup plus inquiet pour sa femme. Voir les lettres n°151, 153, 163, 167, 173, 176, 181 et 182.
[11] Monge est préoccupé par le résultats des élections du 20 au 29 germinal an VI [9 au 18 avril 1798] pour le renouvellement du tiers du corps législatif (notamment après l’expérience des élections d’avril 1797 voir les lettres n°89, 90, 116, 118 et 119 et les lettres n°156, 160, 163, 164, 167, 176 et 177. Le discours privé supplée le discours public des journaux, il faut prendre les informations auprès de personnes de confiance. Monge reçoit la même demande de la part de sa famille et de ses amis. Voir les lettre n°160 et 164.
[12] Dès son élection à la Convention en 1792 Joseph ESCHASSÉRIAUX (1753-1824) produit de nombreux rapports sur les subsistances, l’administration, la politique intérieure, la réunion de la Belgique à la France, la police et l’agriculture qui sont publiés dans Le Moniteur. Lors du renouvellement de son mandat législatif en avril 1797 il continue à présenter de nombreux rapports, projets de décrets sur les affaires coloniales. 51 de ses rapports, projets de décrets, discours, motions ou opinions, ont été imprimés par ordre de la Convention et du Conseil des Cinq-Cents, et de nombreuses publications notamment De la diplomatie, des droits des peuples, des principes qui doivent diriger un people républicain dans ses relations étrangères (an III). Voir la lettre n°177.
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
[1] Claude-Antoine PRIEUR DE LA CÔTE-D’OR (1763-1832)
[2] Voir les lettres n°15 et 43. Monge saisie aussi une machine électrique à Milan pour l’École polytechnique. Monge ne cesse de vouloir montrer à ses collègues de l’École que son absence ne signifie pas un abandon des engagements qu’il a pris envers l’École. Voir la lettre n°77.
[3] Monge montre peu d’admiration pour les savants de Bologne. Voir les lettres n°14 et 21. Alors que Thoüin rencontre Galvani qui effectue des expériences en sa présence, Monge n’en dit rien. La description de Thoüin offre un jugement plus favorable sur l’Institut de Bologne. THOÜIN A. (1841), pp. 191-195. La description du cabinet de physique, p. 194 et la rencontre avec les Volta p. 196.Voir aussi la lettre n°22.
[4] Charles DELACROIX (1741-1805). Voir la lettre n°15.
[5] Sur la question des canaux d’irrigation voir les lettres n° 9, 10, 13 à Catherine, lettre n°16 à Carnot et n°22 à N.J. Marey. Monge décline sa description selon le destinataire. Alors qu’avec Carnot, il insiste sur l’utilité d’un système de canaux du point de vue de la communication et de l’irrigation en soulignant les enjeux pour les savants de participer à des grands projets de travaux publics, Monge adresse à Prieur, collègue scientifique, bénéficie de la version la plus précise, d’un point de vue topographique et technique.Prieur un problème destiné aux élèves. Monge ne considère plus seulement l’utilité publique des systèmes de canaux mais aussi leur fécondité théorique en hydraulique, domaine consacré à l’étude « de la conduite et de l’élévation des eaux et des machines propres pour cet effet », et en hydrodynamique. Monge connait ces domaines depuis qu’en 1780, il devient l’adjoint de l’abbé Bossut, titulaire de la chaire d’hydrodynamique du Louvre, et qu’il est chargé de l’enseignement d’hydrographie. L’hydrodynamique s’est séparée de l’hydraulique pour constituer une branche de la mécanique qui se réserve l’étude « des lois générales du mouvement des corps fluides ». D’Alembert souligne la jeunesse du développement théorique de ce domaine dans l’Encyclopédie à l’entrée « Hydraulique » et « Hydrodynamique » en indiquant que D. Bernoulli est le premier à employer le terme d’hydrodynamique dans son Traité publié en 1738, Hydrodynamica, sive de viribus et motibus fluidorum commentarii.[…]. Dans cette lettre, apparait un autre signe de la préoccupation incessante de Monge pour l’École polytechnique et de sa volonté de continuer sa tâche de constitution du « matériel des études » (voir la lettre n°3). Le perfectionnement de l’enseignement de la mécanique constitue un enjeu essentiel non seulement pour le progrès des sciences et des applications mathématiques mais aussi pour l’École. (Voir infra). Quelques mois plus tard au début de l’an V [en octobre 1796], c’est justement sur la qualité de l’enseignement en mécanique que porte la critique de l’École par Laplace. (Voir la lettre n°77). Dans une lettre du 20 brumaire an V [10 novembre 1796], Deshautschamps, directeur de l’École, fait part à un membre du Directoire, certainement Carnot, de la critique de Laplace : « Il n’en admettra que deux pour l’artillerie et arguera «que la connaissance de la mécanique est indispensable et [qu’il a] trouvé généralement les élèves peu versés dans cette partie importante des mathématiques » (GRISON E. (1991), « Les premières attaques contre l’École polytechnique (1796-1799), Bulletin de la Société des Amis de la Bibliothèque de l’École polytechnique, n°8. [en ligne consulté le 27 septembre 2012] http://www.sabix.org/bulletin/b8/prieur.html.) Au sujet des attaques contre l’École polytechnique, voir les lettres n°43 et 95.
[6] La description de l’acheminement des blocs de granit et de marbre permet d’illustrer la question de la communication, mais Monge veut attirer l’attention sur l’irrigation.
[7] Dans la lettre précédente à Carnot, Monge envisage l’application d’un tel système aux landes de Bordeaux. Si l’Italie donne de très beaux exemples de l’art de l’aménagement et de l’architecture hydrauliques, ce que propose Monge est le perfectionnement de l’application de l’analyse au mouvement des fluides en initiant un mouvement de rationalisation des techniques. Il s’agit alors de dégager les principes, de les ordonner et de déterminer les méthodes et les conditions de leur application. Cela est semblable à ce que Monge a accompli et à ce qui l’a conduit à la fondation de la jeune Géométrie drescriptive. On assiste ici à la mise en rapport féconde des arts techniques et des sciences. Et la technique n’est plus simplement le résultat et le domaine d’une application théorique, mais la source de l’élaboration théorique. En 1751, à l’entrée « hydrodynamique », D’Alembert indique que la méthode d’application est encore en discussion notamment entre Euler et lui, et conclut : « On peut donc s'en tenir, ce me semble, dans le plus grand nombre des cas à la méthode que j'ai donnée en 1744, dans mon Traité des fluides, méthode qui donne des résultats assez conformes à l'expérience, quoiqu'elle ne soit pas dans la rigueur mathématique. » D’Alembert présente son traité de 1744 comme la suite de son Traité de Dynamique publié en 1741. Son traité d’hydrodynamique vise non seulement à compléter ses travaux sur l’application de l’analyse à la mécanique mais il s’inscrit aussi dans le processus de simplification, de réduction et de mise en ordre des principes de l’ensemble du domaine de la mécanique.
[8] Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822).
[9] Le conseil de perfectionnement de l’École polytechnique gère l’activité scientifique en veillant à l’adéquation aux buts fixés par la loi. Il surveille aussi les examens d’entrée et de sortie, et aménage la pédagogie. (DHOMBRES N. et J. (1989), p. 562). Le conseil est constitué des professeurs, alors appelés instituteurs, de leurs adjoints, du directeur, des sous directeurs et d’un secrétaire. (Procès verbaux des Séances du Conseil de l’École polytechnique de l’an III (1794) à l’an VII (1799)).
[10] Joseph-Louis LAGRANGE (1736-1813). La publication du J.E.P. postérieure à la lettre de Monge est le 5ème cahier en mai 1798. Lagrange y publie deux mémoires LAGRANGE J.L. (1798), « Essai d’analyse numérique sur la transformation des fractions », pp. 61-70 et « Sur le principe des vitesses virtuelles » pp. 115-118. J.E.P., 5ème cahier, Prairial an VI. Le mémoire auquel Monge fait référence semble être le deuxième. La question des vitesses virtuelles est l’objet d’un mémoire de Lagrange mais aussi du premier article scientifique de Fourier et d’un autre de Prony dans le même 5ème cahier du J.E.P. Prony y fait référence au mémoire de Fassombroni de 1796. (Voir infra.) Monge, à l’instar de Lagrange qui est l’instigateur, a la volonté de développer un réseau de mathématiciens français et italiens autour d’une même préoccupation l’application de l’analyse à la mécanique et l’élaboration de traités élémentaires. Il détermine ainsi une pratique scientifique collective à vocation pédagogique dirigée vers le progrès des sciences. (Voir infra)
[11] Il y a deux professeurs de mathématiques à l’université de Pavie à cette période qui s’appellent Fontana : Gregorio FONTANA (1735-1803) et Mariano FONTANA (1746-1808). Les deux sont appelés père Fontana. Le premier remplace Ruggiero Giuseppe BOSCOVICH (1711-1787) à la chaire de Mathématiques pures et le second occupe celle de Mathématiques appliquées à la mécanique et à la statique. Il publie, d’ailleurs, un cours de Dynamique en trois volumes de 1790 à 1795. Il est donc probable qu’il s’agisse de ce dernier. Pourtant, si l’analyse est le domaine de recherche de Gregorio FONTANA, il l’envisage aussi dans ses applications à la mécanique, l’optique et l’astronomie. De même à Pavie son enseignement de l’analyse est orienté vers les questions physico-mathématiques comme cela est souligné dans l’« Avviso dell’editore » qui précède la publication de ses Lezioni sul Calcolo Infinitesimale, e sua applicazione alla Fisica (1793). Mais il est connu des mathématiciens français bien avant la commission des sciences et des arts, pour ses travaux en analyse dans un autre domaine qui correspondent aussi aux préoccupations scientifiques des mathématiciens français. En effet, vers 1781, dans une note inédite sur l’ « application de l’analyse à la population et à la mortalité », Condorcet fait référence à sa traduction commentée de la seconde édition du Traité des annuités d’A.de Moivre (1756) publié en Italie en 1776. Cet ouvrage est diffusé en France dès 1778. La première page indique qu’il s’agit d’une thèse sous la direction de Gregorio Fontana. Pourtant, Fontana est considéré, et spécialement par Condorcet, comme l’auteur de cet ouvrage. Ce dernier n’est pas seulement constitué d’une traduction du Traité, de tables mais aussi de notes explicatives et d’un « Discorso preliminare », au travers de ces différents éléments sont rassemblées des réflexions de Fontana sur le calcul des probabilités. (CONDORCET, (1994) Arithmétique politique : textes rares ou inédits (1767-1789), ed. BRU B. ET CRÉPEL P., p. 341.)
[12] Vittorio FOSSOMBRONI (1754-1844) (1796), Memoria sul principio delle velocita virtuali, Florence. Il est cité par Prony « Je ne saurais trop engager les élèves, conclut Prony, à se rendre familier l’usage et la considération du principe des vitesses virtuelles dans les différents systêmes de corps, et en général dans la solution des problèmes de mécanique rationnelle et pratique […] Je dois aussi indiquer aux élèves un ouvrage dont il leur sera très utile de réunir la lecture et l’étude aux instructions qu’ils reçoivent à l’École sur la matière ; c’est un mémoire italien publié à Florence en 1796 par M. Fossombroni et intitulé Memoria sul principio delle velocita virtuali. Ce traité leur offrira une foule d’exercices très profitables surtout à ceux qui veulent étudier la mécanique analytique. » in PRONY (1798) « Sur le principe des vitesses virtuelles, et la décomposition des mouvements circulaires » J.E.P. 5èmecahier, pp. 191-208, p. 204. Fossombroni fait partie d’un réseau de mathématiciens italiens et français déjà constitué. En 1795 et 1798 Lacroix reçoit des lettres du géomètre italien. (Ms 2396 et 2397, papiers de S.F. Lacroix, BIF). Il faut ajouter que les deux mathématiciens italiens Fossombroni et Pietro Paoli sont distingués des autres Italiens par l’ambassadeur Miot de Melito dans ses Mémoires. MIOT DE MELITO A.F. (1858), p. 136.
[13] Pietro PAOLI (1759-1839) auteur notamment des Elementi d’Algebra publiés en 1794. Lacroix ne fait pas de référence à Paoli dans la première édition de 1797-1798 de son Traité du Calcul différentiel et du Calcul intégral. Par contre dans l’édition abrégée de 1802 Traité élémentaire de calcul différentiel et de calcul intégral Paoli est cité à deux reprises : sur la fonction arbitraire qui rentre dans l’intégration d’une équation différentielle partielle (p. 517) et sur le Calcul aux différences mêlées (p. 626). Enfin dans l’édition de 1819, Tome 3, Lacroix cite des travaux de Paoli en référence bibliographique notamment les Elementi, (1780) Liburnensis Opuscula analytica, Opusc. I. (p. xiii) et (1788), « Sull’equazioni a differenze finite / del medesimo », Memorie di Matematica e fisica della Societa italiana, T.4, pp. 455-472. Comme avec Fossombroni, Lacroix échange avec Paoli quelques lettres en 1798. (Ms 2396, papiers de S.F. Lacroix, BIF).
[14] Barnaba ORIANI (1752-1832). Astronome italien. Il est le directeur de l’Observatoire de la Brera. Il est bien connu des savants français. L’astronome français Lalande a d’ailleurs chargé le naturaliste André Thoüin d’une commission : « Un des plus beaux établissements de cette grande ville est le collège de la Brera. Les astronomes attachés à l’observatoire qui en fait partie étaient des savants de premier ordre ; MM. Oriani, Coesaris et Reggio. Je leur portai un paquet dont M. de Lalande m’avait chargé pour eux ; ils furent très sensibles au souvenir de leur bon et ancien correspondant. » THOÜIN A. (1841), p. 47. Voir la lettre n°8. Oriani est officiellement élu correspondant à la première Classe de l’Institut national, section d’astronomie le 11 messidor an XII [2 juillet 1804]. Bonaparte ne manque pas de contacter le savant lorsqu’il est à Milan afin de l’informer des nouveaux rapports entre le pouvoir politique et les sciences inaugurés par l’institution de la république en France. Favoriser le progrès des arts et des sciences, c’est favoriser les échanges entre savants et c’est étendre le domaine de leur action. Dans Le Moniteur n°292 du 22 messidor an IV [10 juillet 1796] sont mentionnées des lettres de Bonaparte à l’astronome. Il lui écrit le 5 prairial an IV [24 mai 1796] de Milan. C’est cette seule lettre qui est publiée dans la CGNB : « Les sciences, qui honorent l’esprit humain, les arts, qui embellissent la vie et transmettent les grandes actions à la postérité, doivent être spécialement honorés dans les gouvernement libres. Tous les hommes de génie, tous ceux qui ont obtenu un rang distingué dans la république des lettres, sont Français, quel que soit le pays qui les ait vus naître. Les savants dans Milan n’y jouissaient pas de la considération qu’ils doivent avoir. Retirés dans le fond de leur laboratoire, ils s’estimaient heureux que les rois et les prêtres voulussent bien ne pas leur faire de mal. Il n’en est pas ainsi aujourd’hui ; la pensée est devenue libre dans l’Italie. Il n’y a plus ni inquisition, ni intolérance, ni despotes. J’invite les savants à se réunir et à me proposer leurs vues sur les moyens qu’il y aurait à prendre, ou les bseoins qu’ils auraient, pour donner aux sciences et aux beaux-arts une nouvelle vie et une nouvelle existence. Tous ceux qui voudront aller en France seront accueillis avec distinction par le gouvernement. Le peuple français ajoute plus de prix à l’acquisition d’un savant mathématicien ; d’un peintre de réputation, d’un homme distingué, quel que soit l’état qu’il professe, qu’à celle de la ville la plus riche et la plus populeuse. Soyez donc, citoyen, l’organe de ces sentiments auprès des savants distingués qui se trouvent dans Milan. » (627, CGNB). Bonaparte ne semble pas seulement vouloir saisir en Italie des objets utiles pour le progrès des arts et des sciences mais aussi des savants et des artistes. De Bologne le 3 messidor an IV [21 juin 1796], il écrit au Directoire pour rendre compte de sa rencontre avec le savant : « J’ai vu à Milan le célèbre Oriani. La première fois qu’il vint me voir, il se trouva interdit et ne pouvait pas répondre aux questions que je lui faisais. Il revient enfin de son étonnement : Pardonnez, me dit-il, mais c’est la première fois que je rentre dans ces superbes appartements mes yeux ne sont pas accoutumés… Il ne se doutait pas qu’il faisait, par ce peu de paroles, une critique amère du gouvernement de l’archiduc. Je me suis empressé de lui faire payer ses appointements , et de lui donner ls encouragements nécessaires. Vous trouverez ci-joint les copie des lettres que je lui ai écrites dès l’instant que j’ai reçu la recommandation que vous m’avez envoyée pour lui. » (709, CGNB) Lorsque la commission est à Milan, Bonaparte organise un dîner avec les membres de la commission et des savants milanais, Thouin en fait le récit en soulignant la capacité de Bonaparte à désorienter ses interlocuteurs sans nommer Oriani : « M. Monge avait reçu du vainqueur des troupes piémontaises et autrichiennes une invitation pour tous les membres de la Commission, avec prière à chacun d’engager de savants et artistes les plus distingués de la ville, qui se réuniraient aux personnes que le général avait invitées lui-même. Notre choix tomba sur MM. le docteur Moscati, Razori, jeune médecin qui se livre particulièrement à l’anatomie ; Franchi, sculpteur estimé ; le père Pini, professeur au collège de Saint-Alexandre et directeur d’un beau cabinet de minéralogie ; Amoretti, secrétaire perpétuel de la Société d’Agriculture et des Arts, et enfin l’architecte qui a construit le théâtre de la Scala. Mes collègues, MM. Berthollet, Monge, Moitte, Berthélemy, Tinet et moi, accompagnés de ces six messieurs, nous nous rendîmes chez le général en chef, où nous trouvâmes MM Oriani, astronome de l’Observatoire de la Brera ; Appiani, Gros, peintres ; Wicar, dessinateur, ces deux derniers Français et connus par un rare talent, et enfin sept ou huit autres artistes ou savants recommandables. La table était de vingt-cinq couverts ; le général Berthier, chef d’état-major, était du nombre des convives. Mme Bonaparte fit les honneurs du dîner avec autant de grâce que de prévenances ; le général en chef fêta aussi beaucoup les personnes invitées en rappelant à chacune ce qu’elle avait produit de plus marquant, et parlant de leurs ouvrages en homme de goût. Le dîner, à un seul service, sans profusion, sans ostentation, dura environ une heure et demie. Au lever de table, la conversation devint plus animée. Elle avait commencé sur les arts, elle continua sur les sciences, la chimie, la minéralogie ; et quoique ces matières n’eussent pas un rapport direct avec l’objet des études du général, il les discutait d’une manière si judicieuse qu’il embarrassait quelquefois ses interlocuteurs. Après un entretien de deux heures, tout le monde se retira. » THOUIN A. (1841), pp. 78-79. Dès sa rencontre avec le général Bonaparte, Monge a dû être sensible à cette volonté de stimuler les échanges scientifiques, à son attention sur les savants et à son intérêt pour les différents domaines scientifiques, des mathématiques à la médecine.
