La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)

La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)


1783-1799 : Monge et la Marine


Auteurs : Monge, Gaspard

Présentation de la collection
  • Ce corpus est le plus méconnu et complexe associant correspondance scientifique, ministérielle, académique et en étant lié à un élément important de l’œuvre scientifique de Monge Le Traité élémentaire de statique.  Sur l’action de Monge à la Marine voir les lettres n°118, 127 et 132.

  • L'histoire des sciences et des techniques permet d'inscrire la correspondance du ministère de Monge (1792-1793) dans une perspective plus large et de le sortir de son statut d'anecdote révolutionnaire. (environ 700 pièces à numériser et transcrire.)

    Dès les années 1792-1793, alors ministre de la Marine, Monge en donne une première expression dans une note manuscrite.

    Ce qui fait qu’en France les arts qui exigent quelques degré d’exactitude sont presque dans un abandon total c’est que dans l’éducation d’aucune partie de la nation on ne s’est appliqué à donner aux jeunes gens le sentiment et l’habitude de la précision en sorte que les consommateurs qui n’en ont aucune idée et qui n’y attachent aucun prix, ne l’exigent pas dans les ouvrages qu’ils commandent, et que les ouvriers à qui ce travail ne serait pas payé (puisqu’il ne serait pas apprécié) se gardent bien de prendre une peine inutile. Si l’on achète une montre, par exemple, c’est à la forme de la boëte que l’on s’attache, c’est à la chaîne, c’est aux breloques que l’on pense, et le mouvement est la chose de laquelle on s’occupe le moins. Aussi quoique nous ayons peut-être un ou deux ouvriers capables de faire des garde-temps comparable à ceux d’Angleterre, il y a si peu de consommateurs de ces sortes d’objets, qu’après en avoir fait un très petit nombre ils n’ont font plus. Nous n’avons presque point d’opticiens, nous avons fort peu d’ouvriers en instruments de mathématiques, de marine, d’astronomie ; parce que personne ne sait ce que c’est qu’une lunette acromatique ; c’est que personne ne sait se servir des instruments et qu’il ne s’établit pas de fabrique de choses sans débit.  (note manuscrite citée dans TATON R. (1951), pp. 346-348.)

    Monge développe cette même idée dans son programme qui précède son premier exposé de la Géométrie descriptive le 1er Pluviôse an III [20 janvier 1795] à l’École normale.

    1792-1793 Le ministère de la Marine

    Monge présente la particularité d’être un savant ministre[1], dès la création du Conseil exécutif provisoire du premier gouvernement républicain, après le 10 août 1792. La République est proclamée le 21 septembre 1792. Après la prise des Tuileries, la Législative cède la place à une Convention nationale, de même, les ministres du Roi sont remplacés par un Conseil exécutif provisoire. Les ministres renvoyés par Louis XVI sont rappelés par l’Assemblée, Roland à l’Intérieur, Servan à la Guerre et Clavière aux contributions publiques. Les trois autres portefeuilles sont attribués au scrutin avec appel nominal. Danton est élu ministre de la Justice, Lebrun ministre des affaires étrangères.[2] C’est Condorcet qui propose Monge à la Marine. Monge rassemble plusieurs éléments : il est membre des Jacobins, il est connu dans les milieux scientifiques et politiques et il a une grande expérience de l’administration de la Marine pour avoir travaillé depuis 9 ans avec elle. Il est élu avec 151 voix de l’Assemblée.[3] Dès son ministère à la Marine, Monge offre une illustration de l’emploi d’un fonctionnaire aux compétences spécialisées au service de l’État. Cette nouvelle fonction publique d’un mathématicien est très bien reçue par la communauté scientifique. Quelques mois après la nomination de Monge, Lavoisier, trésorier de l’Académie, écrit à son collègue avec qui il a déjà fait la Révolution en chimie

    L’Academie s’estime heureuse d’avoir dans cette occasion auprès de la Convention nationale un interprette qui réunit à la qualité de sçavant et d’academicien, celle de ministre de la République et dont l’oppinion ne peut manquer d’etre d’un grand poids sous ce double rapport.[4] 

