Vie syriaque de Marūtha de Maypherqaṭ

Informations générales

DateIXe s.?

extrait situé sous le règne deYazdgird Ier

Languesyriaque

Type de contenuTexte historiographique

Informations éditoriales

Éditions

Texte syriaque et traduction anglaise
Brock, S. P., «A Fragment from a Syriac Life of Marutha of Martyropolis», Analecta Bollandiana 128/2, 2010, syr. p. 307-308; trad. p. 308-309.

Autres textes corrélés :

- Histoire syro-orientale de Séert, chapitre LXVI: lettre d'Arcadius à Yazdgird (m. 408). Scher, A. (éd.), Histoire nestorienne inédite (Chronique de Séert) I/2, (Patrologia Orientalis 5), Paris, 1910, p. 317 [205]-318 [206].

- Histoire syro-orientale de Séert, chapitre LXXI: destruction d'églises par le général Šābuhr. Ibid., p. 337 [215].

- Ṣalībā: Gismondi, H. (éd.), Maris, Amri et Slibae De patriarchis nestorianorum commentaria, Pars altera, Roma, 1897, p. 23-25.

- Vie arménienne de Marūtha,

Marcus, R. (éd.), «The Armenian Life of Marutha of Maipherkat», The Harvard Theological Review 25, 1932, plus sp. p. 61, p. 65.

Références bibliographiques

- Brock, S. P., «A Fragment from a Syriac Life of Marutha of Martyropolis», Analecta Bollandiana 128/2, 2010, syr. p. 306-311.
- Scher, A., Kitāb sīrat ašhar šuhadā' al-mašriq al-qiddīsīn, Mossoul, 1900-1906.
- Scher, A., «Notice sur les manuscrits syriaques et arabes conservés à l'archevêché chaldéen de Diarbékir», Journal asiatique X, série 10, 1907, p. 331-362 ; p. 385-431, surtout p. 421 (ms. Diyarbekir 146, du XVIIe s.).

Plus spécifiquement sur Marūtha de Maypherqaṭ:
- Labourt, J., Le christianisme dans l'empire perse sous la dynastie sassanide (224–632), (Bibliothèque de l'enseignement de l'histoire ecclésiastique 11), Paris, 1904.

- McDonough, S., «A Second Constantine? The Sasanian King Yazdgard in Christian History and Historiography», Journal of Late Antiquity 1/1, 2008, p. 127-140.

- Stevenson, W., «John Chrysostom, Maruthas and Christian Evangelism in Sasanian Iran», Studia Patristica 47, 2010, p. 301-306.

- Sako, L. R., Le rôle de la hiérarchie syriaque orientale dans les rapports diplomatiques entre la Perse et Byzance aux Ve-VIIe siècles, (Textes et études sur l'Orient chrétien2), Paris, 1986.

- Tisserant, E., «Marouta de Maypherqat (saint)», Dictionnaire de théologie catholique 10/1, Paris, 1928, col. 142-149.

- Vesa, V., «Church-Imperial Power Relationship in the Persian Empire of the 5th Century: The Role of Politics in the Reception of the First Ecumenical Council», Altarul Reîntregirii 2. Supplement, 2013, p. 261-276.