[15] Monge constitue deux groupes. Le premier est constitué de trois Conventionnels de la Côte-d’Or (Charles-François OUDOT (1755-1841) ; GUYOT DE SAINT-FLORENT (1755-1834) ; Théophile BERLIER (1761-1844)) et le second de deux chimistes collègues de l’École polytechnique (Antoine-François FOURCROY (1755-1809) et Louis-Bernard GUYTON DE MORVEAU (1737-1816)) avec lequel Prieur et Deshautchamps défendent l’École lors de l’absence de Monge. Le seul qui ne soit pas originaire de la Côte-d’Or est Fourcroy. Par contre tous ces hommes ont été ou sont députés.
Cette lettre à celui qui enseigne désormais la Géométrie descriptive à l’École polytechnique, Jean-Nicolas-Pierre HACHETTE (1769-1834) est perdue, mais il en a publié un extrait dans une note intitulée « Analyse appliquée à la géométrie », dans la Correspondance sur l'École impériale polytechnique, vol. 1, n° 7 (1807), p. 209-213. Il s'agit d’abord de la solution d’un problème de géométrie différentielle (pp. 209-211) : « Trouver l’équation de la surface développable qui a pour arête de rebroussement une courbe à double courbure, dont on connaît l’équation unique aux différences ordinaires ? Solution par M. Monge » (voir TATON R. (1951), p. 230.) Ensuite, il démontre un théorème de géométrie analytique (pp. 211-213). En note, Hachette indique que « M. Monge [lui] a envoyé la démonstration de ce théorème de Rome le 6 floréal an 6 […] » Ce théorème porte sur « les relations existant entre les divers coefficients qui interviennent dans un changement d’axes rectangulaires dans l’espace ». Dans cette lettre à Hachette « Monge démontre par des considérations de géométrie pure les relations qui existent entre les cosinus directeurs de trois axes rectangulaires considérés par rapport à trois autres axes rectangulaires de même origine et entre les cosinus directeurs du second système d’axes par rapport au premier. Les six formules classiques de chaque groupe avaient déjà été signalées par Euler et Lagrange et la seule originalité de la démonstration de Monge est sa méthode simple et purement géométrique. » TATON R. (1951), p. 124 et 139. Cela montre que Monge en Italie, quelques semaines avant de s’embarquer pour l’Égypte ne se désengage pas de sa mission d’élaboration de l’enseignement destiné aux élèves de l’École polytechnique, comme il le souligne de Venise huit mois auparavant en écrivant à sa femme qu’il n’a pas encore achevé ce qu’il a entrepris. Voir la lettre n°127.
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
Extrait d'une lettre datée de Civitavecchia, le 6 prairial de l'an VI (25 mai 1798), écrite par Monge à Guyton, directeur par intérim de l'École polytechnique. [R.T.].
[2] Louis-Bernard GUYTON DE MORVEAU (1737-1816) directeur par intérim de l’École lors de la mission de Monge (voir les lettres n°145 et 146).
[3] Bibliothèque Sainte-Genviève. Pierre DAUNOU (1761-1840) nommé comme Monge commissaire de la République à Rome. Il quitte alors ses fonctions de conservateur en chef de la bibliothèque du Panthéon. Tout comme Monge, Daunou profite de sa mission en Italie pour enrichir le fonds de son institution et montre ainsi qu’il ne cesse pas de lui être utile.
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
[2] Ce n’est finalement que le Le 21 prairial [9 juin 1798] au soir que le convoi de Civitavecchia rejoint la grande flotte de Bonaparte. (Voir infra.)
[4] Il ne doit pas s’agir de l’ami de Monge, le mathématicien Alexandre-Théophile (1735-1796) VANDERMONDE mais du médecin Charles-Augustin VANDERMONDE (1727-1762). Il est l’auteur d’un Dictionnaire de Médecine publié en 1760. C’est sans doute dans cet ouvrage que Monge a eu connaissance du remède contre le mal de mer.
[6] Auguste François Marie COLBERT DE CHABANAIS (1777-1809). Colbert est l’aide de camp du général Murat. Voir infra.
[9] Les conditions météoroligiques empêchent l’avancée rapide et groupée du convoi et cela dès le début de la traversée.
[11] Antoine-Marie CHAMANS DE LAVALETTE (1769-1830) n’est pas l’aide de camp de Murat mais de Bonaparte.
[12] La nuit du 12 au 13 prairial. (Voir supra.) La référence à Pénélope exprime clairement le sentiment d’avancée et de régression que Monge ne cesse d’avoir et qui traduit aussi son impatience. La référence biblique et celle à l’Odyssée montrent une fois encore l’enthousiasme de Monge à s’embarquer pour une longue traversée mais aussi la haute idée qu’il s’en fait.
[13] Alors que Monge est impatient à l’idée d’être en arrière par rapport à la flotte de Bonaparte, ils arriveront à Malte les premiers (voir infra « le 18-19 »)
[14] Monge exprime à plusieurs reprises le caractère ambulant de ses activités. Il apparaît ainsi comme un nouveau type de géomètre. Voir aussi la lettre n°164 dans laquelle il se compare à un marin.
[15] Catherine n’a pas été facile à séduire, ni à convaincre. Ce qui est rapporté par les biographies d’après le récit d’Arago n’est pas de l’ordre du conseil. Il est écrit que pour finir de la convaincre alors qu’elle s’inquiétait de lui imposer les ennuis causés par la liquidation compliquée de ses forges, Monge lui répond : « Ne vous arrêtez pas, Madame, à de pareilles vétilles ; j’ai résolu dans ma vie des problèmes bien autrement difficiles ; ne vous préoccupez pas non plus de mon peu de fortune ; veuillez m’en croire les sciences y pourvoiront. » ARAGO F. [1853] (1965), p. 34. Sur le début des amours entre Catherine et Gaspard, voir infra passage du « 25 prairial [13 juin 1798] ».
