La vie de Bernard Perrelet, qui vient de mourir dans sa 64ème année en pleine force physique et intellectuelle, fut marquée par une activité incessante mise au service de la collectivité. Nul n'aurait pensé, il y a quelques mois, que la maladie aurait si vite raison d'une santé robuste et d'une si intense volonté d'action. Il était de ceux qu'on pouvait voir chaque jour continuant l'œuvre entreprise, sans hésitation aucune et sans fatigue.
Né à la Chaux-de-Fonds le 8 octobre 1874, il y débutait comme instituteur en 1893. Tout en dirigeant la classe qui lui était confiée, il se préparait à subir de nouveaux examens; en 1895, il obtint le brevet cantonal pour l'enseignement secondaire. Nommé en 1895 à l'école secondaire de Colombier, il y restait quatre ans. C'est en 1900 qu'il débuta à l'Ecole de commerce de Neuchâtel comme maître provisoire. En 1902, il obtenait sa licence en droit à l'Université de Neuchâtel, puis un peu plus tard le titre de docteur en droit de l'Université de Lausanne. A ce moment, il aurait pu choisir une carrière pour laquelle il venait de se préparer, n préféra se vouer à l'enseignement qui l'intéressait; il fut nommé à titre définitif professeur de français, de droit et d'économie politique à l'Ecole supérieure de commerce de Neuchâtel qu'il ne devait plus quitter.
Il était un ancien élève de l'école Paroz, de Peseux, qui forma, au temps de sa grande prospérité, une partie de notre corps enseignant neuchâtelois; faut-il attribuer à son passage dans cette école le goût marqué qu'il manifesta pour l'enseignement ? Toujours est-il qu'il fut le maître apprécié à qui tant de générations doivent un enseignement clair et précis.
Dur à lui-même, il le fut aussi à ceux qu'il éduquait, et pour leur plus grand bien; il communiquait à ceux qui l'entouraient son enthousiasme et sa grande facilité de travail. Les élèves suisses romands lui furent souvent confiés parce qu'il savait leur transmettre ses qualités d'ordre et de méthode qui font quelquefois défaut à notre jeunesse un peu frondeuse, aux activités quelque peu dispersées, conséquence d'un esprit vif et pas toujours discipliné. Ce maître qui s'en va laissera à ses élèves le souvenir bienfaisant d'un entraîneur de volontés.
A côté de cette tâche d'éducateur qu'il avait si bien comprise, Bernard Perrelet a trouvé le temps de s'intéresser activement à la chose publique. Président de la Corporation des tireurs, il avait pris la succession du colonel Bourquin et il a su continuer dignement l'œuvre de son prédécesseur; il fut président du comité d'organisation du tir cantonal de 1926.
Il fit partie de la Société suisse des commerçants dont il est, à Neuchâtel, l'un des plus anciens membres; il était président du groupement des vétérans de cette association. C'est pour elle qu'il publia plusieurs travaux qui servent encore de manuels aux apprentis de commerce.
Il présida la Société cantonale des membres des corps enseignants secondaire, professionnel et supérieur; il eut à s'occuper principalement de la révision de la loi cantonale sur le fonds de prévovance et de retraite; il venait d'être nommé membre honoraire de la société.
Il appartint aussi pendant de longues années à la commission des examens d'apprentis de commerce. Il fut député au Grand Conseil pendant deux législatures. Infatigable, il ne se doutait pas, et personne autour de lui ne le supposait, qu'il allait être arrêté brusquement par la maladie.
Il avait donné tout son effort; c'est avec chagrin que ses nombreux collaborateurs l'ont vu partir. C'est un bon Neuchâtelois qui s'éteint; il emporte le souvenir reconnaissant de ses concitoyens. C'est un adoucissement à la grande peine qu'éprouve sa famille.

Demande d'autographe d'un étudiant Suisse.

Troisième fils de Louis de Perrot, qui fut officier de l'artillerie de la garde à Berlin et colonel fédérai dès 1875, frère du colonel Claude de Perrot, Bernard de Perrot, né à Areuse le 28 mars 1873, fut le 21me pasteur de cette famille, qui connut tant d'ecclésiastiques et de militaires. Après avoir suivi les cours de la faculté de théologie de l'Eglise indépendante, il fut consacré au saint ministère le 13 juin 1900 par le professeur Henri de Rougemont, devenu son oncle, puisqu'il venait d'épouser Henriette de Montmollln, fille du pasteur Pierre de Montmollln et de Berthe, née de Bougemont.
Doué d'une foi active, et d'un tempérament ardent, Bernard de Perrot œuvra à Châteaugay, puis à Biom, avant d'occuper, de 1900 à 1907, le poste pastoral de Clermont-Ferrand, puis, de nouveau sept ans, celui de Florac, en Lozère, et, enfin, de nouveau sept ans, de 1914 à 1921, celui d'Alès, dans le Gard.
C'est alors que la Mission intérieure de France fit appel à lui pour organiser, tant en France qu'en Suisse, en Belgique et aux Etats-Unis, des campagnes d'évangélisation où, soutenu par sa compagne, Bernard de Perrot donna le meilleur de lui-même. De nombreuses paroisses de notre région gardent un souvenir profondément reconnaissant à M. et Mme de Perrot de ce qu'ils leur ont apporté dans ces réunions d'appels et «'aftermeetings » d'inspiration revivait! s te, qui contribuèrent à faire naître ou à fortifier la foi de beaucoup.
Par la plume aussi, Bernard de Perrot rendit un courageux témoignage chrétien, rédigeant de nombreux articles pour le « Journal de la Mission intérieure de France ». A la mort de son fils Raymond, lieutenant français tué en 1925 dans la campagne marocaine contre Abd-el-Krim, il publia son émouvante biographie sous le titre « Un soldat chrétien ». En 1938, parurent « Légendes, contes et anecdotes », recueil précieux pour ceux qui aiment à illustrer leurs allocutions. Outre d'autres œuvres à caractère très protestant, sortit de presse il y a quelque temips encore, une vigoureuse vie de « Luther ».
Bernard de Perrot vient de s'éteindre à Cernier, à l'âge de 87 ans et 8 mois» entouré de l'affectueux respect des siens et de tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître