Rome, le 12 germinal an 6e
Le général Desaix, ma chère amie, vient d'arriver ici ce matin[1] ; il est parti trop promptement de Paris pour prendre tes commissions ; ainsi il ne m'a rien apporté en particulier ; mais il m'a fait grand plaisir en me disant que l'esprit de Paris s'améliorait de jour en jour.[2] Au reste, peut-être le départ de ce général est-il encore un secret pour Paris, et dans ce cas n'en parle à personne. Son arrivée ici nous fait grand plaisir ; nous espérons qu'il contribuera à rétablir le bon ordre dans l'armée qui se mutine toujours de plus en plus.[3] Les officiers ont fait une fausse démarche en se rassemblant pour délibérer ; ils craignent les suites de cette affaire et ils ont juré de se soutenir tous.[4] Cela met de l'embarras dans le service ; mais avec le temps tout s'arrangera, du moins à ce que je présume.
Ma fonction de faire les nominations de la République romaine m'a procuré une suite d'audiences, pendant l'une desquelles on m'a volé ma montre.[5] Je suis sensible à cette perte non pas à cause de la valeur de l'objet, mais parce qu'elle vient de ma bonne Louise.[6] Je pensais à elle toutes les fois que je remontais la montre, et maintenant toutes les fois que je pense à elle, je suis fâché d'avoir perdu sa montre. Au reste, le citoyen Faipoult[7] m'en remettra une autre de petite valeur et qui me servira jusqu'à ce que je sois de retour auprès de toi, mais Dieu sait quand.
Je suis toujours obligé de t'écrire en hâte. On attend ma lettre pour fermer un paquet qui va partir pour le Directoire ; je n'ai que le temps de t'embrasser ainsi que tous mes amis.
Monge
[1] Louis-Charles-Antoine DESAIX (1768-1800), Monge le rencontre lors des négociations du traité de Campo Formio à Passeriano en septembre 1797 (voir la lettre n°132). Il participe aussi à l’élaboration du projet de l’expédition. (voir les lettres n°119 et 131.) Le commandement de la division qui doit s’embarquer de Civitavecchia est confié à Desaix. Les commissaires doivent collaborer avec lui. Voir la lettre n°153 et la lettre de Bonaparte à Monge, Daunou et Florens du 27 ventôse an VI [17 mars 1798] (2340, CGNB). Sur les préparatifs de l’embarquement de Civitavecchia voir aussi les lettres n°155, 157, 158, 160 et 166.
[2] À Rome, Monge a peu d’informations sur l’esprit public de Paris et les élections pour le renouvellement d’un tiers du corps législatif. Les informations se transmettent par l’intermédiaire de personnes connues. Voir les lettres n°156, 160, 163, 164, 167, 168, 171, 176 et 177.
[3] La mission de Desaix à Rome n’est pas le rétablissement de l’ordre au sein de l’armée de Rome. C’est Gouvion Saint-Cyr qui en est chargé. Voir la lettre n°158. Monge tente de justifier la présence de Desaix à Rome sans rien dire de la préparation de l’expédition en Égypte. Sur le secret dans lequel est préparée l’expédition voir les lettres n°131, 153, 154, 156, 157, 158, 163, 164, 171 et 177.
[4] Sur le soulèvement des soldats mécontents de l’arrivée du général Masséna à la tête de l’armée de Rome voir les lettres n°150, 151, 152, 153, 155, 158, 160, 162 et 163.
[5] Voir la lettre n°160. Sur les instructions du Directoire aux commissaires de la République à Rome, voir les lettres n°145, 150, 152, 153, 154, 155, 157, 162 et 163.
[6] Louise MONGE (1779-1874). Sur les rapports de Monge avec sa fille Louise, voir les lettres n°4, 9, 14, 20 et 27.
[7] Guillaume-Charles FAIPOULT DE MAISONCELLES (1752-1817).
Paris, le 10 nivôse de l'an IV de la République française
Je suis à peine excusable, mon cher Marey[1], de tarder si longtemps à vous écrire ; mais le travail de l'École polytechnique[2] m'occupe si fort que je ne puis presque plus penser à autre chose. C'est un petit chef-d'œuvre que je ne veux abandonner à lui-même que quand il sera entièrement terminé. J'ai encore environ pour un an de travail pour rédiger et mettre en ordre le matériel des études[3] ; il faut de plus pour le courant que je fasse onze leçons par décade ; tout cela ne me laisse presqu'aucun moment de libre.[4] Je me souviens d'avoir vu un tableau représentant les mathématiques. C'était un jeune homme d'une physionomie très spirituelle, profondément occupé de l'objet de ses méditations, à la lueur d'une lampe, et ayant un coq perché sur le dos de son siège. J'ai toujours pensé que le peintre avait voulu exprimer par la lampe que le mathématicien devait veiller tard ; et par le coq qu'il devait se lever tôt.[5] Eh bien, depuis votre départ, je mets le conseil à exécution, comme je le faisais avant mon mariage.[6] Souvent, il est plus de minuit quand je me couche, et souvent il n'est pas encore quatre heures du matin quand je me lève. Tout cela ne me rend pas excusable; mais cela explique la négligence, et c'est tout ce que j'ai prétendu faire par tout ce verbiage.
Vous désiriez, mon cher ami, avoir des nouvelles, et surtout des renseignements sur l'esprit public[7] ; car c'est là ce qui donne de l'inquiétude aux patriotes qui sont persuadés qu'avec du zèle, de l'enthousiasme pour la liberté et les vertus républicaines, la France ferait des miracles, comme elle en a fait tant que ce zèle a existé, qu'elle forcerait ses ennemis à l'admiration pendant la guerre, et qu'elle porterait pendant la paix, l'esprit humain au plus grand degré de perfection.[8] Si une petite république comme celle de Genève, dont le gouvernement même n'était pas démocratique, sans territoire et avec une très petite population, a su perfectionner son industrie au point de procurer à tous ses citoyens une existence plus aisée et plus douce que celle des habitants de tous les autres gouvernements, à la vérité par l'esprit mercantile, et en mettant à contribution l'ignorance et l'inattention des peuples voisins, ce qui n'est pas très philosophique,[9] que ne devrait pas produire une grande nation comme celle des Gaulois, avec un meilleur gouvernement, avec une connaissance plus exacte des principes de la liberté et de l'égalité, avec un superbe territoire tant par son étendue que par sa position[10] ; lorsque les lumières rendues populaires iraient partout déterrer les hommes de génie; lorsque ceux-ci, en augmentant la masse de lumières acquises, dirigeraient les efforts de la multitude.[11] Et lorsqu'en faisant tout pour le peuple, ce qui tourne toujours au profit du riche qui en profite comme peuple et comme riche, on soulagerait le pauvre d'une foule de travaux pénibles, en mettant à contribution, non l'ignorance des peuples voisins, mais les forces inépuisables de la nature, et en ne réservant à l'homme que l'exercice de son intelligence pour diriger l'emploi de ces forces.[12] Voilà ce qui a fait désirer aux hommes éclairés le gouvernement républicain. C'est le seul gouvernement qui puisse entretenir une exaltation continuelle et une disposition habituelle de la part de tous ses membres au dévouement et aux sacrifices pour la patrie. C'est le seul qui puisse donner à l'esprit humain toute sa perfection ; c'est le seul qui ne trouve rien de difficile, rien d'impossible de la part d'une grande nation. Mais pour cela il vaudrait mieux avoir des républicains sans République qu'une République sans républicains.[13]
Les malheureux qui, pour satisfaire de petites passions, ont crié à la perversité lorsque la morale du peuple était la plus digne d'admiration, et qui ont changé cette belle nation en une troupe de brigands qui se trompent les uns les autres et qui sacrifient tout sans pudeur pour le gain le plus révoltant, ces malheureux, dis-je, swont bien coupables. Ils ont ôté au peuple tous les moyens d'instruction qui s'étaient accumulés lentement depuis Charlemagne[14] ; ils l'ont abandonné aux prêtres qui sont les apôtres du mensonge, qui, dominant par la terreur qu'ils inspirent pour des chimères, sont perpétuellement en guerre contre les lumières et le courage, leurs ennemis naturels, et qui, décriant à leur tour un gouvernement qui doit les apprécier à leur juste valeur, en sont les ennemis les plus acharnés. C'était en établissant partout des moyens d'instruction, en élevant partout des chaires de vérités en opposition aux chaires de mensonges et d'absurdités qu'on pouvait espérer de détruire un jour tous les moyens de domination que la cour de Rome a mis tant de temps à dresser. Mais on n'a rien fait de tout cela ; et peu à peu la République se paralyse.[15]
Le véritable thermomètre de l'esprit public sont les assignats. Ce n'est pas par leur nombre ; ce n'est pas par leur rapport avec les biens nationaux qui en sont le gage ; ce n'est pas même par la crainte qu'on pourrait avoir sur l'existence du gouvernement qui doit les soutenir; ce n'est pas tout cela, dis-je, qui les discrédite. Ils sont tombés parce qu'ils étaient l'instrument d'une révolution qu'on a rendue odieuse à la multitude au lieu de la lui faire chérir. Ils sont tombés parce qu'il était de l'intérêt des prêtres d'ôter à la République un si bon véhicule. Ils sont tombés comme les décadis à mesure que les dimanches se sont reproduits ; ils sont tombés pour la même raison qu'un mauvais papier royal aurait la plus grande faveur s'il pouvait en paraître ; de même que les maîtres de poste ont conduit avec le plus grand zèle la fille de Louis XVI à Bâle et gratis tandis qu'ils refusent tout service aux fonctionnaires de la République.[16]
Néanmoins, mon cher Marey, tranquillisez-vous. La liberté est semée en France. Des gens courageux avaient voulu planter cette forêt nouvelle d'arbres tout venus, et dans la force de l'âge; des méchants, pour se battre entre eux, ont arraché ces arbres ; mais en les agitant, ils ont semé le gland et il poussera lentement. Les orties s'efforcent d'étouffer les jeunes pousses; elles donnent de l'inquiétude aux amis de la forêt qui, peut-être aussi, sont trop pressés de jouir. Ils ne croient pas pouvoir arracher jamais tant de mauvaises herbes. Qu'ils laissent agir la nature, la pluie, le soleil, et la vertu du gland le fera tôt ou tard triompher de ses obscurs ennemis ; et quand la forêt sera grande, il ne restera pas trace des orties dont les racines serviront d'engrais à des chênes vigoureux qui seront l'appui du lierre, les patrons du gui, l'asile des oiseaux, l'ornement de la terre, qui fourniront au bétail une nourriture abondante, au génie l'encre qui communique les lumières, les vaisseaux qui les portent d'un bout de l'univers à l'autre, et à l'industrie tous les moyens par lesquels l'homme substitue à ses faibles bras la force des éléments, et s'approprie pour ainsi dire toutes celles de la nature entière.
Mais le papier va me manquer et je n'ai encore rien dit. Embrassez bien pour moi tout notre monde.[17] Ma femme devrait écrire un petit mot à la mère de la citoyenne Faipoult.[18] Vandermonde[19] qui l'a vue m'a dit qu'elle était un peu piquée de la constance avec laquelle on avait refusé les offres pour lesquelles elle avait fait des frais; et les frais méritent un remerciement.
Salut et fraternité ! J'ai du monde dans ma chambre.[20] Je suis obligé de finir. [Monge]
[1] Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818) épouse en mai 1795 Émilie MONGE (1778-1867), la fille aînée de Gaspard Monge. Après l’exécution de Louis XVI, Marey se retire de la scène politique parisienne et reprend ses activités de négoce à Nuits en Bourgogne. La correspondance que Monge adresse à Marey résulte non seulement de leur amitié fondée sur une préoccupation politique commune mais aussi de la volonté de conduire Marey à se maintenir dans l’action politique. (Voir la lettre n°90). Cela répond aussi à une demande de sa femme Catherine Huart et de sa fille Émilie Monge. Ces deux dernières vivent mal l’éloignement d’Émilie en Bourgogne depuis son mariage et désirent que le couple revienne vivre à Paris. Catherine l’exprime à plusieurs reprises dans les lettres à son mari : de Paris, le 26 thermidor an IV [13 août 1796] « Elle me fait un grand vide cette pauvre Émilie qui ne m’a jamais donné que des jouissances, m’en voilà séparée pour toujours. » ; le 17 floréal an V [6 mai 1797] « Passerez-vous par Nuits ? Fais en sorte de passer par là, Émilie est encore grosse, [elle] s’ennuie toujours dans ce pays-là, adieu mon ami. » ; le 10 messidor an V [28 juin 1797] « Tu ferais bien mieux de ramener avec toi Émilie et lui, ils passeraient l’hiver avec nous, cela ferait bien plaisir à cette pauvre Émilie… » ; le 17 germinal an VI [6 avril 1798] « Je ne sais pas si je t’ai dit que le C.[itoyen] Marey était électeur, il est sur la liste de la Côte-d’Or pour être député, Eschassériaux lui a écrit à la sollicitation d’Émilie pour l’engager à accepter. Je ne sais ce qu’il fera, cela me rendrait ma pauvre Émilie pour 3 ans. C’est tout ce que je vois de beau […]. » Émilie l’exprime à son tour dans une lettre de Nuits le 25 germinal an V [ le 14 avril 1797] en soulignant la spécificité de son premier départ de Paris au printemps 1795 accompagnée de sa mère et sa sœur Louise : « J’ai eu beaucoup plus de peine à m’habituer à Nuits cette fois-ci que l’autre, je quittais brusquement toute ma famille sans emmener avec moi quelqu’un comme à la première fois, et notre petite ville m’a parut encore plus triste qu’elle ne l’est. » Lorsque Monge écrit cette lettre à Marey ses deux filles et sa femme se trouvent à Nuits. Voir la fin de la lettre.
