Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Jeudi le 10 Juillet 1851

Vos lettres sont toujours intéressantes. Et les miennes. Quelle pauvreté ! Je me suis fort ménagée hier. Le temps était froid. J’ai vu le médecin d’Ems, il ne trouve pas que je doive suspendre les eaux. Mon indisposition ne sera rien.
Hier soir le Prince George de Prusse et Duchatel. Pas gai du tout. Le prince est très raide & lent. Mais nous lui croyons de l'esprit. Il en a sur sa figure. Duchatel ne s’est pas amusé ni Marion, ni moi ; cela ira mieux. Il me semble que Beauvais a parfaitement réussi !
Je reçois vos lettres à 7 heures du matin. Je crois vous l’avoir déjà dit. Les mêmes porteurs à la même heure ce qui fait qu’elles doivent être mises à la poste la veille avant 6 heures du soir. Quels sots arrangements.
Les enfants du Roi des Belges arrivent je crois aujourd’hui. Ils ont pris tout l’hôtel à côté du Panorama. Je suis bien fâché que le roi lui-même ne vienne pas. Montebello avait promis à Duchâtel de lui écrire de Londres. Il ne l’a pas fait, cela le fâche. J'écris à l'impératrice sans trop savoir quoi. Ma scribomanie.
Adieu. Adieu Duchâtel trouve que cela vous irait très bien d’être catholique. Je ne trouve pas.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Mardi le 8 Juillet 1851

Votre lettre fait ma journée Je n’ai donc rien à vous dire de plus que je ne vous disais hier. Les verres d’Eau, le bain, la promenade, Duchatel & sa femme. Ah, Le prince George de Prusse neveu du roi. Jeune homme sérieux et agréable, mais qui va partir. Je suis curieuse de Londres, Montebello a promis à Duchâtel de lui écrire de là. Je suis honteuse je n'ai rien à vous dire du tout. Il ne vaut pas la peine de vous envoyer cette lettre. Elle restera jusqu'à demain.
Mercredi 9 juillet. J’espère que vous ne me gronderez pas de vous avoir manqué un jour d’autant plus que hier ressemble à aujourd’hui avec ceci de plus que je suis fort dérangée dans ses entrailles ; le dîner est détestable et cela me cause de vilains mouvements de bile. Je vais essayer aujourd’hui les talents d'Auguste. J’ai peur que cela n’aille pas. Voilà mon seul souci d'Ems.
Comment n'avez-vous pas encore reçu dimanche ma lettre de Cologne de vendredi ? C'est étrange. Dites-moi, ou répétez moi, si vous l'avez reçu ou non. Cela m'importe, car j’avais écrit d’autres lettres de là. Duchatel n’est pas reçu hier soir. Lui aussi a ces mêmes accidents que moi, et de plus un peu de fièvre. Il est mieux ce matin & reconduit sa femme à Coblence.
Le comte de Chambord a parfaitement raison de ne pas risquer Londres. Quel plaisir pour moi de lire M. de Maistre, & quel remord ! Quelle honte ! Tous les soirs chez moi pendant tant d’années et ne me souvenir que de sa figure. Certainement je n’ai pas de l’esprit naturellement. On m'en a donné un peu, et bien tard ; et pour être tout-à-fait vrai je crois qu’il ne m’en est venu un peu qu’à Paris et depuis 14 ans. Il fait très froid ici 8-10 degrés pas davantage,
Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris vendredi le 16 Mai 1851

C’est très ennuyeux d’avoir à vous écrire. C’est plus ennuyeux encore d’avoir pensé à vous hier tout le jour. Quand vous êtes pris je ne m'occupe pas autant de vous. Expliquez cela, arrangez cela. Point de nouvelle à ce qu’il me semble. J’ai vu le matin le Prince Paul Montebello, Lord Holland des Russes. Un comte Koutouzoff bien bel homme. Le soir Dumon, Meradi, Viel Castel, Meradi charmant. Thiers est de bien mauvaise humeur. Assis à la Chambre à côté de Heeckeren. Un député les appelle les débris qui se consolent. Thiers trouve débris très impertinent. L’interlocuteur dit : " Glorieux débris dès 18 ans. "
Je vous redis des bêtises. La Duchesse de Parme va à Naples avec injonction de voir les d’Aumale. Puisque vous ne m'avez pas dit cela, je vous l’apprends. Lady Allen croit que le Ministère tiendra. Stanley le désire. Graham au con traire voudrait que Stanley le remplaçât tout de suite, afin que son tour à lui, Graham vint plutôt. La duchesse d'Orléans boude lady Allen, & ne l’a pas vue encore. Joli retour des ardeurs de lady Allen.
Le message Marzini fait du bruit. Je n’y crois pas du tout moi. Mes petites amies ont passé leur soirée hier chez Thiers. Elles l'ont trouvé en très bonne humeur croyant à la prorogation du Président peut être à sa perpétuité. Paul de Ségur était là. Charlotte Rothschild se moque de la fusion et ne croit à rien. Mais elle est en grande haine de l'Elysée. Elle veut un Dictateur. J'espère que me voilà suffisamment commère. Adieu et demain encore Adieu.
G. Viel-Castel ne savait rien du Portugal. En y pensant bien je ne crois pas du tout à l’abdication de la reine ou à sa chute. L'Angleterre la soutiendra.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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26. Schlangenbad le 29 juin 1852

