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Toujours —

On nous vendra notre sang

                              et notre âge

On nous vendra notre vie

                              en/au détail

On nous vendra tout pour avoir voulu

                  Enterrer le casque

colonial —

                                    On nous vendra nos intentions

Ainsi — on pataugera

                        on plongera

                        on jouera

                        dans notre sang de sangsue —

                        dans notre sang à refaire

On marche nage dans nos petits plaisirs —

Toujours

On nous fera pleurer en connaissance

                                de cause

                                             pleurer à propos

 

Ces poèmes illustrent la manière dont Sony Labou Tansi « désorganise la genèse » de ses textes afin de susciter de nouveaux poèmes. Figurant dans les deux versions de Vers au vinaigre, cycle poétique probablement rédigé au début des années soixante-dix, « Ainsi » et « Bras croisé, fermé de long en large » peuvent être considérés comme les poèmes sources. La machine infernale sonyenne disloque les deux textes, n’en sélectionnant que quelques vers, pour créer en 1977 « Les jours passent », poème classé dans Le Poète en panne. Cette logique de dislocation‑recomposition a d’ailleurs présidé à l’écriture de deux recueils : Le Pays intérieur et Le Poète en panne. Parmi les quarante-quatre poèmes du premier, l’on peut identifier quarante-deux reprises de Vers au vinaigreLe Poète en panne se moule sur une poétique identique car trente-neuf des quarante‑cinq textes du manuscrit sont des réécritures « désorganisées » et éclatées de Vers au vinaigre.   

 

Céline Gahungu