Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 12 sept. 1849

Les yeux vont un peu mieux. Mais j’écrirai peu. Voici ce que mande Lord Ponsonby : " nobody here cares one reach what all the goodies in England ta hef say as advice to be listen to, but great disgust is created by it, and entre nous. [?] there may be source danger of desagreable results." Ceci est tout frais. Lord John a épluché devant moi la lettre du Président à M. Ney. Il voulait trouver les quatre conditions exigées, très élastiques et peu compromettantes. Cela me semble difficile. Au reste il critique la lettre beaucoup dans la forme, dans le fond & ne comprend pas comment on se tirera de toute cette affaire. Je n’ai pas vu M. de Metternich, je ne sors pas. Morny m’avait dit sur la composition de l’Assemblée à peu près ceci. De 150 à 170 rouges. 150 légitimistes, 50 légitimistes exagérés, une quarantaine de flottant & ce bagage passant aisément aux rouges. Les vrais conservateurs en minorité. Grande majorité s'il s'agit d’ordre. Fractionnant immédiat s'il s’agit de forme de gouvernement ou de tout ce qui y mène. Impossibilité de rien entreprendre par le moyen de l’Assemblée actuelle. Morny reviendra dans huit jours, je chercherai à mieux fixer les chiffres.
Aberdeen a eu de longues conversation avec Lord John à Balmoral. Il me dit. (J'abrège) "We talked freely of every thing. Without naming his colleague we certainly talked of various matters in astrain to which he would not have [?] at the same time I think Lord John is radically disposed, but corrects his radicalism by his policy and prudence. his colleague is not naturally dispond to radicalism but being without political principles freely of every thing. Without naming his colleague we certainly talked of various matters in astrain to which he would not have [?] at the same time I think Lord John is radically disposed, but corrects his radicalism by his policy and prudence. his colleague is not naturally dispond to radicalism but being without political principles principles yields at once to the passion or interest of the moment. The proportion as the world is rettering to his senres, his failures become more manifest." Voilà beaucoup pour mes yeux. Je finis Quel dommage que je ne puisse pas tout conter. P. E. la dépêche de Lord. Palmerston à John. Mais c'est si long. Voici : Rough Sketch " il y a le probable & le possible (comme cela ressemble à Metternich). Probable vous battrez les Hongrois. Possible vous serez battus par eux. Alors quoi ? Ne risquez ni le probable ni le possible. Arrangez vous tout de suite. Donnez indépendance && " Adieu. Adieu, si vous me donnez des yeux, je vous amuserais davantage. Adieu Adieu.
J’ajoute encore. [?] ne veut pas se rendre. Les autres l’attaqueront avec toutes leurs forces. La Prusse n’est pas assez forte pour faire sa volonté en Allemagne. L'Autriche qui ne veut pas de ce que veut la Prusse n'opposera que son vote et son inertie. Mais si la Prusse employait la force alors Autriche, Russie & &France tout serait là pour s'opposer. Voilà ce que mande Lord Ponsonby.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Lundi le 10 septembre 1849

Imaginez que je n’ai pas trouvé une seule minute hier pour vous écrire. Il faut commencer par dire que mes yeux me tracassent depuis quelques jours, j’ai écrit une longue lettre à l’Impératrice. J'avais une longue imagination et avec un agent, pour une maison pour Beauvale, un déjeuner chez la duchesse de Glocester. En rentrant de là, Morny & Harry Vane ; un bout de promenade, & le dîner, & la lampe, alors tout est fini comme occupation. Ces deux Messieurs sont partis ce matin. Morny reviendra d'Ecosse dans dix jours. Il me paraissait inquiet de l’opinion qui se produirait à propos de la lettre du Prince à M. Ney. Elle est certainement inconstitutionnelle, & très impérative. Si elle atteint son but il aura en raison. Les embarras de l’Autriche vont être bien grands. Quoiqu'on dise de la bonne intelligence entre les Empereurs, & leurs cabinets respectifs, cette affaire de Hongrie laissera un long ressentiment. Nous sommes vraiment trop puissants et l'effet moral de notre conduite dans les provinces autrichiennes tourne bien en défaveur de gouvernement. Ce n’est pas notre faute. Nous retirons notre dernier soldat ; Nous sommes irréprochables, c’est sans doute notre tort. L’Allemagne s’arrangera Je crois. Mais l’intérieur de l'Empire autrichien c'est une autre affaire. Lord John Russell est revenu. Je ne l’ai pas vu encore. Lord Beauvale me parait en train de se brouiller avec sa sœur, elle est partie. Le mari & le frère sont à Londres.
Savez-vous que Madame de Caraman est pour moi une vraie ressource. Elle a plus de fond qu’il n’y parait. La vieille princesse part un peu piquée. Elle croit que je ne lui trouve pas assez d'esprit. J'attends demain ici Lady Allice au Star. Elle n’a plus sa maison. Voici votre lettre, très intéressante. Une longue lettre d'Aberdeen Il avait passé trois jours chez la Reine. La reine ravie de nos soins les meilleurs sentiments longue conversation avec John Russell, dont il est assez content. J'y reviendrai, pour aujourd'hui je ne puis plus continuer. Mes pauvres yeux ! Adieu Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 6 septembre jeudi 1849
5 heures

Deux longues lettres de Constantin par Nicolay arrivé de Varsovie cette nuit. Le grand Duc Michel sans ressource. Paralysé du côté droit, la parole embarrassée. L’Empereur au désespoir, ne le quittant pas d’un instant. On était au 7eme jour. Sa femme était attendue à tout instant, on craignait qu’elle ne vint trop tard. On juge Lamoricière comme vous le jugez mais on est très content de son langage. Grande distance dans la manière de le traiter lui et ses collègues de Prusse & d'Autriche. Ceux-ci dans l’intimité, lui non, mais beaucoup de politesse. Au Te deum pour nos victoires l’Empereur s’est approché de lui & lui a dit. " général j’espère que c'est la fin de la lutte, de la même bataille commencée dans les rues de Paris et dont les premiers lauriers vous reviennent et à vos amis." Les Polonais sont furieux de voir des uniformes français dans le cortège de l’Empereur, ils montrent un grand éloignement pour Lamoricière et évitent de faire sa connaissance. Nous rendons tout aux Autrichiens jusqu'au dernier canon, nous ne nous réservons d’autres trophées que les étendards & drapeaux pris à l'en nemi par nos troupes. Cent drapeaux ont été entre autres envoyés à Moscou. c’est au général russe Grabbe que [ ?] va se rendre. Peterwardeim seul est réservé aux Autrichiens. Beaucoup de froid entre [ ?] et Haynau. On nous a ordonné de vaincre les Hongrois mais nous ne les haïssons pas. Haynau est haineux, & féroce, et ne voit dans ceux que se sont soumis à nous que des victimes qui échappent à la vengeance. (Cela me prouve que nous protégeons.) Grand embarras pour le gouvernement autrichien. La haine qu’il rencontre en Hongrie est extrême. Vous avez là à peu près tout. L'empereur très soucieux à propos de l’Allemagne.

Vendredi le 7 Septembre.
Nicolay est venu hier compléter les informations de Varsovie. Beaucoup de détails très curieux. Certainement la position de l’Autriche est critique. Les Hongrois nous adorent & la détestent, à nous tout le monde veut se rendre. Exemple : à Arad le Corps de Schlik 16 / m hommes se présente & somme la garnison de se rendre. Refus absolu. Jamais à un autrichien. Un escadron russe, un seul, se présente à la porte de la forteresse, On l’ouvre de nuit & on se rend à nom, à discrétion. Tout cela est bien humiliant & pénible à supporter aussi on nous déteste à Vienne mais les Empereurs vont à merveille ensemble. Ils se tutoient en s'écrivant, mon Empereur n'attend cela que la mort ou la guérison de son frère pour retourner à Pétersbourg. Il en est pressé, il est ennuyé de toute cette affaire, quoiqu’il en soit bien glorieux. Son chagrin est excessif. Il ne quitte pas Michel. Nous retirons toutes nos troupes de la Hongrie. Georgey est toujours à notre quartier général et très bien traité. On dit un homme très distingué de toutes façons. La tournure du général Lamoricière parait bien convenue, son entourage aussi. On le traite très poliment. Il y a de la bienveillance pour la France, avec un peu d’indifférence. " Qu’est-ce que cela nous fait ! " On vous sait gré d’avoir chassé nos mauvais sujets. Branicz, Goldwin & & Mad. Kalergi en est, vous l’avez prie poliment de s'en aller. Nicolay l'a vu à Berlin. Kossuth, Dembinsky, Massaro sont chez les Turcs. On est curieux de voir ce qu'ils vont en faire. On s’attend à les voir protégés par Stratford Canning.
Les journaux anglais disent que Lord Aberdeen est chez la reine. La dépêche de Palmerston est arrivée à Schvarsenky trois jours avant la soumission de Gorgey, cela a beaucoup fait rire. Je crois que je vous ai fait là tous mes commérages. Je demeure ici dans la partie haute de la maison, le coin, ce qui me donne même la vue de la Terrasse outre la belle vue de la rivière. Un bon appartement avec balcon, et tout-à-fait séparée du bruit. M. Fould me disait hier que selon ses nouvelles Thiers ne voulait à aucun prix être Ministre, c’est tout le contraire de ce qu'affirme Morny. Adieu, mes yeux me font un peu mal & j'écris trop. Votre lettre m’arrive. L'orage vous à donc cependant donné du rhume. Encore une fois où était le parapluie ? Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 6 septembre 1849

Pourquoi n'avez-vous pas votre parapluie quand vous sortez pour une grande promenade ? C’est ridicule, et cela me fâche. Hier, jour d'orage, quoique toujours une température bien douce. Je fais toujours au moins trois promenades par jour. Toujours le parc, pas de choléra parmi les vaches et les daims. Je n'ai vu que mon fils hier matin, il n’avait rien de nouveau si non que le duc de Bordeau & la duchesse d'Orléans se sont manquées d'une heure à Cologne. Lord Harry Vane en vient & lui a couté cela. Voici ma correspondance. Il est de mode de dire que l'Autriche est désormais notre vassale. On ne réussira pas à nous brouiller. Je suis étonnée de n’avoir rien de Varsovie. Le grand duc au moins n’est pas mort, car voilà sa femme et sa fille qui sont allées le rejoindre. Bulwer m'écrit de Brighton. C'est là qu’il va rester jusqu'à son départ pour les Etats-Unis en octobre. Sa femme en adoration devant lui à ce que m'écrit Marion. Cette pauvre Marion, aucun espoir de Paris ! Voilà votre lettre. Une page sur l’Allemagne très curieuse, frappante & vraie. Metternich n’est pas accouché de sa feuille volante, elle s’est envolée. Je ne crois pas que vous y perdiez grand chose. Il me semble qu’il n'y a rien de nouveau dans le monde. Les journaux très vides ce matin, et ma lettre aussi. Je n'ai que la ressource d'une quantité d’adieux. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi le 17 août 1849

Lord et Lady Palmerston sont venus ici hier pour quelques jours je crois. Ils sont au Star comme moi et mes voisins de Chambre. J’ai dîné avec eux chez Lord Beauvale. A table conversation générale se félicitant de trois choses finies. Le Danemark, la Sardaigne, & l’unité allemande dont il n’est plus question. Nous avons cependant trouvé que s’il n'en était plus question à la façon de Francfort, il fallait que quelle qu’autre façon la remplace à moins d’en revenir à l'ancienne. L’Empire français remis au mois d’octobre. M. Drouyn de Lhuys, très agréable et facile en affaires. Il n'y a guère eu que cela pour la galerie. après le dîner il s'est rapproché de moi pour me dire, d'abord, que nous avions battu les Hongrois en Transylvanie et en Hongrie. [?] a failli tomber en nos mains, nous lui avons pris tout sont bagage, sa voiture de voyage, ses papiers, tout. De l’autre côté [Paskeviez] a battu Georgy. Partout où nous les rencontrons, l’avantage est à nous, mais ils trouvent le moyen d’échapper. L'issue de la lutte ne saurait être douteuse mais elle peut être longue. En transaction est toujours ce qu’il y a de désirable. Pourquoi l’Empereur d’Autriche ne dit-il pas ce qu’il veut faire ? Il est impossible qu'il songe à [?] la constitution hongroise. Pourquoi ne dit-il pas qu’il leur rendra leurs droits, leurs privilèges ? On ne sait pas qui gouverne là. C’est comme au temps du Prince Metternich où l’un rejetait la faute sur l’autre. La constitution faite par Stadion est impraticable, impossible aujourd’hui il n'y a rien, pas de constitution, on n’y songe plus. L'Autriche et la France sont en très bonne entente sur l'Italie. L’Autriche et la Prusse se divisent tous les jours, davantage. Mais la Bavière est encore bien plus que l'Autriche en guerre de paroles avec la Prusse. J'ai demandé si deux Allemagne n'était par la chose probable ? Peut être. Et puis se rapprochant de moi un peu davantage et à voix basse. Le général Lamoricière a été fort mal reçu à Varsovie. On lui avait d’abord destiné un bel appartement au palais de Bruhl et il le savait. Mais à son arrivée, porte close. Il a fallu aller chercher à se caser dans une auberge. Là, avec difficulté, de mauvaises chambres. Cela a fort étonné. Deux jours après, audience de l’Empereur qui l'a reçu très froidement. On cherche les causes ; il a passé par Cracovie. Parfaitement lors de la route de Berlin à Varsovie. Un énorme détour. Qu’est-il allé faire là ? Autre motif qu'on insinue de Paris. C’est un avis confidentiel qu'aurait reçu l’Empereur que Lamoricière n’avait point du tout la confiance du Président, & qu’il fallait se méfier de lui. Cet avis serait venu de source directe. Lord Palmerston ne comprend pas bien. Il s’étonne et me raconte sans beaucoup de déplaisir. Je lui ai demandé qui conduisait les affaires à Paris. Il me dit qu’au fond c’était le Président qui faisait tout & qu'il avait plus de good sense que tous les autres. Il a entendu parler aussi du dégout de M. de Tocqueville et de son envie de se retirer. Je crois vous avoir tout redit. La visite impromptue du Prince Scharamberg à Varsovie ne lui est pas expliqué. Il n’a passé que 24 heures. On dit à Lord Palmerston qu’il venait demander plus d'activité dans les opérations militaires. L’Empereur lui a répondu en lui montrant les rapports des deux engagements cités plus haut. Lord Palmerston blâme vivement le gouvernement autrichien pour avoir fait exécuter un prêtre à Bologne. Il avait été pris les armes à la main dans la suite de Garibaldi, mais il était sujet roumain & ne pouvait pas être jugé par les Autrichiens. A propos de prêtre, de quoi s'avise votre archevêque de Paris ? Voici Lord Palmerston. Je vous quitte adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond samedi le11 août 1849

