Vie privée de Satan (La)
Auteur(s) : Sony Labou Tansi
Le recueil a été composé avant 1973, date à laquelle débutent les échanges avec José Pivin et Françoise Ligier, où il n’est nullement fait mention de l’écriture de La Vie privée de Satan. La manière dont les poèmes ont été rédigés sur le cahier nous incite à penser que VPS est antérieur aux Yeux de l’espoir. Sony Labou Tansi a écrit sur le recto des pages du cahier le premier recueil, puis l’a retourné pour rédiger le second.
À l’instar des Vers au vinaigre, La Poésie contemporaine de langue française depuis 1945 nous fournit de précieuses indications. Édouard Maunick, en effet, y publie cinq poèmes qu’il a sélectionnés, « Regardez eh … »[1], « Je ne suis pas Noir … »[2], « Congo ou Zaïre … »[3], « Ce siècle vide comme un sacrilège … »[4] et « Comment voulez-vous que j’espère … »[5]. L’ouvrage ayant été publié en 1973, il est vraisemblable que le manuscrit a été écrit au début des années 1970. Les derniers vers du poème « Adieu pâle étoile de la paix … » – « Je m’en vais clouer / Vos noms de fer / Dans les hanches / De la France » – évoque un départ en France. Pourrait-on penser que, pendant l’écriture du recueil, Sony Labou Tansi aurait pris connaissance du projet radiophonique de José Pivin, À la poursuite des maillots noirs ? Le jeune poète se rend en France au cours de l’été 1973 pour enregistrer quelques numéros du feuilleton créé par José Pivin.
Par ailleurs, plusieurs versions de VPS ont sans doute existé. Les poèmes publiés par Édouard Maunick semblent quelque peu plus tardifs. Dans sa présentation, l’auteur d’Ensoleillé vif affirme que VPS compte 30 poèmes alors que le cahier conservé à la BFM en comporte 36. Jean-Baptiste Tati-Loutard corrobore cette hypothèse : « Les premiers recueils La Vie privée de Satan et Les Yeux de l’espoir, de trente poèmes chacun, avaient été envoyés par Sony à Madame Françoise Ligier de Radio France Internationale »[6].
La comparaison des poèmes publiés dans La Poésie contemporaine avec le manuscrit déposé à la BFM confirme cette analyse. Un processus d’amplification, caractéristique de l’écriture de Sony Labou Tansi, est à l’œuvre d’une version à l’autre. Ainsi, le premier poème reproduit dans La Poésie contemporaine est bien plus développé que celui rédigé à la fin de la « Maxi-Préface »[7]. De même, les trois derniers vers de « Congo ou Zaïre … » sont significatifs. Ces derniers – « Qu’on me les cloue dans la chair / Comme des pointes de dix / Qu’on me les verse sur la tête comme du vin » – sont identiques à « Il est des noms … » qui figure dans Poèmes de Sony Lab’ou Tansi, tapuscritproposé aux maisons d’édition parisiennes durant l’été 1973.
Un dernier indice plaide en faveur de cette hypothèse : les initiales « Y. E » reportées à l’encre bleue à côté des poèmes nos 33 et 35 du manuscrit de la BFM. Dans une campagne d’écriture quelque peu postérieure à la composition de VPS, que l’on pourrait situer entre 1970 et 1972, Sony Labou Tansi n’aurait-il pas sélectionné ces textes pour remanier ses deux recueils et en transmettre une nouvelle version à Édouard Maunick ? La composition des Poèmes de Sony Lab’ou Tansi constitue un dernier indice. « Il est des noms … » ainsi que « Voici le baobab de la réconciliation … » se trouvent dans la section intitulée Les Yeux de l’espoir. Or, ces deux poèmes font partie du manuscrit de VPS déposé à la BFM[8].
[1]La Poésie contemporaine de langue française depuis 1945, op. cit., p. 803. Ce texte est une réécriture du poème qui clôt la « Maxi-préface ».
[2] Ibid., pp. 803-804. Il s’agit d’une reprise du premier poème du manuscrit déposé à la BFM, « Je ne suis pas Noir … ».
[3] Ibid., p. 804. Maunick précise que ce poème fait partie des Yeux de l’espoir. Il figure pourtant bien dans La Vie privée de Satan (poème n° 34), « Congo ou Zaïre … ».
[4] Ibid., p. 804. Reprise de « Ce siècle est vide comme un cœur … » (poème n° 2). Maunick n’en cite que trois vers.
[5] Ibid., p. 804. Reprise du poème n° 4 « Comment voulez-vous que j’espère … ».
[6] Jean-Baptiste Tati-Loutard, « Sony Labou Tansi, poète », in Sony Labou Tansi ou la quête permanente du sens, éd. de Mukala Kadima-Nzuji et Abel Kouvouama, Paul Kibangou, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 128.
[7] Le poème publié par Maunick comporte 28 vers, soit 11 vers supplémentaires.
[8] Il s’agit des poèmes nos 35 et 36.
Fiche descriptive de la collection
Citation de la page
Sony Labou Tansi, Vie privée de Satan (La), avant 1973.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 26/12/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/collections/show/196