[16] François de CHASSELOUP-LAUBAT (1754-1833) général de brigade du Génie de l’Armée d’Italie. Il épouse en 1798 Anne-Julie FRESNEAU ( ? -1848). De Paris le 30 germinal an VI [19 avril 1798], Catherine ne manque pas de donner l’exemple de Chasseloup qui selon elle a refusé de partir à la demande de sa jeune femme. Catherine cherche aussi à combattre l’idée que Monge est indispensable à la réalisation et à la réussite d’un projet révolutionnaire : « […] tu m’aurais fait bien plus de plaisir mon cher ami de me parler franchement, que de me dire un mot dans tes deux dernières lettres, qui m’ont laissé voir toutes tes faiblesses ; on t’a surement dit que cela n’irait pas sans toi, eh bien n’en crois rien cela ira de même, quand il y a 150 individus, qui s’occuperons de la même chose un de plus ou de moins n’y fait pas grand chose, eut-il encore mille dois plus de mérite et d’activité que toi, le général Chasseloup qui devait être du voyage, s’en est retiré il y a huit jours à la sollicitation de sa petite femme qu’il aime, il a écrit au général pour se dégager voyant qu’on ne lui faisait pas de réponse il est allé la chercher, on l’a chambré, on lui a dit qu’il perdait tout le fruit de ses campagnes d’Italie, on l’a cru battu, deux jours après il a écrit de nouveau avec prière de ne plus lui en parler, il y est allé le lendemain avec sa femme, on ne lui a rien dit là-dessus, ni lui non plus, ils sont fort contents l’un et l’autre du parti qu’ils ont pris, il n’en est pas mort, il fera autre chose pour la république, on peut la servir sans aller courir les mers quand on n’a pas été élevé pour cela […]. »
[17] C’est le13 qu’ils sont à Malte. Voir infra passage du « 25 prairial [13 juin 1798] ». Le 12 juin est la date anniversaire de leur mariage et la fleur de genêt le leur rappelle. Voir les lettres n°8, 107 et 181.
[18] Monge exprime à plusieurs reprises de l’inquiétude dans le récit de la traversée et sa fille Louise y répond dans sa lettre de Paris, le 21 prairial [9 juin 1798] : « […] vous deviez être bien inquiets de ne pas voir paraître la flotte de Bonaparte mais heureusement tout s’est terminé à l’avantage de la république à votre satisfaction et à celle de tous ceux qui s’intéressent à vous. »
[21] Louis Marie Maximilien de CAFARELLI DU FALGA (1756-1799) général de brigade, commandant du Génie à l’armée d’Orient.
[22]Jean Honoré dit Horace SAY (1771-1799), officier du génie élève de Monge et professeur à l’École polytechnique commandant du génie et chef d’état major du général Cafarelli, il est mort des suites d’une blessure reçue au siège de St-Jean d’Acre. [note sur la copie de la B.I.F.]
[24] François BERGE (1779-1832) élève polytechnicien de la première promotion. Catherine écrit de Paris le 18 floréal an VI [7 mai 1798] : « Je profite encore mon cher ami de l’occasion de Berge pour t’engager à venir prendre ton poste au corps législatif, tu ne peux t’imaginer jusqu’à quel point je te saurais gré de ne pas faire ce voyage que surement je trouverais bien plus beau et bien plus utile quand tu n’en seras plus. Adieu mon ami je t’embrasse tant que [ce] fatal vaisseau ne sera pas parti je conserverai toujours l’espoir de te revoir.] » Catherine Monge écrit une série de lettres depuis mars 1798 afin de dissuader son mari de prendre part à l’Expédition. Elle exprime sans retenue son désaccord et son profond chagrin en le priant de s’en entretenir avec elle ouvertement.
[25] Louis MONGE (1748-1827) qui remplace son frère et effectue la tournée d’examinateur de la Marine.
[28] Louise écrit en réponse dans de Paris, le 21 prairial [9 juin 1798] : « Eschassériaux [député aux Cinq-Cents et mari de Louise] n’a pas encore lu tes lettres il a appris avec bien du plaisir la prise de Malte et a fait un petit discours au conseil pour demander qu’il décrète que l’armée a bien mérité de la patrie mais c’est toujours la même chose et c’est une bien petite récompense pour tous les services qu’elle nous rend. »
[29] Antoine Étienne TOUSARD (1751-1813) commandeur et servant d’armes. Ingénieur de l’Ordre de Malte. Il quitte Malte et s’embarque avec Bonaparte pour l’Égypte.
[31] Jean-Baptiste Pierre BOUDET (1748-1828), pharmacien en chef attaché à la commission des sciences et des arts.
[33] Jean-Marie-Joseph COUTELLE (1748-1835). Attaché à la commission comme officier d’aéronautique pour fabriquer des ballons.
[34] Louise MONGE (1779-1874), son mari Joseph ESCHASSÉRIAUX (1753-1824) et son frère René ESCHASSÉRIAUX (1754-1831).
[35] Anne Françoise HUART (1767-1852), jeune sœur de Catherine HUART et son mari Barthélémy BAUR (1752-1823) et leur fils Émile BAUR (1792- ?).
[36] Marie-Élisabeth Christine LEROY (1783-1856) appelée Paméla, nièce de Catherine HUART et Louis MONGE (1748-1827) et Marie-Adélaïde DESCHAMPS (1755-1827). Louis remplace son frère à son poste d’examinateur de la Marine. Monge démissionne en décembre 1799 en proposant son frère Louis qui l’a toujours remplacé lors de ses missions. Voir les lettres n°26, 177 et 204. Sur Monge examinateur de la Marine voir les lettres n°2, 9, 131 et 173.
[38] Monge insiste sur la nature grandiose de ce qui est entrepris avec l’expédition d’Égypte. Voir les lettres n°153, 163, 171, 174, 176 et 184.
[39] C’est en fait le 13 juin. Le 12 juin est la date anniversaire du mariage de Monge et Catherine. Le 12 juin 1795 Monge est à Aulnay chez Berthollet. Après les journées de Prairial, le 29 mai 1795 Monge est obligé de quitter Paris et de se cacher (voir la lettre n°1). Le 12 juin 1796 il est à Milan (voir la lettre n°8). Le 12 juin 1797 il est sur la route de Naples. Voir infra et la lettre n°107.
[40] Le début des amours entre Catherine Huart, la jeune veuve du maître de forges Horbon, et Monge, le professeur de l’École du génie, a occupé la petite société de Rocroi et de Mézières. Plusieurs anecdotes sont attachées au récit de leur rencontre. Il est d’abord raconté que dans un salon de Mézières un homme éconduit par la belle et farouche Catherine se vante de colporter des rumeurs afin de l’empêcher de pouvoir se marier avec un autre. Le sang de Monge ne fait qu’un tour, le géomètre s’élève contre tant d’injustice et défend la jeune femme, sans même la connaître, d’une « voix retentissante » (de Launay L. (1930), p. 20.) ou d’une « gifle retentissante » (Cartan E. (1947), p. 11.) Aubry diffère des autres biographes en indiquant que Monge connaît déjà Catherine lors de cet événement. Et cela va lui permettre de la conquérir définitivement. Ils se rencontrent la première fois chez Tisseron ami de Monge à Mézières. Monge commet la maladresse de l’embrasser comme toutes les autres personnes présentes. Mais à la différence de Monge, elle les connaissait déjà. Catherine le prend alors pour un « viveur » et un « libertin » (Aubry, P. V. (1954), p. 29.) Rassurée, elle accepte enfin une invitation de Monge, mais un de leurs amis fait alors une « farce douteuse : s’étant emparé des socques qui avaient protégé les fines chaussures de Mme Horbon, il les glissa sous le lit de Monge, en disant que c’était parce qu’on y trouverait un jour les pantoufles de la belle invitée. Celle-ci, apprenant la plaisanterie, jura que son hôte pourra attendre bien longtemps une telle éventualité. » (Aubry, P. V. (1954), p. 29.) C’est ainsi que lorsqu’elle apprend comment Monge a défendu son honneur, il obtient un mot d’introduction pour visiter les forges de Catherine. On imagine facilement quel enthousiasme animait Monge pour se rendre à un tel rendez-vous !
[5] Dès son arrivée Monge exprime toute sa volonté de reprendre ses responsabilités envers l’École. Monge ne cesse jamais de montrer une active préoccupation pour l’école. Voir les lettres n°3, 15, 84, 85, 87, 95, 103, 127, 132, 145, 146, 151 153, 156, 167, 168, 169, 170, 172, 175 et 185.