J’ai vu longtemps Flahaut hier le matin chez moi, le soir chez Beauvale. Il ne sait rien de nouveau de Paris. Il a des lettres de G. Delessert de Naples. Il avait passé à Rouen quelques jours, grande tranquillité, excellente tenue de l'armée, sa population bienveillante pour elle. Quant au Pape la plus complète indifférence à son égard. A Naples tout va bien.
Lady Palmerston est venue me voir, très radicale et parlant toujours de concessions à faire à l’esprit du temps. Ce rabâchage est ennuyeux. Lord Chelsea était présent, il a ri comme moi. Elle ne m’a rien appris de nouveau. Toujours le même vœu pour la France. Ils attendaient hier Le duc de Lenchtemberg à Londres. Le Roi Louis-Philippe la reine et toute la famille sont venues prendre le thé au Star & Garter hier. J’ai rencontré la duchesse d’Orléans marchant sur la terrasse. Lady Alice est venue dîner avec moi. Elle n’a plus de cuisinier du tout. Pourquoi a-t-on rappelé le général Oudinot ? Est-il trop catholique ? M. de Falloux me plait beaucoup. C'est une vraie acquisition pour le gouvernement. Le Times a aujourd’hui à son sujet un long article fort bien fait ou il démontre. Comment Louis Philippe était à tout jamais privé des services des gens de ce parti, tandis que la République peut les réunir tous. Seulement il range M. de Tocqueville parmi les légitimistes. Ceci n’est pas exact je crois. Comme je regrette que vous ne veniez pas dîner chez moi ! Le pain ici est excellent, le dîner fort bon aussi, vous voyez bien que je ne vous regrette que pour cela. Lady Palmerston me disait hier que le Consul Anglais à Yassy annonce l’entrée de 25 m. hommes de troupes hongroises en Moldavie. On n’y comprend rien, & l’étonnement là est extrême. Cela peut forcer la Porte à faire cause commune avec l'Autriche & la Russie.
Voici votre lettre. Il faut causer pour que je comprenne votre préface, & j'espère bien que nous causerons. L’occasion serait excellente pour dire d’excellentes choses. Adieu. Adieu. Demain le mauvais dimanche. Adieu dearest adieu. J'aime mieux que vous ne soyez pas du Conseil général. Flahaut souhaite le contraire. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi le 3 août 1849

Votre lettre me fait rétrograder dans mes espérances. On restera donc comme on est. Si cela pouvait rester ainsi toujours, je n'ai rien à dire mais cela ne se peut pas. Hier un temps charmant aujourd’hui de la pluie. Une longue lettre de Constantin de Berlin. Sa femme n'accouche pas il s’impatiente. Il voudrait aller retrouver ses cosaques. Je crois qu’au fond il les aime mieux que son ménage. Les élections bonnes, pas assez pour défaire tout le mauvais ouvrage, surtout pas assez pour se rapatrier avec l’Autriche. En Autriche on s'en moque de la constitution promulguée à [?], personne n'y pense plus. On est tout militaire. On veut ressaisir tout le pouvoir que donne la force des baïonnettes. Cependant la guerre traine, mais nous écraserons. C’est toujours le langage. On ne sait que faire de Bade. Pays pourri. La famille régnante très déconsidérée. En Bavière l’opposition unitaire gagne. Constantin furieux du discours de Lord Palmerston. Voilà sa lettre. Le duc de Cambridge m’a fait une longue visite. Cela ne m’a pas extraordinairement divertie. Beauvale valait mieux. J’y ai rencontré le L. Holland qui m'a demandé de vos nouvelles avec bien de la tendresse. Le choléra toujours gros à Londres, sans changement. J'ai diné chez Delmars avec Mad. de Caraman. Voici M. Genaud de Mussy. Pardon & Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 1er août 1849,

Un nouveau mois, qui sera un bien mauvais mois pour nous comme cela me serre le cœur ! J’ai lu hier une lettre de lord Ponsonby de Vienne à lord Beauvale. Il dit que la guerre peut trainer quelques semaines encore, mais que l’issue n'est pas douteuse, et personne ne s'en inquiète. Il dit aussi que les relations entre la France et l’Autriche sont excellentes ; tant mieux.
Mon fils est venu me voir hier. Brünnow est un peu noir sur la Hongrie. Je ne sais pas de nouvelles du reste. Le choléra continue et grandit. 130 morts dans la journée. C'est beaucoup, & ce n'est pas tout ; on avoue cela, mais le vrai chiffre est au-delà de 200. Je reste cependant. Je me soigne. Je me fais beaucoup trainer dans le parc, il n’y a pas de choléra là. Je passe et repasse devant le beau chêne, & vous savez à quoi je pense et repense tous les soirs chez Beauvale et un peu aussi chez Mad. Delmas.
A propos elle a été bien flattée de votre souvenir. Faites dire un mot à la vieille princesse. Le temps est passable. J’occupe dans ce moment-ci l'appartement qu’avait la Reine. Mais c’est un peu bruyant, & j’espère succéder à Mad. Steigley qui part dans peu de jours.
Je suis allée aux informations à propos de la lettre de l’Empereur au Président ; c'est la même formule que pour le Président des Etats-Unis. Mon grand et bon ami. N’importe je suis bien aise qu’il ait écrit. Je ne vois pas cependant que les journaux français le disent. C’est dans le Morning Chronicle que je l’avais trouvé.
J’ai rendu compte à Lord Aberdeen de ma petite discussion avec Lord John à son sujet. Cela l’amusera. Je n’ai pas manqué avant hier de lui faire parvenir votre lettre. Adieu. Adieu dearest, adieu.
Que c’est long déjà, & que ce sera long encore. Les correspondances de Paris dans les journaux anglais disent qu'on est inquiet. On croit à un coup d’état on le craint parce que les trois partis monarchistes sont divisés mais on ne peut pas rester comme on est. Quel puzzle. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche le 29 Juillet 1849

Ma journée a été plus calme hier. Si elle avait continué sur le ton de la veille, je ne crois pas que j'eusse été en état de vous en rendre compte aujourd’hui. Mad. Delmas, [Crasalcowy], les Beauvale, Brougham. Les Collaredo, tout cela m’a aidé à me calmer. Aujourd’hui j’attends M. Guenaud de Mussy. Je ferai ce qu’il me dira. Le choléra avait un peu diminué à Londres avant hier pour ici je n’en sais rien. Personne ne me dira plus la vérité, & je ne croirais pas aux bonnes nouvelles s’il y en avait. J’ai dîné chez Beauvale avec Brougham pas déconcerté du tout. Il m’a donné copie d’une lettre qu'il adresse à la reine. Lettre de remontrance & d'avertissements " Votre ministre tout en protestant qu'il veut l’existence de l'Autriche, prononce des paroles. sympathiques pour les Hongrois. Le lendemain la cité retentit de discours et de vœux pour les rebelles, encouragés par ce qui s’est dit à la chambre des Communes. Rappelez-vous que votre Empire se compose aussi de nationalités diverses que c'est s’attaquer à votre couronne que se liguer avec les Révolutions au dehors. " & & & Tout cela fort bien développé. Extraordinaire créature. & il commence sa lettre en s’appuyant sur son droit de conseiller de la Couronne & son droit d’une audience de la Reine, il préfère lui écrire plutôt que l’incommoder. Tout cela est en règle. J'ai une lettre d’Hélène. La grande Duchesse était retournée à Pétersbourg. Le duc de [Lench] devait la suivre par mer & puis s'embarquer de Peterhoff pour son grand voyage, qui pourrait bien cependant se borner au midi de l'Angleterre. Beaucoup de tendresses impériales pour moi. Votre lettre de jeudi est charmante. Hélas aujourd’hui, rien du tout. Je crois l'air sur la montagne meilleur, & si je reste ici j’ai l’assurance d’un appartement [?] que celui où je suis nichée maintenant. Ellice est parti pour l’Ecosse. Tout le monde quitte Londres. Lady Palmerston a eu hier une dernière soirée. On était curieux de savoir si on y rencontrerait le Prince de Canino. Je ne crois pas, mais Pulsky, bien sûr.

Lundi le 30 juillet
Guenaud de Mussy est venu. Il me plait beaucoup et d’abord il m’a fort rassuré, comme la famille royale arrive demain à Claremont, il a exploré tous les environs pour s'assurer de l’état sanitaire. A Richmond 2 cas. Au surplus toutes les raisons contre la maladie m'ont paru excellentes. Il reviendra me voir jeudi. Enfin! Il m’a calmée. Je me suis prévalue de votre nom. Il me parait qu'il vous est dévoué avec enthousiasme. Kielmansegge est venu hier. Il part pour le Hanovre. Il ne m'a rien dit de nouveau. J’ai vu lord John aussi. Il espérait que la paix allait se conclure avec le Piémont. Il m’a beaucoup parlé de Paris. Il a fort critiqué le discours du président à [?] et s'en est moqué. Moi je l'ai défendu, nous avons eu une petite discussion la dessus. Il est convenu cependant que le discours avait fait un bon effet à Paris. Et bien, c'est tout ce qu'il faut. Lord John est ravi de la fin de Palmerston. A propos, autre discussion sur Palmerston. A mon tour je me suis permis de critiquer et très fort les paroles grossières qu'il a adressées à Lord Aberdeen, et j’ai dit qu’un homme de bonne éducation ne se permettrait pas cela, et que lui Lord John depuis 35 ans qu’il est à la chambre n'a jamais adressé de semblables paroles à ses adversaires. En résumé que cette grossière épithète avait gâté son discours du reste habile. Il m’a donné raison, & sa femme aussi. C'était très drôle cette conversation. Elle vous aurait amusé. J’ai dîné chez Delmas. C'est de la distraction. J'en cherche, j'en ai besoin. Duchâtel vient me voir ce matin. Je crois qu'il part après-demain. Cela me fait de la peine ; mon seul lien avec la France. Je n’en causerai plus avec personne de compétent. Adieu. Adieu. J’essayerai de vous écrire par la poste de 4 heures. Vous me direz si la lettre vous arrive en même temps que celle-ci de 1 heure. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 18 juillet 1849
Onze heures

Je veux encore essayer de vous faire parvenir deux mots à Londres. Cette pensée si douce que vous êtes à une heure de distance, il y faut donc renoncer. Renoncer à tant de bonheur ! Ah mon Dieu Hier mes genoux ont fléchi quand vous avez fermé la porte. Je suis restée en prières. J’ai tant prié, et toujours une seule & même prière. Je n’ai pas pleuré. Le moment même d'un grand chagrin me trouve sans larmes. C'est de l’étonne ment. Tout est suspendu en moi. Je me suis mise à la fenêtre, presque sans pensée. Je ne sais ce que j’ai fait ensuite. Je me suis couchée. J’ai dormi un peu, pas beaucoup et je me lève, la désolation dans l'âme !
Une lettre de Constantin de Berlin. L’Empereur est parti subitement de Varsovie pour aller surprendre l'Impératrice le jour de sa fête le 13. Il ne devait passer à Pétersbourg que deux ou 3 jours. Un moment de halte dans les opérations. On veut toucher en masse sur l’armée véritable des rebelles. Tout est calculé. On ne doute de rien, et dans 15 jours ou 3 semaines l’affaire de la Hongrie sera terminée. A Berlin, grand changement dans les esprit même les plus sages. L’unité, l’unité au profit de la Prusse ; les succès dans le Palatinat & dans le grand-duché de Bade ont tourné toutes les têtes. grande haine contre l’Autriche, mille soupçons. Le roi, la reine & une partie du ministère résistent seuls à cet entrainement. Mais la bourrasque est bien forte. Prokesh et Bernstorff sont incapables de rien arranger. Il faut changer ces deux instruments. L’armistice avec le Danemark mécontente beaucoup les Allemands. Enfin beaucoup de fronde à Berlin.
Adieu. Adieu, cher bien aimé, adieu. Voici les larmes. Je m’arrête. Adieu. Dites un mot, pour que je sache que vous avez reçu cette lettre. Voilà du vent. J’ai peur pour cette nuit. Passez-vous sur un bâtiment anglais ou français ? Je ferme ma lettre à 2 1/2. Je l'adresse chez Duchâtel. C’est plus sûr. Mon messager reviendra de la directement. Adieu. Adieu, mille fois. Mon cœur se brise. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Vendredi le 22 juin
6 heures

