Extrait : 1581 Gervais Mallot Trésor des histoires tragiques H01 extrait 5

Auteurs : Belleforest, François de ; Boaistuau, Pierre

Informations générales

TitreExtrait : 1581 Gervais Mallot Trésor des histoires tragiques H01 extrait 5

Cadre du projetMaster Document numérique - Université Bretagne Sud - 2020-2021

Les pages

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Informations sur le document

Folio de la page concernéeA4v, A5r, A5v, A6r, A6v

Folio de l'extrait4v, 5r, 5v, 6r, 6v

Rang de l'unitéHistoire première

Rang de la sous-unité5

Analyse thématique

Thème(s) abordé(s)

Plainte
Reproche

Les mots clés

plainte, promesse, roi

Relations entre les documents

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Transcription du texte

Titre de l'extrait

Response du Comte au Roy par laquelle il luy promet de faire ce à quoy il s’estoit indiscretement obligé par sa promesse. Et se plaignant de l’infamie & deshonneur qu’il veut causer à toute sa race il blasme sa brutale demande et son incontinence.

Transcription

Sire, le sens me faut, la vertu me delaisse, & ma langue est muëtte, entendant vos propos par lesquels je me sens reduit à deux si estranges & perilleux destroits, que passant par l’un ou par l’autre, force m’est de tomber en tresgrand peril : mais pour me resoudre au plus expedient pour vous, & moins honorable pour moy, vous ayant donné ma foy pour ostage, de vous secourir jusques à la perte de l’honneur & de la vie, je ne faudray à ma parole : & quant à ma fille, de laquelle vous m’avez requis, je lui decouvriray le tout, comme vous l’avez deduit. Bien vous adverty-je, Sire, que j’ay bien puissance de la prier, non pas de la forcer : baste qu’elle entendra de moy quel est vostre cœur envers elle : Mais je m’esmerveille & me plains de vous à vous-mesme, & me soit licite, Monseigneur, de descharger ma peine devant vous, plustost qu’avec vostre honte & mon eternelle infamie, elle soit par autre manifestée en public. Je m’emerveille encores de rechef, Sire, quelle presomption vous a esmeu, de penser commettre telle vilennie avec mon sang, & par un acte si lasche, le vouloir deshonorer, que jamais ne s’ennuya de faire service à vous & aux vostres : Helas ! infortuné pere que je suis, est-ce le guerdon & salaire, que moy & mes enfants devons attendre pour nostre loyal service, à tout le moins si ne voulez estre liberal du vostre, ne cherchez point les moyens de nous oster l’honneur, & mettre un tel blasme sur nostre race : mais qui pourroit attendre pis de son mortel & capital ennemy. C’est vous, c’est vous, Roy Edouard, qui ravissez à ma fille l’honneur, à moy le contentement, à mes enfants la hardiesse de se retrouver en public, à toute nostre maison son ancienne gloire : C’est vous qui obscurcissez la clarté de mon sang, avec une tache si deshonneste & detestable, que la memoire n’en sera jamais esteinte : C’est vous qui me contreignez d’estre le ministre infame de la ruine totale de ma maison, & d’estre le rufien effronté de l’honneur de ma fille. Pensez (Sire) que c’est vostre devoir, de me donner ayde & faveur, quand les autres s’essayeroyent de me procurer tel vitupere : mais si vousmesmes m’offensez, ou sera desormais mon secours ? Si la main qui me devoit guerir, est celle qui me blesse, ou sera l’esperance de mon remede ? A ceste cause, Monseigneur, si je me plains justement de vous, & si vous me donnez occasion d'estendre mes cris jusques au ciel, soyez en juge, Monseigneur, car si vous voulez despouiller ceste desordonnée affection, je n’en demande que vostre invincible et genereux esprit pour juge, d’autre costé je plains vostre fortune, pensant aux raisons par vous deduites, & de tant plus je vous plains, que vous ayant cogneu dés vostre jeune aage, vous m’avez tousjours semblé libre de passions, & non assujetty aux flammes amoureuses, ains tousjours addonné aux exercices des armes, & maintenant vous voyant devenu prisonnier d’une affection indigne de vous, je ne scay que juger tant la nouveauté d’un tel inopiné accident me semble estrange. Souvenez vous (Sire) que pour un simple soupçon d’adultere, vous estant