[2] L’École a changé de nom par le décret de la Convention du 15 fructidor an III
[1er septembre1795].
[3] En 1796, Monge ne publie qu’un article « Sur les lignes de courbure de la surfaces de l’ellipsoide ; JEP, 2e cahier, pp. 145-165. L’année 1795 est particulièrement féconde puisque sont publiés Les cours de Géométrie descriptive de l’École normale de l’an III (1795 ; 160 p.) et les Feuilles d’analyse appliquée à la géométrie pour l’École polytechnique (1795 ; ensemble de 28 feuillets comportant deux à huit pages de texte). Il semble alors que jusqu’à son départ en Italie en mai 1796, Monge perfectionne pour l’École polytechnique son mode d’exposition de son enseignement de Géométrie descriptive élaborée d’abord pour l’École normale en cherchant à l’organiser son enseignement de l’Application de l’analyse à la géométrie.
[4] Après son retour à l’École en juillet 1795 jusqu’à son départ pour l’Italie en mai 1796, Monge reprend son cours de géométrie et donne le matin des leçons de coupe des pierres et des bois, puis sur les ombres et la perspective six fois par décade à la division de stéréotomie et deux fois par décade aux deux divisions supérieures. Voir la lettre n°1, 62, 127 et 170.
[5] Il ne m’a pas été possible d’identifier ce tableau ni même de trouver des allégories des mathématiques qui correspondent à la description de Monge. Les personnifications des mathématiques sont le plus souvent féminines.
[6] Gaspard Monge épouse Catherine HUART veuve HORBON (1747-1846) le 12 juin 1777. Sur leur rencontre et leur mariage. Voir les lettres n°8 et 187. Les années 1770 sont particulièrement fécondes. Monge détermine précisément les axes théoriques de son œuvre scientifique en développant les rapports entre les sciences mathématiques, entre les mathématiques et la technique, entre les mathématiques et la physique. Son élaboration scientifique est menée aussi bien au sein de son enseignement de mathématiques et de physique à l’École du génie de Mézières qu’au sein de sa recherche inscrite dans les préoccupations collectives des mathématiciens de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Après avoir été répétiteur de Mathématiques lorsque Bossut est professeur à Mézières, il devient son correspondant à l’Académie des sciences en 1772. Le 14 janvier 1780, Monge devient adjoint géomètre en remplacement de Vandermonde promu associé et s’installe à Paris six mois de l’année. En 1784, il quitte définitivement Mézières.
[7] L’esprit public est le premier objet de leur correspondance. Voir les lettres n°85 et 90. C’est aussi l’objet de sa correspondance avec les membres de sa famille lors de sa seconde mission en Italie en 1798, voir les lettres n°156, 160, 167 et 176.
[8] Monge en janvier 1797 dans une lettre à sa femme s’exprime un peu différemment. L’objet de l’enthousiasme nécessaire pour l’accomplissement de la République n’est pas la liberté et les vertus républicaines, mais le bonheur et le perfectionnement de l’espèce. (Voir la lettre n°51.) Cette nuance pourrait être déterminée par la nature politique du public auquel est destinée cette lettre. On retrouve la même précaution dans une autre lettre adressée à Marey le 14 floréal an V [3 mai 1797]. (Voir la lettre n°90.) Monge place la République et la France avant le perfectionnement de l’esprit. Par contre, dans la lettre à sa femme datée de Rome, le ler prairial an V [20 mai 1797], il estime que la papauté ne s’oppose ni à la République, ni à la France, mais au perfectionnement de l’esprit. (Voir la lettre n°96.) De la même façon, dans sa lettre de Paris le 19 germinal an VI [8 avril 1798], Catherine détermine avec précision les principes qui conduisent Monge à l’action en qualifiant les premières années de la Révolution d’années de réflexion spéculative qui ont précédé l’action : « Les premières années de la révolution qui ont été les plus brillantes, se sont passées pour toi en spéculations sur le bonheur général et futur. »
[9] L’utilisation de la République de Genève comme exemple dans le discours de Monge fait évidemment penser à l’article « Genève » dans l’Encyclopédie, rédigé par d’Alembert, et qui avait suscité une forte réaction de la part de Rousseau. ((1758) Lettre de J.-J. Rousseau, citoyen de Genève à M. d’Alembert, de l’Académie Royale des Sciences de Paris, de celle de Prusse, de la Société Royale de Londres, de l’Académie Royale des Belles-Lettres de Suède, et de l’Institut de Bologne : Sur son article Genève Dans le VIIe Volume de l’Encyclopédie, et particulièrement sur le projet d’établir un théâtre de comédie en cette Ville, Amsterdam, Marc-Michel Rey) Monge emprunte la même attitude critique que d’Alembert. Il faut aussi indiquer que Monge est ami depuis plus de vingt ans avec un Suisse, Jean Nicolas Pache qui quitte la France pour la Suisse en 1787 pour ensuite rentrer en France après juillet 1789. Pendant son absence, les deux amis restent en relation en échangeant une correspondance. Les questions politiques devaient vraisemblablement être l’objet des échanges des deux amis.
[10] Monge a acquis une très bonne connaissance du territoire français au cours de ses tournées d’examinateur de la marine. (TATON R. (1951), p. 32.) Monge le souligne aussi dans le programme qui sert d’introduction à sa Géométrie descriptive en indiquant qu’il faut exploiter « cette heureuse circonstance » d’ « avoir à sa disposition les principales ressources nécessaires à la connaissance d’un grand nombre de phénomènes naturels ». MONGE G. [1795] (1827), p. xv. Voir la lettre n°108.
[11] Monge a déjà vécu l’expérience concluante de ce qu’il préconise ici. En Septembre 1793, il doit mobiliser les résultats des recherches sur la métallurgie et la chimie acquis depuis une vingtaine d’année par la communauté scientifique qui s’est lancée dans le programme ouvert par Lavoisier. Il est chargé avec Vandermonde et Berthollet de moderniser la fabrication de l’acier pour laquelle l’industrie française était très en retard sur l’étranger, d’accélérer la fabrication des armes et de fournir les directives techniques. (TATON R. (1951), p. 36 et voir BRET P. (2002), L'Etat, l'armée, la science. L'invention de la recherche publique en France (1763-1830), Rennes, P. U. de Rennes.) L’action de Monge est saluée par le Comité de salut public par un arrêté du 16 décembre 1793 mais aussi remarquée par J.N. Jomard architecte ingénieur, chargé d’effectuer un rapport au Comité de salut public sur l’action de Monge et de ses collègues. L’ingénieur est le frère d’Edme-François Jomard qui accompagne Monge en Égypte en 1798. Il décrit en introduction de ses Souvenirs l’action de Monge au service de l’armement français. (JOMARD E. F. (1853) Souvenirs sur Gaspard Monge et ses rapports avec Napoléon […], pp. 3-4.) Le succès de l’action des savants tient à l’action pédagogique qu’ils ont mené au sein du programme des cours révolutionnaires sur la fabrication du salpêtre des poudres et des cannons. Monge rédige un ouvrage Description de l’art de fabriquer les canons, publié en 1794, qui selon Taton est un « modèle d’exposition théorique et technique ». (TATON R. (1951), p. 37.) Le rapport nécessaire entre sciences et industrie réalisé par le biais de l’action pédagogique des savants est une idée chère à Monge. Dès les années 1792-1793, alors ministre de la Marine, Monge en donne une première expression dans une note manuscrite. « Ce qui fait qu’en France les arts qui exigent quelques degré d’exactitude sont presque dans un abandon total c’est que dans l’éducation d’aucune partie de la nation on ne s’est appliqué à donner aux jeunes gens le sentiment et l’habitude de la précision en sorte que les consommateurs qui n’en ont aucune idée et qui n’y attachent aucun prix, ne l’exigent pas dans les ouvrages qu’ils commandent, et que les ouvriers à qui ce travail ne serait pas payé (puisqu’il ne serait pas apprécié) se gardent bien de prendre une peine inutile. Si l’on achète une montre, par exemple, c’est à la forme de la boëte que l’on s’attache, c’est à la chaîne, c’est aux breloques que l’on pense, et le mouvement est la chose de laquelle on s’occupe le moins. Aussi quoique nous ayons peut-être un ou deux ouvriers capables de faire des garde-temps comparable à ceux d’Angleterre, il y a si peu de consommateurs de ces sortes d’objets, qu’après en avoir fait un très petit nombre ils n’ont font plus. Nous n’avons presque point d’opticiens, nous avons fort peu d’ouvriers en instruments de mathématiques, de marine, d’astronomie ; parce que personne ne sait ce que c’est qu’une lunette acromatique ; c’est que personne ne sait se servir des instruments et qu’il ne s’établit pas de fabrique de choses sans débit. » (note manuscrite citée dans TATON R. (1951), pp. 346-348.) Monge développe cette même idée dans son programme qui précède son premier exposé de la Géométrie descriptive le 1er Pluviôse an III [20 janvier 1795] à l’École normale. Ce programme est par la suite conservé dans les rééditions successives de la Géométrie descriptive : « Pour tirer la nation française de la dépendance où elle a été jusqu'à présent de l'industrie étrangère, il faut, premièrement, diriger l'éducation nationale vers la connaissance des objets qui exigent de l'exactitude, ce qui a été totalement négligé jusqu'à ce jour, et accoutumer les mains de nos artistes au maniement des instruments de tous les genres, qui servent à porter la précision dans les travaux et à mesurer ses différents degrés : alors les consommateurs, devenus sensibles à l’exactitude, pourront l’exiger dans les divers ouvrages, y mettre le prix nécessaire ; et nos artistes, familiarisés avec elle dès l’âge le plus tendre, seront en état de l’atteindre. […] Il faut enfin répandre parmi nos artistes la connaissance des procédés des arts, et celle des machines qui ont pour objet, ou de diminuer la main-d'œuvre, ou de donner aux résultats des travaux plus d'uniformité et plus de précision ; et à cet égard, il faut l'avouer, nous avons beaucoup à puiser chez les nations étrangères. C'est, d'abord, en familiarisant avec l'usage de la géométrie descriptive tous les jeunes gens qui ont de l'intelligence, tant ceux qui ont une fortune acquise afin qu'un jour, ils soient en état de faire de leurs capitaux un emploi plus utile et pour eux et pour la nation, que ceux mêmes qui n'ont d'autre fortune que leur éducation, afin qu'ils puissent un jour donner un plus grand prix à leur travail.» (MONGE G. (1799), Géométrie descriptive : leçons données aux Écoles normales, l'an 3 de la République, Baudouin, Paris, pp. 1-2, voir aussi DHOMBRES J. (dir.) (1992), pp. 305-307)
[12] Arago mentionne les travaux de Monge sur la composition des machines selon un axe pédagogique décrit dans processus de simplification, de réduction et de réorganisation. Monge s’inscrit dans le programme de recherche de la communauté scientifique initié par d’Alembert avec son traité de Dynamique en 1743 : la détermination des principes élémentaires des différents domaines de la mécanique. « Ses investigations réduisirent les machines les plus compliquées à un nombre très limités d’organes élémentaires Monge fut bientôt frappé de tout ce que les inventeurs et les simples constructeurs trouveraient de ressources dans une énumération complète de ces divers organes ; dans des tableaux synoptiques réunissant les moyens connus de transformer les mouvements des pièces sur lesquelles des moteurs exercent directement leurs action, en des mouvements très différents imprimés à d’autres pièces ; dans la représentation graphique des combinaisons ingénieuses, où l’on voit la force d’impulsion de l’eau, celle de l’air, la force élastique de la vapeur, tantôt forger à coups redoublés l’ancre colossale du vaisseau de ligne, tantôt enlacer avec une régularité mathématique les filaments de la dentelle la plus délicate. » ARAGO F. [1853] (1965), p. 38.
[13] Monge détermine le motif de son engagement pour la République en exprimant les liens solidaires et réciproques entre l’ordre politique républicain et le perfectionnement de l’esprit. Monge est républicain parce que ce système politique permet le progrès des sciences, le perfectionnement de l’esprit et le bonheur de l’espèce par le biais de l’institutionnalisation d’une pratique scientifique spécifique fondée sur les rapports entre transmission et élaboration du savoir et sur ceux entre les sciences ainsi qu’entre les sciences et les arts. Ce qui compte c’est l’instruction publique. La posture d’enseignement constitue une stratégie pour les savants afin de mettre en ordre, réduire et simplifier les principes scientifiques afin de contribuer aux progrès des sciences et au développement de nouveaux domaines scientifiques.
[14] CHARLEMAGNE (742-814) En 789, Charlemagne rédige un capitulaire ordonnant au clergé d'ouvrir des écoles pour tous. Il souhaite développer l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Fourcy commence son histoire de l’École polytechnique avec la même référence à Charlemagne pour décrire comme Monge l’état de l’instruction publique fin 1793. FOURCY A. (1828), Histoire de l’École polytechnique, Paris, p. 1. L’association entre Charlemagne et l’instruction pour tous devance la fortune qu’elle atteint sous de la IIIe République.
[15] Aubry dans sa biographie supprime le passage sur l’instruction publique, tout en laissant cette dernière phrase du paragraphe. (AUBRY P.V. (1954), p. 166) Il efface ainsi l’expression du lien que Monge établit entre un système politique et une activité scientifique communautaire par le biais de l’institutionnalisation de l’instruction publique. La transmission est un axe déterminant de l’idée de progrès qui détermine l’action de Monge avant, pendant et après la Révolution. Et c’est dans ce cadre et dans une perspective historique que Monge développe son propos anticlérical. C’est bien l’opposition et les obstacles que l’Église lève contre la diffusion des Lumières qui constituent les motifs de l’anticléricalisme de Monge. Ils font écho à ceux de Condorcet exprimés à plusieurs reprises dans son Esquisse […]. Voir notamment CONDORCET [1795] (1988), pp. 157-158. Voir aussi la lettre n°99.
[16] Marie Thérèse-Charlotte de France (1778-1851), fille aînée de LOUIS XVI (1754-1793) et de Marie-Antoinette. Comme ses parents, elle est emprisonnée au Temple le 10 août 1792. Après la mort de son frère le 8 juin 1795, elle est la seule survivante de la famille royale. Son sort suscite une forte émotion au sein de l’opinion publique et dans la presse jusqu’à ce qu’elle soit récupérée par les mouvements contre-révolutionnaires et devienne un enjeu politique. Dans la séance du 2 messidor an III (1er juillet 1795), Treilhard, au nom des Comités de Salut public de Sûreté générale, propose un décret imposant à l’Autriche en échange de la princesse la libération des députés et ministres français – notamment Beurnonville, ministre de la Guerre ; les députés Bancal, Lamarque, Camus, Quinette, Drouet par ailleurs l’homme de Varennes ; les ambassadeurs Constant-Benuveau et Semonville- qu’elle détient. Ce n’est que dans la nuit du 18 au 19 décembre 1795 que Marie-Thérèse de France est conduite à Bâle pour y être remise à son cousin François II. Sur la question de l’impact du sort de la fille de Louis XVI sur l’opinion publique voir BECQUET H. (2005), « La fille de Louis XVI et l’opinion en 1795 : sensibilité et politique », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 341 | juillet-septembre 2005, mis en ligne le 15 septembre 2008. URL : http:// ahrf.revues.org/1620
[17] Louise MONGE (1779-1874) la fille cadette et Catherine HUART (1748-1847), sa femme, ont accompagné les jeunes mariés Émilie MONGE et son mari Nicolas-Joseph MAREY à Nuits en Bourgogne. Monge est resté seul à Paris. Voir supra.
[18] Anne-Charlotte DUCHÉ née MARRIER (1737-1814) mère de Anne-Germaine DUCHÉ (1762-1815) qui épouse Guillaume-Charles FAIPOULT DE MAISONCELLES (1752-1817).
[19] FAIPOULT et Alexandre-Théophile VANDERMONDE (1735-1796) ont été en contact dès 1792 à la Société patriotique du Luxembourg fondée en janvier 1792 par Pache, l’ami de Monge. Vandermonde meurt quelques jours après le 1er janvier 1796. Vandermonde est une rencontre déterminante pour la vie sociale et scientifique de Monge à Paris. Dès le premier voyage du jeune géomètre à Paris en novembre 1771, c’est Vandermonde qui le présente à Diderot et d’Alembert. Il se rend chez le mathématicien une fois par semaine et y rencontre de nombreuses et diverses personnalités. Dans ses Notes de voyage, le général Desaix rapporte une conversation au cours de laquelle Monge effectue le récit de ses premiers contacts parisiens. Voir DESAIX [1797] (1907), Journal de voyage du Général Desaix, Suisse et Italie (1797), p. 265.
[20] Il arrivait à Monge de recevoir ses élèves dans sa chambre. « Ses nombreuses leçons, données dans les amphithéâtres, sur l’analyse, la géométrie, la physique ne l’empêchaient pas d’aller dans les salles d’études lever les difficultés qui eussent entravé la marche du travail. Ces visites se prolongeaient souvent jusqu’à l’heure de la sortie ; alors groupés autour du professeur illustre, les élèves l’accompagnaient jusqu’à sa demeure, jaloux de recueillir encore quelques uns des ingénieux aperçus qui jaillissaient, semblables à des éclairs, de la plus féconde imagination dont l’histoire des sciences ait conservé le souvenir. » Arago F. (1854), T. II, pp. 498-499 in Sergescu P. (1947), p. 302.
2 p. ; 250 x 185 mm
[1] Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822).
[2] Voir la lettre n°13 dans laquelle il indique qu’ils sont les seuls à ne pas avoir reçu de nouvelles de leur famille.
[3] De Catherine de Paris le 8 messidor [an IV] [26 juin 1796]. Première des lettres qui constituent le corpus des lettres de Catherine à Monge durant la première mission en Italie et conservée dans les archives familiales.
[4] Le pronom personnel « vous » exprime bien un pluriel. La lettre du 8 messidor est écrite non seulement par Catherine mais aussi par sa fille Louise MONGE (1779-1874) et sa belle-sœur Anne-Françoise HUART (1767-1852).
[5] MOINEAU ( ?- ?) garçon de service attaché à Monge.
[6] Alessandro ALBANI (1692-1779) Ami de Winckelman, fait construire la Villa Albani en 1763 dans laquelle il rassemble une très grande collection d’art antique.
[7] MILTIADE le jeune (540 – 489 av J.-C.), THÉMISTOCLE (524-459 av J.-C.), ARISTIDE le juste (550-467 av J.-C.), ALCIBIADE (450-404 av J.-C.) sont des stratèges grecs.
[8] Pierre-Louis ROEDERER (1754-1835) est un des premiers qui s’élève contre les saisies d’œuvres d’art en Italie, dans un article du 20 Messidor an IV (8 juillet 1796) du Journal de Paris. La politique de saisie du Directoire suscite rapidement des réactions dans l’opinion publique jusqu’à nourrir une intense polémique dans les journaux de juin à août 1796. Le débat commence dans le numéro 76 de La décade, édition du 10 prairial an IV [29 mai 1796], un article y expose la perspective du Directoire en commentant l’armistice signé à Plaisance le 9 mai avec le duc de Parme. La polémique enfle au rythme des articles. (POMMIER E. (1991), L’art de la liberté, doctrines et débats de la Révolution française, Paris, Gallimard, pp. 403-432.) Catherine reçoit cette lettre le 14 Fructidor an IV [31 août 1796]. Elle y répond le 15 fructidor [1er septembre] alors que le sujet est toujours d’actualité avec le jugement de Quatremère de Quincy annoncé dans les journaux. Voir les lettres n°28 et 29. Sur la réception en France de l’action de la commission des sciences et des arts voir les lettres n°22, 26 et 34.
[9] Voir lettre n°15. Selon l’armistice de Bologne en juin 1796, les commissaires doivent effectuer une saisie de 500 ouvrages.
[10] Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818).
[11] Lettre incomplète.
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
Huart, Catherine (1748-1847)
[1] Louis MONGE (1748-1827) remplace son frère Gaspard à son poste d’examinateur de la Marine. Monge a raison c’est en effet son frère Louis commence sa tournée par le Nord. Catherine lui écrit de Paris le 26 thermidor an IV [13 août 1796] : « Ton frère et ta belle-sœur dînent avec nous aujourd’hui, il va partir pour sa tournée, il commence par le Nord, il serait possible que vous [vous] rencontriez en revenant. »
[2] L’ Apollon du Belvédère, copie romaine d’une statue grecque, est exposée avec le groupe du Laocoon et ses fils , dans la cour du Belvédère qui relie le Palais du Vatican au Palais du Belvédère.
[3] « La transfiguration du Christ » (1520) de Raffaello SANZIO DA URBINO (1483-1520).
[4] Le 29 Thermidor an IV [16 août 1796], cinquante artistes se joignent à Quatremère de Quincy pour adresser une pétition au Directoire contre la politique de saisie. Catherine en fait part à Monge dans sa lettre de Paris le 15 fructidor an IV [1er septembre 1796] en réponse à la lettre n°19 de Rome du 16 thermidor an IV [3 août 1796]. Sur la question de la réaction de l’opinion publique parisienne à la politique de saisie des objets d’art et de science en Italie stipulée dans les conditions de l’armistice de Bologne, voir les lettres n° 19, 22, 28 et 34.
[5] Biographie syriaque de Saint Syméon, manuscrit syriaque 160 du Vatican, daté du mercredi 17 avril 474.
[6] Monge exprime les principes qui dirigent l’action de la commission. Voir les lettres n°22, 79, 113 et 114. Il recherche en priorité des manuscrits et ouvrages utiles aux sciences. Si le critère de l’intérêt scientifique ne peut pas être rempli c’est alors celui de l’ancienneté qui est utilisé pour effectuer une sélection. Cela n’est qu’un premier état de l’élaboration des critères de choix des manuscrits du Vatican. Monge expose les principes de sélection qui ont déterminé le choix et la rédaction du catalogue raisonné dans des lettres au ministre des relations extérieures. Voir les lettres n°120, 139 et 140. Sur la saisie des manuscrits et l’élaboration du catalogue voir aussi les lettres n° 23, 25, 27, 70, 76, 79, 99, 100, 104, 110, 111, 113, 114.
[7] François II empereur germanique (1768-1835).
[8] Napoléon BONAPARTE (1769-1821) et Antoine-Christophe SALICETI (1757-1809) commissaire à l’Armée d’Italie.
[9] Le 9 fructidor an IV [26 août 1796] Mise en place à Milan d’une administration chargée de gérer la Lombardie et dirigée par le général Baraguay d’Hilliers. Sur la République cispadane, voir les lettres n° 40, 46, 53, 63, 65, 76, 84, 88 et 96.
[10] FERDINAND D'AUTRICHE-ESTE (1754-1806) gouverneur de Modène. Il épouse en 1771, Marie Béatrice d’Este-Modène (1750-1829) fille de Hercule III duc de Modène (1727-1803).
[11] HERCULE III DE MODÈNE (1727-1803) quitte Modène et se retire à Venise après avoir nommé une régence présidée par le marquis Girard Rangone. Voir la lettre n°27.
[12] Voir la lettre n°27. Bonaparte écrit au Directoire exécutif le 11 vendémiaire an V [2 octobre 1796] : « Le peuple de la Lombardie se prononce chaque jour d’avantage ; mais il est une classe très considérable qui désirerait, avant de jeter le gant à l’empereur, d’y être invitée par une proclamation du gouvernement, qui fut une espèce de garant de l’intérêt que la France prendra à ce pays-ci à la paix générale. Cette résolution du gouvernement, et l’arrêté qui établirait un gouvernement régulateur et qui reconnaîtrait dès aujourd’hui, l’indépendance de la Lombardie ; avec quelques modifications pour la durée de la guerre, vaudrait à l’armée autant qu’un secours de trois à quatre mille hommes.[…] Bologne et Ferrare n’ayant pas de troupes, sont les plus heureux de tous ; on vient d’y établir des surveillants : s’ils font comme les anciens agents militaires de la Lombardie, qui se sont pour la plupart sauvés avec une caisse, ils porteront la désolation dans ce beau pays. Je vais avoir soin de m’en faire rendre compte. Reggio a fait sa révolution et a secoué le joug du duc de Modène. C’est peut-être le pays d’Italie qui est le plus prononcé pour la liberté. Modène avait essayé d’en faire autant ; mais les 1500 hommes de troupes que le duc y tient en garnison ont fait feu sur le peuple et dissipé l’attroupement. Je crois que le plus court de ceci serait de déclarer l’armistice rompu […], et de mettre cette place à l’instar de Bologne et de Reggio. Ce seraient des ennemis de moins que nous aurions, car la régence ne dissimule pas la crainte que nous lui inspirons et la joie qu’elle ressent des succès des ennemis. […] Je crois qu’il ne faut pas laisser cet état dans la situation de déchirement où il se trouve […]. Vous aurez alors Modène, Reggio, Bologne et Ferrare où la masse du peuple se forme tous les jours pour la liberté, et où la majorité nous regarde comme libérateurs, et notre cause comme la leur. Les États de Modène arrivent jusqu’au Mantouan ; vous sentez combien il nous est intéressant d’y avoir au lieu d’un gouvernement ennemi, un gouvernement dans le genre de Bologne qui nous serait entièrement dévoué. » (960, CGNB).
[13] Anne-Françoise HUART (1767-1852) et son mari Barthélémy BAUR (1752-1823).
[14] Marie-Marguerite BAUR (1745-1829).
[15] Louise MONGE (1779-1874), Victoire BOURGEOIS ( ? - ? ) et Marie-Élisabeth Christine LEROY (1783-1856) appelée Paméla.
[16] Charles-François OUDOT (1755-1841), Théophile BERLIER (1761-1844), GUYOT DE SAINT-FLORENT (1755-1834) les trois hommes sont des députés de la Côte d’Or.