Je me sens toute malade aujourd’hui. Accidents d'entrailles. J’ai été cependant en ville. J’ai vu lady Palmerston plus anti autrichien que jamais et anti russe aussi à ce qu'il me semble. Sur la France des doutes, un répit voilà tout, enfin ce que nous disons. La duchesse de Sutherland a perdu hier une petite fille charmante, cela aura sans doute dérangé votre matinée. Le temps est ravissant, mais je ne suis pas en train d'en profiter. Voici un mot de Lady Holland Personne n'est venu me voir aujourd’hui, et je ne compte pas sortir ce soir. Hier j’ai trouvé un Cambridge chez Metternich. On dansait. Grand Dieu quel tapage ! Je n’y ai pas tenu plus de 20 minutes. Adieu. J'ai besoin de repos. J'ai des maux de reins assez forts. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Clarendon Lundi 19 mars 1849
Midi

Je commence sans avoir un mot à dire. Êtes-vous content de la rue de Poitiers ? Moi je trouve la proclamation bonne, mais je ne suis pas juge. Certainement elle ne compromet personne. Le temps est horriblement triste. 3 heures Lord Aberdeen a vu une lettre de devant Palmerston du 8. Les propositions d’abord repoussées ont été reprises, et on s’attendait à les voir acceptées. Le Constitutionnel annonce que la guerre en Piémont est inévitable. Le Roi n'a pas écouté les remontrances des alliés. Aberdeen est d’avis qu'il faut rappeler Abercrombie. Peel trouve la situation du Cabinet bien mauvaise ses mesures ne passeront pas. Selon toutes les règles il devrait tomber. Je n'ai encore vu et entendu que ce que je viens de vous dire. Je crains les visites Je vous fais ma lettre, in good time. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton jeudi le 15 fév. 1849
3 heures

Ah qu'il y a une mauvaise parole, une mauvaise et injuste pensée dans votre lettre d’hier. En deux mot de conversation je vous ferais honte, je n'ai pas assez de mes yeux pour vous écrire cela. J'approuve complétement ce que vous avez écrit au duc de Broglie. Voilà les amis français ! Je n'ose pas dire que je suis mieux aujourd’hui, ce serait probablement un mensonge se soir. Quoiqu’il en soit à moins de catastrophe j'ai bien le projet d'aller à Londres samedi. Ecrivez moi encore demain. Je suis très contente du Président. Sa visite à la bourse me plait. Il a de bonnes inspirations. Metternich est en pleine sécurité sur Bruxelles. Cette médiation n’ira pas. Je crois qu’on le tient. fort au courant.
8h. du soir. Metternich dit que la fuite du duc de Modène est en Humberg. Les Autrichiens occupent Modène. Il est très noir sur l'Allemagne. Evidemment Vienne et Berlin ne s'entendent pas. Schwarzenberg le dit dans sa proclamation. Cela finira par une guerre civile. C’est l'impression de M. de Metternich. Mme de Rothschild arrive ici demain. Elle sera très intéressante à entendre. Si elle ne vient que tard demain soir. Je ne la verrai pas, ce que je regretterai. Adieu. Adieu

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Brighton Mercredi 31 Janv.
Midi

Point de lettre de vous pourquoi ? Voici Barante. Je vous le redemande. Vous aurez vu Delessert. Il est arrivé avant hier Brougham l'a rencontré chez L. Lansdowne. Le vote de Lundi donne du répit. On ne veut pas se battre. J'en suis fâchée cela traine. Oliffe m'écrit, & croit tout-à-fait à l’Empire. C'est le dire de la multitude, et elle est quelque chose aujourd’hui. La conduite de la Prusse est excellente. On est décidé à Berlin si la prochaine chambre est mauvaise. de la casser, et de déclarer que le vote universel est une mauvaise méthode. On l'abolira. Brandsby est très résolu, et tout le monde a confiance en lui. 8h.Longue visite du Pce Metternich. Je lui ai lu Humboldt. Il approuve mais il dit qu’en général il ne s’est jamais inquiété de ce qu'il pense. Attendu qu’en politique, il n’a point de sens ni en bien, ni en mal. Metternnich est très frappé, de ce que toutes ces dernières circonstances à Paris ajoutent à votre grande situation. Il était tout occupé aujourd'hui d'une lettre écrite à lui par un gd personnage contenant cette phrase ci. « L'Autriche a le bonheur d'avoir la guerre civile, voilà pourquoi elle se relève » Je trouve cela d’une grande vérité. Je suis bien aise que vos jeunes princes vous aient fait cette visite convenable. Adieu. Adieu.

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Brighton Mardi 30 Janvier 1839(sic)

Les yeux vont un peu mieux, mais ils sont toujours irrités et moi je le suis beaucoup contre mes médecins. Je suis bien curieuse. Tansky écrit qu'on va à l'Empire. Lui même n'a aucun doute. Le croyez-vous ? Du reste sa lettre ne dit rien que nous ne sachions. J'ai dicté une longue lettre à l'Impératrice.
8 h. du soir Lord Brougham est venu et m’est resté 3h. au moins. Il a vu Lady Holland revenant de Claremont. Elle croit la reine mourante. J'ai vu la 2nd édition du Times racontant la journée d'hier à Paris et la promenade à cheval du président. Il n'a qu’à faire tout juste le contraire de ce qu'a fait Louis Philippe : garder son ministère et exposer sa personne et sa cause est gagnée. Vous savez que je le protège. Je serai charmée de le voir se bien conduire. Voici ce que Schwarzenberg a dit à lord Ponsonby. " Je n'envoie pas un archiduc à Londres parce que je ne peux pas exposer un Prince de la maison impériale à rencontrer l'ennemi acharné de l’entente. Voici votre lettre. Et voici la copie de celle de M Armand, ami d' Odillon Barrot. Je vous pris de me renvoyer celle- ci tout de suite. L'intérêt commence à la 3ème page. Adieu. Adieu.
Vous voyez bien que Beyer était une pauvre raison de me quitter ! Adieu.
La mission de Neumann à [?] avait pour objet d’obtenir que la France fût toute seule une expédition pour rétablir le Pape à Rome. L'Autriche ne l'a pas voulu, mais elle demande à son tour à la France de laisser faire cela au Roi de Naples, et que la France et l'Autriche regardent et restent l'arme au bras. Le cabinet prussien a adressé une circulaire à tous les agents diplomatiques, pour déclarer son intime alliance avec l'Autriche et la résolution. de refuser l’Empire. Tout ce que je vous dis là vient de source.

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Brighton le 24 Janvier 1849

Mercredi Vos lettres sont intéressantes Bugeaud est un peu cross. Votre hôtesse me rappelle Mad. de Sévigné trouvant si bon air à Louis 14 qui lui avait adressé la parole à un spectacle à Versailles. Rien ce matin. Je reverrai Lady Palmerston. Elle critique Thiers. Il veut la régence. Il devrait plutôt aider le Président. Lord Brougham doit être arrivé hier à Londres. Il viendra sans doute ici. N'avez-vous donc pas entendre parler de Thiers depuis votre livre et sur votre livre ?

8 h. Lady Palmerston m’est restée bien longtemps. Si longtemps que j'ai à peine, le temps d’ajouter deux mots. Rien de nouveau. Lord Palmerston terrassera des adversaires. Il fera taire toutes les trompettes de le Europe. C'est vrai que rien n’a été fait, que rien n’aboutit. Mais la Sicile est à la veille de l'arranger. Et quand à la Lombardie, ni les Autrichiens veulent la garder, cela ne regarde pas l'Angleterre. Lord Palmerston croit qu’ils ont tort, mais ce n’est qu’une opinion lord Aberdeen est très monté et parle beaucoup contre son mari. Brunow est à Drayton. Il est venu le dire à Lord Palmerston en riant. Peel est toujours seul, il n’a pas un homme. Les Peelistes ont bien envie d'entrer aux affaires, mais ils n'ont pu de chef. Au demeurant tout va très bien. Les Holland se sont raccommodés. Adieu. Adieu.

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Richmond lundi le 7 août 1848
11 heures

J'ai été hier à Holland house. J'y ai rencontré assez de monde. Voici le butin. La France et l'Angleterre travaillent en commun à une médiation entre l’Autriche et Charles Albert. La France fera appuyer cela par une démonstration militaire, mais la guerre non. Ce qui préoccupe le plus la France & tout autant l'Angleterre, c'est l’Allemagne. Ni l'une et l’autre ne veulent de l'unité allemande. Surtout par lord Palmerston. Partout il prêche la réaction, & la fomente avec la même ardeur qu'il mettait à prêcher la révolution. Le mouvement en France est très vif, mais le Roi & le gouvernement comprennent. Quels insensés ! On ne sait pas comment se sera passée la journée d’hier. L’hommage. Peut être y aura-t-on renoncé. Le sentiment public à Hanovre mauvais. Le roi avait été soutenu d’abord chez lui, mais depuis comme aucun souverain ne l’a invité, on a perdu courage et on l’abandonne. On blâme beaucoup la fuite du Roi de Wurtemberg. Lui aussi est allé se divertir & se reposer avec une actrice. la grande Duchesse Olga dans le mouvement ! Est-il possible ? Kielmansegg affirme. Bunsen n’aura pas les Affaires étrangères à Francfort Mais il sera probablement nommé Ambassadeur du [?] ici. Et ici on est très décidé à ne pas reconnaitre la nouvelle Allemagne. En général à ajourner le plus possible toutes les reconnaissances. Etrange situation négocier avec des gens qu'on ne reconnait pas. Conclure des conversations peut être, avec la France & n’avoir aucune relation officielle. On dit qu'on pousse à la république à Vienne pour se ménager les droits d'aller y rétablir la monarchie à la tête de l'armée, alors seulement l'Empereur y rentrera. Far fetehd plan. Les bruits de Paris sont que Cavaignac ne tiendra pas longtemps. Après lui [Lamartine] & Thiers. Après ceux là Changarnier ramenant la Monarchie. L’échec de Goudchaux faisait du bruit, mais on ne dit pas cependant qu'il se retire. Toutes fois c’est le Ministre du dictateur battu. Parmi les choses que m’a dit Ellice j’ai oublié je crois de citer que c’est décidément Marast qui sera envoyé à Londres, si le National règne encore quand on nommera un ambassadeur.

2 heures
Je suis contente, mais seulement à demi contente. L'Ecosse à bas, bon. Mais pourquoi les bannir de ceux en Norfolk, et pourquoi pas près d'ici sur la côte méridionale. Je ne comprends pas. Je vous adresse toujours ici chez M. Boileau. Il faudra me dire où [?] & quand je dois changer d’adresse. Je vous plains de n’avoir pas vos journaux. Vous voyez que toute cette invention de voyage était mauvaise j'espère que l’accident de Pauline n’aura point de suite. Comment n’avez vous pas su dire non quand elle vous a demandé de la laisser monter à cheval ? Sachez bien qu’il n’y a pas un cheval bien dressé en Angleterre, de même qu'il n’y a pas un garçon ni une jeune fille qui ne soit très bon Cavalier. Et bien, excepté Guillaume je crois tout le reste du ménage très peu exercé. Melle Chabaud, je ne sais pas, peut-être, mettez-la à cheval. Je vous conjure donc de n’y pas monter. Sachez donc une fois m’accorder ce que je vous demande. Je m'en vais me mettre à penser à votre Cromer dont je n'ai jamais entendu parler. Je compte que vous vous y amusiez bien, que vous aurez soif de causerie. Enfin, c’est certainement mieux que l’Ecosse. Mais ce n’est pas si bien que vous auriez pu faire. J'ouvre mes journaux. Le National de Samedi ne m’est pas arrivé. je découpe le leading article du journal de hier dimanche. J'ai souligné, ce qui me parait Capital. On laisse à l’Autriche. la Vénétie. Adieu. Adieu. J’ai le cœur plus léger depuis qu’il n’y a plus d’Ecosse. Je voudrais l’avoir content . Cela viendra, quand vous viendrez. Adieu.

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Brighton Dimanche le19 Novembre 1848

Votre lettre de Drayton d'hier matin, m’est arrivée hier soir. C’est être très bien servi. Je suis charmée que vous abrégiez d'un jour ; je l’espérais. Cette lettre va donc vous attendre à Londres. Quand vous me direz le jour où vous voulez penser à Brighton, souvenez-vous que Lundi le 27 je ne serai pas libre le soir, car c'est un jour de fête dans la famille royale.
Andrieu est arrivé et demeure aussi au Bedford. Je le verrai sûrement. On dit que l'Angleterre l'ennuie à périr. Kielmannsegge me dit que Bruxelles est choisi pour le lieu des conférences italiennes. Le plénipotentiaire anglais est Lord Minto !! Et le Français Toqueville. Je ne sais qui sera l’Autrichien et l’Italien. Je trouve assez étrange ce choix de Bruxelles. Dans toute autre résidence il y aurait un ministre de Russie, qui pourrait prendre une part officieuse aux conférences. Là il n'y en a point. Il est possible que cela ait fait pour Palmerston un motif de préférer Bruxelles. Au reste je n’attache aucune valeur à ce congrès. C'est de la pure comédie. Il n’aboutira pas. C’est bien gros d’avoir fusillé Bluhen à Vienne. Comment Francfort s'arrangera-t-il de cela ? A Berlin la conduite n’est pas assez énergique, ou bien elle l’a été trop. Comment laisser siéger l'Assemblée ?
J’ai vu hier un Rothschild Antony, il pense très mal de Berlin, & dit que rien ne pourra aller tant qu’il y aura le roi. A Paris l'on commence à croire que ce sera Cavaignac qui l’emportera, et on accuse entre autre le journal des Débats. Rothschild est convaincu qu'on lui a donné de l’argent. Un bel ami que vous avez là. Les propos de Beaumont de viennent beaucoup plus républicains et surtout Cavaignac. Voilà tous mes commérages.
Hier les Hollands chez la Duchesse de Glocester, c'était un peu plus animé que de coutume. On dit que Melboune est fini par la tête. Cela c’est bien triste. J’ai écrit à Lady Palmerston pour avoir de ses nouvelles. En attendant son fils William se marie après demain.
8 heures. Andrin est venu mécontent de Berlin, de ce que le gouvernement n’a pas assez de courage. Très content de Vienne. Disputant un sur Bluhen. Rien de nouveau. Tansky écrit en date du 17 que les chances sont toujours pour Bonaparte. Thiers sera bien président, Barrot à l’Intérieur, Bugeaud gouverneur de Paris et de toutes les troupes aux environs. Drouyn de Lhuis affaires étrangères. Walesky ambassadeur à Londres.
On fait beaucoup la cour à Jérome. Les grandes dames y vont. Madame de la Redorte joue. La duchesse de Mont[?] elle ne veut pas rencontrer les dames du nouveau régime. Mad Roger Ditto Mad. Thiers approuve. Tout cela est fort amusant. Tansky n’explique pas le journal des Débats. Quand me l’expliquerez-vous ? Adieu. Adieu.

