Vie grecque longue de Marūtha de Maypherqaṭ

Informations générales

Cotems. Moscou, Musée historique 183 (Vlad. 376), fol. 132^r-135^v, du XIe s.
BHG 2266

DateXIe s.

extrait situé sous le règne deYazdgird Ier

Languegrec

Type de contenuTexte historiographique

Informations éditoriales

Éditions

- Latyšev, B., Menologii anonymi Byzantini saeculi X quae supersunt, I, Saint-Pétersbourg, 1911, p. 154-158.
- Noret, J., «La Vie grecque ancienne de S. Maruta de Mayferqat», Analecta Bollandiana 91, 1973, p. 77-103.

Références bibliographiques

- Ehrhard, A., Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche, III/1, (Texte und Untersuschungen 52/1), Leipzig, 1943, p. 342-355; p. 403-405.
- Papadopoulos-Kerameus, A., Ὶεροσολυμιτικὴ βιβλιοθήκη, I, Saint-Pétersbourg, 1891, p. 1-8.
Texte grec et traduction française:
- Halkin, F., «Le mois de janvier du “ménologe impérial” byzantin», Analecta Bollandiana 57, 1939, p. 225-236.

Plus généralement sur Marūtha de Maypherqaṭ:
- Labourt, J., Le christianisme dans l'empire perse sous la dynastie sassanide (224–632), (Bibliothèque de l'enseignement de l'histoire ecclésiastique 11), Paris, 1904.

- Stevenson, W., «John Chrysostom, Maruthas and Christian Evangelism in Sasanian Iran», Studia Patristica 47, 2010, p. 301-306.

- Sako, L. R., Le rôle de la hiérarchie syriaque orientale dans les rapports diplomatiques entre la Perse et Byzance aux Ve-VIIe siècles, (Textes et études sur l'Orient chrétien 2), Paris, 1986.

- Tisserant, E., «Marouta de Maypherqat (saint)», Dictionnaire de théologie catholique 10/1, Paris, 1928, col. 142-149.

- Vesa, V., «Church-Imperial Power Relationship in the Persian Empire of the 5th Century: The Role of Politics in the Reception of the First Ecumenical Council», Altarul Reîntregirii 2.Supplement, 2013, p. 261-276.

Liens

Pour la bibliographie sur Marūtha, voir le site de

A Comprehensive Bibliography on Syriac Christianity

Indexation

Noms propresBaṣiṣta, Christ, Constantin, Galiléen, Jacques (évêque de Nisibe), Mariam (grand-mère de Marūtha), Marūtha de Maypherqaṭ, Pērōzgerd, Perses, Raoniens, Romains, Théodose II, Touba

ToponymesArménie, Cité des martyrs, Espagne, Martyropolis, Maypherqaṭ, Nisibe, Orient, Perse, Sophène

Sujetsambassadeur, ange, baptême, démon, gouverneur, jeûne, mage, miracles, Pâques, pyrée, reliques, soleil

Traduction

Texte

Vie de notre saint père Marūtha, évêque de Sophanène d'Arménie, et commémoration des saints martyrs reposant à Martyropolis.