L’Impératrice est venue chez moi ce matin. Elle y a passé une heure et davantage. Long tête-à-tête où nous avons causé de tout. De son côté tant d’intimité, de bonté, de confiance, d'abandon. Un esprit si sérieux, une âme si élevée, si adorable. Je ne puis assez-vous dire combien j'ai pour elle de tendresse & de respect sincère. Si vous aviez pu écouter. Vous auriez été frappé & charmé de ce naturel, cette grâce d'esprit et de coeur rare dans toutes les conditions, unique dans le rang qu’elle occupe, moi je n’ai pas l’honneur de connaître une femme qui ressemble à l’Impératrice s'il y en a qui lui ressemble.
Au milieu de tout cela l’intérêt de ma vie n’a pas été négligé, & j'ai toutes les garanties possibles. Je suis bien contente d’être venue. Précieux souvenir & sincérité pour l’avenir.
Mais mes forces ! Pauvre, pauvre santé. Enfin, je retourne à Paris ; c’est là que vous allez m’adresser vos lettres. Constantin est arrivé aujourd’hui. Le roi vient chercher l’Impératrice après demain. Outre Stolzenfels où nous passons deux jours, nous irons dans un autre château Barath. C'est le 4 que je me sépare de l’Impératrice. Adieu. Adieu.
Toute la journée j'ai du monde je n’ai pas. un moment de repos, & j'ai tant de besoin d'en avoir. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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21 Schlangenbad le 24 juin 1852 Jeudi

Pendant que j’étais chez l’Impératrice ce matin, à trois, elle la grande Duchesse & moi, on m’a apporté un billet de votre petit ami qui était venu me voir. J'ai fait attendre longtemps. mais je l’ai vu à la fin. Je ne lui ai pas donné de lettre. Vous le verrez mardi et vous recevrez ceci je pense dimanche ou lundi. Il vous dira verbalement quelque détails de la vie que je mène & de la mine qu'il m’a trouvée. Elle n’est pas belle. Je suis bien fatiguée, quand tout ceci sera passé & que je pourrai me reposer c’est alors que je me sentirai abattue et faible car à présent encore l’intérêt de la situation, the excitement. me soutiennent. Pas l'isolement, l'excès contraire.
Pourvu que Aggy m'épargne cela, ici à Paris n'importe. J’attends de Clothall demain une lettre qui me fixera sur mon sort.
L’Impératrice prend goût aux choses que je lui lis, cela nous mène à des conversations très intéressantes. Elle sait bien des choses, & sa mémoire est prodigieuse, & son bon sens aussi. Ces séances du matin, me plaisent beaucoup. La soirée se passe bien aussi très bonne conversation. En tout l’Impératrice dont vous savez que je pense si bien, surpasse encore l’opinion que j’avais de son esprit, de sa bonté de son tact délicat et fin. C’est une personne très supérieure. Comme le mérite modeste est rarement connu et comme c’est celui-là que j’aime.
Aujourd’hui se fait à Bibérich la rencontre entre l’Impératrice et le roi Léopold. Je n’y vais pas car je ne vais nulle part et je crois que Meyendorff n’en sera pas non plus, je le regrette. Il a une migraine affreuse.

5 heures. Voici votre petit 21 qui me désespère. Vous ne recevez pas mes lettres. Que puis- je y faire ? Je ne conçois rien à cela. Les vôtres m’arrivent très régulièrement. Aujourd’hui j’ai eu votre lettre du 16 sans N° très curieuse, très intéressante. Merci merci, et Adieu mille fois.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 Schlangenbad le 21 juin 1852 Lundi

Je passe avec Meyendorff des heures charmantes, c’est une communauté charmante de souvenirs, d’intérêts, d’opinions. Nous cherchons sans le trouver le sujet sur lequel il pourrait y avoir dissentiment entre nous. Il faut absolument que je vous le montre, il en a bien envie aussi non pas de se faire voir car il est très modeste, mais de vous connaître vous & d’autres. Il faut que ce plaisir me soit donné. Hier l’Impératrice a été très fatiguée de la visite du roi de Wurtemberg C’est trop pour elle. Il lui faut de la distraction sans gêne. Je comprends cela, je l’apprécie & je le pratique comme vous savez. Elle s’est reposée & couchée hier soir et j’ai fait ma soirée chez ses dames. Toutes quatre sont très bien. (Mme Nélidoff la plus distinguée entre elles, une personne intéressante.) (Ne répondez pas à ceci.)
Les princes se succèdent et se relèvent ici. Il n'y a que cela de visiteurs. Tous sont polis pour moi et ne manquent jamais de venir chez moi malgré les rencontres deux ou trois fois le jour chez l’Impératrice. Il en résulte que j’ai extrêmement peu de loisir, quelques fois pas le temps de m'habiller car on commence dès 10 h. le matin. Pas de promenade du tout aujourd’hui, une pluie incessante.
Il me semble qu'Aggy viendra certainement me rejoindre, dans ce cas je n’irais pas à Paris, mais l’incertitude m’est bien désagréable. Il me parait difficile d'échapper à Stolzenfels. Si je retourne à Paris rien de plus simple, mais si je n’y vais pas, voilà qui sera encore bien fatigant. Enfin tout ceci doit compter pour une campagne. J'en rapporte des passeports, je serai biens payée, par dessus le plaisir de cœur qui est grand je vous assure. Adieu. Adieu.
Je suis un peu mieux de santé. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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10 Schlangenbad samedi 12 juin 1852