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Brighton Samedi 18 Novembre 1848
9 heures

Je vous écris de bonne heure afin que cette lettre parte de Londres encore aujourd’hui. Merci de vos nouvelles de Richmond. J’étais sûre que les gestes de la Duchesse d’Orléans ne pouvaient pas plaire au roi. En général la chute royale me parait avoir porté une rude atteinte à l’harmonie dans l’intérieur ; plus de subordination et de tristes découvertes. Soyez tranquille sur vos confidences. Voici la lettre de Stutgard assez curieuse. A propos, le Roi de Hanovre n’entend pas du tout se soumettre à la Prusse si elle devenait omnipotente. Il dit que le Hanovre a toujours été l’allié respectueux de l'Autriche & qu'il le restera.
J’ai vu hier Mme Lamb au moment où elle montait en voiture pour se rendre à Broket hall, les nouvelles du matin lui aprenant que Lord Melbourne était à l’extrémité. Beauvale va mieux, les Palmerston, sont là. Rien, rien de Brighton. La Duchesse de Glocester hésitait à recevoir le soir Lady Holland à cause des commérages. Cela affligeait la petite beaucoup, j’ai un peu arrangé cela, elle sera reçue ce soir. Au fait elle me fait de la peine ; évidemment elle est malheureuse dans son intéressée, et elle a assez d'esprit pour craindre & pour voir que la société ne lui fasse sentir quelque dédain. Elle persiste à trouver que le seul remède est de rester en Angleterre, c’est possible. Il faut braver la tempête.
Je voudrais être à Drayton. J’ai des regrets. La Présidence m’occupe sans relâche. Comme je suis curieuse des explications qui vous viendront de Paris sur les Débats ! Elles tardent bien. Adieu, adieu. Lundi vous ne pouvez rien recevoir. C’est donc à Mardi à Brompton. Adieu.

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Brighton vendredi 17 Novembre 1848
11 heures

J'ai bien peur que mes craintes ne se vérifient et que nous ne voyons arriver Cavaignac. Comment pardonner jamais aux Débats l’énorme faute qu’ils viennent de faire ? Comment se fier à la parole d'un français ? I've your pardon. Il y a toujours des exceptions à la règle. Mais la règle est cela. Ou bien quelles têtes de linottes ! Je suis enragée. Le roi a tort de trouver 1000 francs par jour trop. C'était bien là dans mes proportions ce que je payais et au-delà ; pour deux, miss G. & moi. Car mes gens sont à part. 2 d'entretien. Et bien, ils sont 19 maîtres sans les valets. C’est cela, et de plus ils sont chauffés. Et moi je ne faisais pas de feu.
J'ai eu une lettre du petit Welloughby, sans rien en raison. S'il a cru que je la montrerais. Il se trompe ; je n’en ai seulement pas parlé. elle essaie de toutes les façons de me raconter ses chagrins. J'esquive. J'avais copié quelques passages frappants de la lettre de votre hôtesse de Paris, et je les ai envoyés à Metternich pour attraper de ces réponses qui nous amusent tant. J’ai été attrapée, car sa réponse est spirituelle. Voici la copie. La Coterie de Bedford hôtel grossit. Lady Charlotte Greville est venue. La Duchesse de Cambridge vient samedi prochain. Le Prince & la princesse de Parme aussi vers ce temps-là. Cela sera drôle. Moi, je n'ai plus de visite à faire.
Je vous prie soignez-vous je crois que je vous ai mal dit hier. C'est warming pan, qu'il faut dire pour bassinoire. J'espère que vous aurez cette lettre demain matin. Adieu. Adieu.
On me répète que Melbourne est mourant, & Beauvale bien malade. Le fils de Lord Cattenham colportait ici la nouvelle que Lord John se retire que Clarendon sera premier ministre, Palmerston leader de la Chambre basse et Hardinge vice roi d'Irlande. La France est mieux placée que les autres parties du continent que le feu, qui a si longtemps été pris pour la lumière a gagné. Elle a eu sa faveur, l'habitude des chutes. Cette habitude quelque chère qu'elle soit à contacter, finir par offrir un bon côté pour les corps politiques. Ils se retrouvent avec plus de facilité dans la déroute. Je suis ainsi moins en peine pour la France que pour l’Allemagne. Entre Vienne, Berlin et Francfort, c’est Vienne qui est le mieux placée, car les théories se sont présentées en armes dans les rues. A Berlin la position ressemble à une partie aux échecs entre le Roi, par la grâce de Dieu, et le pouvoir par la grâce du peuple. Francfort enfin ne ressemble qu'à lui même. Une assemblée constituante à la recherche de l’état à constituer est un spectacle nouveau dans les fastes de l'histoire. Dieu seul connait le terme auquel arrivera ce gâchis général. Je n'ai à cet égard plus une idée après avoir usé toutes celles que j’ai trouvé à ma disposition pour retarder, sinon pour empêcher que le mal n’arrive à son comble.

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Brighton 1 heure. Jeudi 16 Novembre

Voici la lettre, très curieuse. Vous verrez que ce sera Cavaignac c'est bien mauvais. J’ai encore espoir dans les 3 semaines qui restent. C’est si changeant chez vous ! Ce sera peut-être moi. On y va rondement à Berlin. J'en suis bien aise. C’est dommage que vous ne lisiez pas le Morning Chronicle tout est intéressant.
A Vienne on fusille un député de la diète de Francfort. Franchement, c’est fort, sans jeu de mots. Beau soleil, vent du midi, c’est bien joli, mais vous n’y êtes pas ! Adieu. Adieu.
On dit que Melbourne & Beauvale sont tous les deux bien mal. Cela m'expliquerait le silence.

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Brighton Mardi 6 heures 7 novembre

Je n’ai rien à vous dire que mon plaisir et mon regret, mais je veux encore vous avoir dit cela aujourd’hui. Que ces 8 heures ont été courtes, & charmantes ! Le temps s’est soutenu très beau, j’ai marché. J’ai vu Alvandy, et puis chez moi M. Morrier. Les Holland étaient venus pendant que j’étais à la promenade. Je ne sais absolument rien. Le National dit que le Bonapartisme est en déclin. Il est désolé de la reddition de Vienne, mais il a encore quelqu'espoir. Adieu. Adieu.
Et encore merci, ce que vous allez trouver très bête. Adieu.

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Brighton vendredi 8 heures du soir

Voici Aberdeen, renvoyez le moi. J’ai vu Alvandy chez lui, la Princesse Meternich & M. Morrier chez moi. Rien de nouveau. Envoyez-moi du nouveau, Metternich persiste à douter qu'on bombarde Vienne. La Duchesse de Glocester est arrivée, le temps est affreux. Je vais un peu mieux Ceci est la seconde lettre aujourd’hui. N'oubliez pas de me dire à quelle heure vous l’avez reçue, Adieu. Adieu.

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Brighton le 1er Novembre 1848

Trois lettres hier. Deux le matin, & ce soir celle que vous m'avez écrite hier matin de Cambridge. C’est trop à la fois, je vais tout à l’heure me plaindre de mes richesses après avoir gémi sur ma pauvreté. Je suis un peu malade ce matin. La bile en mouvement. L'air de la mer produit cela quelque fois. Si cela continue je quitte la mer. En attendant, j’ai envoyé chercher un Médecin.
J'ai vu hier le Prince Metternich. Décidément c’est trop long. Et pour moi, intolérable. A propos, on lui a assuré que vous voulez que le duc de Bordeaux promet qu’il n’aurait pas d’enfants et s'il en avait qu'on les mettrait de côté pour faire place au comte de Paris. Je l’ai assuré que vous ne pouviez pas avoir dit cette bêtise. Que vous étiez d'avis de la fusion, et qu'on ne parlât pas de postérité. Le comte de Paris étant naturellement l’héritier présomptif. Il a été charmé. L'Autriche l'inquiète, on travaille les populations dans les provinces. Il ne croit pas au bombardement de Vienne.
Mon Dieu comme il parle ! Je crois vraiment qu'il est devenu machine à vapeur. Sa femme est en grand soin pour moi, Le Prince se vante que vous vous êtes exprimé comme elle sur la candidature de Bonaparte. On dit que vous allez être élu ? à Caen, le croyez-vous ?

2 heures. Le médecin ne prescrit rien et dit que cela passera. Voilà un bon médecin.

4 heures. Voici les journaux de hier qui m’arrivent. Je n’ai pas eu le temps de lire. Je cours vite au dernier mot d'un long article du Constitutionnel. " M. Thiers n’a point l’honneur de connaître le prince Louis Napoléon. Il n’a pas de relation politique avec lui. Il n’est pas appelé à en avoir. Est-ce clair ? " Adieu car voici le moment où ma lettre doit aller à la poste. Adieu. Adieu.

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Richmond Samedi le 23 Septembre 1848
Onze heures

J’ai vu Koller hier soir. L’Autriche est bien décidé à garder Lombardie, Venise, enfin tout ce qui est à elle. On a accepté la médiation du bout des lèvres. On traitera peut-être du sort de Modène et Parme. On parlera d’institutions à donner aux Lombards voilà à quoi se bornera le congrès. Autriche, France Angleterre, Piémont. Palmerston reçoit tout les envoyés d’Istrie, de Venise de partout, il les écoute, il discute. Et puis il dit à Koller, qu'il pourrait voter à la main, prôner qu'on a le droit d’intervenir entre l’Autriche & tout ce monde-là. Blaguerie, car il ne songe pas à s’armer de votes pas plus que de canon.
Koller craint que nous verrons encore du pire en Allemagne. Francfort n’est pas fini. Quelle horreur que la mort de ce pauvre Lichnowsky ! à Berlin certainement il y aura une crise violente tout à l’heure. Et Paris, comment échapper à du très gros aussi. Je trouve que partout on est trop porté à dire et à laisser la révolution s'user. Si la troupe y passe, tout est perdu, et en temporisant ou s'expose à cette chance. à Berlin, à Paris le soldat commence à être ébranlé. Comment perdre du temps alors ? Voilà mes réflexions sagaces. Peel est délivré du plus ardent de ses ennemis. Adieu. Adieu, à demain, mais là, la causerie va mal. C’est égal, il faut y venir. Adieu.

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Richmond jeudi le 31 août 1848

Ceci va à Brompton, quelle victoire. Je viens de recevoir votre lettre. Combien nous aurons à nous dire ! Je persiste à me trouver Samedi sur le port de Putney à 4 1/2 ne le dépassez pas si par hasard vous étiez là avant moi, car il y a deux routes, je vous trouverai près de l’Eglise, ou bien c’est vous qui m'y trouverez. J’ai été voir Lady Palmerston hier. Elle est malade. Elle m’a dit : " M. de Beaumont est très agréable nous l’aimons bien, & puis il dit une chose bien vraie, c’est que la république peut être mille fois plus facile ou docile pour l'Angleterre que ne le serait jamais une monarchie. Ainsi pour le moment mon mari trouve aussi que c’est très bon. " Sur l’Italie. " Mon mari dit qu'après tout Charles Albert est très injustement accusé. Les Milanais se révoltent, chassent les Autrichiens et l’appellent lui à leur secours ! Pourquoi ne l'aurait il pas donné ? " Vous voyez l’indulgence & la disposition. Pas de réponse encore de l’Autriche le National a vu cela aujourd'hui un article très menaçant. Je viens de lire dans le Times votre discours à Yarmouth, extrêmement bien, & évidemment exact parce qu'il y a même quelques fautes de langue. Never mind. Il n’y en a qu’une positive. C'est le mot awfull. Vous voulez dire solennel ou imposant, et vous avez dit effrayant. Mais au total c'est un discours qui a dû faire beaucoup d’effet & de plaisir et qui est d'une grande connivence.

6 heures.
Je vous écris au milieu d’un orage effroyable. Voici deux heures qu'il dure. J’étais rentrée heureusement une minute avant d’une visite faite chez la Duchesse de Cambridge. J’y ai rencontré la prince Metternich. Quel ton ! C'est de plus fort en plus fort. Rien de nouveau. Elle annonce au nom de son mari que Septembre sera horrible, du massacres par tout. Enfin l’apogée de la révolution en Europe. Nous bavarderons bien sur tout cela. C'est bien long encore après demain. S’il pleuvait lorsque vous arriverez à Putney bridge vous savez que l’entrée des ponts est à couvert, & que vous pouvez vous abriter chez le turnpike keeper. Mais j'y serai avant vous. Je vous écrirai encore demain. Adieu. Adieu. Comme Samedi est loin. Adieu.