Paris, le 10 nivôse de l'an IV de la République française
Je suis à peine excusable, mon cher Marey[1], de tarder si longtemps à vous écrire ; mais le travail de l'École polytechnique[2] m'occupe si fort que je ne puis presque plus penser à autre chose. C'est un petit chef-d'œuvre que je ne veux abandonner à lui-même que quand il sera entièrement terminé. J'ai encore environ pour un an de travail pour rédiger et mettre en ordre le matériel des études[3] ; il faut de plus pour le courant que je fasse onze leçons par décade ; tout cela ne me laisse presqu'aucun moment de libre.[4] Je me souviens d'avoir vu un tableau représentant les mathématiques. C'était un jeune homme d'une physionomie très spirituelle, profondément occupé de l'objet de ses méditations, à la lueur d'une lampe, et ayant un coq perché sur le dos de son siège. J'ai toujours pensé que le peintre avait voulu exprimer par la lampe que le mathématicien devait veiller tard ; et par le coq qu'il devait se lever tôt.[5] Eh bien, depuis votre départ, je mets le conseil à exécution, comme je le faisais avant mon mariage.[6] Souvent, il est plus de minuit quand je me couche, et souvent il n'est pas encore quatre heures du matin quand je me lève. Tout cela ne me rend pas excusable; mais cela explique la négligence, et c'est tout ce que j'ai prétendu faire par tout ce verbiage.
Vous désiriez, mon cher ami, avoir des nouvelles, et surtout des renseignements sur l'esprit public[7] ; car c'est là ce qui donne de l'inquiétude aux patriotes qui sont persuadés qu'avec du zèle, de l'enthousiasme pour la liberté et les vertus républicaines, la France ferait des miracles, comme elle en a fait tant que ce zèle a existé, qu'elle forcerait ses ennemis à l'admiration pendant la guerre, et qu'elle porterait pendant la paix, l'esprit humain au plus grand degré de perfection.[8] Si une petite république comme celle de Genève, dont le gouvernement même n'était pas démocratique, sans territoire et avec une très petite population, a su perfectionner son industrie au point de procurer à tous ses citoyens une existence plus aisée et plus douce que celle des habitants de tous les autres gouvernements, à la vérité par l'esprit mercantile, et en mettant à contribution l'ignorance et l'inattention des peuples voisins, ce qui n'est pas très philosophique,[9] que ne devrait pas produire une grande nation comme celle des Gaulois, avec un meilleur gouvernement, avec une connaissance plus exacte des principes de la liberté et de l'égalité, avec un superbe territoire tant par son étendue que par sa position[10] ; lorsque les lumières rendues populaires iraient partout déterrer les hommes de génie; lorsque ceux-ci, en augmentant la masse de lumières acquises, dirigeraient les efforts de la multitude.[11] Et lorsqu'en faisant tout pour le peuple, ce qui tourne toujours au profit du riche qui en profite comme peuple et comme riche, on soulagerait le pauvre d'une foule de travaux pénibles, en mettant à contribution, non l'ignorance des peuples voisins, mais les forces inépuisables de la nature, et en ne réservant à l'homme que l'exercice de son intelligence pour diriger l'emploi de ces forces.[12] Voilà ce qui a fait désirer aux hommes éclairés le gouvernement républicain. C'est le seul gouvernement qui puisse entretenir une exaltation continuelle et une disposition habituelle de la part de tous ses membres au dévouement et aux sacrifices pour la patrie. C'est le seul qui puisse donner à l'esprit humain toute sa perfection ; c'est le seul qui ne trouve rien de difficile, rien d'impossible de la part d'une grande nation. Mais pour cela il vaudrait mieux avoir des républicains sans République qu'une République sans républicains.[13]
Les malheureux qui, pour satisfaire de petites passions, ont crié à la perversité lorsque la morale du peuple était la plus digne d'admiration, et qui ont changé cette belle nation en une troupe de brigands qui se trompent les uns les autres et qui sacrifient tout sans pudeur pour le gain le plus révoltant, ces malheureux, dis-je, swont bien coupables. Ils ont ôté au peuple tous les moyens d'instruction qui s'étaient accumulés lentement depuis Charlemagne[14] ; ils l'ont abandonné aux prêtres qui sont les apôtres du mensonge, qui, dominant par la terreur qu'ils inspirent pour des chimères, sont perpétuellement en guerre contre les lumières et le courage, leurs ennemis naturels, et qui, décriant à leur tour un gouvernement qui doit les apprécier à leur juste valeur, en sont les ennemis les plus acharnés. C'était en établissant partout des moyens d'instruction, en élevant partout des chaires de vérités en opposition aux chaires de mensonges et d'absurdités qu'on pouvait espérer de détruire un jour tous les moyens de domination que la cour de Rome a mis tant de temps à dresser. Mais on n'a rien fait de tout cela ; et peu à peu la République se paralyse.[15]
Le véritable thermomètre de l'esprit public sont les assignats. Ce n'est pas par leur nombre ; ce n'est pas par leur rapport avec les biens nationaux qui en sont le gage ; ce n'est pas même par la crainte qu'on pourrait avoir sur l'existence du gouvernement qui doit les soutenir; ce n'est pas tout cela, dis-je, qui les discrédite. Ils sont tombés parce qu'ils étaient l'instrument d'une révolution qu'on a rendue odieuse à la multitude au lieu de la lui faire chérir. Ils sont tombés parce qu'il était de l'intérêt des prêtres d'ôter à la République un si bon véhicule. Ils sont tombés comme les décadis à mesure que les dimanches se sont reproduits ; ils sont tombés pour la même raison qu'un mauvais papier royal aurait la plus grande faveur s'il pouvait en paraître ; de même que les maîtres de poste ont conduit avec le plus grand zèle la fille de Louis XVI à Bâle et gratis tandis qu'ils refusent tout service aux fonctionnaires de la République.[16]
Néanmoins, mon cher Marey, tranquillisez-vous. La liberté est semée en France. Des gens courageux avaient voulu planter cette forêt nouvelle d'arbres tout venus, et dans la force de l'âge; des méchants, pour se battre entre eux, ont arraché ces arbres ; mais en les agitant, ils ont semé le gland et il poussera lentement. Les orties s'efforcent d'étouffer les jeunes pousses; elles donnent de l'inquiétude aux amis de la forêt qui, peut-être aussi, sont trop pressés de jouir. Ils ne croient pas pouvoir arracher jamais tant de mauvaises herbes. Qu'ils laissent agir la nature, la pluie, le soleil, et la vertu du gland le fera tôt ou tard triompher de ses obscurs ennemis ; et quand la forêt sera grande, il ne restera pas trace des orties dont les racines serviront d'engrais à des chênes vigoureux qui seront l'appui du lierre, les patrons du gui, l'asile des oiseaux, l'ornement de la terre, qui fourniront au bétail une nourriture abondante, au génie l'encre qui communique les lumières, les vaisseaux qui les portent d'un bout de l'univers à l'autre, et à l'industrie tous les moyens par lesquels l'homme substitue à ses faibles bras la force des éléments, et s'approprie pour ainsi dire toutes celles de la nature entière.
Mais le papier va me manquer et je n'ai encore rien dit. Embrassez bien pour moi tout notre monde.[17] Ma femme devrait écrire un petit mot à la mère de la citoyenne Faipoult.[18] Vandermonde[19] qui l'a vue m'a dit qu'elle était un peu piquée de la constance avec laquelle on avait refusé les offres pour lesquelles elle avait fait des frais; et les frais méritent un remerciement.
Salut et fraternité ! J'ai du monde dans ma chambre.[20] Je suis obligé de finir. [Monge]
[1] Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818) épouse en mai 1795 Émilie MONGE (1778-1867), la fille aînée de Gaspard Monge. Après l’exécution de Louis XVI, Marey se retire de la scène politique parisienne et reprend ses activités de négoce à Nuits en Bourgogne. La correspondance que Monge adresse à Marey résulte non seulement de leur amitié fondée sur une préoccupation politique commune mais aussi de la volonté de conduire Marey à se maintenir dans l’action politique. (Voir la lettre n°90). Cela répond aussi à une demande de sa femme Catherine Huart et de sa fille Émilie Monge. Ces deux dernières vivent mal l’éloignement d’Émilie en Bourgogne depuis son mariage et désirent que le couple revienne vivre à Paris. Catherine l’exprime à plusieurs reprises dans les lettres à son mari : de Paris, le 26 thermidor an IV [13 août 1796] « Elle me fait un grand vide cette pauvre Émilie qui ne m’a jamais donné que des jouissances, m’en voilà séparée pour toujours. » ; le 17 floréal an V [6 mai 1797] « Passerez-vous par Nuits ? Fais en sorte de passer par là, Émilie est encore grosse, [elle] s’ennuie toujours dans ce pays-là, adieu mon ami. » ; le 10 messidor an V [28 juin 1797] « Tu ferais bien mieux de ramener avec toi Émilie et lui, ils passeraient l’hiver avec nous, cela ferait bien plaisir à cette pauvre Émilie… » ; le 17 germinal an VI [6 avril 1798] « Je ne sais pas si je t’ai dit que le C.[itoyen] Marey était électeur, il est sur la liste de la Côte-d’Or pour être député, Eschassériaux lui a écrit à la sollicitation d’Émilie pour l’engager à accepter. Je ne sais ce qu’il fera, cela me rendrait ma pauvre Émilie pour 3 ans. C’est tout ce que je vois de beau […]. » Émilie l’exprime à son tour dans une lettre de Nuits le 25 germinal an V [ le 14 avril 1797] en soulignant la spécificité de son premier départ de Paris au printemps 1795 accompagnée de sa mère et sa sœur Louise : « J’ai eu beaucoup plus de peine à m’habituer à Nuits cette fois-ci que l’autre, je quittais brusquement toute ma famille sans emmener avec moi quelqu’un comme à la première fois, et notre petite ville m’a parut encore plus triste qu’elle ne l’est. » Lorsque Monge écrit cette lettre à Marey ses deux filles et sa femme se trouvent à Nuits. Voir la fin de la lettre.
