La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)

La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)


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René Taton historien des sciences et éditeur des manuscrits de Monge

*** Présentation de la collection :

Une pratique d'historien
Le fonds René Taton déposé au Caphes montre la recherche exigeante, précise et incessante de l'historien autour de l'oeuvre et de l'action de Gaspard Monge. Dans les 7 cartons  « Monge » RT.10. 4-RT 17.2 sont rassemblés des inventaires précis et des copies d’archives ainsi que des publications et des articles difficiles d’accès.
Si ces pièces constituent un riche matériau de recherche sur Monge, elles sont aussi des sources à envisager dans une perspective historiographique. Elles font apparaitre des éléments de la pratique d'historien  de René Taton.  Elles montrent sa nature collective en évoquant la participation et les interventions de Bruno Belhoste, Patrice Bret et Jean Dhombres et les invitations de Taton à l’élaboration cde l’édition de la correspondance de Monge. C’est une tendance que souligne Canguilhem en tant que rapporteur des titres et des travaux de M. Serres et R. Taton en octobre 1969.
 Il est connu de plusieurs d’entre vous qui avez collaboré à la publication de l’importante histoire générale des sciences qu’il a dirigé ou qui avez dirigé des publications auxquelles il a collaboré lui-même. À la différence de M. Serres, dont l’activité d’histoire des sciences est presque à présent une activité d’écrivain, celle de M. Taton n’est pas seulement celle d’un écrivain mais aussi d’un organisateur, d’un responsable de fonctionnement d’un certain nombre d’entreprises collectives et d’implications internationales en histoire des sciences.(Canguilhem G.,  1969)

Édition et recherche
Il est intéressant de noter comment Canguilhemn souligne l'amplitude des questions à envisager en abordant l'oeuvre de Monge. Cela donne un indice  du volume et de la diversité des archives relatives à Monge comme de celles de la recherche de René Taton sur le géomètre.

C’est pourtant dans ses thèses de doctorat que M. R. Taton a le mieux montré ses qualités d’historien en matière de sciences. La thèse principale, L’œuvre scientifique de Monge est consacrée à la Renaissance de la géométrie à la fin du XVIIIe siècle, après l’éclipse qu’elle subit du fait de la mathématique cartésienne et de l’analyse infinitésimale, mais aussi à cet aspect si particulier dans la carrière de Monge, de liaison entre les sciences et ses applications, de rapport entre la science pure et la technologie, et par là au moment de la période révolutionnaire en France de la récupération de la science par la politique. (Canguilhem G.,  1969)

En conclusion, Canguilhem ne manque pas de souligner que la méthode historique de René Taton est fondée sur une analyse des sources sensible qui coordonne dans un même objetctif édition et enquête historique. 

Quant à la thèse complémentaire, véritablement complémentaire, dans la mesure où les travaux de Monge, comme plus tard ceux de Poncelet, sont une réactivation de l’œuvre de Desargues -cette thèse complémentaire L’œuvre mathématique de Desargues le géomètre du XVIIe siècle, seul peut-être dont Descartes n’ait [ ? ] équitablement les mérites, est importante [dans la mesure] où elle publie et commente un texte, Le Brouillon project de 1639 sur les coniques, jusqu’alors connu par des copies et publié pour la première fois d’après un original trouvé dans un recueil factice de la Bibliothèque Nationale et communiqué à M. Taton. Les travaux de M. Taton sont documentés, solides, classiques.(Canguilhem G.,  1969)

 Se posent alors deux questions celle de l’édition de la correspondance et celle de l’exploitation, de la traçabilité et de la mise en lumière de la recherche historique déjà effectuée sur la correspondance. Avec la recherche de René Taton, la difficulté réside dans la présentation et l’utilisation d’une édition et d’une étude en cours d’élaboration et souvent sous la forme de petits papiers.

Si des liens serrés sont établis par l'historien des sciences entre enquête scientifique et entreprise éditoriale, ne sont publiés que :

(1947), « Une correspondance inédite de Monge », La Revue scientifique, 1er et 15 oct. 1947, pp. 963-989.

(1948a), « À propos d’une correspondance inédite de Monge », CR de l’Académie des Sciences, t. 226, pp. 36-37, 5 janvier 1948.

 (1948b), « Une lettre inédite de Monge sur la situation en France en 1791 après la fuite du roi », Revue histoire des sciences, I, pp. 358-359.

(1950), « Un texte inédit de Monge : Réflexions sur les équations aux différences partielles », Osiris, t. IX, pp. 46-61.