1. Il existe un pays situé du côté de l'Orient, aux limites de l'Arménie et de la Perse; on l'appelle (pays) des Sophanéniens; cette contrée, pauvre du plus grand bien, je veux dire de la saine et pure foi des chrétiens, Dieu n'omit pas de la faire venir à la reconnaissance de sa seigneurie. De ce fait, il montre ainsi encore les différentes manières dont use une «économie» impressionnante et qui révèlent sa grande providence, bien digne d'être chantée. De quelle manière? Il faut prêter une attention diligente.
2. Au temps de Constantin, premier chrétien à avoir été empereur, lui appelé grand à juste titre, un certain Jacques, homme saint et admirable, devenu évêque de Nisibe (site ainsi appelé depuis longtemps), déployait chaque jour beaucoup de zèle – c'était un vrai pasteur et non un mercenaire – à convertir ce pays d'impiété à la piété et de l'erreur des démons à la confession du Christ. Il faisait aussi le plus de prières possible, demandant à Dieu avec grande ferveur d'octroyer son aide à ses créatures et de les conduire à la lumière, celle de la grâce. Et assurément il fut exaucé et ne fut en rien déçu dans ses espérances. Mais considérez avec moi comblen sont profonds les jugements de Dieu et bien ordonnées les décisions de son infinie sagesse.
3. Le gouverneur du pays de Sophanène, arrivé dans le district des Raoniens pour quelque nécessité qui lui était arrivée (il s'agit d'un district d'Arménie), ayant remarqué avec des yeux passionnés la fille du gouverneur des Raoniens (le nom de la jeune fille était Basista; elle s'appelait aussi Mariam [Mariamme] de son second nom), belle d'apparence mais encore plus belle d'âme (l'adolescente en effet était chrétienne et fille de chrétiens) – quels arrêts, mon Christ, que les tiens! – la demande en mariage. Le gouverneur en effet avait été épris d'elle, et il remuait ciel et terre pour ne manquer en rien le mariage; telle était en effet la puissance du désir qui avait pénétré dans dans son âme.
4. or, les parents de la jeune fille, tout en le saluant et en le recevant chez eux – il était jeune, riche et d'une beauté remarquable –, n'aimaient pas sa religion, l'avaient même en horreur, pleins d'hostilité pour les Sophanéniens qui ne professaient pas la foi chrétienne mais étaient tout dévoués au mensonge et à l'erreur des démons; ils refusèrent l'alliance. Comme l'homme insistait alors et réclamait avec insistance le mariage, allant même jusqu'à menacer, s'il n'obtenait pas ce qu'il désirait, de révolte et de guerres, les parents de la jeune fille informent de l'affaire l'évêque de Nisibe – c'était le célèbre Jacques qu'on a évoqué plus haut – qui faisait un séjour en ces régions, et lui confient toute l'affaire. Celui-ci ayant alloué au dessein du temps et de la réflexion, et ayant ensuite prédit de manière vraiment prophétique qu'à partir de là les Sophanéniens se convertiraient de leur erreur et viendraient à la foi orthodoxe, et que cela ne se réalisait pas en dehors de la providence divine, les parents, cédant à ce que disait ce saint pasteur, unissent Mariam au gouverneur de la Sophanène et, après avoir effectué les cérémonies habituelles, la lui remettent.
5. Comme les jours du Carême venaient de commencer, jours durant lesquels les chrétiens ont l'habitude de jeûner et de se garder purs, et qu'elle refusait absolument de s'unir à son époux sur son lit, mais lui opposait pureté et jeûnes de toute la détermination de son âme, et remettait sagement de jour en jour leur union physique, lui, comme esclave de l'amour et de la chair, s'approche d'elle. Que se passe-t-il alors? Il voit une vision pleine de terreur – c'était sans doute la présence d'un ange qui effectuait la vision – et entend une voix disant de ne pas la toucher. Persuadé dès lors ou, pour mieux dire, apeuré, mais aussi instruit du mystère par sa femme, il confessa que la foi au Christ était chose grande; et quand les jours du jeûne furent passés, je veux dire lors de la fête même de Pâques, il reçoit même le baptême tout à fait bienheureux: il devient lui aussi un (membre) du troupeau de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ qui fait tout avec sagesse profitablement. Mieux! Il parfait encore de la sainte illumination tous ceux qui se soumettent à lui, et la prédiction de l'Ancien reçoit son accomplissement.
6. Par la suite (…), il naît à ce beau couple deux enfants: en premier une fille, l'aînée, qu'ils appelèrent Touba; et un garçon après elle: ce fut ce beau Marūtha, le thaumaturge, le saint, le vrai guérisseur de Dieu qui, bien éduqué et formé, effectuant tout un chemin de vertu, acquit aussi la dignité de l'épiscopat; et dès lors par les miracles qu'il fait il devient très renommé, redoutable, digne de tout respect et honneur, non seulement pour ceux qui lui étaient proches, mais encore mieux pour ceux qui vivaient au loin. D'abord en effet il enseigne le pays de Sophanène, il le forme, le baptise, l'arrache à l'erreur et le conduit à Dieu par le baptême; ensuite, il conduit encore au Christ les foules de la Perse par la foule de ses prodiges extraordinaires. De quelle manière? Notre récit le montrera.
7. Théodose, qu'on appelle le Grand, celui qui était de famille hispanique, empereur romain croyant et qui gouvernait bien l'empire, envoie en tant qu'ambassadeur le pontife du Christ, je veux dire Marūtha le thaumaturge, chez Yazdgird, roi des Perses: il devait adoucir ses colères, ramener la paix et conclure un traité d'amitié réciproque; de fait, ils avaient été en désaccord et avaient parfois été amenés à se faire la guerre. Yazdgird donc, le recevant de manière très affable et avec beaucoup d'honneurs – Dieu ayant certainement disposé ainsi son âme envers Marūtha –, calme aussitôt ses colères et fait la paix solidement avec Théodose, la garantissant par des propos, des serments et des écrits. Marūtha donc, depuis ce temps-là, était grandement honoré du roi des Perses; aussi bien, ayant accompli nombre de prodiges en Perse, il était aimé de tous et on le connaissait comme un père et un protecteur. Il délivra aussi la propre fille de Yazdgird, qui avait été frappée d'un mal démoniaque. Et de quelle joie il remplit ce (roi), vous le savez, vous tous qui êtes pères d'enfants!
8. Que se passa-t-il ensuite? Le roi des Perses voulant lui faire don de gratifications qui convenaient, d'argent et de cadeaux tout autres, lui (le saint) demande une unique faveur: de lul accorder les dépouilles mortelles de tous ceux qui en Perse avaient témoigné en faveur du Christ, afin qu'il puisse les honorer comme il se devait et leur donner une sépulture convenable. Il les reçoit, sans que le roi ait éprouvé quelqu'hésitation à ce sujet; il fonde une ville et un sanctuaire à l'intérieur; avec solennité et munificence, il y dépose ces reliques et donne à la ville le nom de Martyropolis.
9. Mais celui qui a coutume de voir sans cesse les gens de bien d'un œil jaloux, le diable, rempli d'envie pour Marūtha à cause d'un tel bien, excite ses suppôts (les Perses les appellent mages). Et que font-ils? Ils dissimulent sous terre un homme dans le sanctuaire où le roi devait pénétrer pour rendre le culte perse au feu qui chez eux est vénéré; le roi était encore toujours attaché à la religion héritée de ses ancêtres. Alors donc que le roi passait, de dessous, le mage fit entendre sa voix, produisant nécessairement une sorte de prodige, comme si la voix venait d'un dieu, et même d'un dieu irrité contre le roi: «Je ne t'agrée pas, dit-il en effet, toi qui t'es placé du côté de Marūtha, le chef des Galiléens.»
10. Or l'évêque, n'ignorant point le stratagème, par la grâce de l'Esprit de bonté, avait rapidement rejoint le roi, qui était comme frappé de stupeur par l'imposture, et il lui dit: «À ton avis, roi, quelle peine doivent subir selon votre loi ceux qui se montrent inconvenants envers les rois, ou mieux, envers un dieu?» Et le roi interrogea les mages à ce sujet et sur les punitions qu'il faut imposer à ceux qui font preuve d'une telle audace. Ceux-là répondirent: «Ceux qui font cela, il faut qu'ils subissent la mort, avec toutes leurs familles.» Alors le grand et sage Marūtha ordonne de creuser l'endroit; on fit cela promptement, avec d'ailleurs l'assentiment du roi; et on trouve le mage, couché là quelque part. On le fait bien entendu sortir et on le soumet à de nombreuses questions: comment ce forfait a-t-il été arrangé? et par qui donc a-t-il été incité à faire cela? L'homme raconta que c'étaient les mages qui avaient arrangé ce piège. Aussi le roi ordonne-t-il sur le champ de leur trancher la tête par le glaive, à eux et à toutes leurs familles.
11. Et voyez-moi combien le juste Marūtha était miséricordieux et tempéré! Il demande avec instance au roi de pardonner aux mages la folie de leur impudence et de leur faire grâce de la punition funeste décrétée contre eux; sans toutefois avoir pu convaincre le roi, mais grâce à ses nombreuses demandes, la sentence est remaniée pour (viser) seulement ceux qui ont fabriqué le piège; et c'est assurément ce qui fut.
12. Quant à toi, Marūtha, toi qui es aimable sous tous points de vue, toi qui, de très longues années as brillé en ce lieu, tu es apparu comme un grand thaumaturge, entraînant l'affection et l'admiration de tous; tu finis ta vie dans une vieillesse avancée et, près du tombeau des martyrs qui ont été déposés par toi, au milieu des honneurs, on dépose à son tour ton corps à toi, remède contre les maladies et terreur des démons. Et maintenant que tu résides aux cieux avec eux, fais-toi médiateur aussi pour notre empereur orthodoxe qui surpasse tout le monde par ses bonnes œuvres, afin que lui soit donné par Dieu longue vie, force et puissance contre ses adversaires, pour anéantir leur pays et leur peuple, faire disparaître complètement l'ensemble des Arabes, voir briller la lumière du soleil divin, jouir avec bonheur de parfaits pâturages, participer à tous les biens dans les cieux et communier à la royauté de Dieu, car au Christ notre Dieu reviennent la gloire et la puissance, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen!

