Texte : 1485 Antoine Vérard Des Cent nouvelles J4 N05

Auteurs : Boccace

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TitreTexte : 1485 Antoine Vérard Des Cent nouvelles J4 N05

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Analyse thématique

Thème(s) abordé(s)Amour tragique qui survit au-de-là de la mort

Analyse du ou des thème(s)Le symbole de cet amour est le pot de basilic qui se nourrit de la tête en décomposition de Laurens et boit les larmes d'Elizabeth.

Les mots clés

le pot de basilic

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Transcription du texte

Transcription

Censuit la XXXVe nouvelle contée par Philomene sur la quarte journée dont Philostrace est roy. De souppirer ne me puis abstenir quant je considere la nouvelle de dame Elisée pour la piteuse destinée des nosbles amans Gerbin et Rosainne qui monstre évidamment piteux faitz de fortune en amours et en ensuyvant celle matiere je veul conter de deux aultres amans non pas de sy noble geniture comme ceulx dont Elisée a conté ainsy qu’il ensuit. La forme de la nouvelle. En la cité de Mesmes fut un riche homme qui avait troys fils et une fort belle fille nommée Elizabeth. Ce riche homme, leur pere trespassa et suresquirent ces trois fils et celle fille. Or demouroit en leur maison un jeune jouvenvenceau serviteur natif de Pise nomé Laurens qui mout estoit plaisant et beau bien eloquent et advenant et avoit toutes belles preminances lequel Laurens print en amour Elizabeth ceste belle jeune fille aveques laquelle il demeuroit et elle luy tellement que ilz jouirent de leurs amours plaisamment l’un avecques l’autre mais de cop de malle fortune ainsy qu’ilz estoient en leur soullas une fois le frère aisne d’elle s’en aperçeut mais de peur de divulger le deshonneur de sa sœur ne dist nul mot pour icelle heure considérant remède plus secret et honneste. Sy vint à ses deux autres frères et leur dist le deshonneur que celuy Laurens leur faisoit et leur conseilla & leur dist qu’ilz n’en dissent mot jusque à ce qu’ils veillent temps opportune. Or ne savoient les deux amants de cecy et tousjours se jouyaient ensemble comme ils avoient de coutume mais quant vint un jour que les freres virent quil estoit temps d’y remedier sans en faire aucun semblant faignirent de aller tous troys en ensemble à l’esbat de la cité emmenerent avecques eulx Laurens auquel ilz firent une très mauvaise composition Car quand ilz furent hors de la diste cité bien loing en ung lieu fort solitaire ilz prindirent Laurens et le tuerent puis allerent enterrer en ung buysson sous des feuillages et s’en retournerent puys faignirent avoir envoie celuy Laurens dehors pour leur besoignes et affaires ainsy qu’ils avoient de costumes laquelle chose on creut facilement et de ligier. La belle elizabeth aprés aucun temps qu’il luy s’ennuyoit de la longue demeure de son amy bien souvent elle demandoit a ses troys freres ou il estoit. Lesqiuels freres ennuyés de sa souvenace et inquisition lui demanderent pour quelle cause elle le demandoit qu’elle en avoit affaire et lui defendirent que plus ne leur en parlast. La povre Elizabeth estoit tant couroussée que plus ne pouvoit tous les jours pleuroit et lamentoit pour son amy et principalement la nuit le regrettoit en faisant pyteables lamentations. Or aisi que Dieu et fortune le permident en tant que meur de ne se peult celler une foy ainsy que la bonne Elyzabeth dormoit, il luy apparut en songe une vision en laquelle luy estoit avis tout véritablement que cestoit le corps de son amy tant palle, tant mort que cestoit pitié qui luy disoit : « Ma douce amie Elizabeth tu pleures pour neant pour moy qui suys ton amy Laurens jamais à toi ne retourneray car tes freres me ont occis et en terre en tel lieux pourtant ma doulce amy ne me attent plus, adieu te dy sy ce partit ceste vision et la fille qui se esveilla fut moult troublée et sy proposa en foy de aller au lieu où il luy avoit esté monstré en celle vision veoir sil estoit vrai et le lendemain feigne aller l’esbat avec une bonne femme secrette y alla et en celuy lieu qu’elle avoit entendu soursouyt et incontinent trouva ce corps qui n’estoit pas encore infaict si le congneult dont elle fut si courroussée que plourer ne pouvoit et se eust peu eust volontiers emporté tout le corps et mis en plus bonnes sepulture mes pourtant qu’elle ne pouvoit seullement un long consteau qu’elle avoit en trancha la teste et l’enveloppa dedens ung creuvechief dedes son giron la emporta. Quant après fut arrivée en l’ostel entra en la chambre dans laquelle elle se enferma et lors plora sus ce chief mout tendrement et par plusieurs foys le baisa puys prit ung pot en quoy len plante des herbes et envelopa ceste teste d’un beau drap de soye et la mist la dedens puis la couvrit de terre et y planta du basilicon comme lequel pour l’umidité de la gresse dicelle teste qui tourna à putrefaction creut & devint tres beau tant que la belle Elizabeth estoit tous les jours sus ce pot à plorer tant que la terre là où estoit planté le basilicon en estoit tout arrousée. Les femmes voisines qui cognossoient celle Elizabeth voyant que jour en jours par la tristesse et merencollie en quoy elle estoit devenoit tous les jours maigres et les yeux enflés tant que il sembloit que la bonne dame deust mourir voyant que continuellement elle ploroit toujours sus ce pot le dirent aulx freres d’elle lesquieulx lui osterent son pot dont elle fut si merveilleusement couroussé et desplaisante qu’elle mourut. Et en la maladie mortelle elle navoit aultre propos ne aultre consyderacion fors que de demander son pot de basilicon. Et les freres qui oyent continuellement comme de jour en jour elle demandoit ce pot sy se doubterent incontinent et considererent que il failloit quil y eust aucune chose dedens ledit pot là où estoit ledit basilicon et incontinent ses dictz freres vuyderent la terre Et dessouvz trouverent ce chief envelopé de soye lequel bien recongneurent et doubterent que leur malefice ne fust congneu Sy partirent secretement tous trois et s’en fuirent de Mesmes jusques à Naples craingnans estre apprehendés de la justice pour crime et en memore de ce chante l’en encore une chanson en la cité de Mesmes en laquelle y a tousjours au reffrain mauvais crestien fut celuy qui mon basilicon embla. En ceste nouvelle pareillesment que les autres traicte des cas fortunce en amours piteuses mais y est denoté par la vision à Elizabeth qu’il n’est mal tant soit occulte qui ne soit revelé et pour tant face bien qui voudra car bien fait n’est en doute d’estre repris et peult aller partout sans dangier.

