On ne rappellera jamais assez combien Rabearivelo taquinait la Muse, et insistons sur le mot, taquin, c'est-à-dire que la plume caresse une image, ici de l'imaginaire occidental : " automne d'une race inconnue et primitive ". Extinction, oubli.. cliché dont Rabearivelo prend le parti d'en sourire. Il le répète à l'envi : il ne fait pas de politique. Il fait dans la subversion ; il ironise, fait de l'esprit. Des vers joliment troussés sur le panorama de l'Empire. Alors oui, il y a en Rabearivelo un malin plaisir à mettre en rime plutôt qu'à déconstruire le discours colonial - le " lacérer " dirait-il. Les numéros en marge de chaque vers attestent bien quel souci le retient : le décompte des syllabes moins que la contestation. Le compte y est : 12, 13, la métrique suit son cours. Cela dit, ce serait perdre une dimension de l'oeuvre : le Rabearivelo qui compose ces vers est le personnage de ses propres églogues - Virgile, Théocrite... - qui, à force, se dressent comme un immense réservoir de poésie où s'abreuve un " fils de sang royal ". En somme, il s'agit d'une rêverie en marge de l'Histoire où, dans la paix du coeur, se délecte, pareil à tel vieux sage en pleine nature, un prince merina de légendes et de fables. Enfin, ne perdons pas de vue qu'il fait métier d'être écrivain ; et donc, qu'il lui faut trouver son public. Or, si Rabearivelo est le premier indigène à sortir des presses de l'Imerina pour des œuvres de l'esprit, ainsi acquérant une propriété intellectuelle, sûrement cette posture qu'il endosse complaisamment n'est-elle pas si étrangère... Outre que ses poèmes sont de très bone facture, ceux-ci embrasssent un faisceau d'attentes.
Achevé le 1er juin 1929 – date de l’épilogue –, L’Interférence est resté inédit du vivant de JJR. La publication (Hatier, 1988) n’a eu lieu qu’à la suite de la commémoration du cinquantenaire de sa mort, lors d’un colloque organisé par l’Universite d’Antananarivo. Le comité d’organisation découvrait alors sa prose francophone dans les archives familiales. Précédant La Fille de Baholy et Une vie de chienne "en préparation", le roman participe d’un "polyptyque, Le Dépaysement imérinien" précisé dans l’épilogue. Le roman relate l’histoire d’une famille malgache sur trois générations, depuis lerègne de Ranavalona Ire jusqu’aux débuts de la colonisation.
17 feuillets écrits au verso sur un papier ivoire légèrement glacé (les folios 15 et 16 sont toutefois écrits recto verso, mais ils correspondent désormais aux deux dernières pièces de Chants d’Iarive). Les folios 1 à 4 (9 x 14, puis 10,5 x 15), datés du 21/4/29 au 27/4/29, correspondent à la sous-section« Sagesse », poèmes 21 à 24 de la section « Quiétude ». Le folio 5 (11 x 15,5) du 11/6/29 contient le petit poème isolé « Flamboyant », placé en appendice. Les folios 6 à 14 et le folio 17 (11 x 20 et 11 x 21), du 22/6/29 au 23/12/29, 8/7/29, correspondent aux sections « [Orientations] » (fos 6 et 17),« Chants pour l’Amitié » (excepté le poème dédié à Pierre Camo) et « Prières ».