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Richmond le 30 août 1848,

Reconnaissez-vous cette date ? Toujours nous sommes séparés ce jour-là, Et toujours par votre faute. Enfin vous revenez après demain, & cela me fait tout pardonner. Neumann m'a fait une longue visite hier. Italie & Autriche pas d'autre conversation sur la médiation. Il ne comprend aucune des trois alternatives. Si on fait de Milan un duché séparé, fut [?] un archiduc, c'est un second Cracovie. Un foyer d’insurrection où se donnent rendez-vous tous les révolutionnaires de l'Europe. Polonais & & Le donner à la Toscane ? Cela n'a pas de sens, il n’y a pas contiguïté. Modène et Parme sont là debout et veulent le rester. Et la Sardaigne ? C'est une monstruosité. Jamais l'Allemagne & l’Autriche n'y consentiront. En définitive Milan doit rester à l’Autriche. Neumann arrive d’Autriche et vient de causer avec Wessenberg à Francfort. A Vienne situation déplorable. L’Empereur est revenu trop tôt. Il devait rentrer avec Radsky et 30 mille hommes. Il n’y a que cela pour faire tout rentrer dans l’ordre. A Vienne comme à Paris, gouvernement militaire. Il faut y arriver! Le Ministère Autrichien pitoyable, tous des gens qu'on peut payer, il n'en excepte pas même Wessenberg. Cela me parait trop fort.
Lutterotte écrit à Montebello que toute l’affaire à Paris a été une comédie, tous les rôles étaient appris. Cela n’a pas grand air et cela fera du tort à la réputation & rigide droiture de Cavaignac. Le fait est qu’il est gouverné par la coterie du National, & il subira ce joug jusqu’au bout. J’attends votre lettre après quoi j’irai peut être à Londres for a change, et pour quelques emplettes. L'opéra italien rouvre à Paris le 3 octobre. J’ai bien envie de reprendre ma loge pour ne pas perdre mon droit. Je la sous-louerai. L'idée de renoncer là à ce que j'y ai eu m’est insupportable. Quant à mon appartement nous en causerons. Vous ai-je dit que Lutterotte croit qu'on le donnera pour 800 francs ?

Midi.
Voici votre lettre comme vous jugez bien ce qui s’est passé à Paris ! C’est merveilleux. Adieu. Adieu. Dernière lettre à Lowestoft. Vous trouverez la suivante à Brompton. Si vous pouviez encore me dire que vous irez surement par Putney, j’irais vous chercher moi-même au port de Putney samedi, c'est une promenade. Je serai là à 4 h. 1/2. Vous savez que je suis exacte.
Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond le 23 août 1848

J’ai été hier prendre mon luncheon chez Lady Palmerston. Rien de nouveau. Toujours bienveillance pour l’Autriche. Désir d’aboutir, assez d'espérance, (j'espionne les bases) on jette des mots en l'air, et l’idée la mieux accueillie est la mienne : doubler la Toscane par la Lombardie. En grande moquerie de l’Allemagne. En éloges de Beaumont que de son côté est très courtisan pour Palmerston surtout. J’ai rencontré [?] en sortant on me l’a présenté. Je lui ai dit deux mots, il a beaucoup vanté l’accord du Prince & du peuple à Cologne & partout. Il parlait de son roi qu'il a accompagné là. Les Standrish ont dîné chez moi hier. Elle est un peu parente de Madame Beaumont. Elle avait appris que G. de Beaumont s’était beaucoup félicité d'avoir fait ma connaissance.

2 heures
Bonne lettre et bonne nouvelle. Le 1er au lieu du 2. Vingt-quatre heures dégagées. C'est donc Samedi que je vous verrai quel plaisir ! Je suis bien aise de voir que vous attendez du décisif ressortant des pièces. Elles sont terribles. Un grand pays gouverné pendant 5 mois par un set of scoundrels quelle honte ! Et depuis un mois, je ne sais si c’est beaucoup mieux. Je trouve que Cavaignac est un peu compromis. Constantin est appelé à Pétersbourg. Il y est allé avec sa femme pour revenir bientôt à Berlin. Il me dit que Brunner est parti de Berlin l'oreille bien basse. L’affaire danoise s’arrange, Francfort n’est plus si arrogant avec Berlin. Les journaux français ne sont pas là encore. La tempête ces deux jours a été terrible, il y a retard. Il me semble bien difficile qu'il n'y ait pas un éclat à Paris. Adieu. Adieu. J’ai le cœur plus réjoui depuis que les jours sont réduits à mes dix doigts tous les jours j’en couperai un. Adieu. Adieu. Aggy va mieux quel miracle. Adieu. Voici un petit fragment de Marion. Drôle.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi le 22 août 1848
Onze heures

Le temps est si mauvais que je veux, en fait de promenade, aller chercher des nouvelles en ville. J’y fermerai ma lettre. J’ai rencontré hier soir chez une dame du voisinage ici M. Koller le chargé d’affaires d’Autriche. (Vous savez que Dutrichstein est parti.) Il attend. M. d’Andriani délégué de Francfort. Ce devait être Lichnowsky, c’est changé. Ce d’Andriani a passé par Bruxelles où il avait une mission pour Léopold. L'Autriche conservera en tout cas un ambassadeur ici et aux autres cours. La réception de l’Empereur à Vienne a été admirable, touchante. Les victoires de Radski n’y ont pas été célébrées avec la même unanimité. La révolution craint qu’il ne vienne faire la police de Vienne. Rien sur la médiation, naturelle ment Koller n'en parle pas. Il me parait être un homme d’esprit. Beaumont a fait visite à Brünow sans le trouver, il a remis sa carte. Brünow lui a rendu visite de la même façon. Beaumont n’a pas fait visite à Koller. Koller parle bien mal de Palmerston surtout sur les affaires de Sicile. Il n’y a cependant rien de clair là encore.
Quant à la protestation du Gouvernement Sarde contre l’armistice, c’est du Humberg des grands airs, qui n’empêchent pas les conditions de l’armistice d’être observées. En général on parle assez mal de Charles-Albert. Trahison. Le National a inséré une longue lettre de la Princesse Belgiojoso expliquant que Milan a été trahie, abandonnée. Quelle est votre opinion des pièces sur l’enquête ? Cela me parait compromettre beaucoup ou un peu tout le monde. Quel gâchis ! Je vous dis adieu ici, pour le cas où je n'aie rien à ajouter en ville. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche 20 août 1848

Je crois vraiment que j'ai fait une bêtise en envoyant à l’Impératrice votre lettre du 16. Ce que vous dites d’elle est charmant, mais vous mettez les révolutionnaires et les autocrates sur un même plan, vous parlez de timidité, d’excuses. Comment n’ai je pas été frappée de la pensée que cela ne devait pas être envoyé ! Tout cela m’est revenu depuis la lettre partie. Si l’Empereur est tout-à-fait heureux d’esprits, il trouvera que vous avez raison. Mais comme avant tout il a beaucoup d'orgueil et il est possible que cela ne fasse pas fortune du tout. Il faut songer à réparer & voici ce que je vous propose. Ecrivez très naturellement dans une lettre, où vous me parleriez de l’attitude des grands cabinets, deux mots sur le nôtre. Dites ce qui est vrai, que quand on est si grand on a quelque mérite à être si sage, si modéré. Enfin vous savez bien ce que vous pourriez dire qui serait dans la vérité & qui ferait plaisir. Je vous prie faites cela tout de suite afin que je l'aie ici au plus tard lundi, car j'ai ce soir là une occasion.
J'ai été hier soir chez Lord John, j’y ai trouvé M. de Beaumont. Lord Palmerston, qui était là aussi me l’a présenté. Je l’ai trouvé comme on me l’avait dit. Sa conversation m’a paru un peu lourde. Il dit les choses longuement. Il ne me fait pas l’effet d’un homme de beaucoup d'esprit, il est un peu naïf. Je lui ai fait un accueil poli. Sans empressement. Lui avait l’air charmé de causer. Le dialogue a duré plus d’une demi-heure. Moi en interrogations. Difficultés immenses. L'édifice fragile. Cavaignac très républicain. " Lamoricière républicain comme moi. " ! - Je vais donc supposer, Monsieur que vous ne l’êtes pas beaucoup ? Il a éludé en disant qu’avant tout & pour le moment il fallait soutenir sincèrement ce qui donnait de l’ordre.
Eloge encore de Lamoricière. Si on s’avise de bouger, il mitraillera tout, on veut en finir avec les tapages de la rue. Il croit beaucoup à cela tout de suite. Très pacifique, charmé des dispositions qu'il rencontre ici, fâché qu’on ait si brusquement renvoyé Tallenay. Il s'en est expliqué avec Cavaignac qui lui a dit qu'on ferait des contes absurdes sur une rencontre avec vous. D’abord qu'elle n’était pas vraie, & puis le fût-elle, Tallenay n’aurait fait que son devoir en vous montrant des égards. Lui Beaumont si le hasard le met sur votre chemin, ira non seulement à vous, mais vous vous tendrez la main si vous voulez la prendre, quoiqu’il ait été toujours votre adversaire politique. Tallenay aura Francfort. Je lui ai demandé des nouvelles [?]. Je l’ai vu à l'Assemblée. Voilà tout ce qu’il m'en a dit, & puis, que Thiers était particulièrement décidé, exécré, par les factions et les partis que certainement on en voulait à sa vie. Que celle de Cavaignac était sans cesse menacée. Il est retourné au passé pour déplorer, pleurer, l’aveuglement respectif, dit-il, eux, avoir ignoré qu'ils faisaient les affaires de la république, vous que le mal avait de si profondes racines. Je crois vous avoir dit tout Beaumont au total il n’a pas l'air d'un mauvais homme, au contraire. Et on aurait pu moins bien choisir.
Il y avait là Minto, que, je n'avais jamais vu. Bien pressé de causer avec moi de me raconter l’Italie comment il n’avait cessé d'y prêcher le bon accord des peuples avec les Princes disant beaucoup de mal du roi de Naples, un menteur. Je n’ai pas trouvé la mine des trois ministres très radieuse. La session ira jusqu'à la première dizaine de septembre. Montebello a eu hier une lettre de Paris de vendredi, dans laquelle on lui dit que le télégraphe venait d'annoncer une insurrection à Nîmes & à Montpellier aux cris de Henry V. Ce serait trop tôt.
C’est ennuyeux de penser que tout ce que je vous écris là ne peut partir que demain soir.

Lundi 21, midi
Bulwer et G. Greville sont venus me voir hier matin. Le premier ne m'a rien dit de bien nouveau il n’a vu littéralement personne à Paris que Normanby un moment, qui lui a dit beaucoup de mal de Lamartine maintenant après lui en avoir dit le plus grand bien au mois de Mai. Rien sur Paris. Seulement une observation : c'est que le peuple est poli, respectueux, dans les rien pour tout ce qui est au-dessus de lui, & que le bourgeois s'empresse de donner les titres ne parlant aux personnes qui en ont. Ainsi on n’avait jamais appelé Guiche autrement que Monsieur. Maintenant Monsieur le duc. Les classes se dessinent & y ont goût. Serait-il possible que le goût de l’égalité passât en France ? Cela me paraitrait la plus grande des révolutions. On parle beaucoup d’intrigues légitimistes. On craint qu’ils n’agissent trop tôt. Bulwer d'assez mauvaise humeur. Il voudrait Rome. Je lui ai ri au nez [?] mais enfin il me semble évident que si on ne lui donne pas quelque chose et du bon, il fera du mischief contre ceux qui lui refusent. Greville pas grand chose, d’ailleurs nous n'étions pas seuls. Il y avait Montebello qui est charmant mais qui ne remarque pas qu'on causerait plus à son aise sans lui. Comme le tact est une chose rare ! J'ai été à Holland house. Toute sortie de monde. Syracuse, Petrullo. Les Flahaut. Les Jersey. Dumon. Aubland. Beaucoup d’autres. On ne parle que d’Italie. De la médiation. Quel bon article dans la spectateur de Londres de Samedi ! Syracuse prétend que l’expédition est partie de Naples. Reste à voir si les Anglais se seront opposés au débarquement en Sicile. On dit que oui indubitablement Flahaut croit à propos de la médiation que Palmerston n’aura pas songé à prévoir le cas où l’Autriche se refuse rait à ce qu'on va lui demander. D’abord personne ne sait ce qu’on va lui demander. Et puis com ment s'engager sans être d’accord France & Angleterre sur ce qu'on fera au cas de refus ? Cela me paraitrait par trop étourdi. Tout le monde attend un événement à Paris, personne ne croit à du trop gros dans la rue, mais l'Assemblée qu'est-ce qui s’y passera ?

Morny est revenu, il ne dit rien que ce que dit tout le monde. L’Empereur a été reçu avec le plus vif enthousiasme à Vienne. Je répète 40 fois 50 fois par jour, pourquoi n’êtes-vous pas là pour causer de tout. Il y a tant et tant ! On parle de Beaumont. On trouve qu'il manque de mesure, & qu’il est de mauvais goût de montrer du dédain pour la République. Du reste ses manières ne déplaisent pas. Il a fort l’envie d'être poli.