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Transcripteur.riceLasset, Ysée

Chargé.e de la révisionMoallic, Vianney

Analyse de l'intertexte

Texte(s)-source(s)cinquième nouvelle de la troisième journée

Analyse de la nouvelle

Lieux communs

La mort de chagrin
La tête coupée
Les amants inséparables
Les pleurs abondants

Personnage(s)-type(s)Les amants

Analyse des personnages-typesElizabeth et Laurens sont les amants que même la mort ne peut séparer. Les trois frères sont des figures cruelles dont les actes sont justifiés par la distance de rang social entre les amants et l'honneur de leur famille.

Lieu(x) du récitMessine, It

Analyse des lieux du récitLa prospère ville marchande italienne introduit le statut de la famille de la jeune femme, et en arrière-plan les raisons du meurtre des trois frères : éviter le déshonneur et la perte de richesse de leur famille.

Formulation explicite d'une moralesans Elizabeth, le crime serait passé inaperçu et les frères auraient pu vivre partout sans dangers.

Présence d'éléments descriptifs

Elizabeth est une "belle jeune fille" dont le corps devient maladif après la découverte de la mort de l'amant: "tous les jours maigres et les yeux enflés tant qu'il sembloit que la bonne dame deust mourir".

Responsable de l'analyse de la nouvelleLasset, Ysée

Modalité(s) du tragiqueLa séparation brusque est reproduite lorsque les frères prennent à Elizabeth son pot de basilic. L'enterrement en terre non consacrée s'accompagne ensuite de l'obligation de vandaliser le corps de l'amant pour pouvoir lui donner une demeure plus digne. Les sacrifices que les frères ont fait n'ont pas sauvé l'honneur de leur famille: au contraire, ils perdent leur soeur et partent en exil à Naple se délestant ainsi de tout ce qu'ils avaient voulu protéger à Messine.

Informations sur la notice

Responsable de la noticeLasset, Ysée

ÉditeurÉquipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Mentions légalesFiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

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Texte : 1485 Antoine Vérard Des Cent nouvelles J4 N05 Notice rédigée par Lasset, Ysée Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) Consulté le 28/05/2023 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/tragiques-inventions/items/show/372

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Notice créée par Ysée Lasset Notice créée le 15/11/2021 Dernière modification le 08/05/2023