son frère. Suivant cet avis il la viola. Toutefois elle avertie de ce que dessus, fit mourir les jumeaux que d'une portée elle enfanta de son oncle Sisyphe, tôt après leur nativité. Ovide au 1. des Fastes dit qu'il épousa Mérope, l'une des Pléiades, filles d'Atlas, comme nous l'avons conté ailleurs : de laquelle il eut Glaucus, autrement dict Taraxippe, qui fut en l'Isthme démembré par ses Juments ; et Créon depuis Roi de Corinthe, de qui Jason épousa la fille en secondes noces, comme il a été dit en Médée et en Jason. Il eut aussi de quelques autres femmes Thersandre, Ornytion, Almos, Métabus, Hosme, Porphyrion, et plusieurs autres : et régna en Éphyre, qui depuis fut appellée Corinthe, ainsi le témoigne
Il a été tenu pour le plus fin et le plus subtil homme de son temps ; joint qu'il contrecarra fort bien l'astuce et tromperie d'Autolycos, le plus habile larron qui se peut trouver pour lors, faisant métier et coutume de décevoir les hommes, non seulement par jurons et serments, mais aussi par prestiges et enchantements ; de sorte qu’il leur faisait prendre une chose pour autre. Car il advint un jour qu'Autolyque ayant amblé les troupeaux de Sisyphe, qui pour lors régnait à Corinthe, il les changea et lui en voulut rendre d'autres ; mais il ne sut, car Sisyphe avait imprimé sous la sole du pied de chaque bête un chiffre contenant les lettres de son nom. Ce qu'Autolycus apercevant, contracta amitié avec Sisyphe, et lui donna en mariage sa fille Anticlée, desquels naquit une fille de même nom, que Laerte, père d'Ulysse épousa depuis. Or la Fable dit que
Et Ovide au 4. des Métamorphoses décrivant les tourments de plusieurs aux Enfers :
Sisyphe mourut, et fut enterré en l'Isthme vers Corinthe, selon le témoignage de Pausanias en l'État de Corinthe. Les autres disent que comme Sisyphe courait hostilement la province d'Athènes, et la ravageait, y faisant beaucoup de brigandages, Thésée le combattit, et le tua, en quoi il semble qu'on veuille distinguer entre Sisyphe, issu de la race d'Éole, et celui qui fut Roi de Corinthe. Quoi qu'il en soit, ceux qui en écrivent s'accordent ; disant que c'est l'Éolide qui fut és Enfers puni du supplice susdit. Toutefois quelques-uns allèguent autres et plus probables raisons de la punition de Sisyphe. Les uns disent que par l'arrêt des Dieux ce supplice lui fut assigné, parce qu'étant leur Secrétaire, il décelait leurs secrets. Les autres disent qu'il avait accoutumé de tourmenter par une infinité d'extorsions, ceux qui sous ombre de bonne foi logeaient chez lui, et autres qui tombaient entre ses mains : et que pour cette cause il fut à bon droit aux Enfers, condamné à tel supplice. Les autres maintiennent que ce fut pour avoir déloyalement trompé les Démons souterrains, disant qu'après sa mort il descendit aux Enfers, et fit là-bas un tour de son métier à Pluton. Car comme il était aux extrémités de la vie il commanda à sa femme de jeter son corps emmy la place sans sépulture ; ce qu'elle ayant fait, il demanda permission a Pluton d'aller châtier sa femme, qui tenait si peu de compte de lui, promettant de retourner en bref, mais lui étant sa requête accordée sous cette condition, comme il eut derechef goûté l'air de ce monde, il ne voulut plus retourner en l'autre: jusqu'à tant que Mercure l'empoignant au collet l'y ramena, mettant en exécution ledit arrêt des Dieux, donné contre lui. Ainsi le récite Déméter sur les Olympiques de Pindare. D'autres encore veulent que ce soit pour avoir pris à force sa nièce Tyro.