2 heures. Merci de la bonne nouvelle. Le 2 ou 3 Septembre ! Comme je vais attendre cela, & compter les jours, les heures ! Voici une lettre intéressante renvoyez-la moi, je vous prie. Car je n’ai fait que la parcourir. Brignoles proteste officiellement contre l’armistice. Qu’est-ce que cela veut dire ? Le temps va de mal en pire. Aujourd’hui effroyable tempête & des torrents de plus. Hier un froid de Sibérie. Quel climat ! Adieu. Adieu. Je ne sais si je vous ai tout dit. Probablement non. Car il y a trop. Mais pour finir merci, merci de votre retour, n’allez pas changer ! Adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 19 août 1848
1 heure

Hélas, voilà mon fils parti ! J’en ai le cœur bien gros. Il l’a vu, et je crois qu'il en est touché. Il va à Bade, de là à Castelamane, & il veut revenir à Brighton à la fin de Novembre. Je n'ose y compter. Le temps est affeux. Tempête et pluie. Comme c’est triste quand on est triste et seule ! Pierre d’Aremberg m’est resté sur les bras hier pendant cinq heures, c’était long. Ce qu'il m’a dit de plus intéressant est la ferme croyance de son parti que dans trois mois Henri V sera en France, Roi. Nul doute dans son esprit et il est entré dans des détails qui m'ont assez frappée. Ce qui a donné de la valeur à ses propos, c'est que une heure après, j’ai vu Lady Palmerston à Kew, qui me dit avec étonnement qu'ils venaient de recevoir de Paris la confirmation de ce que leur disaient depuis quelques temps les lettres particulières que le parti légitimiste avait gagné énormément de terrain, et qu’il était presque hors de doute que le duc de Bordeaux serait roi, & sous peu. Après l’étonnement venait le plaisir. Evidemment le premier intérêt là est que la France redevienne une Monarchie. Enfin je vous redis Lady Palmerston, me donnant cela comme une nouvelle officielle du moins venant de source officielle. Son mari n’a pas paru du tout au dîner donné à G. de Beaumont. Il était retenu à la Chambre. Beaumont a été fort causant, cherchant à faire deviner qu’il n’était pas républicain du tout, et disant très haut qu'on l’était très peu en France. ça et là, quelques propos très monarchistes. On ne lui a pas trouvé la tournure d'un homme du grand monde. Mais convenable, l’air honnête. Tournure de littérateur. Il a bien mal parlé de Lamartine, Ledru Rollin & & D’Aremberg affirme positivement que la Duchesse d’Orléans a pris l’initiative à Frohedorff et qu’elle a écrit une lettre de sympathie, se référant à ce qu’elle avait toujours éprouvé pour eux, & demandant que dans une infortune commune ou confondue les douleurs, & les espérances, & la conduite. Il affirme.
Lady Palmerston très autrichienne disant que l’affaire est entre les mains de l’Autriche, qu'ils sont les maîtres. Espérant qu’ils se sépareront du milanais mais ne se reconnaissant aucun droit pour ce disposer contre le gré de l’Autriche. Impatiente de recevoir les réponses de Vienne. Inquiète de Naples. Mauvaise affaire pour Gouvernement anglais. Le Danemark, espoir, mais aucune certitude de l’arrangement. Toujours occupée du manifeste [?] qu'on trouve plus bête à [?] qu'on y pense. Voilà je crois tout. Je reçois ce matin une lettre de Lord Aberdeen pleure de chagrin de ce que vous ne venez plus. & puis beaucoup d’humeur des articles dans le Globe où Palmerston lui reproche son intimité avec vous. Comme je n’ai pas ce journal je n’ai pas lu.
J'oubliais que G. de Beaumont annonce une nouvelle bataille le dans les rues de Paris comme certaine. J'oublie aussi qu’il tient beaucoup au petit de avant son nom. Le prince Lichnovsky, (celui de Mad. de Talleyrand) est arrivé à Londres, on y arrive comme pendant à Lord Cowley à Francfort. Nothing more to tell you, excepté, que je trouve le temps bien long, bien triste, et qu’il me semble que vous devriez songer à me marquer le jour de votre retour. Depuis le 31 juillet déjà. C’est bien long ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 17 août 1848

Une charmante lettre. Celle d'hier si charmante et élevée que je veux l'envoyer demain à l’Impératrice, telle quelle, par courrier. C'est le jeune Stakelberg qui est à Paris, & voici l’histoire. Il a été l’automne dernier à Alger. Il a fait un rapport qui a fort intéressé chez nous à la suite de cela on l’a nommé agent militaire à Paris, avant la révolution, ainsi auprès de vous. Quinze jours après, arrive la République, il n’a pas été révoqué, & réside maintenant à Paris dans cette capacité. Voici maintenant l’histoire de Kisseleff. Il a reçu l’ordre formel de quitter lui et toute l’ambassade. Il ne devait plus rester à Paris que Speis le consul général & Tolstoy qu’on attachait pour la forme au Consulat. Cet ordre de départ était signé par l’Empereur lui même il portait la date du 10 Mars. A l’époque où il parvient à Kisseleff, les révolutions de Vienne & de Berlin avaient eu lieu, & changeaient visiblement notre situation, puisqu'au lieu de nous tenir serrés avec nos alliés Autriche & Prusse comme nous le voulions & le désirions, nous restions absolument seuls. Kisseleff a représenté que, selon lui, cela modifiait tellement notre situation, qu'il regardait comme un devoir d’attendre, d’autant plus qu’entre les préparatifs de départ, les soucis à donner aux Russes, le bon effet que pourrait avoir encore sa première pour empêcher une trop vive explosion pour la Pologne. Il devait s’écouler peut- être 18 ou 20 jours. Que de nouveaux ordres pourraient lui arriver en conséquences de ces observations et qu’il attendrait jusqu'à une certaine date. Coup pour coup, il reçoit approbations de sa conduite & l’ordre de rester comme par le passé, mais en se dépouillant de son titre. Tout ceci m’a été conté hier par Tolstoy c’est fort bien expliqué et nous avons eu raison, & Kisseleff avait eu du courage. Tolstoy dit comme tout le monde qu'on veut la monarchie qu’on déteste la république. Mais voici la drôlerie, il y a une république et pas de républicains et on veut une monarchie seulement il manque un roi. Où le prendre ? Personne ne le dit.
Combien de choses nous aurions à nous dire ! J'ai un chagrin aujourd’hui. La Revue rétrospective nomme l’affaire de Mad. Danicau Philidor. Le nom y est. Evidemment on tient davantage car voici un renvoi.

Cette note si elle est étrangère à l’affaire, Petit ne l’est pas comme on le verra par son post-scriptum au trafic de places, et prouve que sous ce rapport il y avait résistance de la part de M. Lacave Laplagne à laisser faire de M. Guizot.

Adieu. Adieu.
Le temps ne s’arrange pas. Il est atroce, on a bien de la peine à ne pas être malade. Quand vous vous promenez prenez garde à la marée, ne vous laissez pas surprendre pas elle. J'ai peur de tout quand vous n'êtes pas sous mes yeux. Hier Lord Palmerston a donné à dîner à M. Beaumont. Les convives les Granville, les Shelburn, les Holland, les Janlyce, Henry Granville very well, mais dans tout cela le maitre de la maison aura manqué car à la longueur de la séance hier il est impossible qu'il ait dîné. Je n’ai pas lu encore la discussion. On la dit très curieuse. Je ne sais pas d’une manière positive si Naples a fait faire une déclaration. Mais ce que je sais pour sûr c’est qu’on a conseillé au roi de tenter l’expédition pour mettre la flotte Anglaise au défi de s'y opposer. A propos de Kisseleff, j'oubliais de vous dire que Normanby l'a mis en contact avec Cavaignac, & qu'il va quelques fois chez lui. Toujours très bien reçu ; mais privatly.

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Lundi 14 août.
Midi

J’ai vu hier Lord Palmerston à Holland House. Il ne savait pas si l’armistice était ou non une conséquence de la médiation commune. Les courriers n’étant partis de Paris que Mardi dernier. Il me parait que ce n’est pas eux qui ont pu décider. On bavardait beaucoup là hier. La Lombardie à la Toscane. Voilà l’idée générale, dans tout cela voyons le dernier mot de l'Autriche. L’article du Moniteur est fort important. Évidemment chez vous on veut la paix, et on compte encore sur notre bon vouloir pour la république. L'Allemagne fait le plus gros, des embarras. Kielmannsegge me disait encore hier que les têtes y sont tout-à-fait renversées. Vous voyez que la France aussi se mêle d’arranger l'affaire des Duchés. L’entente entre Paris et Londres embrasse sans doute toutes les questions en litige. Le Manifeste du Prince de Linange serait bien plus critiqué s’il ne serait pas du frère de la Reine. Mais avec cela même, on en parle avec grande désapprobation. Je n’ai rien lu de plus fou & de plus bête. On dit que Strockmer la croit, c’est impossible. Il a plus d'esprit que cela.
Voilà de la pluie à verse. Quel climat, quelle tristesse. Comment iront les bains de mer avec cette pluie ? Et puis vous viendrez me dire qu'on n’a pas pu prendre les bains, qu'il faut donc prolonger. Je n’accepterai pas cela. Voilà votre lettre. Seul plaisir, seule ressource. Mais quand viendra le temps où nous ne songerons plus aux ressources ?
J'ai rencontré hier Dumon aussi à Holland house. Il songe beaucoup à s’établir à Brighton le mois prochain pour la mauvaise saison. Aggy va un peu mieux. Elle m’a écrit elle même. Je ne donne pas encore de rendez-vous à Pierre d’Aremberg car je n'ai rien décidé sur Tunbridge. J'attends toujours pour un appartement. Adieu, adieu. Comme c’est long.
Voici mes réponses de Tunbridge Wells. Pas d'appartement du tout. Tout est pris. Je reste donc ici. Cela va faire plaisir à Montebello, il est bien accoutumé à mon bavardage. 

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche le 13 août 1848 Midi

J'écris quoique ma lettre ne parte que demain. J’ai vu lord John hier. Ses nouvelles étaient, que le Roi de Sardaigne allait abdiquer : c'était le bruit de Turin le 7. Il a couru de vrais dangers à Milan. On voulait le brûler vif ou le massacrer. C’est par miracle & par ruse qu'il a échappé. On a tiré plusieurs fois sur le duc de Gènes. Lord John me semble plutôt applaudir à Radetsky que regretter ses succès. Il convient que la médiation est venue tard, puisque les Autrichiens sont rentrés chez eux il a l’air de trouver qui cela finit cette partie de l’affaire. L’archiduc Jean et Wessemberg ont dit que l’Autriche s'en tenait à ses premières offres l’Adige. Mais cela le disait avant les véritables succès. Il est douteux que cela lui suffise maintenant ; de plus Radetzky pourrait bien faire comme le général Wrangel, l’indépendant. John s’inquiète de ce que les Autrichiens sont entrés dans le Bolonais, cela, dit-il, peut compliquer de nouveau l’affaire. Quant au Piémont il se croit sur qu'ils n’y entreront pas. Le duc de Gènes n’a encore ni refusé ni accepté la Sicile. Gustave de Beaumont sera reçu par la reine Mardi à Londres. Il est Ministre. Normanby aura des lettres d’ambassadeurs spécial. Beaumont plait assez à lord John. Bunden revient ici. [?] s’en alla comme il était venu, ministre de Prusse. Le Manifeste du Prince de Linange est incroyable. Lord John n’en revient pas. Non plus que de l'incroyable confusion où se trouve toute cette Allemagne. Je ne suis pas de votre avis, je crois moi que l’Allemagne croule aussi, je veux dire l'unité. Vous voyez que personne n'en veut. C'est une fantasmagorie. Ici on y est plus opposé qu'à quoi que ce soit. Vous trouverez le Prince de Linange dans le Times d’hier. Saint-Aulaire m'écrit que Barante va publier un écrit qu'il a fait sur les circonstances actuelles. Je suis étonnée. Broglie est retenu dans son château par un gros accès de goutte. Albert a publié dans la Revue des deux mondes un article sur la diplomatie de la république. L'élection de Molé à Bordeaux est certaine. Voilà Saint Aulaire.

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Richmond Samedi le 12 août 1848
2 heures

Votre lettre est très curieuse. Toutes vos observations justes et tristes. Je vous trouve triste en général depuis votre départ. L’air anglais est lourd, les Anglais sont lourds aussi et quand on reste quelque temps sans autre frottement, on finit un peu par la mélancolie. Je sais cela parfaitement par mon expérience. Quelle grande affaire que Milan. Quel dénouement pour Charles Albert. Quelle juste punition ! Je ne conçois plus ce que peut devenir la médiation, certaine ment les Autrichiens n’entreront pas en Piémont. Chacun étant chez soi, qui s'agit-il de concilier ? C’est certainement plus moutarde que quoi que ce soit qu’on ait jamais vu. Que votre lettre anonyme est drôle ! Elle ira à Peterhoff. A propos j’ai encore des nouvelles d'Hélène. Tous les fléaux accablent la Russie. Le choléra dans toutes les provinces. La disette, les sauterelles par dessus le marché. L’Empereur fort triste. Pierre d’Aremberg est à Londres, il est venu me voir hier, j’étais sortie, il m'a laissé un mot que je copie. " Le bilieux Cavaignac est un homme qui voudrait et qui croit à la possibilité d'une république raisonnable. Ce sont de semblables croyances dont le temps fait justice. Encore un peu de temps et la république aura tout ce qu’elle voudrait même de l’influence politique sur l’Angleterre, mais ce qui lui manquera ce sera l’argent et les républicains. J’ai visité l’Allemagne et j’ai quitté Paris avant hier. Je suis fâchée de ne pas pouvoir vous faire le récit de ma visite hier à Claremont. " Comment trouvez-vous Pierre d’Aremberg à Claremont ? Il est clair que le travail du Duc de Noailles est devenu comme à beaucoup de monde.
Je pense à aller à Tumbridge Wells, je n'en suis pas tout-à-fait sûre encore, mais j’y ai écrit pour un logement. Mon fils part mardi. Mauvais jour demain, je n’aurai point de lettres. Ce sera votre tour lundi, c'est bien ennuyeux car blank days. Il n'en faudrait pas entre nous ce qu'il ne faudrait pas surtout c’est l'absence, la séparation. Very unwholesome for both. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 11 août 1848 Vendredi
Midi