 (1966), « La première note mathématique de Gaspard Monge (juin 1769) », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, Vol. 19, N°19-2, pp. 143-149.

Un objectif éditorial précis
Dès 1947, au cours de sa deuxième année de Thèse, Taton publie un premier corpus inédit de la correspondance de Monge, sa correspondance mathématique à d’Alembert et Condorcet de 1771 à 1772. (Taton R., 1947) Taton connaissant l’ensemble du corpus 1768-1772 ne publie pas les lettres à Condorcet postérieures à 1772. Il interroge une période spécifique et un objet spécifique de l’œuvre mathématique de Monge. Dans son étude de l’œuvre scientifique il exploite l’ensemble de la correspondance mathématique de Monge de cette période pourtant Il ne publie pas les lettres à son élève qui appartiennent à la même période mathématique, celle de l’élaboration des axes de sa recherche d’extension du plan à l’espace de l’application de l’analyse à la géométrie.

La question des droits sur les manuscrits de la correspondance à son élève alors qu'ils appartiennent encore aux descendants de Monge a sans doute été peu favorable à une publication. La correspondance mathématique de Monge à d’Alembert et à Condorcet sont à la bibliothèque de l’Institut.(Manuscrit 2396)

Taton cherchait quelque chose de précis : reconstituer historiquement la démarche  de l’élaboration mathématique de Monge. Et c’est ce qu’il explique dans la note « À propos d’une correspondance inédite de Monge » qui est présentée par Joseph Pérès lors de la séance du 22 décembre de l’Académie des sciences. (Taton R., 1948) Taton y souligne comme il le fera dans l’introduction de sa thèse (Taton R., 1951) la nécessité d’une édition des œuvres complètes de Monge, mais aussi de sa correspondance.

En dehors des trois traités classiques : Statique, Géométrie descriptive, Application de l’Analyse à la Géométrie, la production mathématique de Gaspard Monge est dispersée dans divers recueils scientifiques : Mémoire des Savants Étrangers et Mémoires des Membres de l’Académie des Sciences de Paris, Mémoire de l’Académie Royale de Turin, Journal de l’École polytechnique. La publication de sa correspondance, en grande partie inédite, permettrait de mieux préciser la contribution éminente de Monge au progrès de la Géométrie infinitésimale et de l’Analyse. C’est ainsi que la Bibliothèque de l’Institut possède dans des dossiers contenant les papiers de S.F. Lacroix (1765-1843) (Man. 2396) 5 lettres de Monge échelonnées du 3 janvier 1771 au 26 mai 1772, adressées, la première à d’Alembert, les autres à Condorcet et qui permettent de préciser de façon nouvelle les dates de plusieurs découvertes importantes de Monge dans la théorie des équations aux dérivées partielles et ses application à la Géométrie infinitésimale. (Taton R., 1948)

Taton souligne dans l'édition des lettres mathématiques de Monge 1771-1772i, que dans ces lettres "se manifestent de façon remarquable les caractéristiques essentielles de l’œuvre mathématique de Monge : clarté, élégance, emploi simultané des méthodes géométriques et analytiques. De plus ces lettres permettent d’établir de façon précise l’origine des premières découvertes de Monge dans le domaine des équations aux dérivées partielles et de rectifier certaines dates couramment admises jusqu’ici".(Taton R., 1947, p. 963.)

Ces lettres constituent les sources essentielles pour renseigner la tentative de Monge d’appliquer le calcul des variations à des objets de géométrie dans l’espace et son intervention dans le débat sur la nature des fonctions qui entrent dans l’intégration des équations aux dérivées partielles  En outre  à cette période précise 1771-1772, nous ne disposons pas d'autre pièces de correspondance mathématique. Lorsqu’en 1772, il reprend sa correspondance avec son élève, le fait que les fonctions puissent être discontinues est selon Monge "aussi clair et évident qu’une proposition d’Euclide". (Monge G., 1772)
La préoccupation de René Taton de dater et de mesurer les progrès effectués par Monge sert une volonté de mettre en lumière les étapes et les modalités de l'élaboration mathématique de Monge. La même démarche  se retrouve dans une édition postérieure à sa thèse sur une lettre mathématique de Monge publié en Mai 1769 dans le Journal encyclopédique de Bouillon. (Taton R., 1966) Immédiatement Taton la met en rapport avec la lettre à Bossut du mois de janvier de la même année. Il inscrit cette première édition dans une entreprise de recherche et d’édition plus large.