[17] Étienne-Marie BARRUEL (1749-1818), instituteur de Physique à l’École polytechnique.
Huart, Catherine (1748-1847)
[1] Catherine HUART MONGE (1748-1847).
[2] Émilie MONGE (1778-1867), son mari Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818) et leur fils Guillaume-Stanislas MAREY-MONGE (1796-1863).
[3] Catherine écrit le 26 thermidor an IV [13 août 1796] « M[onsieur] Marey m’écrit pour avoir ton adresse pour t’écrire, Émilie se plaint amèrement de ce que tu ne lui écris pas, son enfant a déjà deux mois, elle se propose de le sevrer à huit mois, elle sera plus libre cet hiver à Paris, ils doivent venir après les vendanges, c’est dommage que nous ne puissions pas les loger à la maison. Elle me fait un grand vide cette pauvre Émilie qui ne m’a jamais donné que des jouissances, m’en voilà séparée pour toujours.» Voir la lettre n°3.
[4] Sur les bœufs que les commissaires veulent ramener en France voir les lettres n°21, 24, 29, 48, 111 et 115.
[5] Sur la nature spectaculaire du convoi et la volonté de frapper l’opinion publique voir les lettres n° 48, 102, 110 et 140
[6] Sur la saisie des manuscrits au Vatican, voir les lettres n° 23, 25, 26, 70, 76, 79, 99, 100, 104, 110, 111, 113, 114, 120 et 139.
[7] Armistice de Bologne signé le 5 messidor an IV [23 juin 1796] avec le pape Pie VI, Giannangelo BRASCHI (1717-1799).
[8] La commission reprend ses travaux à Rome après le Traité de Tolentino du 1 ventôse an V [19 février 1797]. Voir la lettre n°65.
[9] Monge est à Naples au mois de juin 1797. Voir les lettres n°107 et 108.
[10] Louise MONGE (1779-1874), fille cadette de Monge et l’homme politique Joseph ESCHASSÉRIAUX (l‘aîné) (1753-1824). Voir la lettre n°25.
[11] Monge salue l’engagement d’Eschassériaux dans l’action révolutionnaire. À la différence de Marey, il ne cherche pas à éviter les dangers et les difficultés de l’action révolutionnaires, il s’y confronte. Voir les lettres n°90 et 137. Marey partage son avis. Voir la lettre n°118. Monge répond au récit de Catherine dans sa lettre de Paris, le 27 thermidor an IV [14 août 1796] : « E[schassériaux] vient souvent à la maison nous le trouvons aussi à la promenade, mais nous en sommes toujours au même point. Cependant M[adame] Bertollet qui a eu décadi [dernier] un M[onsieur] Dubois à dîner chez elle à Aulnay, il lui a dit que tu avais deux jolies filles que l’aînée avait fait un bon mariage et que si la cadette avait voulu elle en aurait fait, un bien avantageux, qu’un de ses amis il était [f…] que c’était E[schassériaux]. Comme il y avait quelqu’un, elle n’a pas suivi cette conversation ; il paraîtrait d’après cela qu’il en aurait parlé à quelqu’un. […] il a toujours l’air gauche, mais bon enfant. » Émilie et Nicolas-Joseph Marey ne manquent pas dans leur correspondance de tenir Monge informé. Sur le mariage de Louise avec Eschassériaux voir les lettres n°113, 118, 125, 126, 127, 136, 137 et 138.
[12] Monge n’aborde jamais la question d’un éventuel mariage avec Eschassériaux dans les lettres à sa fille Louise, il ne lui fait part de son jugement sur Eschassériaux qu’à la veille de leur mariage. Voir la lettre n°137.
[13] DEBAIS ( 17 ?- ?) ami de Marey et membre de la petite société républicaine de Nuits.
[14] Voir la lettre n°26.
[15] HERCULE III DE MODÈNE (1727-1803) quitte Modène et se retire à Venise après avoir nommé une régence présidée par le marquis Girard Rangone. Voir la lettre n°26 et la lettre de Bonaparte au Directoire du 11 vendémiaire an V [2 octobre 1796] (960, CGNB).
[16] Sur les réactions que suscitent les saisies d’œuvres d’art en France dans la presse notamment et sur l’opinion publique et sur l’action menée par Quatremère de Quincy et Roederer voir les lettres n°19, 22, 26, 28 et 34.
[17] L’ Apollon du Belvédère et l’Antinoüs sont des copies romaines de statues grecques, avec le groupe du Laocoon et ses fils, elles sont exposées dans la cour du Belvédère qui relie le Palais du Vatican au Palais du Belvédère.
[18] La transfiguration du Christ (1520), dernier tableau de Raffaello SANZIO DA URBINO (1483-1520).
[19] Sur le premier convoi des œuvres d’art saisies et confié au commissaire La Billardière, voir les lettres n°14, 15, 16, 22, 28, 33, 41, 42, 48 et 53.
[20] La Sainte Cécile et quatre saints (1515) de Raffaello SANZIO DA URBINO. Voir les lettres n°12, 48 et 53.
[1] Lettre n°26.
[2] Dans ces deux lettres, Catherine répond à la lettre n°13 de Bologne du 22 messidor an IV [10 juillet 1796].
[3] De Paris le 26 thermidor an IV [13 août 1796], par l’intermédiaire de Carnot. Voir la lettre n°13.
[4] De Paris le 27 thermidor an IV [14 août 1796]. Angélique-Catherine Françoise MIOT (1763- ?), elle est une des sœurs de André-François MIOT (1762-1841). Elle épouse en 1783 Charles-Alexandre de SIRIAQUE (17 ? -?).
[5] Marie-Marguerite BAUR (1745-1829) femme de Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822).
[6] Monge répond à Catherine qui lui écrit de Paris le 26 thermidor an IV [13 août 1796].« Prenez bien garde de trop vous fatiguer, on dit ce climat malsain pour les Français. Il paraît que cela ne nuit pas à ta santé mais depuis que je te connais, je t’entends dire que ton ventre pousse. Quand je te verrai, je croirai à ton embonpoint. Si cela est, nous nous sommes donnés le mot car je suis obligée de faire changer toute ma garde robe, je ne sais plus ce que c’est que les hoquets ni les spasmes ; la tranquillité dont on jouit actuellement porte tout le monde à se livrer au plaisir. L’espoir d’une paix prochaine fait supporter la gêne que nous éprouvons en finances, les mandats valent 28 " le [?], on doit nous payer ce mois-ci de vos traitements, moitié en sols et l’autre moitié en mandat. Je me trouve bien riche avec ce qu’on me donne puisqu’il est accompagné de la tranquillité, et de l’Espoir de la paix, nos conquêtes et nos victoires sont aussi multiples sur le Rhin qu’en Italie. Il est étonnant que l’Empereur ne demande pas la paix à genoux. »
[7] Émilie MONGE (1778-1867). Monge écrit à sa fille aînée la veille le 22 fructidor an IV [8 septembre 1796] Voir lettre n°27.
[8] Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818) mari d’Émilie MONGE. Monge répond à une remarque de sa femme. De Paris le 26 thermidor an IV [13 août 1796] : « M[onsieur] Marey m’écrit pour avoir ton adresse pour t’écrire, Émilie se plaint amèrement de ce que tu ne lui écris pas, son enfant a déjà deux mois, elle se propose de le sevrer à huit mois, elle sera plus libre cet hiver à Paris, ils doivent venir après les vendanges […]. »
[9] José-Nicolas AZARA (chevalier d’) (1731-1804). Voir lettre n°38.
[10] Pietro MOSCATI (1739-1824).
[11] Francesco PIRANESI (1748-1810), fils du célèbre graveur Giovanni Battista PIRANESI (1720-1778).
[12] De Paris, le 26 thermidor an IV [13 août 1796], Catherine écrit : « […] je ne sais pourquoi je pense toujours que vous ne reviendrez qu’au printemps, vous êtes assez malin pour cela. »
[13] Jacques-Julien HOUTOU DE LA BILLARDIÈRE (1755-1834). Monge répond à l’impatience exprimée par sa femme dans sa lettre de Paris le 27 thermidor an IV [14 août 1796] : « J’attends avec impatience votre collègue La Billardière depuis le temps qu’il est en route il devrait être ici. Combien je vais le questionner, si je le vois ! » Voir les lettres n°14, 15, 16, 22, 33, 41, 42, 48, 52 et 53.
[14] Le premier convoi sous la responsabilité de La Billiardière quitte Tortone le 15 septembre 1796. Prennent le départ dix-huit chariots construits spécialement à Milan et chargés de 72 caisses. Il arrive à Paris vers la mi novembre 1796. Cela représente un peu plus de 6 décades.
[15] 13 Vendémiaire an IV [5 octobre 1795]. Voir les lettres n°19 et 29.
[16] Antoine-Chrysostome QUATREMÈRE DE QUINCY (1755-1849) est l’auteur d’un volume à la fin du mois de juillet 1796 sous le titre Lettres sur le préjudice qu’occasionnaient aux arts et à la science le déplacement des monuments de l’art de l’Italie, le démembrement de ses écoles et la spoliation de ses collections, galeries, musées, etc. Ces lettres sont rédigées à partir de juin 1796. La forme épistolaire de ce manifeste contre les saisies d’œuvre d’art semble directement liée avec la procédure pénale sous le coup de laquelle il était jusqu’au 10 août 1796. « Attaché aux idées libérales incarnées par la Déclaration des droits de 1789 et la Constitution de 1791, solidaire des principes qui marquent la première phase de la Révolution, hostile au courant de radicalisation qui se manifeste en 1793, il était entré dans une semi-clandestinité ; découvert et arrêté en mars 1794, libéré après Thermidor, demeuré partisan de la monarchie constitutionnelle, il joue un rôle actif dans l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV [5 octobre 1795] ; décrété d’arrestation par contumace, il se cache à partir d’octobre 1795 jusqu’au 22 Thermidor an IV [9 août 1796] jour où il se trouve devant le tribunal qui l’acquitte. » [POMMIER E. (1991), pp. 416-417.] Dans une lettre que Monge ne reçoit que le lendemain (voir la lettre n°29), Catherine choisit de commenter le même événement dont l’un et l’autre ont pris connaissance par les journaux. Ils doivent tous les deux emprunter l’expression juridique « il est constant que ». En reprenant la nouvelle de l’acquittement de Quatremère de Quincy, Catherine répond aussi à la lettre de Monge (lettre n°19). L’actualité lui permet de développer la question de la réception de la politique de saisie du Directoire par Roederer dans sa lettre de Paris le 15 fructidor an IV [1er septembre 1796] : « M. Roederer se récrie donc beaucoup sur votre vandalisme, tu ne dis rien de Quatremère qui vient d’être acquitté par le jury du tribunal criminel du dép[arment] de la Seine, qui a déclaré [qu’il] n’était constant qu’il avait existé une conspiration en vendémiaire. Le premier usage que ce vendémiairiste a fait de sa liberté, a été de rassembler un certain nombre d’artistes pour présenter une pétition au Directoire, à l’effet de donner à sa prudence s’il ne serait pas plus utile de laisser au pape tous les beaux objets d’art qu’on supposait que vous alliez lui enlever. Je n’ai pas vu cette pétition, ainsi je ne peux pas te dire quelles raisons ils apportent à ce beau désintéressement. Au surplus, je crois que plus vous en enlèverez et moins vous en laisserez aux autres puissances du nombre desquelles celle que vous dépouillez sera bientôt rayée. » Monge n’a pas tort de souligner l’enjeu politique du Discours de Quatremère contre la politique de saisie du Directoire. Dans la préface de la réédition de ses Lettres en 1836 Quatremère de Quincy, donne des informations sur le contexte de production de cette correspondance : « Ce fut dans la retraite où je m’étais caché que le général Miranda, qui en avait le secret, vint m’engager à établir entre nous, sur le danger qui menaçait Rome une correspondance qu’il rendrait publique. » […] Selon, E. Pommier l’auteur dès le début de son texte indique que son ami veut « démontrer que l’esprit de conquête dans une République est entièrement subversif de l’esprit de liberté. » [QUATREMÈRE DE QUINCY [1796] (1836), Lettres au général Miranda, Lettre I, p. 87.] Cela éclaire le contexte politique de la querelle de juin-juillet 1796 et montre que le débat sur les saisies d’œuvres d’art en Italie est à la fois culturel et politique. « […] les adversaires de l’action du Directoire dans la continuation de celle qui avait été menée en l’an II, ne critique pas seulement les conséquences artistiques du transfert des chefs d’œuvre d’Italie en France, ils dénoncent aussi ses implications internationales, dans la mesure où il risque de dresser le peuple italien contre la cause de la France, d’exaspérer les antagonismes et de rendre encore plus difficile une paix durables. […][Quatremère et Miranda] ramènent ainsi le discours sur les arts au cœur du conflit entre la Révolution et l’Europe. » [POMMIER E. (1991), pp. 417-418.] Voir les lettres n°19, 22, 26, 28 et 34
[17] La répression de l’insurrection du peuple de Lugo a lieu le 18 Messidor an IV [6 juillet 1796]. Le 26 messidor an IV [14 juillet 1796] Bonaparte écrit au Directoire : « Un moine arrivé de Trente a porté la nouvelle dans la Romagne que les Autrichiens avaient passé l’Adige, débloqué Mantoue, et marchaient à grandes journées sur la Romagne. Des imprimés séditieux, des prédicateurs fanatiques prêchèrent partout l’insurrection ; ils organisèrent en peu de jours, ce qu’ils appelèrent l’armée catholique et papale ; ils établirent leur quartier général à Lugo, gros bourg de la légation de Ferrare quoique enclavée dans la Romagne. » C’est Augereau qui mène la répression et Bonaparte conclut : « Depuis cet événement, qui a eu lieu le 18, tout est rentré dans l’ordre et est parfaitement tranquille. » (777, CGNB). Voir lettre n°21.