Je viens de lire votre lettre. Voici donc une nouvelle adresse pour la mienne. Si tout ce qui me donne tant de chagrin vous donne à vous un gendre, j'en serai charmée. Les nouvelles d’Italie sont excellentes. Milan pris à ce qu'il parait. Qu’est-ce qui vient faire la médiation ? Je pense que Radetzki l’enverra promener. Il est rentré at home. Personne au monde n'a le droit de l’inviter à en sortir. Savez-vous ce que je crois. L'Autriche érigera la Lombardie en état indépendant, sous un prince autrichien. Une autre Toscane. Qui est-ce qui pourra trouver à redire à cela ? Elle gardera Venise comme de raison. Tallenay est parti avant-hier soir pour Paris, furieux ; on lui a donné congé pas trop brusquement on ne sait pas pourquoi ; moi au moins je ne le sais pas ; est-ce parce qu’il m’a rencontré à Holland house ? Beaumont est arrivé. La reine va venir le recevoir. On dit que Normanby a contribué à cette nomination. Il le voyait beaucoup qu’est-ce que vous pensez de lui ? On dit que le Roi de Hollande est très mal. La nouvelle en est venue hier. Je suis charmée que vous soyez sans inquiétude pour Pauline. Ma santé est comme vous l'avez laissée. La Prusse est très intéressante comme nouvelles. Elle est mieux renseignée qu'aucun journal de Paris. Elle dit le secret des négociations très exactement, à ce que je sais. Du reste elle est assez modérée. Opposition, mais contenue. Adieu. Adieu.
Il y a bien longtemps que nous sommes séparés. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond 8 août 1848, Mardi
Midi

Mon fils a longtemps causé hier avec Tallenay. Celui-ci lui a dit qu’il n'y avait un jusqu’ici que de la conversation avec Palmerston. Le désir de s’entendre, le désir comme d’éviter la guerre, & d’offrir la médiation commune que cependant les prétentions de l’Autriche étaient telles qu'il était fort douteux qu'on puisse les présenter, & que lui Tallenay ne croyait pas du tout à la réussite ni de l’entente ni de la médiation. Et il y croyait moins encore depuis l’article du National que je vous ai envoyé hier, & qu’il regarde comme officiel. Tallenay ayant appris que Marast devait le remplacer a fait comprendre à Paris qu'il ne le souffrirait pas. Que s'étant chargé de les représenter dans un moment où ils n’avaient rien d’honorable & de convenable à envoyer, ni il était en droit d’attendre des égards. Qu'il concevait que lorsque les relations seront établies régulièrement on tient à avoir ici une bonne politique considérable. Mais que c’était lui qui devait rester jusqu'à ce moment, c.a.d. lui faire reconnaître la république. Il a ajouté que d’après ses lettres de Paris, on se conformerait à cela. Montebello a vu des lettres de Paris. Flocon a dit que dans 6 mois personne ne voudrait plus de la République. Cause perdue. Vous voyez comme l’Assemblée nationale s'échauffe. Le rapport sur l’enquête a fait un grand effet. Beaucoup de lettres menaçantes anonymes. Enfin cela va devenir gros. La déclaration de Palmerston hier au Parlement est quelque chose. Cela prouve le travail commencé. Mais il me parait impossible qu’après de si éclatants succès l’Autriche se contente de ce qu’elle demandait lorsqu'elle était en mauvaise situation d’un autre côté comment la France pourrait-elle faire moins qu'assurer la Lombardie à l'union italienne. Ici l’opinion sera un peu combattu. Mais en toute justice peut-on imposer à l’Autriche des sacrifices quand c’est elle qui a été attaquée, chassée, & que c’est elle qui triomphe ! Quel dédale. Et puis Francfort ! Et puis Berlin. ¨Pas d’hommage le 6. Ainsi un commencement de résistance à la volonté de Francfort. Que de choses à nous dire, que de raisonnements à perte de vues ! Comme vous êtes loin ! J’attends votre lettre ; je n'ai rien à vous dire de nouveau que ce qui précède. Ma santé est comme vous l'avez laissée. Je crois que mon fils part demain. Adieu. Adieu. Voici le National. Curieuse.

3 heures. Voici votre lettre. Vous me paraissez être in a perplexing state cela m'inquiète aussi. Vous serez probablement très mal à Cromer sans aucune ressource. Pourquoi ne pas revenir ? La mer du nord est la moins bonne pour les bains de mer. S'il les faut absolument allez donc les chercher sur la côte méridionale. St Leonard, Hastings, Weymouth, si vous ne voulez pas de Brighton. Encore plus chaud. Mieux civilisés. Enfin je ne trouve pas qu’il y ait beaucoup de good sens dans tous vos projets. Pardonnez-moi de croire que si je m’en mêlais cela serait mieux. La presse a reparu hier, je l’ai reçu, pas lu encore. Les Débats se moquent très joliment d’un nouveau journal de l’Etat qu’on veut mettre au monde.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 3 août 1848,
jeudi 2 heures

Les victoires de Radetzky m’enchantent. Que va faire votre gouvernement ? Je doute qu'il intervienne. Je crois à une médiation anglo-française. Nous verrons. J’ai vu hier Ellice. Il part demain pour St Andrews. Je ne veux donc pas répéter ce qu'il vous dira mieux que moi. Mais pour le cas où ma lettre vous arrive avant la-personne voici à peu près. Thiers de l’influence, mais pas de pouvoir. Cavaignac honnête homme continuant la politique de Lamartine déshonnête. Entre les mains du National comme son devancier. De l’ordre à Paris. Du respect pour Cavaignac. Grande envie de rester à toute éternité sous l’état de siège. Intimité contre le gouvernement avec Normanby. Celui-ci très prudent. Ayant même eu peur de voir Thiers. Ellice s’est chargé de cela, comme il s’est chargé de tout. Cela va sans dire. Son opinion est qu’il y aura guerre qu'il faut la guerre pour qu’il en ressorte en homme qui devienne le Bonaparte ou le monde. Thiers sera le Talleyrand de ce dénouement, mais jamais le principal. Je ne sais pas autre chose car je n’ai vu personne. Constantin me dit que l’indignation est générale à Berlin. On foule aux pieds la cocarde tricolore. Jamais l’armée ne voudra obéir à Francfort, nous verrons, & tout de suite. Le temps est affreux. Pluvieux & froid. Adieu, " que le jour me dure ". Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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15. St Germain samedi 25 juillet 1846

Hier soir quinze jours depuis notre séparation. Combien en faut-il encore ? Je suis revenue dîner, le médecin le permet. Si le mal me reprenait ce serait décidément causé par l'air. Alors il faudrait renoncer tout-à-fait Eternuez-vous encore ? Je suis tout aussi fâchée aujourd’hui que je l’étais hier. J'ai vu Hervey encore avant de quitter Paris. Toujours l’Espagne. Parfaite certitude que Palmerston n’entrera pas dans votre idée d’action commune ou simultanée pour un candidat quelconque, très sûr que le queen's favorite est Coburg. Et vraisemblance que c’est par là que les Whigs chercheront la faveur de la cour. J’ai dit un mot du tripotage pour l'Autrichien comme l’ayant appris à Paris, et j’ai ajouté, cela n’est pas possible même dans votre idée de prépondérance étrangère. C'est bien différent me dit Hervey, l'Autriche n’est pas voisine. Il ne croit pas qu’on accorde de congé à Bulwer. Il est trop nécessaire dans ce moment tout ce que je vous ai rapporté hier sur les instructions à Bulwer est au fond sensé, et serait reçu avec acclamation au parlement. On y trouverait la conduite d'Aberdeen trop subserviest to France. C'est un bon terrain pour Palmerston & c'est là ce qui m’inquiète. J’ai paru chez Lady Cowley en m'en allant. Je l’ai trouvée froide et aigrie. Hervey m'en avait un peu prévenue. Cela a été pour moi comme non avenue. D'après ce qu’elle m’a dit Cowley aurait vraiment presque demandé à rester, car la réponse de Peel était ceci. " Malgré le désir que j’aurais eu à vous contenter en vous conservant à votre poste" & & C'est un peu enfant à Cowley. A présent encore ils ne se pressent pas. Ils croient que le Ministère sera renversé sur le sucre. Mais leur aigreur pour moi ne vient pas de là. Ils sont très susceptibles à l’endroit de lord Winston et ses visites chez moi les offusquent. Me sachant en ville et malade, elles ne sont pas venus quoique je le leur ai mandé, et puis elles ont donné quelque mauvais prétexte à cela. Ils sont en marche pour l'appartement des [Heusbourg]. Hervey est furieux, il trouve que leur résidence à Paris serait de la dernière inconvenance, certainement incommode pour lui. Il ne croit pas qu'on le leur permette, & cite Stuart qui était resté, & qu'on a menacé du retrait de sa pension s'il persistait. Il a quitté. Le portrait du roi est superbe. Un cadeau très royal, et dont ils sont bien glorieux.
Madame Danicau va toujours bien sauf la lecture. Voici une lettre de Flahaut. Lisez la jusqu’au bout, si tant est qu’il ne vous parle pas lui-même de la séance de la chambre des pairs. Orloff m’a répondu avec beaucoup de politesse sur l'envoi de l’argent. Voici ma dernière lettre de Marion. Charmante fille. Que faut-il dire sur la demande de 3 mois en hiver ? Il me parait préférable que la femme reste à Rome qu'à Vienne. Midi. Voici le N°13. Merci, merci puisque votre rhume est passé, ma colère l’est aussi, mais ne retouchez pas, je vous en prie. Ne sortez jamais après 7 heures promettez-moi cela. Lady Allen me mande que Peel is likely to support the sugar bill et qu’il vaut mieux que les Whigs ne touchent pas sur cette question qui est très populaire. Elle ajoute que personne eux y compris ne croie qu'ils pensent durer au delà de la session. Adieu, bon courage et bonne voix pour votre banquet. Ne parlez pas trop longuement. Je ne sais tout ce que vous allez dire. J’espère all rights and to the point. Adieu. Adieu. dearest. Vous ne me parlez plus de votre visite projetée à Paris pour le 30 ? Dites m'en un mot. Adieu. Adieu encore god bless you, & pardonnez-moi mes colères. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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287 Paris le 16 octobre 1839,
Rue St Florentin 2

Ce serait trop long de vous raconter tout l'ennui, la fatigue de la journée d’hier. Je n’ai vu personne que M. Pogenpohl qui m'est d'un secours extrême. J’ai fermé ma porte à tous les autres. Je n’ai trouvé personne chez les Appony. C’était un dîner de famille pour la Ste Thérèse. Point de nouvelles. Je crois cependant que Médem à reçu un courrier de Londres hier. J’apprendrai quelque chose dans la journée. J'ai mal dormi. Je serai bien ici mais j’y suis encore dans un vrai bivouac.
Je vous remercie mille fois de la lettre pour M. Gréterin. Je vais la remettre à Génie, vous êtes bien bon pour moi. Voilà une phrase parfaitement ridicule. j’attends M. de Valcourt, des tapissiers & &, pendant huit jours encore je serai très mal. Et puis il me semble que je serai bien. Je vous dis adieu déjà, car je crains que je n’aurai pas un moment, dans toute la matinée.
A propos, les rapports de M. de Saint Aulaire annonçant la parfaite approbation du cabinet de Vienne aux projets de pacification du vôtre sont un rêve. Le Roi a dit avant-hier à Appony qu'il n’est rien venu de là. Vous concevez qui si cette bonne nouvelle était venue, le roi aurait eu hâte et plaisir à le dire. Je trouve quelque fois de drôles d'erreurs dans les nouvelles qu'on croit tenir des meilleures sources. Adieu. Adieu. Génie a pris votre billet, il est revenu me dire que les ordres vont être expédiés que votre volonté sera faite et que tout le monde a été très gracieux. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
279 Paris Mardi 1er octobre 1839,

Je viens d'écrire un mot à Bulwer pour lui demander ce que vous voulez au sujet de Lord Chatham. J'ai sur le cœur votre rancune, car il y en a beaucoup dans les derniers mots de votre lettre. J’ai passé ma matinée hier à l'entresol avec M. de Pogenpohl, & M. de Valcourt. Il ne me donnera que demain ses idées sur ce que je dois prendre ou laisser. comme tout est long ! Je crois que je me laisserai, entraîner a beaucoup de dépenses ; si vous étiez ici vous m'arrêteriez.
J'ai été le soir chez Madame Appony. Je les ai trouvés seuls et évidemment de mauvaise humeur, ce qui a fait que pour commencer je n’ai rien pu apprendre ; si non le nombre des convives, la promenade & & et tout cela m’intéressait fort peu avec un peu de patience et quelque petites paroles provocantes, je suis parvenue à savoir, que le Roi est excessivement blessé de la conduite de l’Empereur, et furieux contre l'Angleterre. Nous n’avons pas encore dit un mot à la France, c'est un dédain qu’on supporte malaisé ment. Quant à l'Angleterre ce changement subit semble de la plus insigne mauvaise foi. Au surplus personne ne sait encore se l'expliquer. On attend des éclaircissements : on espère encore que la majorité du conseil anglais opposera à la volonté de Lord Palmerston. Quand à celui-ci il est à nous tout-à-fait. Quelle drôle de chose ! Appony, comme je viens de vous le dire est de bien mauvaise humeur et même un peu aigre pour nous. d’abord. C’est qu'on ne nous aime pas et que ce triomphe politique donne à notre diplomatie un lettre qui choque. Et puis, et je sais cela par expérience, un diplomate ne peut pas se défendre d’un peu de partialité pour la cour auprès de laquelle il réside, surtout s'il y est bien traité comme l’est Appony dans la circonstance présente, l'Autriche sera appelée à tempérer un peu le mauvais vouloir de la Russie & de l'Angleterre contre la France, mais au fond Metternich sera fort aise de notre rapprochement avec Londres. Je crois que j'ai deviné votre troisième parti. C’est ne rien faire. On m’y parait assez disposé ici. C’est plus sûr ; ce n’est pas bien grand ! Ah que les choses auraient pu être mieux menés avec d’autres diplomates que ceux que vous employez à l’étranger.
Vous voyez bien que je vous dis à peu près rien. J’aurais tant de choses à vous dire de près. Savez-vous ce qui me chagrine c’est que si nos relations restent aussi aigres qu’elles le sont dan ce moment, Pahlen ne reviendra pas, & que Médem se prolongera ici indéfiniment. Or, pour moi, j'aime bien mieux Pahlen que Médem. Je suis charmée de ce que vous me dites de votre santé aujourd’hui et cependant je persiste à croire que vous habitez un lieu qui ne vous vaut rien parce qu'il est trop entoure de bois, trop humide. Je sais indirectement, que mes fils seront à Londres dans quinze jours ou trois semaines au plus, que Paul y passera l’hiver, et qu’il retourne en Russie au printemps prochain. Alexandre pourra être à Paris vers le 1er Novembre. Avez-vous lu l’ordre du jour de l’Empereur à Borodino ? On est prodigieusement blessé ici. En général tenez pour certain qu'on est de bien mauvaise humeur. Le Roi restera à Fontainebleau assez de temps encore. Après il retournera à St Cloud et ne prendra ses quartiers d’hiver que le 1 Novembre. Les enfants d’Espagne vont à Fontainebleau aujourd'hui pour y rester huit jours. Le maréchal ne revient ici que dimanche. La diplomatie reste donc en vacances. Adieu. Adieu. Au revoir. Je ne sais pourquoi ce mot se trouve là. Il a coulé de ma plume sans ma volonté.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
252 Paris Mardi 27 août 1839