[2] L’École a changé de nom par le décret de la Convention du 15 fructidor an III
[1er septembre1795].
[3] En 1796, Monge ne publie qu’un article « Sur les lignes de courbure de la surfaces de l’ellipsoide ; JEP, 2e cahier, pp. 145-165. L’année 1795 est particulièrement féconde puisque sont publiés Les cours de Géométrie descriptive de l’École normale de l’an III (1795 ; 160 p.) et les Feuilles d’analyse appliquée à la géométrie pour l’École polytechnique (1795 ; ensemble de 28 feuillets comportant deux à huit pages de texte). Il semble alors que jusqu’à son départ en Italie en mai 1796, Monge perfectionne pour l’École polytechnique son mode d’exposition de son enseignement de Géométrie descriptive élaborée d’abord pour l’École normale en cherchant à l’organiser son enseignement de l’Application de l’analyse à la géométrie.
[4] Après son retour à l’École en juillet 1795 jusqu’à son départ pour l’Italie en mai 1796, Monge reprend son cours de géométrie et donne le matin des leçons de coupe des pierres et des bois, puis sur les ombres et la perspective six fois par décade à la division de stéréotomie et deux fois par décade aux deux divisions supérieures. Voir la lettre n°1, 62, 127 et 170.
[5] Il ne m’a pas été possible d’identifier ce tableau ni même de trouver des allégories des mathématiques qui correspondent à la description de Monge. Les personnifications des mathématiques sont le plus souvent féminines.
[6] Gaspard Monge épouse Catherine HUART veuve HORBON (1747-1846) le 12 juin 1777. Sur leur rencontre et leur mariage. Voir les lettres n°8 et 187. Les années 1770 sont particulièrement fécondes. Monge détermine précisément les axes théoriques de son œuvre scientifique en développant les rapports entre les sciences mathématiques, entre les mathématiques et la technique, entre les mathématiques et la physique. Son élaboration scientifique est menée aussi bien au sein de son enseignement de mathématiques et de physique à l’École du génie de Mézières qu’au sein de sa recherche inscrite dans les préoccupations collectives des mathématiciens de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Après avoir été répétiteur de Mathématiques lorsque Bossut est professeur à Mézières, il devient son correspondant à l’Académie des sciences en 1772. Le 14 janvier 1780, Monge devient adjoint géomètre en remplacement de Vandermonde promu associé et s’installe à Paris six mois de l’année. En 1784, il quitte définitivement Mézières.
[7] L’esprit public est le premier objet de leur correspondance. Voir les lettres n°85 et 90. C’est aussi l’objet de sa correspondance avec les membres de sa famille lors de sa seconde mission en Italie en 1798, voir les lettres n°156, 160, 167 et 176.
[8] Monge en janvier 1797 dans une lettre à sa femme s’exprime un peu différemment. L’objet de l’enthousiasme nécessaire pour l’accomplissement de la République n’est pas la liberté et les vertus républicaines, mais le bonheur et le perfectionnement de l’espèce. (Voir la lettre n°51.) Cette nuance pourrait être déterminée par la nature politique du public auquel est destinée cette lettre. On retrouve la même précaution dans une autre lettre adressée à Marey le 14 floréal an V [3 mai 1797]. (Voir la lettre n°90.) Monge place la République et la France avant le perfectionnement de l’esprit. Par contre, dans la lettre à sa femme datée de Rome, le ler prairial an V [20 mai 1797], il estime que la papauté ne s’oppose ni à la République, ni à la France, mais au perfectionnement de l’esprit. (Voir la lettre n°96.) De la même façon, dans sa lettre de Paris le 19 germinal an VI [8 avril 1798], Catherine détermine avec précision les principes qui conduisent Monge à l’action en qualifiant les premières années de la Révolution d’années de réflexion spéculative qui ont précédé l’action : « Les premières années de la révolution qui ont été les plus brillantes, se sont passées pour toi en spéculations sur le bonheur général et futur. »
[9] L’utilisation de la République de Genève comme exemple dans le discours de Monge fait évidemment penser à l’article « Genève » dans l’Encyclopédie, rédigé par d’Alembert, et qui avait suscité une forte réaction de la part de Rousseau. ((1758) Lettre de J.-J. Rousseau, citoyen de Genève à M. d’Alembert, de l’Académie Royale des Sciences de Paris, de celle de Prusse, de la Société Royale de Londres, de l’Académie Royale des Belles-Lettres de Suède, et de l’Institut de Bologne : Sur son article Genève Dans le VIIe Volume de l’Encyclopédie, et particulièrement sur le projet d’établir un théâtre de comédie en cette Ville, Amsterdam, Marc-Michel Rey) Monge emprunte la même attitude critique que d’Alembert. Il faut aussi indiquer que Monge est ami depuis plus de vingt ans avec un Suisse, Jean Nicolas Pache qui quitte la France pour la Suisse en 1787 pour ensuite rentrer en France après juillet 1789. Pendant son absence, les deux amis restent en relation en échangeant une correspondance. Les questions politiques devaient vraisemblablement être l’objet des échanges des deux amis.
[10] Monge a acquis une très bonne connaissance du territoire français au cours de ses tournées d’examinateur de la marine. (TATON R. (1951), p. 32.) Monge le souligne aussi dans le programme qui sert d’introduction à sa Géométrie descriptive en indiquant qu’il faut exploiter « cette heureuse circonstance » d’ « avoir à sa disposition les principales ressources nécessaires à la connaissance d’un grand nombre de phénomènes naturels ». MONGE G. [1795] (1827), p. xv. Voir la lettre n°108.