Traducteur(s)d'après Jacques Noret

Description

Analyse du passage

J. Noret a précisé que la Vie abrégée est presque certainement la source unique de la Vie, amplifiée, du ménologe impérial de Michel IV: même ordre des faits, mêmes éléments narratifs, mêmes graphies pour les noms propres (Πειροζγέρδης pour Yazdgird; Touba, sœur de Marūtha) ou les toponymes (Ραονῶν κλίμα pour Tarawn). Le style du texte est aux développements narratifs et à l'extension oratoire plus qu'au respect de sa source (p. 94-95).
B. Latyšev avait pu démontrer que les récits intégrés dans ce volume avaient été écrits à Constantinople. Par ailleurs, et de manière indépendante, F. Halkin et A. Ehrhard sont arrivés à la conclusion que ce recueil dans lequel figure la Vie longue fut composé sous le règne de l'empereur byzantin Michel IV (1034-1041). Voir références dans les éditions ci-contre.
Sur l'affaire du pyrée, voir Socrate de Constantinople, Histoire ecclésiastique. Livre VII. Chapitre VIII, 7-13; Ṣaliba, éd. Gismondi, H., Maris, Amri et Slibae De patriarchis nestorianorum commentaria, Pars altera, Rome, 1897, p. 26.

Édition numérique

Éditeur numériqueProjet ANR TransPerse (CeRMI, CNRS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle).

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Notice créée par Christelle Jullien Notice créée le 29/01/2020 Dernière modification le 01/07/2022