    Lavoisier exprime nettement qu’il se réjouit de l’opportunité qui est donnée aux sciences de pouvoir être représentées au sein même du pouvoir politique. Les préoccupations et les besoins de la communauté scientifique pourront être défendus en développant de nouveaux rapports entre la science et le politique. Lorsque Monge est chargé du ministère, il doit faire face à une grande désorganisation de l’administration par suite de l’immigration des officiers, aux échecs de la France en Sardaigne et aux soulèvements qui saisissent les Antilles et la Vendée.[5] Son expérience pratique acquise depuis 1783 nourrit son observation, son analyse et son action de ministre. Son travail témoigne du désir le plus vif de coordonner toutes les énergies et toutes les activités françaises afin d’assurer la vie et l’indépendance de la Nation.[6] S’il profite de son poste pour aider et protéger certaines personnalités dont la compétence est hors de doute-il fait nommer son collègue de l’Académie Borda inspecteur des constructions navales, on ne peut pourtant pas déceler une trace de favoritisme corporatiste dans l’action de Monge.[7]

    Les difficultés que Monge rencontre ne sont pas seulement dues à la grande désorganisation de la Marine ou au manque de personnel, ni à l’exécution de Louis XVI en janvier 1793, ni à la déclaration de guerre de l’Angleterre le 1er février 1793, mais aussi aux tensions entre Girondins et Montagnards. Un vol commis au garde-meuble dans une dépendance de la Marine, placée sous la responsabilité de Monge, alimente la lutte qui oppose Roland à Danton.

    [1] Voir la lettre n°118.

    [2] Pertué M. (1989), Art. « Conseil exécutif provisoire», Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, P.U.F..

    [3] Aubry P. V. (1954), p. 86.

    [4] Les comités de trésorerie et de librairie de l’Académie à Monge 21 décembre 1792 Arch. Ac. Sc., 1227/24. – Br.a. Communiquée par P. Bret.

    [5] Son oeuvre au ministère de la Marine laisse une abondante correspondance administrative. Archives de l’École polytechnique. Fonds Monge, IX GM 2 Volume 2 Correspondance - Ministère - Missions [1790-1815] Ministère de la Marine [10 août 1792 – 20 Germinal an I (9 avril 1793) ], IX GM 5, Volume 5 Ministère de la Marine [10 août 1792 – 20 Germinal an I (9 avril 1793)]Ce volume est composé pour l’essentiel des copies des minutes des archives de la Marine. Il manifeste le travail de recherche d’Eugène Eschassériaux et offre l’accès à 481 documents. Sur l’action de Monge à la Marine voir les lettres n°118, 127 et 132.

    [6] Cité in Taton R. (1950), p. 16.

    [7] DHOMBRES J. et N. (1989), p. 51. 

  • Monge est nommé examinateur de la Marine en octobre 1783 à la suite du décès de Bezout, il effectua de nombreuses tournées au cours de ces années, et jusque pendant la période révolutionnaire. Voir les lettres n°9, 131 et 173. Il démissionne en décembre 1799 en proposant son frère Louis qui l’a toujours remplacé lors de ses missions. Voir les lettres n°26, 177 et 204.

    Voir JULIA D. (1990), « Gaspard Monge, examinateur », Histoire de l'éducation, n°46, Travaux d'élèves. Pour une histoire des performances scolaires et de leur évaluation. pp. 111-133

    Dans sa lettre du 29 vendémiaire an V [10 octobre 1796], Louise Monge la plus jeune des filles Monge rappelle à son père son habitude de la prendre avec lui durant ses tournées d’examinateur de la Marine. Lorsqu'elle écrit à son père en mission à Rome, elle imagine le profit qu' elle aurait pu tirer d’un voyage avec son père en Italie, et s’étonne que son père se réjouisse de quitter Rome (voir les lettres n°9 et 30) :


     Il paraît mon cher papa que tu es fort content d’avoir quitté Rome et que tu ne regrettes pas cette grande ville, il me semble cependant qu’un amateur de curiosités et d’antiquités comme toi aurait dû trouver de quoi bien satisfaire son goût dans une ville où chaque pierre doit offrir quelque  chose d’intéressant aux yeux des connaisseurs car j’imagine bien que c’est bien autre chose à Rome que dans les villes que nous avons parcourues ensemble, et où tu trouvais cependant presqu’à chaque pas quelque chose d’intéressant..

Auteur de la présentationDupond, Marie

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Fiche descriptive de la collection

AuteurMonge, Gaspard
Date(s)
  • 1783
  • 1799

ÉditeurMarie Dupond (UDPN/USPC); projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Mentions légalesFiche : Marie Dupond (UDPN/USPC); projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0.
Collection créée par Marie Dupond Collection créée le 27/06/2017 Dernière modification le 02/12/2022