Voilà presque tout ce que les Anciens ont écrit touchant
Sisyphe. Or nous avons déjà ci-dessus exposé, que rien n'approche plus de la nature divine, que la bénéficence, libéralité, bénignité ; et que rien ne lui est tant contraire que la cruauté, ingratitude et avarice : vu que Dieu qui aime les gens de bien au moyen de leur largesse, ne peut faire grâce aux cruels et avares. Or étant certain que Dieu voit de bon oeil les personnes charitables, combien pensons-nous qu'il haïsse ceux qui font outrage, même à ceux qui leur ont fait plaisir ou service ? Car Sisyphe ayant eu cet honneur que d'avoir un état de Secrétaire aux conseil des Dieux, puis qu'il faussa le serment qu'il leur avait juré, c'est à bon droit qu'il souffre tant de tourments aux Enfers. Que s'il s'est montré cruel à l'endroit de ses hôtes, c'est justement qu'il éprouve en sa personne les supplices que mérite la cruauté : parce que Dieu venge enfin toute espèce de forfait. Si d'autre part il a prononcé quelque blasphème contre l'honneur des Dieux, s'il a divulgué leurs secrets, et dérogé à leur service, on ne pense pas qu'il endure chose que la gravité de son méfait ne mérite fort bien. Ainsi donc pour détourner les hommes d'avarice et de cruauté, les exhorter à libéralité, humanité, et reconnaissance des bienfaits reçus ; et les échauffer au service des Dieux, à garder foi et loyauté aux Magistrats et aux Rois qui nous ont fait de l'honneur, les anciens ont controuvé cette Fable. Toutefois Lucrèce au 3. livre dit qu'elle convient bien à ceux qui avec beaucoup de brigues et d'une grande ardeur de courage pourchassent envers le peuple des grades et des honneurs qu'ils ne peuvent jamais obtenir, ou pour en être trouvés indignes et incapables, ou parce qu'il y a quelque malencontre en eux qui les en recule : et que se peiner beaucoup pour chose de néant, qu'ils ne peuvent attraper, c'est proprement porter au faîte d'une montagne une pierre qui d'elle-même vient aussitôt à rouler en bas en la campagne. Or ils ont été si grands maîtres en matière de Fables, qu'ils n'ont pas voulu ne comprendre en icelles qu'une seule chose ; mais les ont accommodées à plusieurs sens, afin qu'on en pût tirer d'autant plus de profit. Ils révoquaient donc par cette Fable les hommes d'ambition, la plus dangereuse chose qui soit au monde ; car il n'est pas question de s'aller pendre quand on se voit rebuté de son pourchas, encore qu'on soit peut-être plus habile homme que ceux qui l'emportent : mais faire état que le peuple bien-souvent malavisé ou les juges inconsidérés font beaucoup de choses fort mal à propos ; comme ainsi soit qu'il y a par tout grand nombre de gens peu sages. Que si celui à qui l'on fait refus de sa demande, se sent coupable de quelque crime ; alors il doit entrer en conte avec soi-même, examiner toute sa vie passée, et corriger les défauts qu'il y trouvera sans se flatter, se disposer à sainteté et rondeur de conscience, et se rendre digne de commander aux autres : joint que
jamais un État ou gouvernement ne se porte bien, ni n'est de longue durée où les méchants commandent aux bons, les fous aux sages, les ignorants aux gens d'esprit, et qui savent manier les affaires d'état. Derechef d'autres prennent cette pierre de Sisyphe pour l'étude et application des hommes ; ce coteau ou montagne, pour le cours universel de cette vie : le sommet où Sisyphe tâchait de monter sa pierre, pour le but auquel l'esprit vise, à savoir, son repos et tranquillité : les enfers, pour les hommes ; Sisyphe pour l'âme. Car puisque l'âme, selon la doctrine des Pythagoriciens ; est divinement infuse et transmise és corps humains, elle ayant été faite participante des secrets divins, se met en tous les devoirs à elle possibles de parvenir à une félicité et repos de vie, que les uns établissent à entasser force biens et commodités, les autres à posséder de beaux États et grandes dignités ; qui a acquérir une glorieuse réputation en fait d'armes qui en la connaissance des arts et des sciences, qui en la beauté et belle taille de corps, qui en la santé, ou noblesse de race, ou semblables choses : lesquels ayant acquis ce qu'ils ont tant désiré, s'effondrent derechef en un autre souhait ; et celui qui auparavant travaillait pour amasser des moyens, est tantôt en peine pour acquérir des honneurs et des dignités, tantôt pour recouvrer sa santé ; et par ce moyen rechet toujours en quelque nouvelle perturbation, et ne peut jamais atteindre le but d'une parfaite tranquillité. Ainsi donc ce n'est pas ineptement qu'on a dit que Sisyphe plongé aux Enfers par