[18] Joseph ESCHASSÉRIAUX (1753-1824). Dans sa lettre de Paris du 27 thermidor an IV [14 août 1796], Catherine informe Monge de l’état des relations entre Eschassériaux et leur fille Louise et si la demande en mariage approche. « Quoique je sois bien pauvre, je viens de donner à Louise un maître de chant à 3[f] par leçon. J’ai loué un piano 12 [f] par mois. J’espère que 3 mois lui suffiront pour tirer parti de sa jolie voix, j’ai pensé qu’il fallait plutôt faire cette dépense à présent que plus tard, les légers talents d’Émilie ont servi à la bien marier, j’espère qu’il en sera de même pour Louise. E[schassériaux] vient souvent à la maison nous le trouvons aussi à la promenade, mais nous en sommes toujours au même point. Cependant M[adame] Bertollet qui a eu décadi [dernier] un M[onsieur] Dubois à dîner chez elle à Aulnay, il lui a dit que tu avais deux jolies filles que l’aînée avait fait un bon mariage et que si la cadette avait voulu elle en aurait fait, un bien avantageux, qu’un de ses amis il était [f…] que c’était E[schassériaux]. Comme il y avait quelqu’un, elle n’a pas suivi cette conversation ; il paraîtrait d’après cela qu’il en aurait parlé à quelqu’un. Il ne me plaît pas autant que Marey, il a toujours l’air gauche, mais bon enfant. »
Huart, Catherine (1748-1847)
[1] Antoine-Christophe SALICETI (1757-1809) commissaire à l’Armée d’Italie. Monge le suit dans ses missions jusqu’au 6 Brumaire an V [27 octobre 1796] , date à laquelle Miot et Monge laisse le commissaire aux armées à Livourne. Voir les lettres n°31 à 40.
[2] André-François MIOT DE MELITO (1762-1841), ambassadeur à Florence puis envoyé en mission à Rome par Bonaparte le 2 juillet 1796. Voir lettres n°13, 14 et 24.
[4] De Paris le 4 fructidor an IV [21 août 1796], Catherine écrit : « Écris-moi donc plus souvent voilà aujourd’hui un mois que je n’ai pas reçu de tes nouvelles, cela commence à être bien long. »
[5] Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822).
[6] Après la suspension de l’armistice de Bologne, le 3 Vendémiaire an V [24 septembre 1796] les commissaires doivent quitter Rome et se rendre à Florence. Monge y laisse ses collègues et accompagne Saliceti à Ferrare. Monge devient alors le spectateur des événements politiques et militaires qu’il se plait à observer en accompagnant Miot et Saliceti dans leurs missions. Berthollet à cette date est à Livourne, Monge arrive avant lui à Florence.
[7] Catherine commente dans sa lettre de Paris le 25 vendémiaire an V [16 octobre 1796] : « Nous sommes en effet quelques fois un mois sans recevoir de vos nouvelles, mais j’en reçois presque toujours deux à la fois, surtout depuis que tu les envoies par la poste qui est la voie la plus prompte. Je ne me plains pas de ton exactitude, mon cher ami (car j’en ai reçu 17), mais bien de ton éloignement, surtout de ton long séjour à Rome, où je te voyais perpétuellement exposé aux poignards de ces traîtres. Vous en voilà dehors, je suis beaucoup plus calme. » Depuis la première lettre écrite de Lanslebourg jusqu’à cette lettre de Ferrare il y a bien 17 lettres de Monge à Catherine dans le corpus.
[8] Ludovico ARIOSTO (1474-1533). Poète italien.
[9] Catherine répond de Paris, le 25 vendémiaire an V [16 octobre 1796] : « Tes jouissances vont recommencer, puisque tu t’es déjà assis sur le banc de la maison de l’Arioste, que tu as vu son tombeau. Les Ferrarrais font très bien de conserver les meubles qui ont servi à cet agréable écrivain. Cette ville doit être bien déserte puisqu’elle [est] faite pour 200 milles âmes et qu’elle n’en contient que 30. »
[10] Dagobert-Sigismond de WURMSER (1724-1797). Sur le blocus de Mantoue voir les lettres n°12, 18, 21, 22, 29, 34, 42, 45, 51, 53 et 55.
[11] Jean-Baptiste JOURDAN (1762-1833) général de l’armée de Sambre-et-Meuse. Catherine répond dans sa lettre de Paris le 25 vendémiaire an V [16 octobre 1796] : « Si Mantoue est pris, l’armée républicaine ira mettre cette vieille momie à la raison. Le traité de paix avec le roi de Naples a dû être accepté hier par les conseils. Voilà encore un ennemi de moins, et une ressource de moins pour le pape. Nos affaires sur le Rhin [ne] vont ni bien ni mal. Moreau a eu un avantage considérable aux environs de Buchau le 10 et le 12. Il a pris 2 drapeaux, 6 bouches à feu, 5 milles prisonniers parmi lesquels 56 officiers, lesquels ont rapporté que l’Empereur n’avait plus de force dans l’intérieur de l’Autriche, qu’il a envoyé à l’armée toutes les forces qui jusqu’alors étaient restées en réserve dans les garnisons ; ce sont des rapports de prisonniers. Beurnonville a remplacé Jourdan, je ne sais quelle armée ce dernier commande à présent. Il est bien malheureux que ce brave homme ait éprouvé un échec aussi considérable. Il paraît, par les nouvelles officielles, que les habitants de Strasbourg et des environs ont vigoureusement aidé à repousser les Autrichiens lorsqu’ils sont venus à Kehl, tous les C[itoyens] de ce département sont armés et organisés de manière à bien défendre l’entrée de notre territoire. »
[13] Voir supra.
[14] Catherine informe Monge de l’état de l’esprit public dans sa lettre de Paris le 25 vendémiaire an V [16 octobre 1796] : « L’esprit de Paris est toujours le même, à ce que je peux voir dans mon petit coin, on colporte force brochures contre le gouvernement qui ne réprime pas cette licence de la presse, qui nuit beaucoup. Vous avez sûrement su l’affaire du camp de Grenelle. Il y avait beaucoup de fermentation dans ce moment-là. Il me semble que la tranquillité se rétablit. Je ne vous mande pas des nouvelles parce qu’elles sont toujours usées quand vous les recevez. Et à présent que vous voilà ambulants, où nos lettres vous trouveront-elles ? Je vais adresser celle-ci à Florence, et si vous ne savez pas l’affaire de Grenelle, je vais vous la conter. Il y a environ un mois que quatre à cinq hommes dont la plupart n’était point armée, se sont rendus la nuit au camps de Grenelle, ils avaient à leur tête le général Fion. Ils entrent dans le camp en chantant La Marseillaise, et criant, dit-on : « À bas les tyrans ! », les troupes du camp s’éveillent, les dragons montent à cheval et tuent plusieurs de ces hommes dont le plus grand nombre était des cordonniers, perruquiers, et à peu près de cette classe. Enfin ils arrêtent 132 de ces malheureux, le reste se sauve comme il peut, le matin on amène toute cette prise à Paris au Temple où on établit une commission militaire qui en a condamné 24 ou 30 à être fusillés, le reste à la déportation, d’autres à la détention jusqu’à la paix, et un certain nombre acquitté et mis en liberté. Parmi les fusillés, il y a trois ex-conventionnels qui sont Javoques, Huguet et Cusset qui ont été pris le lendemain de cette aventure. Cette commission militaire a mis beaucoup de temps à juger, cela a duré un mois. Pendant ce temps, chacun disait ce qu’il voulait sur cette affaire. Vous savez sûrement que Drouet s’est évadé des prisons de l’Abbaye deux jours avant le transfèrement (sic) de ces prisonniers à Vendôme, où est la Haute Cours qui doit les juger, ils sont en jugement dans ce moment. » L’esprit public est l’objet d’une forte préoccupation de Monge, il exprime à plusieurs reprises sa volonté d’être informé voir les lettres n°3, 85, 90, 156, 160, 163, 164, 167, 168, 176 et 177.
Huart, Catherine (1748-1847)
[1] Monge et Saliceti passent par la vallée de l’Arno, du Serchio. Ils franchissent l’Apennin au dessus de Castiglione et descendent directement sur Modène.
[2] Voir lettre n°113.
[3] Lettre n°32 du 15 vendémiaire an V [6 octobre 1796]
[4] SIXTE ( ? - ?). Dans sa lettre de Paris du 4 fructidor an IV [21 août 1796], que Catherine envoie par l’intermédiaire de Carnot, elle indique que le lendemain elle donnera une autre lettre à Sixte. Cette lettre serait donc datée du 5 fructidor [22 août 1796], mais elle ne figure pas dans le fonds de la correspondance familiale conservée à la bibliothèque de l’École polytechnique.
[5] Antoine-Christophe SALICETI (1757-1809) et Pierre-Anselme GARRAU (1762- 1829) commissaires à l’Armée d’Italie. Bonaparte au Directoire 11 vendémiaire an V [2 octobre 1796] (960, CGNB). Monge suit Saliceti au cours de sa mission politique depuis le 10 vendémiaire an V [1er octobre 1796]. Voir la lettre n°30.
[6] Le 11 Vendémiaire an V [2 octobre 1796] Bonaparte au Directoire : « Reggio a fait sa révolution et a secoué le joug du duc de Modène. C’est peut-être le pays d’Italie qui est le plus prononcé pour la liberté. » (960, CGNB). Voir les lettres n°26 et 27.
[7] Dagobert-Sigismond de WURMSER (1724-1797). Voir les lettres n°29 et 30.
[8] Bonaparte au Directoire exécutif 17 vendémiaire an V [8 octobre 1796] « Cent cinquante hommes de la garnison de Mantoue étaient sortis le 8, à dix heures du matin, de la place, avaient passé le Pô à Borgoforte, pour chercher des fourrages. Cependant, à cinq heures après midi, nous achevâmes le blocus de Mantoue, en nous emparant de la porte de Pradella et de celle de Cerese […]. Ce détachement, se trouvant par là séparé de Mantoue chercha à se retirer à Florence. Arrivé à Reggio, les habitants en furent instruits, coururent aux armes et les empêchèrent de passer, ce qui les obligea à se retirer dans le château de Monte Chiarugolo sur les États du duc de Parme. Les braves habitants de Reggio les poursuivirent, les investirent et les firent prisonniers par capitulation. Dans la fusillade qui a eu lieu, les gardes nationales de Reggio ont eu deux hommes tués. Ce sont les premiers qui aient versé leur sang pour la liberté de leur pays. Les braves habitants de Reggio ont secoué le joug de la tyrannie de leur propre mouvement et sans même être assurés qu’ils seraient soutenus par nous. » (978, CGNB) Voir lettre de Bonaparte aux habitants de Reggio. (976, CGNB).
[9] Bonaparte au Directoire 11 vendémiaire an V [2 octobre 1796] « Les états de Modène arrivent jusqu’au Mantouan : vous sentez combien il nous est intéressant d’y avoir au lieu d’un gouvernement ennemi, un gouvernement dans le genre de celui de Bologne, qui nous serait entièrement dévoué. » (960, CGNB).
[10] Voir les lettres n°26, 27 et 35.
[11] Voir lettres n°21 et 22. Mais aussi à propos du siège de Mantoue voir les lettres n°12, 18, 22, 29, 30, 42, 45, 51, 53 et 55.
[12] Hercule III de Modène (1727-1803). Duc de Modène et Reggio.
[13] Le 24 septembre 1796 [3 vendémiaire an V] la suspension de l’exécution de l’armistice de Bologne oblige les commissaires des sciences et des arts à quitter Rome et à y laisser les objets et ouvrages saisis.
[14] Antoine-Chrysostome QUATREMÈRE DE QUINCY (1755-1849) et Pierre-Louis ROEDERER (1754-1835). Sur l’action de Quatremère et de Roederer contre la politique de saisie du Directoire voir les lettres n°19 et 28, mais aussi 22 et 26. Le 24 septembre 1796
[15] Thoüin reste à Florence. Berthollet, Tinet, et Moitte sont à Livourne avant de rejoindre Thoüin à Florence. Voir les lettres n°35 et 38.
[16] Monge ne rejoint pas ses collègues à Florence. Il attend ses collègues à Modène avec qui il dîne avant de partir pour Livourne. Voir les lettres n°35, 36 et 38.
[17] André-François MIOT (1762-1841).
