71. Peuple révolutionnaire de Guinée, je reviens !

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 71. Peuple révolutionnaire de Guinée, je reviens ! , 1993/07/28.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 27/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3415

Texte de l'article

Transcription

N° 71 : 26 juillet 1993 : « Peuple révolutionnaire de Guinée, je reviens ! »

Le PDG n’est pas mort. Moi non plus. Attendez ne fusez (sic : fuyez) pas ! De toutes façons les miliciens gardent toutes les issues et tireront à vue sans sommation, afin que la route infinie de l’histoire soit bordée des cadavres de tous les colonialistes, néocolonialistes, impérialistes et tout chat là.

Fory Coco, tu n’applaudis pas ! Tu fumes ? D’ailleurs passe moi une cigarette. Mais ça ce n’est pas une marque guinéenne ! Bon ça ne fait rien. Des allumettes ! Encore une marque anti-guinéenne…

Peuple de Guinée, ma chérie ! Je suis venu pour exterminer dans le silence et la dignité toutes les forces étrangères, bourreaux des honnêtes citoyens croyants. Il faut tuer les bières « haine-kain », les « guinaisse », les « guigni-guigni », les « parlporo » qui font leur publicité sur des chevaux américains alors qu’à Kindia, nous en avons.

N’est-ce pas Fory Coco ? J’espère que vous ne les avez pas tous mangés !

Bon ! Je disais donc que la révolution est multiforme et globale, parce que le connu dans l’inconnu, c’est comme l’inconnu dans le connu. Ce n’est pas difficile à comprendre ça, c’est le cas de cette deuxième république.

Moi je m’en fous ! Est-ce qu’un éléphant pourri peut avoir peur du couteau ou d’un fusil ?

Vous ne saviez pas que j’allais revenir ? Mais je suis là ! Fory Coco, dès demain, que tout le monde s’habille en blanc. Tu prendras les mesures nécessaires. Si l’argent manque, revendez vos cochons aux chrétiens ! Ça ferait plaisir à notre monseigneur qui ne m’aimait pas beaucoup. A bas les cochons de la deuxième république.

Peuple de Guinée ! Ma Guinée ! My country is gâté, because no respect for « one man for one place ». J’ai eu à apprendre tout ça. Fory Coco tu comprends Anglish. Je vais vous en faire un tour au Libéria. Charles Taylor est un bon enseignant. Il va t’apprendre à faire la guerre. Quand vous serez face à face, tu lui diras « N’Fatara » Le reste sera moins rigolo.

Encore une cigarette des impérialistes…Merci!

- Peuple de Guinée, vous pouvez fumer autant que vous voulez ! Il faut combattre le mal par le mal. Quand vous aurez tout fumé, les usines de tabac de l’impérialisme fermeront. Les ouvriers se mettront en guerre aux Etats-Unis, en France, partout où Satan fume comme du charbon mouillé. Et la vraie guerre contre Cheitane reprendra.

- Fory Coco tu n’as jamais su parler à mon peuple. Il fallait leur dire dès le commencement de ta république que tu héritais d’un cimetière. Pourtant j’ai fait de mon mieux pour te le faire comprendre.

- Peuple de Guinée ! Mon cher PDG ! Est-ce que ce n’est pas moi qui faisais pendre ou fusiller ? Est-ce que ce n’est pas moi qui ai créé la rubrique, ce n’est pas moi qui faisais respecter les tortionnaires et grader les militaires qui ne savaient pas faire la différence entre un œuf et une grenade ? J’ai même nommé un civil, général, et qui se mettait au garde à vous devant un caporal ?

- Peuple de Guinée, n’applaudissez pas encore ! J’ai été et je le suis encore responsable suprême de vos malheurs ! Mais à quelque chose malheur est bon. Enfin, c’est ce que je croyais. Fory Coco, je t’ai laissé un pays détruit, mais il y avait du riz, un peu d’eau et de courant. Aujourd’hui, il y a un peu de riz, mais sans électricité ni eau. Comment mon peuple va faire bouillir son riz sans eau ?...Est-ce que les guinéens sont des poulets pour picorer ?

On dit que la mort, ce n’est pas bon. Mais si je n’étais pas mort, d’abord est-ce que j’allais bien connaître Fory Coco ? Je le connaissais déjà un peu avant d’aller pour la dernière fois aux Etats-Unis. Moi je ne l’aurais jamais nommé général. Et vous peuple de Guinée, est-ce que vous l’auriez nommé général ? Oui ou non ? Est-ce que vous auriez voté pour sa loi fondamenteuse si j’étais parmi vous ? Est-ce que vous auriez approuvé son « multipartisme »? Cette pieuvre aux 42 bras dont le PUP est la tête ?

