Acte de quitter la vie (L')
Auteur(s) : Sony Labou Tansi
Le dossier génétique du recueil L’Acte de quitter la vie (AQV) comprend deux documents différents, au moins par l’histoire de leur archive diverse.
1. Tapuscrit provenant du fonds Jean-Michel Devésa
2. Tapuscrit provenant du fonds Brazzaville, déposé à la BFM
La disparition de la dizaine de poèmes peut désormais être attribuée au soi-disant « poète en panne », et aisément datée de cette période désespérée de septembre 1976 où Sony écrit dans une lettre : « Les Poèmes. J’en écris plein. Mais je les détruis. Parce que c’est nettement plus chiant que le reste »[1]. Le poème 12, un des rescapés du désastre, aurait été alors exhumé, mis à part et réécrit comme le « Testament » d’un « poète en panne » (titre d’un recueil suivant), poème singulier d’ailleurs puisque s’y trouve l’unique occurrence dans tous les poèmes de Sony du verbe universaliser : « quelle honte pour qui n’arrive / plus à universaliser / son cœur en creusant / dans les choses / des trous comme ça ».
Quant à ces poèmes en quête de leur titre de recueil originel, on peut faire l’hypothèse qu’ils appartenaient à L’Acte de quitter la vie, recueil mentionné dans une lettre précédente de la même année : « je vais lui [Senghor] envoyer mon troisième recueil » (14 juin 1976)[2]. Dernier de la série des Actes, après ceux de Crever la vie et de Respirer, preuve de l’échec de l’universel qu’il détruira au lieu de l’envoyer à Senghor ? À moins qu’il ne s’agisse de celui de Naître plus loin, annoncé peu après dans une lettre non datée : « C’est la même chose pour mon recueil Naître plus loin que la vie. “Que de Judas dans mes cheveux que de Satan”, nouvelle écriture, mais surtout nouvelle dimension de l’âme en ces moments carnivores, sur cette terre carnassière » [1976][3] ? Et si Naître plus loin était un avatar de L’Acte de quitter la vie abandonné, inachevé ?
On a l’embarras du choix, mais on s’en tiendra à la première hypothèse pour deux raisons. D’abord pour une question de détail concernant le support où gîte ce diable de manuscrit : « Je n’avais pas d’autres feuilles que celle que j’arrache à mon recueil Naître plus loin » (5 juin 1977)[4]. Alors que les dix poèmes semblent avoir été saisis directement sur une machine à écrire, peut-être même sur celle dont Henri Lopes venait de lui faire don.
Par ailleurs, de nombreuses particularités du texte militent en faveur du rapprochement en fondu enchaîné avec L’Acte de respirer, et donc à l’attribution à L’Acte de quitter la vie, notamment des emprunts lexicaux et le retour de mots clés de L’Acte de respirer 2 (incorrigiblement, caca, vénérien, beuglement, abyssal, etc.), voire des reprises de cellules poétiques entières (aspire-néant / recrute-manèges…, je me suis battu / titre d’homme en jeu). D’autres, communes avec Le Quatrième côté du triangle, semblent annoncer ce futur recueil. D’autres encore ne se retrouvent nulle part ailleurs, comme ces néologismes subversifs (incassés, rempaysement, vilemment), disparus, monstres morts-nés, sans postérité. Pas tout à fait, comme le prédit leur Testament : « Vous me mettrez entre ciel et terre / pour témoigner de l’énigme / un corps-mots-de-femme ».
Fiche descriptive de la collection
Citation de la page
Sony Labou Tansi, Acte de quitter la vie (L'), 1976.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 22/12/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/collections/show/207