Le médecin veut absolument l’essai au moins des bains de mer, et il veut que je m’y rende le plus tôt possible. Quel jour pourriez-vous venir à Rouen ? Delà je vous mènerais dans ma voiture à Dieppe. Vous resteriez avec moi, chez moi, quelques jours. Tout cela me parait si facile ! Répondez-moi. Il se peut que je parte déjà samedi ou dimanche. Je vous dirai cela. Ne pourrait-on pas ignorer que vous allez à Rouen ? Car je n'aimerais pas les journaux. Je ne dors pas, je ne mange pas, ah j'ai bien certainement une pauvre mine, n'espérez pas le contraire.
J’ai vu hier Appony & Médem. Je sais à peu près tout. Le premier est glorieux, et il perce dans les récits la petites satisfaction de nous croire un peu humiliés, ce que je ne relève pas du tout des paroles de Médem. Nous ne demandons pas mieux que de voir la querelle entre les deux Barbares terminée, et nous agirons avec les autres pour cela, mais rien que cela. Nous ne voulons pas que sur ce point la conférence s’établisse à Vienne. Nous la voulons à Constantinople. Hier il paraissait que les quatre la feraient à Vienne sans nous. Voilà ce qui n’ira pas à moins de se brouiller avec nous. Nous verrons. L'Angleterre et l’Autriche n’offrent à Méhémet Ali que l’hérédité de l'Egypte, quelle bêtise ! L'Angleterre veut qu'il rende la fiotte de suite. S'il refuse, qu'on rappelle les Consuls d’Alexandrie. S’il persiste encore dans son refus, que les flottes alliées s'emparent de Caudie. Je ne vois pas que vous puissiez vouloir tout cela. Encore une fois nous verrons.
Le Roi est parti fort tranquille sur la situation. Vous avez fait je vous en demande pardon, une bêtise en déclarant par hâte que vous entrerez dans les Dardanelles si nous entrions dans le Bosphore. Il est évident que c’est l'Angleterre qui vous a mis en avant ne voulant pas le dire elle-même. Nous avons répondu que dans ce cas nous rappellerions notre Ambassadeur de Constantinople regardant cela comme une rupture de notre traité par le Divan. Et puis la guerre. Vous voyez bien que vous ne la voulez pas et que ces propos là étaient fort inutiles. Vous vous êtes montrés satisfaits et même reconnaissants de notre réponse si franche, et vous y avez reconnu une nouvelle garantie de paix. Tout cela est drôle. Adieu, adieu. Je meurs de fatigue, marcher dans la chambre me fatigue ; mais adieu ne me fatigue pas encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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237 Baden le 9 août 1839 5 heures

J’ai passé ma matinée en écritures. Je leur ai même sacrifié mon sommeil de midi et ce n’est que dans ce moment-ci que je pense venir à vous. Montront m'a fait la désagréable surprise de partir ce matin. Il s’est fort ennuyé à Bade. Il dit que moi j’y faire des parties de dormir, que Mad. de Talleyrand qui a un très bon cuisinier s'enferme avec lui à double tour, qu'on mange horriblement ici, que pour voir les gens il faut se lever à 6 heures du matin, tandis que c'est alors ordinairement qu'on les quitte, qu’il y a trop de Princes, et puis qu’on lui vole son argent dans sa poche. C'est vrai, hier en plein salon on y a pris 16 Louis. Tout cela ensemble fait qu'il s'en est allé, il dit qu’il trouvera bien plus de connaissances au café de paris.
L’Autriche et la Prusse donnent raison au roi de Hanovre et lui accordent de retourner à la constitution de l'année 1819. La Diète va aller aux voix, et la majorité pour lui. Les états constitutionnels voteront contre. La lettre de M. St Marc Girardin dans le Journal du Débats du 6 est très bien faite. Je cause beaucoup avec le Prince Guillaume, et il me plait toujours davantage, des lettres de Constantinople du 23 juillet disent que les restes de l’armée Turque se sont débandés. Il n’y a plus de troupes dans l’Empire ottoman que 3 régiments à Constantinople !
Voici votre N°236. Je vous remercie de vos observations sur le Capital. Il me semble que mes interrogations à Bulkhausen sont si précises qui je ne puis pas m’être compromise. Voici la copie, dites-moi si je dois l'envoyer à mon frère. Il est clair que s'il n’y a que moi qui peux lever le Capital, qu'il m’appartient en entier ou qu’il ne m’en revient que le quart l’opération est toujours la même. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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221 Baden, Vendredi le 19 juillet, 1839 4 heures

Je n’ai pas eu un moment à moi depuis que je suis levée. Je m’occupe des réponses à mon frère. Je ne veux rien oublier afin que là on n'oublie rien, c’est long, c'est ennuyeux, mais c’est nécessaire. Et puis j’ai eu une longue visite de M. Humann. Il me plait. Il a l’esprit fort net, et il s’exprime bien. On m'a toujours dit que je sais faire causer les gens. En effet je l'ai beaucoup fait parler, et il n’y a pas une de ses opinions sur les choses et les personnes que je n'ai fait sortir de lui ce matin. Il n’applaudit pas trop à ce qui se passe à Paris. Il voudrait vous et Thiers aux affaires. Le 11 octobre lui parait le bon temps. Le seul bon temps depuis l’année 30.
J’ai passé une mauvaise nuit et comme il fait très chaud aujourd'hui je ne suis pas sortie comme santé je suis plutôt mieux que plus mal. Le médecin veut que je reprenne les bains cela me parait absurde. Il est parfaitement clair qu'ils m'ont fait du mal. Ils m'ont affaibli, ils m’ont fait maigrir. Il les veut froid maintenant, mais ai-je assez de forces pour tous ces essais ?

5 heures Voici votre n° 220. Je suis triste de penser que vous allez vous éloigner de moi, et il faut que je songe à toute la joie que vous m'aurez. (C'est mal tourné, c’est égal) pour me combler un peu. Dans ce moment vous êtes bien content, & moi je suis bien seule, toute seule avec un gros orage sur ma tête. L’allocution du Pape sur l'affaire des Évêques en Prusse est une pièce très remarquable. La brèche est sans remède. C'est à l’Autriche que le roi de Prusse doit cela. Elle se venge par Rome des traités de commerce. Adieu. Adieu, cet adieu vous arrive un jour plus tard, et moi comme je vais être retardée ! Que cela me déplaît. Il me semble que c'est aujourd'hui que nous nous séparons vraiment. Adieu. Adieu.

Auteur : Darcy, Hugues-Iéna (1807-1880)
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[...] J'ai lu votre 3e volume avec l'émotion passionnée que vous savez. Mais je ne suis pas sûr que M. Th. accepte ce que vous avez dit de ses traditions et de son milieu politique, du même de son initiative en matière de lois de répression. (p. 290 et 245). Je crains aussi que M. de Broglie ne soit pas franchement satisfait d'avoir été moins habile qu'il n'aurait pu l'être avec la chambre, le Roi, m. de Talleyrand et M. de Metternich. (p. 328, 333 &) mais il est vrai que si les mémoires contemporains n'étaient que des cassolettes de parfum, si la vérité, même voilée et discrète, n'y pouvait trouver place il n'y aurait pas de mémoires possibles. [...]

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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122 Val Richer, Vendredi 21 Juillet 1854

Sacy (ou son rédacteur) a eu certainement tort ; la liberté des cultes existe en Russie ; elle a même, depuis longtemps été l’un des mérites de votre gouvernement, et l’un de ceux dont on l’a et dont il s'est avec raison, le plus vanté. Les Débats n'auraient pas eu tort s'ils avaient simplement dit qu’en sa double qualité de chef de la religion grecque et de souverain absolu, votre Empereur avait fait souvent, dans l’intérêt de l’unité de son pouvoir religieux comme politique, de la domination et de la propagande tyrannique, aux dépens des cultes non-Grecs de ses états Catholiques, Protestants, Juifs, en ont souffert et s'en sont plaints. Vous vous rappelez les religieuses persécutées, les Jésuites bannis, les Provinces Baltiques tracassées, les Juifs de Lithuanie transportés en masse. Il y a eu certainement là de quoi réclamer au nom de la liberté religieuse. Mais on ne s’inquiète jamais assez de savoir la vérité des faits et de ne parler que dans la mesure de la vérité. Je comprends qu’on se préoccupe des lenteurs de l’Autriche ; je n’y mets, pour mon compte que très peu d'importance ; je suis de l’avis de Gréville ; à cause de la Prusse, l’Autriche ne peut faire autrement. Le dénouement sera le même : ou bien vous vous déciderez à faire la paix, une paix désagréable pour vous, mais nécessaire, ou bien l’Autriche prendra décidément parti contre vous et la Prusse elle-même un peu plus tard. Au point et dans le courant où sont les choses, cela me paraît inévitable.
C'est étrange qu'Orloff ait été si insolent avec l'Empereur d’Autriche de deux choses l’une ou le comte Orloff n’a pas autant d’esprit qu’on lui en donne, ou s’il n'a fait qu’agir selon les instructions de votre Empereur, votre Empereur s'est bien trompé sur le caractère et la situation du jeune souverain auquel il avait affaire. Infatuation ! Infatuation. C'est la maladie des jolies femmes, des peuples en révolution et des souverains absolus. J’aurais certainement pris plaisir à causer avec votre jeune Prince de Nassau. Je me le rappelle, très bien. Ces deux ans passés à parcourir l’Amérique du nord, lui font honneur.

Onze heures et demie
Rien dans les journaux, ni du Danube, ni d’Espagne. Deux lettres de Paris qui ne m’apprennent pas. L'Impératrice n’est pas grosse puisqu'elle va prendre des bains de mer. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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116 Val Richer, Mercredi 11 Juillet 1854

Si j'étais un Russe un vrai Russe, bien Moujik et bien grec, je serai un peu choqué de ces promenades de divertissement de la cour pour aller lorgner la flotte Anglo-française. Je ne regarderais cette flotte que de travers et je n'en approcherai qu'à coups de canon. Mais c'est l'affaire de votre Empereur ; il sait mieux que moi ce qui choque, ou ne choque pas les Russes.
Le Bulletin d'Havas parle des nouvelles hésitations du Roi de Prusse et de ces tentatives pour que la réponse de votre Empereur aboutisse à une nouvelle négociation. Mais il en parle sans colère presque ironiquement et comme ayant la certitude que tout le petit travail sera vain, et que la Prusse sera entraînée jusqu'au bout, à la suite de l’Autriche, dans la politique Européenne. Cela me paraît probable.
Avez-vous remarqué l’article du Constitutionnel d’hier mardi, signé Granier de Cavaignac, et intitulé caractère actuel de la question d'Orient. Il en vaut la peine. L'idée qu’il développe, est déjà et sont de plus en plus le lieu commun de la politique dans nos provinces.

Jeudi 12
Je dis comme vous, cela ne valait pas la peine de vous être envoyé hier. Je mène ici une vie très douce, entouré d'affection et de soin ; mais vous me manquez, vous et votre conversation, bien plus que je ne vous le dis. Tantôt j'ai l'esprit trop plein et il m'irrite de ne pas vous avoir là, pour la mettre en commun avec vous à tantôt je languis et je m'endors dans ma solitude. J'étais hier dans un accès de langueur.
Nous voilà dans une nouvelle attente de courriers et de réponses entre Vienne, Berlin et Pétersbourg. Cela n'aboutira pas ; les négociations incertaines peuvent réussir au commencement où à la fin des grands événements, quand la sagesse est encore écoutée ou quand la lassitude, est déjà venue. Mais nous n'en sommes ni à l’une, ni à l'autre de ces deux époques. Pendant qu’à Vienne on écrit, et on reçoit encore des lettres, 6.000 Anglais de plus partent de Southampton pour la Mer Noire et 10.000 Français de Calais pour la Baltique. C’est trop d'efforts et trop de forces pour que le vieux savoir-faire du Prince de Metternich arrête tout cela. Mais il peut bien en résulte que les grands coups soient remis à l’année prochaine. Pourtant, j'en doute. Il y a encore cette année, trois mois de guerre.
On pense comme vous à Paris sur les affaires d’Espagne, malgré la retraite des insurgés, on ne les trouve pas très rassurantes. Que signifie ce que je vois dans les journaux anglais que votre grand Duc héritier est très malade, rapid decline ?
Si vous ne pouvez pas avoir de logement à Schlangenbad, pourquoi ne resteriez-vous pas à Ems tant que vous y aurez une société et un peu agréable. Je vois que vos petites soirées de musique vous plaisent. Gardez-les, même quand [manque une page]
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