Liens

Pour la bibliographie sur Marūtha, voir le site de

A Comprehensive Bibliography on Syriac Christianity

Indexation

Noms propresMarūtha de Maypherqaṭ, Šābuhr II, Wahrām V, Yazdgird Ier

ToponymesPerse

Sujetsastrologues, démon, église, livres, mage, nobles, païen, sorciers

Traduction

Texte

Marūtha à la cour de Perse

[syr. éd. Brock p. 307 recto col. 1] Et on l'y envoya pour qu'il brise de ses mains la barrière de la colère et qu'il condamnât le magisme par lesquels l'Église et le peuple des chrétiens étaient persécutés. Dieu l'envoya comme un rayon à travers un nuage, enchaîna et lia les ténèbres, mettant à nu les œuvres des païens et des mages qui marchaient dans les ténèbres; et sa victoire brilla sur l'Église de Dieu à l'instar d'une grande lumière. Et après qu'Assūr eut entendu la nouvelle qu'il était descendu vers elle, elle aplanit le chemin pour ses saints pas. Et quand [Marūtha] arriva là, toute [la région] sortit en procession avec ses notables et son roi pour saluer et rendre hommage au saint. Et ils le reçurent en grande joie. Alors le saint se prosterna devant le roi ; il était habillé de modestie, ceint avec la foi, [syr. éd. Brock p. 307 recto col. 2] revêtu de l'habit ascétique et d'humilité. Quand il le vit, le roi Yazdgird ([Y]ezdgar[d]) aussi désira le rencontrer, parce qu'à travers lui il voyait Dieu. En effet, on peut voir Dieu dans Ses serviteurs puisque Son amour est fixé en leur esprit, et Son Image est reproduite en leur personne.

Or en ce temps-là, Son Église était grandement affligée par Šābuhr et par Wahrām, et par les autres mages, leurs compagnons. À l'instar de loups destructeurs, ils déchiraient le troupeau chrétien et abattaient les enfants de la lumière comme des animaux, sans [les] épargner. Comme des brebis chez le boucher, ainsi chaque jour [syr. éd. Brock p. 307 verso col. 1] les chrétiens venaient pour être exécutés par l'épée des persécuteurs parce qu'ils n'adoraient pas le soleil.
Et parce que ce bon berger avait été préparé, par qui Notre-Seigneur magnifierait toutes les églises dans les régions de la Perse, la porte de la miséricorde fut ouverte pour lui, le saint, de sorte qu'il soit aimable devant [le roi]. Et Yazdgird l'aima au-delà de la mesure à cause de son humilité, de sa modestie et de la noblesse de sa conduite.
Alors ce roi Yazdgird, à ce qu'on dit, avait un fils unique beau d'apparence, et il l'aimait plus que tous les membres de sa maisonnée. Celui-ci était gravement persécuté par un démon. Il s'entoura abondamment de sages, de mages, de magiciens et d'astrologues, avec leurs livres, afin de l'expulser, mais ils en furent incapables – cela [syr. éd. Brock p. 308 verso col. 2] comme si un miracle avait été réservé pour le saint, qu'à travers lui Dieu réaliserait. Lorsque le roi verrait le miracle accompli, il écouterait tout ce que le saint pourrait lui dire, et lui donnerait ce qu'il lui demanderait.
Le roi dit au bienheureux: «J'ai un fils, Seigneur; il m'est très précieux et cher, plus que tout mon royaume. Pourtant, il est gravement tourmenté par un démon et, à cause de cela, j'ai grande peine. Alors je te prie Seigneur, serviteur du Dieu très Haut, demande à ton Seigneur dans la prière qu'il soit guéri.» Le bienheureux dit au roi: «Où est-il? Montre-le moi.» Le roi donna l'ordre de l'amener auprès de lui. Lorsqu'il arriva, ce démon qui habitait en lui vit le saint, cria à travers l'enfant d'une voix forte, hurlant et disant au bienheureux: «Que…»