[11] Monge a déjà vécu l’expérience concluante de ce qu’il préconise ici. En Septembre 1793, il doit mobiliser les résultats des recherches sur la métallurgie et la chimie acquis depuis une vingtaine d’année par la communauté scientifique qui s’est lancée dans le programme ouvert par Lavoisier. Il est chargé avec Vandermonde et Berthollet de moderniser la fabrication de l’acier pour laquelle l’industrie française était très en retard sur l’étranger, d’accélérer la fabrication des armes et de fournir les directives techniques. (TATON R. (1951), p. 36 et voir BRET P. (2002), L'Etat, l'armée, la science. L'invention de la recherche publique en France (1763-1830), Rennes, P. U. de Rennes.) L’action de Monge est saluée par le Comité de salut public par un arrêté du 16 décembre 1793 mais aussi remarquée par J.N. Jomard architecte ingénieur, chargé d’effectuer un rapport au Comité de salut public sur l’action de Monge et de ses collègues. L’ingénieur est le frère d’Edme-François Jomard qui accompagne Monge en Égypte en 1798. Il décrit en introduction de ses Souvenirs l’action de Monge au service de l’armement français. (JOMARD E. F. (1853) Souvenirs sur Gaspard Monge et ses rapports avec Napoléon […], pp. 3-4.) Le succès de l’action des savants tient à l’action pédagogique qu’ils ont mené au sein du programme des cours révolutionnaires sur la fabrication du salpêtre des poudres et des cannons. Monge rédige un ouvrage Description de l’art de fabriquer les canons, publié en 1794, qui selon Taton est un « modèle d’exposition théorique et technique ». (TATON R. (1951), p. 37.) Le rapport nécessaire entre sciences et industrie réalisé par le biais de l’action pédagogique des savants est une idée chère à Monge. Dès les années 1792-1793, alors ministre de la Marine, Monge en donne une première expression dans une note manuscrite. « Ce qui fait qu’en France les arts qui exigent quelques degré d’exactitude sont presque dans un abandon total c’est que dans l’éducation d’aucune partie de la nation on ne s’est appliqué à donner aux jeunes gens le sentiment et l’habitude de la précision en sorte que les consommateurs qui n’en ont aucune idée et qui n’y attachent aucun prix, ne l’exigent pas dans les ouvrages qu’ils commandent, et que les ouvriers à qui ce travail ne serait pas payé (puisqu’il ne serait pas apprécié) se gardent bien de prendre une peine inutile. Si l’on achète une montre, par exemple, c’est à la forme de la boëte que l’on s’attache, c’est à la chaîne, c’est aux breloques que l’on pense, et le mouvement est la chose de laquelle on s’occupe le moins. Aussi quoique nous ayons peut-être un ou deux ouvriers capables de faire des garde-temps comparable à ceux d’Angleterre, il y a si peu de consommateurs de ces sortes d’objets, qu’après en avoir fait un très petit nombre ils n’ont font plus. Nous n’avons presque point d’opticiens, nous avons fort peu d’ouvriers en instruments de mathématiques, de marine, d’astronomie ; parce que personne ne sait ce que c’est qu’une lunette acromatique ; c’est que personne ne sait se servir des instruments et qu’il ne s’établit pas de fabrique de choses sans débit. » (note manuscrite citée dans TATON R. (1951), pp. 346-348.) Monge développe cette même idée dans son programme qui précède son premier exposé de la Géométrie descriptive le 1er Pluviôse an III [20 janvier 1795] à l’École normale. Ce programme est par la suite conservé dans les rééditions successives de la Géométrie descriptive : « Pour tirer la nation française de la dépendance où elle a été jusqu'à présent de l'industrie étrangère, il faut, premièrement, diriger l'éducation nationale vers la connaissance des objets qui exigent de l'exactitude, ce qui a été totalement négligé jusqu'à ce jour, et accoutumer les mains de nos artistes au maniement des instruments de tous les genres, qui servent à porter la précision dans les travaux et à mesurer ses différents degrés : alors les consommateurs, devenus sensibles à l’exactitude, pourront l’exiger dans les divers ouvrages, y mettre le prix nécessaire ; et nos artistes, familiarisés avec elle dès l’âge le plus tendre, seront en état de l’atteindre. […] Il faut enfin répandre parmi nos artistes la connaissance des procédés des arts, et celle des machines qui ont pour objet, ou de diminuer la main-d'œuvre, ou de donner aux résultats des travaux plus d'uniformité et plus de précision ; et à cet égard, il faut l'avouer, nous avons beaucoup à puiser chez les nations étrangères. C'est, d'abord, en familiarisant avec l'usage de la géométrie descriptive tous les jeunes gens qui ont de l'intelligence, tant ceux qui ont une fortune acquise afin qu'un jour, ils soient en état de faire de leurs capitaux un emploi plus utile et pour eux et pour la nation, que ceux mêmes qui n'ont d'autre fortune que leur éducation, afin qu'ils puissent un jour donner un plus grand prix à leur travail.» (MONGE G. (1799), Géométrie descriptive : leçons données aux Écoles normales, l'an 3 de la République, Baudouin, Paris, pp. 1-2, voir aussi DHOMBRES J. (dir.) (1992), pp. 305-307)
[12] Arago mentionne les travaux de Monge sur la composition des machines selon un axe pédagogique décrit dans processus de simplification, de réduction et de réorganisation. Monge s’inscrit dans le programme de recherche de la communauté scientifique initié par d’Alembert avec son traité de Dynamique en 1743 : la détermination des principes élémentaires des différents domaines de la mécanique. « Ses investigations réduisirent les machines les plus compliquées à un nombre très limités d’organes élémentaires Monge fut bientôt frappé de tout ce que les inventeurs et les simples constructeurs trouveraient de ressources dans une énumération complète de ces divers organes ; dans des tableaux synoptiques réunissant les moyens connus de transformer les mouvements des pièces sur lesquelles des moteurs exercent directement leurs action, en des mouvements très différents imprimés à d’autres pièces ; dans la représentation graphique des combinaisons ingénieuses, où l’on voit la force d’impulsion de l’eau, celle de l’air, la force élastique de la vapeur, tantôt forger à coups redoublés l’ancre colossale du vaisseau de ligne, tantôt enlacer avec une régularité mathématique les filaments de la dentelle la plus délicate. » ARAGO F. [1853] (1965), p. 38.
[13] Monge détermine le motif de son engagement pour la République en exprimant les liens solidaires et réciproques entre l’ordre politique républicain et le perfectionnement de l’esprit. Monge est républicain parce que ce système politique permet le progrès des sciences, le perfectionnement de l’esprit et le bonheur de l’espèce par le biais de l’institutionnalisation d’une pratique scientifique spécifique fondée sur les rapports entre transmission et élaboration du savoir et sur ceux entre les sciences ainsi qu’entre les sciences et les arts. Ce qui compte c’est l’instruction publique. La posture d’enseignement constitue une stratégie pour les savants afin de mettre en ordre, réduire et simplifier les principes scientifiques afin de contribuer aux progrès des sciences et au développement de nouveaux domaines scientifiques.
[14] CHARLEMAGNE (742-814) En 789, Charlemagne rédige un capitulaire ordonnant au clergé d'ouvrir des écoles pour tous. Il souhaite développer l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Fourcy commence son histoire de l’École polytechnique avec la même référence à Charlemagne pour décrire comme Monge l’état de l’instruction publique fin 1793. FOURCY A. (1828), Histoire de l’École polytechnique, Paris, p. 1. L’association entre Charlemagne et l’instruction pour tous devance la fortune qu’elle atteint sous de la IIIe République.
[15] Aubry dans sa biographie supprime le passage sur l’instruction publique, tout en laissant cette dernière phrase du paragraphe. (AUBRY P.V. (1954), p. 166) Il efface ainsi l’expression du lien que Monge établit entre un système politique et une activité scientifique communautaire par le biais de l’institutionnalisation de l’instruction publique. La transmission est un axe déterminant de l’idée de progrès qui détermine l’action de Monge avant, pendant et après la Révolution. Et c’est dans ce cadre et dans une perspective historique que Monge développe son propos anticlérical. C’est bien l’opposition et les obstacles que l’Église lève contre la diffusion des Lumières qui constituent les motifs de l’anticléricalisme de Monge. Ils font écho à ceux de Condorcet exprimés à plusieurs reprises dans son Esquisse […]. Voir notamment CONDORCET [1795] (1988), pp. 157-158. Voir aussi la lettre n°99.
[16] Marie Thérèse-Charlotte de France (1778-1851), fille aînée de LOUIS XVI (1754-1793) et de Marie-Antoinette. Comme ses parents, elle est emprisonnée au Temple le 10 août 1792. Après la mort de son frère le 8 juin 1795, elle est la seule survivante de la famille royale. Son sort suscite une forte émotion au sein de l’opinion publique et dans la presse jusqu’à ce qu’elle soit récupérée par les mouvements contre-révolutionnaires et devienne un enjeu politique. Dans la séance du 2 messidor an III (1er juillet 1795), Treilhard, au nom des Comités de Salut public de Sûreté générale, propose un décret imposant à l’Autriche en échange de la princesse la libération des députés et ministres français – notamment Beurnonville, ministre de la Guerre ; les députés Bancal, Lamarque, Camus, Quinette, Drouet par ailleurs l’homme de Varennes ; les ambassadeurs Constant-Benuveau et Semonville- qu’elle détient. Ce n’est que dans la nuit du 18 au 19 décembre 1795 que Marie-Thérèse de France est conduite à Bâle pour y être remise à son cousin François II. Sur la question de l’impact du sort de la fille de Louis XVI sur l’opinion publique voir BECQUET H. (2005), « La fille de Louis XVI et l’opinion en 1795 : sensibilité et politique », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 341 | juillet-septembre 2005, mis en ligne le 15 septembre 2008. URL : http:// ahrf.revues.org/1620
[17] Louise MONGE (1779-1874) la fille cadette et Catherine HUART (1748-1847), sa femme, ont accompagné les jeunes mariés Émilie MONGE et son mari Nicolas-Joseph MAREY à Nuits en Bourgogne. Monge est resté seul à Paris. Voir supra.
[18] Anne-Charlotte DUCHÉ née MARRIER (1737-1814) mère de Anne-Germaine DUCHÉ (1762-1815) qui épouse Guillaume-Charles FAIPOULT DE MAISONCELLES (1752-1817).
[19] FAIPOULT et Alexandre-Théophile VANDERMONDE (1735-1796) ont été en contact dès 1792 à la Société patriotique du Luxembourg fondée en janvier 1792 par Pache, l’ami de Monge. Vandermonde meurt quelques jours après le 1er janvier 1796. Vandermonde est une rencontre déterminante pour la vie sociale et scientifique de Monge à Paris. Dès le premier voyage du jeune géomètre à Paris en novembre 1771, c’est Vandermonde qui le présente à Diderot et d’Alembert. Il se rend chez le mathématicien une fois par semaine et y rencontre de nombreuses et diverses personnalités. Dans ses Notes de voyage, le général Desaix rapporte une conversation au cours de laquelle Monge effectue le récit de ses premiers contacts parisiens. Voir DESAIX [1797] (1907), Journal de voyage du Général Desaix, Suisse et Italie (1797), p. 265.
[20] Il arrivait à Monge de recevoir ses élèves dans sa chambre. « Ses nombreuses leçons, données dans les amphithéâtres, sur l’analyse, la géométrie, la physique ne l’empêchaient pas d’aller dans les salles d’études lever les difficultés qui eussent entravé la marche du travail. Ces visites se prolongeaient souvent jusqu’à l’heure de la sortie ; alors groupés autour du professeur illustre, les élèves l’accompagnaient jusqu’à sa demeure, jaloux de recueillir encore quelques uns des ingénieux aperçus qui jaillissaient, semblables à des éclairs, de la plus féconde imagination dont l’histoire des sciences ait conservé le souvenir. » Arago F. (1854), T. II, pp. 498-499 in Sergescu P. (1947), p. 302.
Lettre mentionnée et résumée par Eugène Eschassériaux dans Notes pour servir à la vie de Monge, pp. 169.
[1] Michel VANDEBERGUE DESHAUTSCHAMPS (1732-1806).
[2] Monge exprime et montre une préoccupation incessante pour l’enseignement dans la jeune École polytechnique. Aussi, Monge cherche sans doute à exprimer son soutien à ses collègues restés seuls à Paris pour défendre l’École. Le 25 vendémiaire an V [16 octobre 1796], Catherine ne lui donne pas de bonnes nouvelles de l’École : « On a beaucoup travaillé l’Ecole polytechnique. Enfin à force de batailles, on finit par la laisser subsister et à lui accorder pour toutes choses 300 mille francs par an. Ainsi il va y avoir de grandes réformes à y faire, cet établissement ressemble à tous les autres. Le gaspillage compte plus que les choses nécessaires à l’instruction. » Lors de la séance du 10 vendémiaire an V [1er octobres 1796] du Conseil des Cinq-Cents et alors que l’École n’a pas deux ans d’existence, le représentant Barailon dénonce le gaspillage de l’argent public en mettant en doute l’utilité d’un enseignement scientifique et pluridisciplinaire d’un haut niveau théorique : « « folie de tout enseigner et de vouloir que l’on sache tout à la fois», au risque de ne donner que «des savantasses qui disserteront sur tout et ne raisonneront sur rien» . Avec la même dépense on «ferait fleurir six écoles spéciales qui seraient, à coup sûr, plus profitables à la Nation, surtout si l’on considère les frais d’impression d’un journal, de plans, de prospectus de cours etc ... dont on gratifie les élèves et le public» ». [Moniteur du 15 vendémiaire an V, p. 58. cité in GRISON E. (1991), « Les premières attaques contre l’École polytechnique (1796-1799), Bulletin de la Société des Amis de la Bibliothèque de l’École polytechnique, n°8. [en ligne consulté le 27 septembre 2012] http://www.sabix.org/bulletin/b8/prieur.html . Sur les attaques dirigées contre l’ École polytechnique, voir les lettres 17, 77 et 95 et sur la préoccupation ininterrompue de Monge en faveur de l’École voir les lettres n°3, 15, 43, 84, 87, 103, 127, 132 et 170.
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
[1] Le conseil est constitué des professeurs, alors appelés instituteurs, de leurs adjoints, du directeur, des sous directeurs et d’un secrétaire.
[2] FERDINAND D’AUTRICHE-ESTE (1754-1806).
[3] Charles DELACROIX (1741-1805).
[4] Guillaume-Charles FAIPOULT DE MAISONCELLES (1752-1817). Voir la lettre n°78.
[5] Jean-François ESCUDIER (1759-1819). Sur le convoi des tableaux de Lombardie voir lettres n° 41, 42, 48, 81, 92, 98 et 109.
[6] Oxyde de mercure. Lavoisier dans la deuxième partie de son Traité élémentaire de Chimie publié en 1789 consacre une deuxième partie « à faire connaître les procédés les plus simples pour obtenir les différentes espèces d’acides connus. » ( LAVOISIER A.L. (1789), p. XXIX) ; c’est dans cette partie qu’il indique l’usage du précipité rouge. « L’exposition des substances simples à l’air, élevées à un certain degré de température, n’est pas le seul moyen de les oxygéner. Au lieu de leur présenter l’oxygène uni au calorique, on peut leur présenter cette substance unie à un métal avec lequel elle ait peu d’affinité. L’oxyde rouge de mercure est un des plus propres à remplir cet objet, surtout à l’égard des corps qui ne soint point attaqués par le mercure. L’oxygène dans cet oxyde tient très peu au métal, et même il n’y tient plus au degré de chaleur qui commence à faire rougir le verre. En conséquence on oxygène avec beaucoup de facilité tous les corps qui en sont susceptibles, en les mêlant avec de l’oxyde rouge de mercure, et en les élevant à un degré de chaleur médiocre. » (LAVOISIER A.L. (1789), pp. 205-206.)
[7] La route du convoi est entièrement déterminée par les conditions militaires et diplomatiques. Il traverse la Toscane en avril et arrive à Livourne fin mai. Les caisses parviennent à être embarquées de Livourne le 19 août et débarquées à Marseille le 15 août 1797. Et arrive à Paris fin 1798. Catherine écrit le 14 messidor an VI [21 juillet 1798] : « […] votre premier convoi de Rome n’est pas encore arrivé il est à Digoin [commune du Val de Loire] depuis 3 mois il n’y a pas d’eau dans le canal, on comptait sur ces trophées pour la fête du 14 juillet, il n’arrivera ici qu’à la fin de l’automne […] »Voir les lettres n°81, 92, 94, 98, 100, 102, 109, 110, 121, 122 et 140.
[8] Jean-Baptiste PATRAULT (1751-1817).
[9] Voir la lettre n°106.
[10] Pie VI, Giannangelo BRASCHI (1717-1799).
[11] Voir les lettres n°65, 66, 70, 71, 73, 75, 79, 81 et 93.
[12] Giovanni Battista PIRANESI, (1720-1778).Voir les lettres n°103 et 106.
[13] Monge a des échos de la crise que traverse l’École au cours de son absence. Dans leur lettre écrite de Paris le 28 nîvôse an IV [17 janvier 1797], Louise écrit « Amédée [Berthollet] nous a dit que tu étais fort regretté à l’École centrale et que l’on désire ardemment ton retour. Le citoyen Barruel [instituteur de physique] dit aussi qu’il est bien temps que tu reviennes et nous nous le sentons encore mieux. Dépêche toi donc vite car ce voyage devient bien long ! » ; Catherine ajoute : « Amédée est cependant un bon républicain […]. Il gémit du mauvais esprit des élèves de l’École, ils sont tous en querelles pour les opinions. Ces petits messieurs se permettent de jeter des boulettes à Ferry et à Hachette pendant les leçons, ils disent que ce sont des scélérats. Votre présence à tous deux serait bien nécessaire ici, pour cela je ne serai pas surprise de la voir tomber. Prieur ne s’en mêle plus, il ne va plus au conseil. Les réformes vont se faire par le ministre de l’Intérieur. On vous réduit à 300 mille francs… » En l’absence de Monge et Berthollet, c’est Prieur, Guyton de Morveau et Deshautschamps qui veillent sur l’École. Mais les trois hommes et le conseil de l’École sont confrontés aux violentes critiques qui viennent du Corps Législatif (voir la lettre n°43), du ministère de la guerre mais aussi de Laplace lui-même examinateur des élèves (voir la lettre n°17). GRISON E. (1991), « Les premières attaques contre l’École polytechnique (1796-1799), Bulletin de la Société des Amis de la Bibliothèque de l’École polytechnique, n°8. Voir aussi la lettre n°95.