Mes conversations avec Meyendorff sont interminables. Il est curieux, abondant sur tous les sujets, esprit très universel, plein de science, & simple. & naturel, & de bon sens par dessus tout. Quel dommage que vous ne le connaissiez pas. Il vous plairait bien.
La soirée hier était plus nombreuse que de coutume. Les jeunes grands ducs d’abord & puis Oldembourg, Nassau les jeunes avec la jeunesse à une grande table ronde. La grande Duchesse Olga, Meyendorff et moi auprès de la couchette de l’Impératrice. Beaucoup de liberté de mouvements & de conversation, pas de gêne du tout, et elle toujours de bonne & gracieuse humeur.
Aujourd’hui grand baptême à Biberich. Les grandes toilettes y vont. L’Impératrice tient sur les fonds. Il n’y a pas eu de rencontre à Coblence. Je crois vous avoir dit que l'Impératrice a retenu ses fils ici un jour de plus, et Léopold a dû en répartir ce matin pour venir à Wisbade.
Plus je vois l’Impératrice, plus j’entends parler d’elle, ses dévoués qui ne sont pas des courtisans, & plus je me confirme dans l’opinion que je vous ai dite que c'est un esprit juste, profond, une âme très élevée et un coeur excellent. Peu démonstrative mais n'oubliant rien. On se sent en sûreté avec elle et je la quitterai l’aimant encore plus que je ne faisais en arrivant. Je crois.
Je fais cette réserve, car l’expérience m'apprend à ne plus rien croire d’avance. Je vous dis. Adieu sans un mot de nouvelle à ajouter. Adieu.
+ Il fait ici très froid, je n’ai pas le côté du soleil de sorte que j'ai recours aux cruches d'eau bouillante. Le beau temps est nécessaire à Schlangenbad. +

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 22 octobre 1850 Mardi

Je passais la soirée chez lord Grey le jour où lord John Russel portait le bill de réforme à la Chambre des Communes. Lord Howick écrivait de là à son père le billet suivant. the Mountain is in rupture the Tories are in a rage, our friends are astounded. J’ai ce billet. Vous voyez comme cela donne raison à ce que vous me dites de ce bill ? J’ai mené hier Hubner à Champlatreux, grande course en voiture.
[Breguey] a fait son effet à Berlin, la reculade est forte, cependant Hubner ne regarde pas encore la guerre comme impossible. Mais elle est invraisemblable. Il m’a dit si elle commence, nous ne nous arrêterons qu'à la Mer du nord & à la Baltique, il était consterné du régiment prussien donnée à Paskevitch, certainement sa cour n’a pas pensé à cette galanterie là. & elle ira droit au cœur de mon Empereur. L'Empereur d’Autriche a une érysipèle au pied, mais on croit cependant qu'il pourra aller à Varsovie. Nous avons trouvé M. Molé fort peu au courant, il ne nous a rien donné et nous lui avons beaucoup appris. La visite & la rencontre à Ferrières l'ont consterné. Vous l'avez un peu guéri de ses méfiances, il les a reprises toutes. Il m’a questionné sur votre billet à Morny. Je lui ai montré ce que vous m'en dites. Cela l’a parfaitement défié & pacifié.
J’ai oublié de vous dire hier que M. de Montalembert est allé à Rome hier même, il avait passé la matinée. La veille chez le général Lahitte. Je ne sais si c’est en mission, Lahitte un mot disant son voyage ne m’a pas laissé cette impression.
Vous ai-je dit que dans une longue conversation que M. de Heckern a eu avec le roi de Prusse celui-ci lui a dit ces trois choses. Le Prince Schwarzenberg ne connait pas l’Allemagne moi je la connais. La Hesse, voyez-vous, c’est mon nombril. Je ne souffrirai pas qu'on marche dessus. Et sur l'observation de Heckern vous aviez avec vous la Révolution. Bah, il n’y a plus d'électricité. La révolution est finie. Quand je dis que Molé en n'a rien appris. J'oublie Salvandy qui venait de le quitter revenant tout frais d’Allemagne. Dans le ravissement de Frohsdorff, la comtesse de Chambord est même belle, on a menti en disant qu’elle ne l’était pas. Ils étaient à déjeuner lorsque les journaux arrivent avec la circulaire. Le Prince abasourdi. Le duc de Lévis [Ditto] & tous deux prévoyant le parti qu’on en tirerait, & se perdant en conjectures pour deviner comment & qui. Molé crois d’après ce qui lui est revenu que c’est M. de Saint Priest accouchant de cela à Paris. La Comtesse de Chambord questionnant sur le comte de Paris, parlant de ceci avec attendrissement, & attendrissant Salvandy. Il a mandé tout cela à Clarmont.
Antonini est revenu hier de Bruxelles. Je l’ai vu le soir. Il a longtemps causé avec la reine. [Charmante], forte, droite, en train, parlant de tout, de bêtises mêmes dit Antonini, aussi une querelle d’un petit consul Napolitain. Le Roi lui a demandé de rester, ou de revenir, elle a dit qu'il fallait que les ministres le lui demandassent, ils l'ont fait, elle a promis de revenir. Le Prince de Joinville courbé, charnu, un homme de 55 ans. Le duc d'Aumale boitant, le duc de Nemours brillant. Le ménage Cobourg allant mal . Le Prince est retourné en Allemagne. La Princesse Clémentine partie avec la reine. Le roi Léopold très impopulaire. Et le sentant. Il a besoin de la reine Amélie pour le soutenir dans son pays ! Je vous ai tout dit & Je suis fatiguée. Il fait bien froid. Adieu. Adieu.

Encore un mot. Au moment de la mort Léopold a dit : " On a beau être incrédule à cette religion là, quand on voit mourir comme cela, on est ébranlé. " Vilain propos d'un lâche, et d'un courtisan, que n’allait-il à la messe après ? Molé ne croit pas au renvoi des ministres de la guerre, quoique cela lui ait été promis à lui même.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Vendredi le 27 septembre 1850

Ce mois de septembre est merveilleux. Quelle pitié de le passer à Paris ! J’ai vu assez de monde hier soir. Le général Lahitte, entre autres, qui me plait toujours davantage. Ses bonnes manières, sa belle figure, cet air honnête, sincère, assez de gaité dans l’esprit, rien de cet air de mystère ou d’importance que je déteste, l’esprit dégagé, tout cela me charme. Le duc de Noailles était ici aussi. Dumon, Viel-Castel. Quelques femmes. Rien de nouveau, si non la Hesse. La diète de Francfort se déclarant pour l'électeur, et promettant appui ; il en a besoin. Que va dire la Prusse, qui repousse toute intervention ? Cela peut devenir gros. Voici Fleischmann ; vous voyez qu’il protège peu les petits états. Lord Palmerston a écrit au général Lahitte une lettre de remerciements pour l'accueil fait aux Anglais à Cherbourg. M. Véron fait encore au jourd’hui un article remar quable. Il y a des choses excellentes. Pour la conclusion, je ne la comprends pas. Je n’aurai pas la patience d’attendre, ni lui non plus sans doute. Ce que vous me dites aujourd’hui sur la position du Président est très vrai.
Jugez que les Ellice sont ici depuis 8 jours, & que je ne les ai pas vus encore. Marion m’a suppliée de ne pas même lui écrire, d'ignorer tout-à-fait qu’elle est ici, jusqu’à ce qu’elle. vienne elle-même. Quelque nouvelle grognerie des parents. C’est fort ridicule à elle de s'y soumettre. Ils cherchent un logement et ne trouvent rien. Adieu & moi aussi, je ne trouve rien à vous dire. Adieu. Adieu.
Vous me renverrez Fleischmann. Je suis inquiète de Constantin. Il devait me répondre à une lettre. Il ne le fait pas. Je me mets en tête que son enfant est mort. Je prends quelque fois des idées qui me tourmentent comme des réalités. Sur ce point là il y a un peu de folie dans mon fait. Et une folie de plus, c’est de croire qu'en disant une pareille idée, cela détourne le malheur. Vous allez me trouver vraiment insensée.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Jeudi le 26 septembre 1850

Merci de vous inquiéter de mon fils ! Moi, il m’inquiète beaucoup. Dès avant Ems une ébullition sur la tête qu'a gagné la figure & plus tard tout le corps. Rouge écarlate. La fièvre est venue et revient tous les soirs. On lui prescrit un régime très sévère & un climat très chaud. Ses lettres me prouvent la contrariété qu’il en éprouve. J’ai chargé lady Holland qui est partie ce matin pour Naples de m’en donner des nouvelles bien souvent. Elle sera très bonne à cela. J’ai pris Kisseleff hier et je l’ai mené à Champlatreux. J’y ai trouvé la vicomtesse, le duc de Noailles, & le duc de Mouchy. Molé aussi consterné ou plus consterné que les autres. Noailles n'en revient pas. Le découragement le gagne, il est vrai qu'il y a là de quoi perdre toute envie de se mêler d’affaires qu'on gate à ce point là. Tout le profit de Wiesbade perdu & au-delà. Jamais on n’aurait inventé bêtise pareille. L’avis général et que c’est au profit de président s'il sait s'en servir. La bonne conduite serait de ne rien brusquer. L'alouette lui tombera toute rôtie dans la bouche. Le manifeste soit disant de l’église a fait beaucoup de bruit. Ce bruit est diminué par une sorte de rétractation. Mais on ne la trouve pas assez nette pour qu’il n'en reste encore beaucoup. Lahitte avait dit avant hier, que cela serait formellement démenti. On ne trouve pas que ce soit formel. Molé a mauvais visage. Il ne bougera pas de Champlatreux jusqu'à l’assemblée. Fort soucieux de l’avenir, très triste.
Ma course a été agréable ; je fais cela très vite en envoyant un relai, et j’étais dans mon lit à 10 1/2. Je verrai le duc de Noailles ce soir. Je crois qu'il retourne demain à Maintenon. Palmella a passé ici trois semaines dans son lit. J’ai voulu le voir, on a craint pour lui l’émotion, Il a dit à Païva. Un dernier plaisir pour un adieu éternel Il est mourant, et Andral l'envoie mourir à Lisbonne. Je suis très triste, sa lettre hier au moment de partir est fort touchante. Il n'y a plus de Portugais après lui. Esprit très rare, & homme charmant. Je vous envoie Fleichmann, brave allemand. Je n'ai pas encore lu le reste de la lettre qui est longue. Je vous l'enverrai. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 18 septembre 1850

Changarnier a été fort en train de confidences. Je voudrais pouvoir tout redire mais je vous dirai l’essentiel. Bien avec le président, & cherchant à le rester. Fort soupçonné par lui mais cajolé. Mal avec le M. de Laguerre. L’assemblée le renverra. Le Président se défend tous les jours d’avoir connaissance du 10 Xbre. Il y est jusqu'au cou. Dans sa tournée recueillant d'assez bonnes paroles du clergé de la noblesse & des paysans. La classe moyenne lui est hostile, (c'est tout le contraire de ce que vous croyez) très décidé à ne pas prolonger les pouvoirs du Président, mais plutôt à les abréger, en complète dissidence avec Molé sur ce point. Mais Molé est un poltron. Le président devrait comprendre que son intérêt est de servir une restauration. Mais il ne comprend pas. Il veut le pouvoir, & il ne le veut que pour avoir quelques chevaux de plus. Plein d’ardeur pour qu'on s’entende avec les légitimistes pour qu’il n’y ait qu’un seul cadeau. Il faut poursuivre mettre tout le monde à l'ouvrage, vous y êtes nécessaire, indispensable. Furieux contre Piscatory, il faut que vous le [?]. La Reine Amélie admirable & puissante sur sa famille plus que n'était le roi. Bien content de tout le chemin qu'on a fait. En pleine, en grande espérance, tenant tous les fils. Thiers croit qu'il me mène. C'est moi qui le conduit où je veux. Une femme entre cela, Mad d'Osne. Mais il lui cache déjà certaines choses. Je l'amènerai à lui cacher tout. Chacun croit me tenir. C'est moi qui tiens tout ce monde. Des questions encore sur Chambord.
La France a vu la ligue, la fronde. Après cela elle a eu un grand règne. Elle aura cela encore. Voilà à peu près l’essentiel. Mad. Rothschild tout le contraire à propos du Président. Il faut le faire durer. Jamais le petit commerce n’a été aussi content, &. Changarnier lui avait raconté tout ce que je lui ai dit sur le comte de Chambord. Elle m’a prié de recommencer. Parce que lui en avait été très frappée. En récapitulant tout Changarnier s'est montré plus légitimiste que je ne l’avais jamais vu. Car que signifierait sans cela sa grandissime colère contre Piscatory qui est allé prêcher à Clarmont une croisade contre les légitimistes.
Le 19. M. Molé ardent pour la fusion au moins autant que vous. Son thème pour faire des conversions est celui-ci : il n'y à que Henri V qui puisse raviver le régime parlementaire. Il développe cela très bien. C’est trop long pour moi, mais il dit que cela entraîne bien des gens. En grandissime et constante méfiance de Changarnier. Carlier qu'il venait de voir, lui a laissé clairement voir qu'on va, dès la rentrée de l'Assemblée, procéder à la prolongation. Carlier dit que les sociétés secrètes sont aussi actives que jamais. En relation avec les autres sociétés européennes. L'Angleterre très malade de cette maladie là. Les Allemands les plus actifs la dedans. Normanby parlant mal de Palmerston & désirant sa chute. Il l’a dit à Molé. Je crois vous avoir tout dit. Molé trouve que Changarnier me mystifie un peu. Après tout c’est possible.
Le 22. Je me souviens exactement du propos suivant de Changarnier. " Thiers a dit à la grande duchesse Stéphanie. Votre neveu est un sot. Il n’y a d'homme important en France que Changarnier, & Changarnier C’est moi. "

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 23 août 1850

Vous me parlez aujourd’hui du discours du Président à Lyon à peu près comment j’en pense. Il est très frappant & original. L'union y a répondu assez habilement. Cela n'empêchera pas que ce discours ne produise beaucoup d'effet, & un effet qui durera. J’ai oublié de vous conter que lorsque le comte de Chambord est arrivé à Cologne, il y a trouvé M. de Larochejacquelin & une cinquantaine de Français. Ils l'ont reçu avec des fanfares de la musique. Le comte de Chambord a dit " vraiment Messieurs nous avons un peu l'air de marchande d’Eau de Cologne ", et il a fait cesser ce bruit, mais comme il a remarqué que cela blessait M. de Larochejaquelin l'impressario il a ajouté " pensons les demains sur le bâteau à vapeur, cela nous fera passer le temps ". Vous voyez là du bon gout & du bon cœur. La lettre de Larochejacquelin montre bien du dépit. Je vous ai dit que c’est Berryer qui gouverne.

Samedi 24 août Le temps est atroce & si froid, qu'il y a vraiment de quoi tomber malade. Aussi je pars, au plus tard Mardi. Le duc de Parme m’a quittée. Des adieux très tendres. Me voilà réduite à cette vieille princesse hargneuse, c’est vraiment trop peu. Je n’en puis plus, il est impossible de s'ennuyer plus complétement que je ne m'ennuie et la pluie et le brouillard et tout cela glacé, & ni cheminés, ni poêles. Ah mon Dieu ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad vendredi le 23 août 1850

Le bon Fleichmann m'a quittée hier soir. Excellent homme, mais très [unitaire] beaucoup de détails curieux, très sensé et amusant. Le duc de Noailles me mande que Salvandy arrive Dimanche. Madame de La Ferté aujourd’hui. Tous les jours, foule nouvelle. Hier 60 nouveaux arrivés. Le duc de Noailles retourne à Paris Mardi. Il est très vraisemblable que nous ferons route ensemble. Mais je suis encore un peu flottante pour Bade. Aujourd’hui que j'ai bien dormi le courage me reprend. Mon incertitude me déplait pour vos lettres. Ce qui me paraît le plus sûr et que vous les adressiez à la rue St Florentin. Je donnerai là des directions pour le cas où je ne revienne. pas tout de suite. Voici ce qui est l'alternative. Je pars le 27 avec le duc septembre de Noailles, ou 7 septembre avec Paul Tolstoy dans ce dernier cas j'aurais fait ma [?] sur Bade.
Le temps est affreux toujours, j’ai eu bien du guignon pour ceci. La princesse Grasalcovitz va être ma seule ressource car je crois que le duc de Parme part aujourd’hui. Je suis curieuse de votre opinion sur le discours du Président. Je persiste à le trouver habile. On ne m'en dit rien de Wiesbade. Au reste je n’ai vu personne de là depuis et je n'ai eu qu’un mot insignifiant du duc de Noailles sur ces mouvements. Adieu. Adieu.
je n'ai rien du tout à vous mander de ces montagnes. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 20 août 1850

À mon retour de Wiesbaden hier j’ai trouvé ici vos deux lettres du 15 & de 16. Je vois que Trouville est noyé comme Schlangenbad. Je vous plains moins que moi ; j'ai besoin de chacun pour les bains chauds, et je prévois que sous le rapport de la santé et de la beauté ce séjour ne m’aura été bon à rien. La grande Duchesse arrive demain à Bierich ou Wiesbaden. Je lui ai écrit, j’attends ce qu’elle m’indiquera mais comme elle ne reste en tout quinze jours, ce sera vite expédié. Et alors comme il ne me reste à prendre que cinq bains. Je ne sais ce que je deviendrai. Il est possible que je m'en retourne à Paris avec le duc de Noailles. Nous verrons encore, vous serez prévenu à temps pour la direction à donner à vos lettres.
J'ai été hier faire visite à la duchesse de Noailles. Il y avait un petit coup monté pour m’en traîner plus loin. Je n'ai pas compris. Il y a eu au moins cinq ou 6 lettres écrites. Imperturbable, j’attendais mon dîner. On s'agitait autour de moi, enfin à 4 heures le comte de Chambord est venu faire visite à la duchesse de Noailles. Il est resté une demi-heure. Eh bien, tandis que le duc de Noailles maudissait le prince, moi je fondais en larmes. Voilà ce qui m’est resté de la vue de ce Prince. Les détails c’est trop long. Envoyez-lui ses ennemis. Quelle expression, quel visage ! Quelle attrape si le bon dieu a fait cette tête là pour rien ! mon émotion m’a étonnée mais c’est comme je vous dis là. Son aplomb, sa grâce sont remarquables. Et si naturel et si gai, et fin, charmant. J’étais si lasse en rentrant que je me suis couchée à 8 heures. J’ai renvoyé le duc de Parme. Molé écrit à son gendre que Salvandy va venir ici. Il le mande aussi que les nouvelles du roi sont bien mauvaises. Wiesbaden finit dans huit jours je crois. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad Samedi 17 août 1850

J’ai eu hier la visite du duc de Noailles & de M. Berryer. Ils sont venus à 3 h. & m'ont quitté à 7. Le duc de Noailles. est dans le ravissement, du comte de Chambord, il ne le connaissait pas. C'est de l’enthousiasme qu'il inspire d'abord, par sa superbe figure, à la fois de la grandeur, de la vivacité marquée par le bonheur. Ensuite sa conversation excellente, pleine de sens, de tact, voyant les choses par les côtés vrais et pratiques. Le fond parfait, susceptible de développement, mais dés à présent de l’autorité, une autorité naturelle simple. Noailles en est enchanté. Berryer bien content aussi. Il avait fait venir celui-ci à Hanovre en même temps que le M. de la Ferté (gendre de Molé) & Fernand de La Ferronnays. Ces deux-ci font chez lui le service de chambellan. Tous les trois demeurent chez lui & font partie, de sa suite, à tel point que Berryer a dû demander hier au prince la permission de venir me faire visite. Il y avait avant hier trente représentants à la soirée du comte de Chambord. Sur ceux-là 9 sont de la commission, je ne me suis rappelé que les noms de Benoist d’Azy, [Watis], [?] & Renneville. M. de Neuville gendre de M. de Villèle est là aussi et partageant l'enthousiasme général.
Larochejaquelin est parti avant hier sans dire adieu, mécontent de ce que le comte de Chambord aie donné toute sa confiance à Berryer. Quand on a annoncé hier matin son départ, le comte de Chambord a dit " j'en suis plus fâché pour lui que pour moi." Ce même jour il s'apprêtait à lui faire une forte réprimande. Il lui déplait fort de voir la discussion dans le camps de ses fidèles, et il exprime à toute occasion sa ferme volonté qu’on se conduise autrement à l’avenir. L’esprit le plus conciliant le plus patient, & le plus confiant dans l’avenir. On dit qu'il est impossible en le voyant de ne pas s’en croire certain comme lui. Une heureuse physionomie. La plus grande aisance, tenant son salon comme s'il était Roi depuis dix ans. Sa journée commence à huit heures. Depuis ce moment jusqu’à 5 heures, une audience après l’autre. Sans un instant d'intervalle, à 5 dîners de 20 couverts. Il ne se promène qu’après 7 heures jusqu’à 8, en rentrant réunion chez lui jusqu'à 10. Les dames tous les deux jours. Voilà le récit.
Berryer retourne à Paris le 22 je crois. Le duc de Noailles. restera peut être un peu plus longtemps. Le comte de Chambord part à la fin du mois. Ces Messieurs avaient ouï dire que la Grand duchesse Hélène venait à Wiesbaden tout de suite. Je m'en vais m’en informer, si cela était je serais dispensée d d'Ems. et j’irais la trouver à Wiesbaden. Mais je doute que cela soit ainsi. Mon rhumatisme va mieux mais le temps reste mauvais. On dit qu’on ne voit que des Français à Wiesbaden c’est bien autre chose que Belgrave square. Mad. Alexandre Girardin y est aussi. Adieu. Adieu.
On tient à Wiesbaden les meilleurs propos sur la famille d’Orléans.

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Schlangenbad le 15 août jeudi 1850

J'avais eu deux lettres hier. Je n’en ai point eu aujourd’hui c’est juste. Je suis mécontente de moi ici. Depuis trois jours un rhumatisme universel, et aujourd’hui par une gaucherie impardonnable le bain, froid, au lieu d’être chaud. J’ai poussé des cris d’horreur, j’ai fait ce que j’ai pu pour me bouillir plus tard mais cela n’a pas réussi. Le temps est affreux, pluie & brouillard.
La princesse Grasalcoviz est venue, elle n'apporte que des belles robes, voilà son contingent. J’ai eu une lettre de Berryer. Il reste à Wiesbaden jusqu'au 20. Il viendra me voir ici ; il voudrait que j’allasse là, je ne le ferai pas. Je ne sais rien. Thiers écrit à la princesse Grasalcoviz pour l'inviter à venir dîner chez lui à Bade. Il y reste jusqu'à la fin de septembre. Elle a la tête tournée de Thiers. Je lui pardonne d’être folle, mais elle est méchante. En y pensant un peu, quel drôle de spectacle que cette réunion de Wiesbaden, d'abord sans doute des intrigues, des querelles à cette cour. Comment Berryer & Larochejacquelin peuvent-ils aller ensemble ensuite, ou plutôt avant, tous ces représentants (on dit qu'il y en a 9 qui font partie de la commission du 25 chargée de veiller à la sûreté de l’état, aux institutions du pays), au lieu de résider à Paris, comme c’est leur devoir, sont là, grossissant la cour du prétendant. C’est fort singulier. Mais la république sera bonne fille, elle n'y fera pas attention, pas comme vous pour Belgraw Square, & certainement ceci est plus gros. Le 16. Triste journée hier. Malade, de la pluie, personne, pas même le duc de Parme, je crois qu'il était à Weisbaden. La princesse Grasalcoviz, Mad. [Malorte] et celle-ci est partie ce matin. Vraie perte pour moi, car elle est vraiment charmante, & m'a beaucoup soignée. Adieu, adieu. J'aurai certainement des visites intéressantes ces jours ci. Adieu.

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Schlagenbad le 14 août 1850
2 heures

Je ne me lève que dans ce moment. Le fils du duc de Noailles est venu me voir de Weisbaden. J'ai été obligé de le recevoir quoique dans mon lit. Il m'apportait une lettre de son père d'Aix en Savoie, qui s'annonce pour ce soir à Weisbaden. Il veut savoir où je suis. C’est très commode, je suis tout près. Le comte de Chambord a témoigné une grande joie quand il apprit hier que le duc de Noailles arrivait. Jules a été trouvé le prince à Cologne, il l'a vu arriver avec Berryer et autre qui s'étaient portés à sa rencontre à Hanovre. A Cologne il a simplement passé la nuit. Tous les Français ont fait la navigation du Rhin avec lui, à Weisbaden ils ont trouvé beaucoup d’arrivés de Paris. 9 ou 14 représentants (l'un ou l’autre chiffre j’ai oubliée) et entre autres Benoist d'Azy et quelques autres qui sont de la commission de permanence tous ravis du comte de Chambord. On dit une tête remarquable avec beaucoup de vivacité dans le regard, et une manière digne et charmante. Hier on lui a présenté M. Vezin représentant orléaniste je crois. Il accueille tout le monde avec beaucoup de bonne grâce. Tous les jours 20 personnes à sa table, la maison bien montée. Tous les deux jours soirée. Hier une centaine de personnes. Des dames. La duchesse de Noailles arrivée aussi avec son mari. Tout cela va faire bien du bruit. Probablement de la fumée. Berryer reste là encore. Le prince s’occupe tout le jour. Il n’est encore sorti qu’une fois pour se promener. Il a sa livrée et cela a bon air.
Voilà mes nouvelles de la ville voisine. J'ai bien peur que le duc de Parme ne m'ennuie. Il a l’air parfaitement heureux. de venir chez moi le soir. Il est très intime. Il ne manque pas d'esprit, mais il est un peu bruyant. Décidément je n’irai pas à Weisbaden, ma curiosité ne pourrait être satisfaite qu’en faisant savoir au comte de Chambord que je suis curieuse de lui, et cela je ne le ferai pas. On ne le rencontre pas à la promenade, ainsi je me passerai de le voir. Le 15. Vite je finis. Je me suis levée tard, je ne suis pas bien pardon pardon. J’ai eu deux lettres hier 11 et 12. J’ai peur de n’avoir rien aujourd'hui

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Ems le 8 août 1850

Quelle journée hier ! Pas un moment de relâche à la pluie et à une tempête effroyable. Mon fils même n’a pas pu sortir. J’ai vu chez moi la Princesse Lobkovic, le Prince de Chalais & cette petite dame russe nouvellement arrivée. Elle est spirituelle & nous a [?] intime dans les intimistes de la cour. Je vois dans le Constitutionnel une réponse à votre lettre. Je ne sais pas de nouvelle du tout. Je vous envoie la lettre d’Ellice. Vous savez que mon adresse est Schlangenbad Près de Weisbaden Duché de Nassau Allemagne. La Reine de Hollande passe aujourd’hui à Coblence, elle y fait venir la princesse Grasalcovic. Drôle d’intimité pour une femme d’esprit. De là la reine va à Bade. Vous verrez par la lettre d'Ellice que Thiers y sera. La duchesse de Modène arrive ici aujourd’hui (princesse de Bavière belle soeur de la duchesse de Bordeaux) ma grande Duchesse sera ici jeudi prochain. Moi je ne trouverai pas une âme à Schlangenbad.
La pluie continue ici, c’est désolant, si elle va de ce train à Schlagenbad, que devenir ? L'Empereur a appris avec une grande joie que le mariage de sa nièce s’est arrangé. Notre petit prince de [Meklembourg Stréliz] a fait ses conditions. Il veut bien vivre un peu en Russie mais il veut avoir un établissement aussi à Strelitz. Je trouve très bon qu'il ait tenu à sa volonté. L'Empereur a déjà envoyé des cadeaux superbes. Vous voyez que je n'ai rien du tout à vous dire. L'Eglise luthérienne de Wiesbaden vient de brûler tout entière. En attendant qu’une église grecque soit achevée, on avait déposé là le cercueil de la grande Duchesse, femme du duc de Nassau qui est morte en couche, heureusement, le cercueil a été sauvé ! Je finis sans pouvoir ajouter un mot qui vaille. Adieu. Adieu. Ems est bien laid depuis votre départ !