encores fort jeune, fistes endurer la mort à Roger de Montemer, & ce que je ne puis prononcer sans larmes, feistes miserablement mourir vostre mere en prison : & Dieu scait combien vos couvertures estaient legeres & vostre soupçon assez mal fondé : pardonnez moy (Sire) si je m’avance tant de parler, & pensez un peu plus soigneusement à vos affaires, ne cognoissez vous à veuë d’œil, que vous estes encores tout enveloppé des guerres, & que vos ennemis dressent, les cornes jour & nuit pour vous surprendre tant par mer que par terre. Est ce doncques maintenant la saison de se donner en proye aux delices, & se laisser captiver aux Dames ?
A RELIRE
Où est ceste magnanimité & valeur, laquelle vous à rendu espouvantable à vos ennemis, amiable à vos amis, & a vos subjectz admirable ? Quant au dernier point, par lequel vous menacez, que si ma fille ne condescend à vostre vouloir, qu’aurez refuge à vos forces. Je ne confesseray jamais que ce soit l’acte d’un valeureux ou vray Roy, mais bien d’un vile, pusillanime, cruel & libidineux tyran. Et ia Dieu ne plaise qu’en l’age ou vous estes, vous commencez à forcer les Dames de vos subjectz, autrement ceste isle perdra son nom de Royaume, & ne sera plus qu’un receptacle de brigands et voleurs. Si donc pour mettre le dernier sean à ceste triste complainte, vous pouvez par vos blandices promesses & presens, suadent à ma fille d’obeir à vos dereiglez appetits j’auray bonne occasion de me plaindre d’elle, comme de fille peu continente, & que degenere des vertus de ses majeurs, mais pour vostre regard je n’ay que dire, sinon qu’en ce vous fuyuez la commune façon de faire des hommes, qui poursuyvent les dames qui leur plaisent. Reste seulement à respondre aux faveurs, que pour l’adven vous promettez à moy & à mes enfants. Je ne veux qu’a moy ny à mes enfans, ni à aucun de notre posterité, soit reproché chose quelconque qui nous puisse rougir, sçachant en quel mespris & opinion sont ceux qui estans issus de bas lieux sont venus aux biens & honneurs, pour avoir gratifié & obey aux princes & Roys en devoir deshonnestes. Souvenez-vous (Sire) que depuis peu de jours estant au camp contre les Escossois, vous reprochastes à certain, que pour avoir esté ministre des amours de vostre pere, de Barbier il estoit devenu Comte, & que si en l’advenir il ne reformoit ses mœurs vous le renvoyriez à la boutique. Et quant à moy j’ay en opinion que l’honneste pauvreté à tousjours esté l’ancien & tresriche heritage des plus nobles Romains : laquelle opinion si elle est condemnée par le sens de l’ignorante multitude, & si nous voulons en cela luy donner lieu, faisant plus grand cas & estime des richesses & thresors que de la vertu, je diray que (la grace à Dieu) j’en suis assez abondamment pourveu pour maintenir moy & les miens, non comme ambitieux ou taché de convoitise, mais comme bien voulu de la fortune. Je vous suppliray doncques (Sire) faisans fin, prendre en bonne part ce que le devoir & l’honneur m’ont contraint de dire. Ainsi avec vostre congé je m’en vay vers ma fille, lui faire entendre de point

en point ce qui vous à pleu me commander.
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Transcripteur.riceLe Delliou, Marine

Chargé.e de la révision

Laurent, Auriane
Réach-Ngô, Anne

Analyse de l'extrait

Modalité(s) du tragiqueLe comte est prisonnier de sa promesse et ne peut empêcher le roi d'avoir sa fille.

Informations sur la notice

Responsable de la noticeLe Delliou, Marine

Encadrement scientifiqueParra, Marine

ÉditeurÉquipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Mentions légalesFiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Dernière mise à jour de la notice2021-05-18

Citer cette page

Extrait : 1581 Gervais Mallot Trésor des histoires tragiques H01 extrait 5 Notice rédigée par Le Delliou, Marine Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) Consulté le 30/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/tragiques-inventions/items/show/220

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Notice créée par Marine Le Delliou Notice créée le 16/03/2021 Dernière modification le 05/07/2023