Traducteur(s)C. Jullien, F. Jullien, C. Nakano

Description

Analyse du passage

L'auteur anonyme évoque un climat d'hostilité envers la minorité chrétienne au début du règne de Yazdgird: «Et on l'y envoya [= Marūtha mandaté par Théodose] pour qu'il brise de ses mains la barrière de la colère». Il rejoint en cela d'autres sources comme l'Histoire syro-orientale de Séert (chapitre LXVI, éd. Scher, A., Histoire nestorienne inédite, p. 317 [205]-318 [206]; chapitre LXXI, ibid., p. 337 [215]), le Livre des mystères (Ṣaliba, éd. Gismondi, H., 1897, p. 23-25/13-15) ou les versions arménienne et syriaque de la Vie de Marūtha (éd. Marcus, 1932, p. 61, p. 65; éd. Brock, 2010, p. 306-311). Le nom du persécuteur, Šābuhr, évoque le Mihr-Šābuhr des passions des dix martyrs du Bēth-Garmaï (§ 1), de Pērōz (§ 1) et de Jaʿqūb le notaire (§ 3 et titre). Il est présenté comme le chef suprême du mazdéisme sous Yazdgird et Wahrām. Mais son association avec un autre mage du nom de Wahrām est peut-être le signe d'une confusion avec le début du règne de Wahrām V et la persécution qui s'en suivit? Šābuhr est désigné comme un général par d'autres sources syriaques et arabes chrétiennes (cf. l'Histoire syro-orientale de Séert par ex., chapitre LXXI, ibid., p. 327 [215]).

L'usage d'un vocabulaire biblique propre à dissocier les bons des méchants apparente le protagoniste à un émissaire envoyé de la part de Dieu: Marūtha est comparé à un rayon de soleil à travers les nuages (Gn 9, 14), qui dissipe les ténèbres (Jn 1, 5) et «fait lever une grande lumière» sur les peuples «qui marchaient dans les ténèbres» (Is 9, 1; Mt 4, 16). En nouveau prophète annonciateur de temps meilleurs pour la communauté chrétienne, il met à nu les œuvres mauvaises pour faire advenir la lumières (Jn 3, 20-21; Rm 13,12); l'écrivain utilise le mot prs, qui renvoie aussi à la séparation lumière/ténèbre en Gn 1, 4. À cet effet, la désignation de l'Asūrestān sous le nom d'Assur, l'empire impie et l'un des ennemis du peuple choisi, est intentionnelle; elle renforce l'idée d'une expansion de l'évangile et d'une conversion de la Perse qui aplanit la route (Is 40, 3; Mt 3, 4) devant les pas des missionnaires.

En analysant cet extrait de la Vie syriaque retrouvé dans le manuscrit du Sinaï 24, fol. 200, S. P. Brock souligne qu'il s'agit d'une version différente par rapport au texte que le traducteur arménien eut à sa disposition; selon lui, confirmant l'hypothèse de J. M. Fiey, le fragment syriaque représenterait une étape plus récente dans le développement du texte de la Vie de Marūtha. Voir Brock, S., «A Fragment from a Syriac Life of Marutha of Martyropolis», Analecta Bollandiana 128, 2010, p. 307; Fiey, J. M., «Maruta de Martyropolis d'après Ibn al-Azraq (? 1181)», Analecta Bollandiana 94, 1976, p.45. Mais le chercheur souligne aussi que son contenu thématique, sans être strictement semblable, est tout de même assez proche de la version arménienne ainsi que de l'Histoire ecclésiatstique de Socrate; il en déduit qu'il dut exister à un certain moment de la transmission une connection directe entre ces deux formes littéraires, et que les deux textes témoignent chacun indépendamment d'un développement et d'une extension d'un récit antérieur.

Sur les transmissions du syriaque vers l'arabe chez Ibn al-Azraq, voir Fiey, J. M., art. cit., p. 35-45; Munt, H., «Ibn al-Azraq, Saint Marūthā, and the Foundation of Mayyāfāriqīn (Martyropolis)», dans A. Papaconstantinou, et alii, Writing ‘True Stories': Historians and Hagiographers in the Late Antique and Medieval Near East, (Cultural Encounters in Late Antiquity and the Middle Ages 9), Turnhout, 2010, p. 149-174.

Édition numérique

Éditeur numériqueProjet ANR TransPerse (CeRMI, CNRS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle).

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Notice créée par Christelle Jullien Notice créée le 29/01/2020 Dernière modification le 01/07/2022