[18] Catherine lui répond à ce sujet le 29 vendémiaire an V [20 octobre 1796] : « Ce sont des nouvelles très fraîches, elles me font d’autant plus de plaisir qu’il me semble que ta gaieté revient, et que tu goûtes les mêmes plaisirs que ton séjour à Rome avait anéantis. C’est donc une belle chose que les républiques naissantes, nous sommes blasés. Il nous faut à présent des miracles pour nous réveiller. Je ne vois ni n’entends rien ici qui ressemble à la contre-révolution, qui n’est, je crois, que dans les journaux qui sont détestables. C’est à qui fera le plus de nouvelles désastreuses et le plus de calomnies atroces contre le gouvernement et la république. Mais cela ne fait pas d’impression, tout le monde sent bien qu’un nouveau bouleversement nuirait à tous. Prenez bien vite Mantoue, et que la paix se fasse. Tout ira bien, surtout revenez vite, car [avec] ton absence, l’hiver me paraîtra plus insupportable encore que l’été. Voilà un an que nous sommes séparés. Ma rivale doit être contente, à moins qu’il lui faille le divorce, cela serait affligeant pour moi qui partage bien sincèrement l’amour que tu as pour elle. Cela ne me dispense pas de la trouver fort exigeante. » Voir les lettres n°35 et 36.
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France)
[1] Lettre n°45 à Catherine, Milan, le 7 frimaire an V [27 novembre 1796].
[2] Napoléon BONAPARTE (1769-1821).
[3] La république Cispadane est constituée des villes de Reggio, Bologne, Modène et Ferrare. Voir infra.
[4] Dagobert-Sigismond de WURMSER (1724-1797) général autrichien. Voir la lettre n°45 et 51. Et aussi à propos du siège de Mantoue voir les lettres n°12, 18, 21, 22, 29, 30, 34, 42, 51, 53 et 55. Sa belle-sœur Anne Françoise HUART (1767-1852) saisit tout l’enjeu de la prise de Mantoue et lui écrit avec Louise de Paris le 5 nivôse an V [25 décembre 1796] (voir infra.) : « Il y a longtemps mon cher frère que nous trouvons ton absence trop longue. Je vois avec peine que tu ne reviendras pas avant l’été, cette maudite ville de Mantoue devrait bien se laisser prendre [plus tôt] car si le siège dure encore six mois il n’y a plus de raison pour te revoir avant l’année prochaine. »
[5] Le galion que Monge attend avec impatience est la reprise des travaux de la commission à Rome qui ont été interrompus après la rupture par le Pape en octobre 1796 de l’armistice de Bologne signée le 5 Messidor an IV. Pour la référence au récit de George ANSON (1697-1762). Voir les lettres n°45 et 183. Catherine lui écrit en réponse de Paris le 7 pluviôse an V [26 janvier 1797] : « Mais où êtes-vous ? Que faîtes-vous depuis le 18 nivôse ? C’est la dernière lettre de vos lettres. Vous devez flairer le Galion. Dépêchez-vous vite à vous en emparer et revenez encore vite ! La République Cispadane (ta filleule) doit être plus tranquille, l’armée du pape est sûrement loin d’elle. À propos de ta filleule Florent Guyot désirerait avoir une Constitution de cette république. »
[6] Sur les bœufs à Voir les lettres n°21, 24, 29, 111 et 115.
[7] Sur la nature spectaculaire du convoi et la volonté de frapper l’opinion publique, voir infra.
[8] FERDINAND III (1769-1824).
[9] Jean-François ESCUDIER (1759-1819). Il est arrivé à Toulon le 28 frimaire an V [18 décembre 1796]. [R.T.] Voir la lettre n°92.
[10] Jacques-Julien LA BILLARDIÈRE (1755-1834) Voir les lettres n°14, 15, 16, 22, 28, 33, 41, 42, 51, 52, 53.
[11] Sur le convoi des tableaux de Lombardie conduit par Escudier voir aussi les lettres n° 41, 42, 53, 77, 81, 98, 109 et 117.
[12] Émilie MONGE (1778-1867) et son mari Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818) sont à Paris depuis le 23 brumaire an V [13 novembre 1796].
[13] La « Sainte-Cécile et quatre saints » (1515), de Raffaello SANZIO DA URBINO (1483-1520). Catherine lui répond de Paris le 7 pluviôse an V[26 janvier 1797] : « Votre dernier convoi n’est pas encore arrivé ici, dès que nous pourrons voir la Sainte Cécile (ta bien aimée), nous y volerons. Mais je trouve qu’en vieillissant [tu] deviens bien volage. Ce n’était donc pas assez pour moi d’avoir pour rivale la République française, il faut encore que la petite Cispadane vienne écorner ton cœur, et la Sainte Cécile brochant sur tout. Mais elle est sainte, cela me tranquillise, j’en ai parfois besoin après 15 mois d’absence. » Voir les lettres n°12, 27, 42 et 53. La conception des caisses n’a pas seulement été effectuée pour assurer le transport des objets sans dommage mais aussi pour pouvoir montrer sans délai les résultats des campagnes de la République en Italie. Voir la lettre n°184. De Paris le 7 pluviôse an V [26 janvier 1797], Louise écrit à ce propos : « Je crois que la république a grand besoin que ses défenseurs rentrent dans son sein pour régénérer l’esprit public. J’espère que le gouvernement nous fera de belles fêtes pour la paix. C’est là que les patriotes montreront leur reconnaissance à ceux qui affrontent tous les dangers pour nous défendre, c’est alors qu’il sera bien d’être soldat et de pouvoir dire j’étais de l’armée d’Italie ; tous nos muscadins se cacheront et seront honteux d’avoir été si poltrons. Enfin il faut espérer qu’à cette époque l’esprit public reprendra de la vigueur et que l’on osera dire je suis patriote. » Sur la nature spectaculaire du convoi et la volonté de frapper l’opinion publique voir les lettres n°27, 102 et 110.
[14] Monge écrit à Marey 8 jours plus tard de San Benedetto, voir la lettre n°49.
[15] La lettre de Paris du 5 nivôse an V [25 décembre 1796] de Louise MONGE (1779-1874) est conservée dans le fonds familial de l’É. pol. Elle écrit : « Nous avons reçu, le charmant petit coffre, mon cher Papa, il a fait l’admiration de tout le monde, les uns veuillent qu’il soit garni en or les autres en cuivre. Il y a là dessus de grands débats mais cependant je crois qu’on n’aurait pas monté en cuivre un coffre de bois pétrifié. J’ai bien vu tout de suite qu’il venait de toi car la clef était attachée avec des rubans aux trois couleurs. »
[16] Anne Françoise HUART (1767-1852) appelée fillette, son mari Barthélémy BAUR (1752-1823), et leur fils Émile BAUR (1792- ?). Anne-Françoise complète la lettre de Louise du 5 nivôse an V [25 décembre 1796]. Monge lui répond un mois plus tard de Tolentino le 30 pluviôse an V [18 février 1797]. Voir la lettre n°63.
[17] Victoire BOURGEOIS (17 ? -18 ?) et Marie-Élisabeth Christine LEROY (1783-1856) appelée Paméla, nièce de Catherine HUART.
[18] Marie-Marguerite BAUR (1745-1829).
[19] Charles-François OUDOT (1755-1841), GUYOT DE SAINT-FLORENT (1755-1834) et Théophile BERLIER (1761-1844), les trois hommes sont des députés de la Côte d’Or. Monge procède différemment dans les salutations qu’il adresse aux couples Oudot, Guyot et Berlier. Il répond spécialement à Louise qui lui écrit le 5 nivôse an V [25 décembre 1796]: « Nous avons été hier chez la citoyenne [Guyot], elle nous a chargées de te dire bien des choses ainsi que le citoyen et la citoyenne Berlier que nous y avons trouvés. »
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
[1] Monge est au quartier général avec Napoléon BONAPARTE (1769-1821).
[2] Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818), mari d’Émilie MONGE (1778-1867), le couple et leur premier fils Guillaume-Stanislas MAREY-MONGE (1796-1863) sont à Paris du 23 brumaire an V [13 novembre 1796] au 15 ventôse V [5 mars 1797].
[3] Louis-Alexandre BERTHIER (1753-1815).
[4] Catherine HUART (1747-1846). Lettre n°59, de Lorette, le 25 pluviôse an V [13 février 1797].
[5] Lettre de Marey à Monge, Paris le 2 pluviôse an V [21 janvier 1797] et celle de Catherine, Émilie et Louise Monge, le 28 pluviôse an V [26 janvier 1797]. Il n’y a que la lettre des femmes Monge du 7 pluviôse qui a pu être retrouvée. Fonds Monge, É.pol.
[6] L’opinion publique est le sujet de préoccupation que les deux hommes partagent. Voir les lettres n°85 et 90.
[7] La bataille de Rivoli, le 25 Nivôse an V [14 janvier 1797 ], les combats d’Angiari le 26 [15] et la bataille de la Favorite le 27 Nivôse [16 janvier 1797]. Voir les lettres n°50 et 51.
[8] Reddition de Mantoue le 15 pluviôse an V [3 février 1797]. Voir les lettres n°12, 51, 53 et 55.
[9] Marey reçoit cette lettre avant qu’ils ne repartent à Nuits. Ainsi l’ensemble de la famille a accès à ces informations et cela est manifeste dans la lettre de Catherine du 12 ventôse an V [2 mars 1797]. Voir infra. La restriction de diffusion de l’information vise le cercle social et politique de la famille. Sur la dimension collective de la correspondance aux membres de la famille, voir les lettres n°40, 53, 84 et 187.
[10] Michelangelo Alessandro COLLI-MARSHI (1738-1808), général au service du Pape, chargé de la défense des États pontificaux.
[11] Pietro MOSCATI (1739-1824). C’est aussi ce que rappelle Bonaparte au Directoire le 7 germinal an VI [27 mars 1798] alors que sont arrêtés des membres des conseils de la République cisalpine: « Le citoyen Moscati était connu comme un des plus célèbres médecins de l’Europe, ayant de grandes connaissances dans les sciences morales et politiques. Il s’abandonna tout entier au service de l’armée, et c’est à lui et à ses conseils que nous devons 20 000 hommes peut-être, qui eussent péri dans nos hôpitaux en Italie. » (2347, CGNB). Voir la lettre n°60.
[12] Voir lettre n° 60.
[13] SENSI ( ?- ?) voir lettre n°58 et sur les saisies effectuées à Notre-Dame de Lorette voir aussi les lettres n°55, 59, 60, 61, 66.
[14] Contre la superstition.
[15] De Paris, le 12 ventôse an V [2 mars 1797], Catherine évoque avec légèreté les cours de Géométrie descriptive improvisés par Monge, alors qu’il est de retour à Rome : « J’aimais bien mieux te savoir au quartier général pérorant sur les sciences, que de te sentir à Rome. »
[16] Monge est à Rome le 23 février 1797. Voir la lettre n°65.
[17] L’autrichien François II (1768-1835).
[18] Monge fait référence aux négociations en cours entre la France et le Vatican. Mais le pape n’est pas seulement un ennemi militaire et politique, mais aussi culturel et cela bien avant la campagne d’Italie. (Voir la lettre n°3) Comment lutter contre la superstition et l’ignorance, si ce n’est avec l’évidence, un des principes de la méthode cartésienne et de tout géomètre. (voir infra) Monge trouve un biais pour expliquer pourquoi Bonaparte préfère emprunter la voie diplomatique plutôt que la voie militaire. L’opinion de Monge sur la conduite à tenir avec le pape évolue à chaque rencontre avec le général. Voir les lettres n°40, 44, 51, 53, 63 et 65. Enfin, il n’est sans doute pas inutile d’informer la société parisienne de la sensibilité scientifique de Bonaparte. En effet, en réponse au récit de Monge, le 12 ventôse an V [2 mars 1797], Catherine commente : « Je serai bien heureuse de voir ce héros dont nos chouans disent tant de mal. Il ne manque à sa gloire que de bien étriller les archiducs qui, dit-on, vont lui livrer combat. Je fais des vœux bien sincères pour cela, et quoique nos incroyables disent que c’est un ignorant, qu’il ne sait pas les mathématiques, il prouve par de simples calculs qu’il se bat bien et dirige aussi bien son armée. »
[19] La nature du public de la Géométrie descriptive est aussi l’objet de discussions à Paris. Le 20 messidor an V [8 juillet 1797], sans doute un peu pour inciter son mari à quitter l’Italie, Catherine donne un indice des difficultés que rencontre l’École (voir les lettres n°17, 43, 77, 95 et 127) en informant Monge que sa Géométrie descriptive est la cible de critiques : « Il est des occasions où les absents ont tort, on travaille à la géométrie descriptive, on prétend que cette science ne doit pas être populaire, qu’elle doit être réservée aux seuls ingénieurs. » Or Monge est très clair sur ce point. Le caractère technique de la géométrie descriptive ne la prive ni de sa valeur élémentaire ni de sa puissance théorique (voir les lettres n°1 et 3), bien au contraire et Monge l’exprime dès 1795, lors de sa première leçon en présentant les objets de la Géométrie descriptive : « Le second objet de la géométrie descriptive est de déduire de la description exacte des corps tout ce qui suit nécessairement de leurs formes et de leurs positions respectives. Dans ce sens, c’est un moyen de rechercher la vérité ; elle offre des exemples du passage du connu à l’inconnu ; et parce qu’elle est toujours appliquée à des objets susceptibles de la plus grande évidence, il est nécessaire de la faire entrer dans le plan d’une éducation nationale. Elle est non seulement propre à exercer les facultés intellectuelles d’un grand peuple, et à contribuer par là au perfectionnement de l’espèce humaine, mais encore elle est indispensable à tous les ouvriers dont le but est de donner aux corps certaines formes déterminées ; et c’est principalement parce que les méthodes de cet art ont été jusqu’ici trop peu répandues, ou même presque négligées que les progrès de notre industrie ont été si lents. » MONGE G. [1795] (1992), p. 306. Avant d’aborder la partie plus théorique de la Géométrie descriptive consacrée à la présentation de quelques propriétés générales de l’étendue au cours d’une étude des courbes à double courbure, Monge rappelle que sa géométrie est adéquate à la formation de tous les esprits et dépasse un simple usage technique : « Si donc on avait établi dans toutes les villes un peu considérables des écoles secondaires, dans lesquelles les jeunes gens de l’âge de douze ans, et qui se destinent à la pratique de quelques-uns des arts, auraient été exercés pendant deux années aux constructions graphiques, et familiarisés avec les principaux phénomènes de la nature, (voir les lettres n°107 et 108) dont la connaissance leur est indispensable ; ce qui, en développant leur intelligence, et en leur donnant l’habitude et le sentiment de précision, aurait contribué, de la manière la plus certaine, aux progrès de l’industrie nationale, et ce qui, en les accoutumant à l’évidence, les aurait garantis pour toujours de la séduction des imposteurs de tous les genres […].» MONGE G. [1795] (1827), p. 111.
En outre, il faut noter dès cet évènement l’écart qui existe entre Bonaparte et Monge sur l’usage de la Géométrie descriptive en particulier et des sciences en général. (Voir aussi la lettre n°128.) Il faudrait aussi rapprocher cet événement de leur différend en 1804, lors de la militarisation de l’École polytechnique et de l’accès à l’École déterminé par des conditions de ressources. C’était pour Monge un grand pas en arrière et son École polytechnique était défigurée par le même trait qui l’avait empêché de devenir élève de l’École du Génie de Mézières en 1765. Dupin consacre un long développement à ce sujet qu’il conclut ainsi : « Voilà les raisons irréfragables que Monge défendait avec courage, avec opiniâtreté, contre les vues impériales d’un homme qui souffrait en Monge la contradiction et même la réfutation, parce qu’il savait quels étaient pour lui le dévouement, l’enthousiasme, disons plus, l’aveuglement de l’illustre professeur. […] Cinq fois Monge vint auprès de l’empereur redoubler ses instances pour détourner le coup de cette mesure désastreuse ; cinq fois ses efforts furent infructueux. […] Vainement il s’efforçait, pour l’École polytechnique en particulier, de montrer au potentat, l’absurdité de former au pas d’école et au maniement du mousquet, des géographes, des ingénieurs des mines, et des ponts et chaussées, des commissaires des poudres et des salpêtres. L’homme ne répondait aux plans d’enseignement qu’on lui proposait, que par ces mots, « Il faut m’enrégimenter l’instruction publique », ne pouvait être touché des généreux motifs présentés par les Monge, les Fourcroy, les Guyton, les Berthollet ; et des casernes devaient emprisonner la jeunesse pour la façonner au servage. […] Si Monge ne put pas empêcher qu’on portât l’un des coups les plus funestes à l’école polytechnique, par son casernement et sa police militaire, il fit du moins tout ce qu’il était en lui de faire pour diminuer le mal de cette mesure désastreuse. Il donna constamment son traitement de professeur et ensuite sa pension de retraite, pour aider à payer la dépense des élèves les moins fortunés. » Voir DUPIN Ch. (1819), pp. 69-77.
[20] Monge donne ici une explication plus stratégique. Lettre de Bonaparte au Directoire exécutif, Tolentino, le 30 pluviôse an V [18 février 1797] « Je rencontre ici le cardinal Mattei [Alessandro MATTEI (1740-1820], le neveu du Pape [Luigi BRASCHI HONESTI (1745-1816)], le marquis Massimi [Francesco Camillo VII MASSIMO (1730-1801)] et monseigneur Caleppi [Lorenzo CALEPPI (1741-1817)] , qui viennent avec de pleins pouvoirs du Pape pour traiter. On m’écrit que le prince Charles [Charles DE HABSBOURG (1771-1847) commandant de l’armée autrichienne d’Allemagne] est arrivé à Trieste, et que de tous côtés les troupes autrichiennes sont en marche pour renforcer l’armée ennemie. Je vous ai instruits, par ma dernière dépêche, que les douze demi-brigades que vous m’envoyez ne feraient pas 19 000 hommes. Le ministre de la Guerre [PETIET Claude-Louis (1749-1806)] vient d’écrire au général Kellermann [commandant de l’armée des Alpes] de garder 2000 hommes et de faire retourner un régiment de cavalerie à l’armée du Rhin ; voilà donc les 30 000 hommes que vous m’annoncez réduits à 17 000 hommes ; c’est un très beau renfort pour l’armée d’Italie, mais cela me rend trop faible pour pouvoir me diviser en deux corps d’armée et exécuter le plan de campagne que je m’étais proposé. » (1387, CGNB). Monge prend soin de transmettre par l’intermédiaire de Marey cette explication à la société de Nuits en Province. Il ne manque pas de le faire en direction de Paris dans sa lettre à sa belle-sœur Anne-Françoise Huart. Voir la lettre n°63. Bonaparte commence à préparer sa campagne vers Vienne. Voir les lettres n°65, 76 et 81.
[21] Émilie MONGE (1778-1867).
[1] Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818) mari de sa fille Émilie MONGE (1778-1867). Il écrit à Monge le 27 Germinal an VI [16 avril 1798] alors qu’il est à Dijon. Cette lettre n’est pas datée mais c’est Émilie qui en informe Monge. Voir la lettre n°173 et la lettre d’Émilie du 29 Germinal [an VI] [18 avril 1798]. Comme lors de sa précédente mission (voir les lettres n°85 et 90), Monge exprime le besoin d’être informé de l’esprit et de la vie publics par des proches. C’est aussi ce qu’il faisait lorsqu’il était à Paris et Marey à Nuits en Bourgogne. Voir la lettre n°3 et infra.
[2] ROYER ( ? - ? ) homme politique de la Côte-d’Or. En avril 1798, Monge est élu au Conseil des Anciens avec 361 voix sur 430.
[5] Le 13 avril 1798 des mouvements contre la légation française ont lieu à Vienne, alors qu’elle avait arboré un drapeau tricolore sur son hôtel. Voir infra. Bonaparte écrit à Cobenzl, plénipotentiaire de l’empereur à Rastadt le 6 floréal an VI [25 avril 1798] : « Lorsque le gouvernement a appris, monsieur, l’événement arrivé à Vienne le 24 germinal dernier, il n’a pas douté que l’intention du cabinet de Vienne ne fût d’avoir la guerre. […] Malgré mon éloignement, monsieur, pour la carrière et les discussions diplomatiques, j’ai saisi avec empressement cette circonstance pour convaincre l’Europe et Sa Majesté impériale du désir qu’a la France d’éviter les horreurs d’une guerre dont les maux, pour notre pauvre continent serait incalculables, et consolider, autant qu’il dépendra de moi, l’œuvre de paix que j’avais crue éternelle, puisque faisant abstraction des événements militaires, nous l’avions fondé sur l’intérêt réciproque des deux États. Cette paix doit, ce me semble, durer encore, puisque je n’entrevois rien dans les intérêts des deux nations qui doit la faire cesser. […] Je désire que vous lui fassiez connaître directement le calme que montre le Gouvernement français dans une circonstance aussi essentielle, et que vous le convainquiez du désir que nous avons de faire tout ce que vous feriez vous-même à notre place, pour maintenir la bonne intelligence établie à Campo-Formio. Il nous sera facile, en écartant toute les passions, de détruire tous les soupçons, de concilier tous les intérêts, de déjouer l’intrigue des puissances étrangères aux maux du continent, et qui ne cherchent en suscitant le trouble, qu’une occasion de faire leur paix. Mais si cette influence ou des intérêts individuels guidaient la chancellerie de Vienne, comme ils ont paru guider les opérations de la police dans la journée du 24 germinal, il ne resterait plus à la nation française qu’à se laisser effacer du nombre des puissances de l’Europe ou à en effacer elle-même la Maison d’Autriche ; lutte terrible qui peut présenter une vaste carrière militaire à parcourir, mais que l’homme qui connaît les maux que produirait une guerre de cette nature ne peut envisager qu’en vouant à l’exécration des peuples et de la postérité ceux qui l’auraient provoquée. » (2431, CGNB) Deux jours plus tôt, le 4 floréal an VI [23 avril 1798], Bonaparte écrit à Brune, commandant en chef de l’armée d’Italie : « Si jamais les affaires se brouillaient, je crois que les principaux efforts des Autrichiens seraient tournés de votre côté, et, dans ce cas, je sens bien que vous avez besoin de beaucoup de troupes, de beaucoup de moyens et surtout de beaucoup d’argent. » (2429, CGNB). Sur les préliminaires de Leoben et le traité de Campo-Formio voir les lettres n°84, 89, 90, 128, 129, 176 et 177.
[7] Sur les élections d’avril 1798 pour le renouvellement du tiers du corps législatif et la volonté de Monge d’être informé sur l’esprit public voir les lettres n°156, 160, 161, 163, 164, 167, 168 et 177.
[8] Monge répond à Marey en cherchant à le rassurer sur les hommes en poste à Paris. Marey ne fait pas que lui annoncer son élection, il cherche à le convaincre de l’importance de son action à cette place afin de le dissuader de s’embarquer pour l’Égypte en invoquant sa conscience et sa morale. Marey souligne qu’il est plus légitime d’obéir au choix du peuple qu’à une nomination du gouvernement. Il s’agit de faire retourner Monge en France au près de sa famille. Le 27 Germinal an VI [16 avril 1798], il écrit : « Tu es nommé au Conseil des Anciens par la véritable assemblée électorale ; l’assemblée scissionnaire est une superfétation suscitée par le gouvernement trompé, dans l’intention d’empêcher les choix exagérés. Le génie de la liberté fera encore tourner au profit de la bonne cause les intentions perverses, les choix seront bons et confirmés, à la honte des moteurs de cette scission. Dans cet état des choses, accepteras-tu ? Oui, car la chaise curule aux anciens est le [dernier] terme auquel le Républicain peut élever son ambition ; car le vœu du peuple ne peut être méprisé impunément ; car toute place dans le gouvernement est petite en comparaison, même celle de Directeur ; car l’homme proposé par le peuple pour surveiller le gouvernement trahirait son devoir, s’il préférait le service du gouvernement à celui du souverain : car la conscience de Monge lui reprocherait toute sa vie de s’être rendu complice [par son refus] de toutes les mauvaises loix ou mauvaises mesures prises pendant 3 ans et qu’il aurait pu empêcher par son influence aux anciens : car, enfin, la conquête des trois parties du monde n’équivaudrait pas, ne compenserait pas l’asservissement de la France, ou la Guerre civile ou les Banqueroutes multipliées dans les finances, tous les maux enfin dont la patrie est menacée, si les républicains purs, ses meilleurs soutiens sont envoyés en dehors, sous toutes sortes de couleurs honorables.[…] Encore un mot sur les affaires générales. Le gouvernement a influencé les élections par toutes sortes de moyens, on eut donc soupçonner qu’il a pour but d’avoir un corps législatif de son choix et sous ses ordres. Il a réussi presque généralement, et les nouveaux députés seront ou des ex-législateurs de son aveu, ou de ses connaissances qu’il regarde comme lui étant dévoués. Dans cette position, il arrivera ou que la ligne de démarcation des pouvoirs sera rompue par l’asservissement du corps législatif, et dans ce cas les purs amis de la liberté qui se trouveront aux Anciens auront à lutter contre la dictature. Il pourra arriver au contraire que le nouveau corps législatif fortifié par l’intime conviction de a bonté des choix veuille sortir enfin de l’état de dépendance auquel il est réduit, rentrer dans des droits et de les reconquérir sur le Directoire, il s’engagerait alors une lutte entre ces deux pouvoirs et dans ce cas, ce serait encore au Conseil des Anciens par sa sagesse et sa fermeté à pourvoir au salut public. Donc : loin de toi l’idée qu’une place aux Anciens est un Canonicat sans occasion de servir la Patrie. Je n’aurais pas craint que cette pensée te vint et je ne l’aurais pas combattu, si je ne l’avais ouïe de la bouche de personne d’ailleurs respectable. » En 1797, Marey souligne la spécificité de l’action publique de Monge lorsque Monge lui rappelle qu’ils se sont tous deux engagés dans l’action révolutionnaire mais chacun à leur manière. Voir la lettre n°90. Monge semble préférer menée une action publique en lien direct avec le pouvoir exécutif. Voir la lettre n°4.