Moi j’ai toujours été clair. J’ai promis en 1958 « la pauvreté dans la liberté » Est-ce que je n’ai pas tenu parole ? C’est pour ça que je pendais de temps en temps les gros affameurs du peuple. Avec mon argent, mes billets de banque, tout le monde pouvait se débrouiller. Aujourd’hui on en a fait du papier gluant, mais qui ne peut même pas attraper une mouche, à plus forte raison les voleurs.

Peuple de Guinée ! Mon peuple ! Demandez à Fory Coco ici présent, où sont mes anciens ministres ? Que sont devenues leurs familles ? Moi, quand il m’arrivait de mentir, je le faisais souvent par orgueil. Fory Coco, lui, refuse de regarder. Quand j’étais en haut, Dieu me disait : « C’est toi qui as fait que Fory Coco a pris le pouvoir ! Maintenant, il raconte que c’est moi qui l’ai nommé chef d’État ! Il a même un marabout blanc, bien logé et nourri à Novotel qui lui parle à mon nom. Et vous voulez que moi le bon dieu que je vous aide pour développer le pays ? J’ai envoyé le pape, je vous ai donné de grands marabouts. Mais qu’est-ce que je pouvais faire de plus ? Où va aujourd’hui l’argent des bauxites, de l’or, du diamant ? ».

Peuple de Guinée, j’avais des ennemis un peu partout, c’est vrai, mais je n’ai jamais organisé de test pour me permettre de détester certains pères de famille, en les délestant des dons de la banque mondiale. Moi je pouvais sortir à pieds sans crainte. C’est vrai ou non ?

C’est moi qui ai construit la cité des nations, le palais du peuple, le palais des nations, le stade du 28 septembre. C’est moi qui devais présider à la destinée de l’OUA en 1984. C’est moi qui ai réconcilié un jour le Mali et le Burkina…Si j’ai commis des erreurs de politique intérieure, ma politique étrangère était respectable.

Je n’aimais pas l’opposition, mais je n’ai jamais laissé entrer un de leurs leaders pour faire semblant d’être démocrate. J’ai toujours déclaré que dans « le faire savoir » il y a le savoir faire.

Peuple de Guinée, mon PDG ! Est-ce que j’ai jamais demandé des dollars pour compter les guinéens ? Pourtant quand j’ai mis Gomez un moment au camp Boiro, c’était pour lui faire comprendre qu’un peuple qui se compte n’est pas un peuple qui se conte ! Mais dès après le 26 mars 1984, dès après mon enterrement, on a confondu le conte avec un certain conté. J’avais pourtant laissé des archives afin que l’histoire nous juge tous, parce qu’il est toujours facile d’accuser un mort après l’avoir pleuré. On a tué mes vieux compagnons avant de les juger. On a inventé la torture télévisée. Ce qui a donné une idée à Prince Johnson quand il a pu mettre la main sur Samuel Doe. La cassette vidéo circule, non ? Alors je n’ai créé que les « Aveux » radiodiffusés. C’est parce que j’ai apporté des postes de télévision que tout cela est arrivé.

Peuple de Guinée ! Mon éternel PDG, il existe deux catégories de dirigeants : ceux qui ont des problèmes et ceux qui sont des problèmes. Seul le Foryco colonialisme vit dans les deux.

Que vive mon peuple !

Williams Sassine

Billet

Un Os qui refuse de parler

Mon chien était revenu avec un os. Des deux il était difficile de reconnaître le plus triste, le plus lamentable. Un peu comme entre l’ancien régime et le nouveau. L’os avait dû être rongé par tous les gros chiens du quartier, avant qu’ils ne l’abandonnent au mien, aussi maigre qu’un déflaté.

Je lui dis pour l’encourager : « Chacun a ses problèmes. Toi, au moins tu n’as qu’un os. Notre président non élu, lui, il a plusieurs os à croquer avant de partir »

Il me répondit : « C’est qui son dentiste ? Je me tournai vers l’os. Apparemment il n’avait rien à ajouter. Il attendait peut-être les dates précises des ex-futures élections.

Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 71

Présentation

Date1993/07/28

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

71. Peuple révolutionnaire de Guinée, je reviens !

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