Méthode éditoriale de René Taton
La méthode éditoriale de R. Taton est nette.

1. Étude introductive : A. Positionnement dans cours de la vie scientifique et de l’élaboration mathématique. B. Analyse du document en manifestant les grandes questions en jeu.
2. Transcription fidèle au manuscrit.
3. Annotation : identification, de rares cas de normalisation, explication, rectification, comparaison…

René Taton ne manque pas d'énoncer les principes éditoriaux choisis en 1947 comme en 1966 :

  Ces lettres seront publiées intégralement, en respectant scrupuleusement le texte, l’orthographe et les notations de Monge. Quelques commentaires préliminaires permettront de les replacer dans leur cadre. (Taton R., 1947)

  Avant d’aborder l’analyse du document, rappelons brièvement la situation de Gaspard Monge au moment où il rédigeait la « Lettre » destinées au Journal Encyclopédique. Après des études au Collège d’Oratoriens de Beaune et au Collège de la Trinité de Lyon,[…] Les années 1768 et 1769 correspondent aux premières recherches originales de Monge dans le domaine des mathématiques. (Taton R., 1966)

Dans l’édition du petit corpus des lettres mathématiques publiée en 1947 dans la Revue scientifique. Taton effectue un bref rappel biographique centré sur la situation institutionnelle de Monge depuis son entrée en 1765 à la section technique de l’École de Mézières. Il indique les rapports étroits entre entre son enseignement et sa recherche : son cours orienté vers l’application à l’architecture et à l’art de la fortification le conduisent « à esquisser les lignes essentielles de sa géométrie descriptive et à poursuivre l’étude de la géométrie infinitésimale à peine ébaucher par les travaux de Parent, de Clairaut et d’Euler. » Taton positionne les travaux de Monge dans la suite des travaux de Parent qui constituent grâce aux trois axes de coordonnées une extension à l’espace de la géométrie analytique de Descartes. Selon Taton, cela permet à Monge d’envisager une étude analytique des surfaces. D’autre part la "géométrie descriptive fournissait un mode pratique de représentation géométrique permettant à l’intuition de jouer un rôle actif dans cette étude. Mais il fallait un outil analytique adapté spécialement aux recherches sur les surfaces. Les équations différentielles."

Après la présentation historique, les annotations se réduisent à l’identification précise des travaux d’Euler, de Bernoulli. Un des premiers éléments à souligner à propos de la méthode éditoriale de Taton est une annotation réduite et la prolifération de chronologies, d’index de noms et de lieux et de notices biographiques. L’édition électronique semble permettre de déterminer de nouveaux usages de ces outils traditionnels de l’édition (Poupeau G.,2005) qui constituent la structure du projet d’édition de la correspondance de Monge par Taton. L’édition électronique semble alors efficace pour éclairer non seulement les différentes procédures éditoriales (transcription identification annotation) mais aussi pour mettre en lumière l’utilité et augmenter la fécondité des outils des éditions érudites. De même, les exigences de l’édition érudite semblent utiles pour imaginer et élaborer des éditions électroniques qui parfois se réduisent à des bases de données.


BIBLIOGRAPHIE

Fonds G. Canguilhem CAPHES, GC. 40.1.11, octobre 1969 « Canguilhem, rapporteur des titres et des travaux de M. Serres et R. Taton ».

TATON R. (1947), « Une correspondance mathématique inédite de Monge », La Revue scientifique, 85ème année, pp. 963-989.

TATON R. (1948), « À propos d’une correspondance inédite de Monge », CR de l’Académie des Sciences, t. 226, pp. 36-37, 5 janvier 1948.

TATON R. (1951), L'Oeuvre scientifique de Monge, PUF, Paris.

MONGE G. (1772), Lettre à Dubreuil du Marchais du 12 avril 1772, (fds. Monge IX GM 1.15)

POUPEAU G. « L'édition électronique de sources historiques », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 35 | 2005 , [En ligne], mis en ligne le 24 mai 2011. URL : http://ccrh.revues.org/index3023.html. Consulté le 17 décembre 2011.)

 



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*** Fiche de descriptive la collection

*** Titre : René Taton historien des sciences et éditeur des manuscrits de Monge

*** Auteur : Dupond, Marie

*** Date : 1947-01, 2004-08

*** Langue : Français

*** Éditeur de la collection : Marie Dupond (UDPN/USPC); projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).

*** Mentions légales : Fiche : Marie Dupond (UDPN/USPC); projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0.

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