[9] Monge commence à préparer son gendre à la nouvelle de son départ dès sa lettre précédente, un mois auparavant le 14 germinal an VI [3 avril 1798]. Il laisse paraitre ici son enthousiasme à l’idée de s’embarquer pour une expédition à la fois scientifique et maritime. Dans un imaginaire de géomètre de la fin du XVIIIe siècle, praticien du progrès, cela fait écho à l’ « idéal maritime des découvreurs » évoqué par le frontispice du Novum organum de Francis Bacon qui représente deux bateaux dont l’un franchit les colonnes d’Hercule avec la prophétie de Daniel: « Multi pertransibunt et augebitur scientia ». (HAMOU Ph. (2001), La mutation du visible : Microscopes et télescopes en Angleterre de Bacon à Hooke, Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, vol. 2, p. 26.) Condorcet ne manque pas à son tour d’entamer son « Fragment sur l’Atlantide » par cette évocation : « Bacon avait conçu l’idée d’une société d’hommes uniquement dévoués à la recherche de la vérité. Son plan embrasse toutes les parties des connaissances humaines ; une foule d’observateurs parcourt sans cesse le globe pour connaître les animaux qui l’habitent, les végétaux qu’il nourrit, les substances répandues sur sa surface et celles qu’il renferme dans son sein, pour en étudier la forme extérieure et l’organisation. » CONDORCET [1804] (1988), p.299. Sur le plaisir et l’enthousiasme de Monge à s’embarquer voir les lettres n°177, 180, 181, 184 et 187.
[11] Monge offre ici sa perception de l’expédition et il semble bien l’envisager plus comme une expédition scientifique qu’une campagne militaire en lui conférant une dimension grandiose. Voir les lettres n°131, 153, 163, 171, 174, 184 et 187.
[13] Voir la lettre n°173. Après son mariage en novembre 1795, Émilie quitte sa famille en quittant Paris. Catherine exprime alors le manque que ce départ provoque. Voir la lettre n°3. Monge est inquiet au sujet de sa femme et de sa réaction à son départ pour l’Égypte. Voir les lettres n°151, 152, 153, 163, 167, 168, 173, 181 et 182.
[1] De Paris, le 17 germinal an VI [6 avril 1798], Catherine écrit : « […] voilà aussi un rapport d’Eschassériaux ; il me charge de l’envoyer. Il entre bien dans les vues à la mode […]. » Joseph ESCHASSÉRIAUX (1753-1824) écrit de nombreux rapports en tant que membre du Conseil des Cinq-Cents et cela intéresse Monge (voir la lettre n°168). Lors de la séance du (23) germinal an VI [12 avril 1798] du Conseil des Cinq cents il présente un Rapport au nom de la commission chargée d'examiner l'ouvrage présenté au Conseil par le citoyen Wastrom, relatif à l'établissement de Sierra-Léona, Boulama, et à la colonisation en général, et de quelle utilité peut être cet établissement pour le commerce français. Une synthèse est publiée dans l’Esprit des journaux français et étrangers par une société de gens de lettres : « Au nom de la commission chargée d’examiner cet ouvrage, Eschassériaux, aîné, a fait un rapport dans lequel il développe des vues […] sur le système de colonisation des anciens et des modernes ; il examine l’influence que les colonies ont eue sur les nations européennes qui ont formé des établissements dans les pays les plus éloignés ; il prouve que les premières colonies furent fondées sans politique, sans choix, la plupart sans examen ; que le hasard, l’avidité, la force ou la nécessité décidèrent du territoire sur lequel on fixa des établissements ; que sur vingt établissements modernes, on en compte à peine six qui se soient élevés sans les moyens affreux de la destruction et de l’esclavage ; […] l’orateur conclut que c’est leur proximité mutuelle dans une position à communications promptes, que la métropole et les colonies elles-mêmes trouvent leur défense commune et des relations rapides de commerce. C’est d’après ce principe d’Eschassériaux examine dans quels lieux la république française doit porter ses nouveaux établissements. « S’il était, dit-il, un pays connu par son antique fertilité, habité par quelques peuplades à demi-civilisées, un pays que l’industrie put rendre à une saine température, à la culture des productions les plus précieuses ; un pays qui ne fut séparé des domaine de la France que par une mer étroite, où les Français pussent aller aisément par le nouveau chemin qu’ils viennent de se frayer sur les terres de leurs alliés ; où les dépenses d’un premier établissement seraient faibles et ses succès certains ; c’est là que la politique et la nature invitent la république à fonder une colonie. La désigner par cette description ; c’est nommer l’Égypte, cette terre où Alexandre avait formé le projet de placer le siège de son empire et le centre du commerce de l’univers. Voilà un projet digne des Français, une colonie qui ne couterait point de sang, qui enrichirait non seulement la république, mais qui, en fertilisant une nouvelle partie du monde, donnerait un nouvel essor aux arts, à l’activité, aux spéculations des peuples commerçants de l’Europe. » Vingt-septième année, Tome III, Mars 1798, Ventôse an 6 de la République, pp. 91-92.
[2] L’expédition d’Égypte est préparée dans le plus grand secret. Ainsi Monge ne dit pas un mot à sa femme de ses activités relatives à l’expédition. Voir les lettres n°131, 153, 154, 156, 157, 163, 164 et 171.
[3] François Sébastien LETOURNEUX (1752-1814) remplace Nicolas FRANÇOIS DE NEUFCHÂTEAU (1750-1828) après le remaniement ministériel du Directoire du 13 septembre 1797. Catherine lui écrit à ce propos le 17 germinal an VI [6 avril 1798] : « […] [Berthollet] m’a apporté ta lettre du ministre de l’intérieur qui te joint aux voyageurs. J’en ai lu le contenu, je ne crois pas que cette lettre seule put t’autoriser à quitter ton poste ; je te l’envoie quoique j’avais résolu avec moi le contraire […]. »
[4] Lettre d’Émilie MONGE (1778-1867) de Nuits le 29 germinal an VI [18 avril 1798]. Voir la lettre n°173. Le manuscrit de son mari Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818) n’est pas daté mais elle indique qu’il a écrit à Monge deux jours plus tôt qu’elle de Dijon. Marey lui écrit donc le 27 germinal an VI [16 avril 1798]. Catherine engage chacun des membres de la famille à écrire à Monge en espérant que ses enfants parviennent à le faire changer d’avis. Les arguments sont de deux types mais tous jouent sur les « devoirs » de Monge en France : le devoir paternel et patriotique. Voir les lettres n°173 et 176. C’est aussi ces devoirs que Monge expose à Bonaparte en première réponse. Voir la lettre n°153.
[6] Sur le point d’embarquer pour l’Égypte, Monge se plait à utiliser le vocabulaire des marins. Voir la lettre n°176. Sur l’enthousiasme de Monge à s’embarquer pour une expédition maritime et son goût pour la mer voir les lettres n°38, 180, 181, 184 et 187. Bonaparte écrit de Paris à Monge le 30 germinal an VI [19 avril 1798] : « Vous trouverez ci-joint, citoyen, une copie de la lettre que vous écrit le Directoire, vous aurez sans doute reçu maintenant l’original. Tous les savants partent demain pour Toulon. Nous comptons le 10 floréal être à la voile. Je vous ai déjà écrit pour faire embarquer 800 bouteilles de vin que mon frère avait dans sa cave à Rome […]. Vous trouverez ci-jointe une lettre pour Naples, pour avoir 4000 bouteilles de vin de Bourgogne. […] Vous sentez combien nous aurons besoin de bon vin. » (2415, CGNB). Monge a certainement dû répondre à cette lettre mais la réponse n’a pas été retrouvée.
[8] Catherine y répond de Paris, le 3 prairial an VI [22 mai 1798] : « La foudre ne m’eut pas porté un coup plus terrible, mon cher ami, que ta lettre des 13 et 16 floréal, que j’ai reçue hier assez tard. La C[itoyenne] Faypoult qui reçoit régulièrement tous les deux jours une lettre de son mari était venu le 1er de ce mois m’annoncer ton retour de Civitavecchia et ton départ de Rome pour Paris avec Daunou, cela m’avait ôté pour ainsi [dire][8] mes soucis et réveillés toutes mes espérances tant de fois détruites depuis deux mois, l’alternative dans laquelle je suis depuis si longtemps devient insupportable […].» La lettre du 16 floréal an VI n’a pas été retrouvée.
[10] Monge est élu par les deux départements. C’est une rare affirmation d’une volonté d’action politique au sein des Assemblées. En effet, Monge semble toujours vouloir éviter de trop lourdes charges administratives. (Voir les lettres n°127 et 132). Cette position ne semble pas être exactement la sienne. Dans sa lettre du 30 germinal an VI [19 avril 1798] Bonaparte écrit à Monge : « Vous avez été nommé député à Paris. Vous y siègerez au retour de votre expédition. » (2415, CGNB). En réponse à sa femme, Monge transcrit ce que lui a écrit Bonaparte. Il ne faut pas y voir une obéissance aveugle au général mais plutôt une utilisation de la solution que Bonaparte donne au faux problème du choix entre son départ pour l’expédition et son retour à Paris pour siéger au Conseil des Anciens. C’est lorsqu’il est nommé au Sénat conservateur créé lors de la promulgation de la Constitution de l’an VIII en décembre 1799 que Monge siège pour la première fois au sein d’une assemblée. Monge contrarie sa femme en confirmant son départ pour l’expédition et sa volonté de répondre à l’appel des électeurs à son retour. De Paris le 17 germinal an VI [6 avril 1798], Catherine écrit : « Je sais que tu as écrit, que tu étais trop vieux pour être du grand voyage secret, mais on a dit que c’était de mauvaises raisons que tu irais, je ne sais si je dois le désirer ou le redouter […]. »
[12] Les savants s’embarquent de Toulon pour l’expédition d’Égypte. Voir supra la lettre de Bonaparte à Monge.Lorsque Monge est en mission c’est son frère Louis MONGE (1748-1827) qui le remplace à son poste d’examinateur des aspirants de la Marine et il est en tournée. Voir les lettres n°26 et 204. Monge pense que sa belle-sœur Marie-Adélaïde DESCHAMPS (1755-1827) va alors rejoindre Catherine chez eux à Paris. Catherine lui écrit le 17 germinal an VI [6 avril 1798] : « Ta sœur est venue me voir une fois depuis ton départ. Elle attend vraisemblablement que le froid cesse pour venir passer une quinzaine de jours avec moi. »
[13] François de CHASSELOUP-LAUBAT (1754-1833) général de brigade du Génie de l’Armée d’Italie. Il épouse en 1798 Anne-Julie FRESNEAU ( ? -1848). Monge répond à Catherine qui écrit « Je suis à la veille d’avoir une jeune dame que je connais à peine, c’est la C[itoyenne] Chasseloup dont le mari est de l’expédition. Il l’avait amenée à Paris croyant l’amener avec lui au quartier général, cela s’est engrainé de manière à ce que je ne puisse pas la refuser, il est bien sensible à ce procédé de ma part. Cela me gênera à cause d’Émilie, cette jeune [femme] est grosse de six semaines. Si le voyage est long. Les couches se feront à la maison, elle est gentille sans façon, elle est du pays d’Eschassériaux, cela nous a mis en liaison. »
[14] De Paris le 3 prairial an VI [22 mai 1798], Catherine répond : « […] maintenant je ne t’engage plus à revenir suis aveuglément ton penchant à cet égard, l’engouement dans lequel je te vois d’ici me ferait craindre sinon les reproches au moins le déplaisir que tu ressentirais de n’avoir pas suivi ton inclination ou ce que tu prends pour elle ; comment peut-on être faible à ce point ? Je vois par ta lettre que rien ne te gène plus que la quarantaine au retour, quand tu en seras là, je serai moi, fort tranquille, dieu veuille que tu la fasses. Je ne me serais jamais attendu à être obligée de me séparer de toi de cette manière… » Sur le plaisir et l’envie de Monge à suivre Bonaparte en Égypte voir la lettre n°153.
[16] Monge au contraire de sa femme et de son gendre (voir la lettre n°176) se montre satisfait des résultats des élections. En effet, la situation ne nécessite pas le retour de républicains en France. Il propose alors à sa femme une autre interprétation des évènements. Dans sa lettre de Paris du 17 germinal an VI [6 avril 1798], Catherine lui a écrit : « […] les choses prennent ici une tournure qui ne plait pas aux républicains, les élections ont été pourtant tellement républicaines, que la frayeur des terroristes a pris les gouvernants, alors les proclamations et une foule d’écrits contres les terroristes ont jeté la consternation, chez tous les vrais républicains ; les destitutions de patriotes pures placés d’après le 18 fructidor ont suivies de près leurs nominations d’électeurs. Tissot est du nombre de ceux-ci. Il court des listes pour ceux qui doivent être nommés députés. J’ai vu hier celle qu’on dit être du Directoire tu es le 1er. Berthollet le second. Tu es également porté par les électeurs patriotes et les royalistes ; je t’avoue que je serais bien fâchée de te voir au corps législatif, où il est impossible à un galant homme de faire le bien ; avec cela la manie des conspirations qui ne s’use pas, et la facilité avec laquelle on vous y met l’homme le plus honnête, ne me rassure pas sur ce poste. » Sur les élections d’avril 1798 pour le renouvellement d’un tiers du corps législatif, voir les lettres n°156, 160, 163, 164, 167, 168 et 176.
[18] Anne Françoise HUART (1767-1852), son mari Barthélémy BAUR (1752-1823) et leur fils Émile BAUR (1792- ?).
[20] Catherine loge à l’École et sert d’intermédiaire entre Monge et ses collègues. Voir les lettres n°147, 151, 154, 156, 160, 164 et 167.
Huart, Catherine (1748-1847)