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Ems le 25 Juillet 1850

Si je ne me trompe, ou si l'on ne me trompe, Montebello est de la commission du 25. C'est une bien bonne nouvelle pour moi à condition que cela l'oblige vraiment à la résidence à Paris, mais je crois que ces messieurs se dispensent. J’ai été un peu souffrante hier. Le froid succédant à la chaleur ne m’a pas convenu. C'était hier le jour de naissance du duc de Nassau. Grande fête et bal. Tout le monde y a été. La princesse Grasalcowitch renonçant à sa promenade pour essayer des robes ! Est-ce possible ? Si je vais à Schlangenbad, ce que je crois tout-à-fait, ce sera le 8 août pour y passer quinze jours. Cela me ramène à Paris les derniers jours d’août.
Quelle tranquillité d'esprit dans la vie que je mène ici ! Sauf une demi-heure de conversation avec le Prince Paul il n’y a pas avec qui échanger un mot sérieux. Je crois que cela est très sain. Constantin m’apprend l'intérieur de Potsdam, et l’intérieur Impérial, dans celui-ci rien de changé depuis mon temps. Cependant bien des détails piquants. Sa femme ne manque pas d'une certaine finesse d'observation. Elle est remarquablement bien élevée, toutes les nuances de la politesse. Sous ce rapport elle me plait tout-à-fait. Ils restent encore huit jours auprès de moi. Elle a un tas de parents ici. Tout cela a bon air et grand air. Constantin trouve qu’ils sont trop nombreux. Je n’ai pas un mot de nouvelles. Aujourd’hui j'espère des lettres. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 23 Juillet 1850

Votre lettre ne me donne rien à répondre. Je n’ai pas de lettre d’ailleurs, les journaux sont stupides, & je le deviens. L'année va je crois finir paisiblement. certainement il y a progrès vers le bien partout. Et les rouges sont matés il faudrait bien des fautes pour qu’ils reprissent courage. Il y a beaucoup de nouveaux arrivés ici hier du Lobkowitz, des Windiesch-Graetz ; mais je ne les ai pas vus Je vous ai dit que je ne vais pas là où l'on se réunit, Maintenant voici la rage des parties. Cela ne me va pas non plus. J’aime ma routine.
La Princesse de Prusse cherche à attirer le monde. Aujourd’hui même elle vient tout près d'ici et on recrute pour elle des rencontres. Constantin a refusé net. Il ne veut pas la voir. Elle est trop ridicule et trop anti-russe. Si je pouvais la voir commodément cela m'amuserait assez mais Constantin me dit qu'à Pétersbourg on me saura plus de gré de ne pas la voir que de la rechercher. Ma nièce me plait davantage. D'abord elle est grande, ses yeux sont beaux, elle plait à tout le monde. Les petites princesses de Beauvais, qui sont toutes deux ses cousines en raffolent. Elle sait causer un peu de tout. Elle a de l'aplomb et de la modestie, de beaux cheveux, une jolie main, un teint magnifique. Elle tiendrait très bien ma table de thé. La Princesse [Crasalcovy] est ici avec deux perroquets. Elle a rencontré tout à l'heure chez moi le Prince Windischgraetz, celui qui a été blessé le jour même où on a tué sa mère. Joli jeune homme, mieux que les Viennois ordinairement. Thiers veut aller à Bruxelles chercher quelques renseignements historiques auprès du Prince Metternich. Voilà le temps chaud rêvé. Je me barricade.
Vous voyez que je ne vous dis que des bêtises. Un mot sur les Princes de l’union, le frère du Prince Albert à la tête. Quand la révolution a éclaté partout, ils ont renoncé volontairement à leurs douaires & les ont cédés à l’état contre une liste civile quelle conque. Mais le Saxe entre autre avait stipulé une clause, c’est que s'il venait à renoncer à la souveraineté les biens lui seraient rendus. Et bien aujourd’hui ils veulent tous être médiatisés, incorporés à la Prusse pour recouvrir leur argent. Voilà où en sont les princes de la Thuringe & ce qui les fait persister dans l’union. Vous voyez que je deviens savante peu à peu. Adieu. Adieu. Envoyez-moi mieux que je ne vous donne.

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Ems le 21 Juillet 1850

Le Prince Paul est revenu hier de Francfort. Il y a vu la duchesse de Kent qui lui a dit positive ment : "le ministère ne durera pas, c’est impossible, la reine me l'écrit." Je vous livre texte et auteur. Le Prince Emile me disait avant hier que pour le moment tout est rompu entre l’Autriche et la Prusse, mais cela n'inquiète personne. L’affaire du Danemark est assez embrouillée. C'est pour nous obéir et nous plaire que la Prusse a conclu la paix avec le Danemark au nom de l’Allemagne, maintenant il faut que les états allemands ratifient. Or, c’est une affaire très nationale & qui pique l'honneur allemand. L’Autriche est charmée que la Prusse ne soit un peu dépopulaire par là, et elle refuse de son côté de ratifier, pour se populariser à son tour. Nous allons nous fâcher contre l’Autriche. Voyez quelle confusion ! Notre flotte est là, mais il n’y a pas de troupes à bord.
Le mauvais temps continue. Je fais cependant mes promenades en voiture. A présent avec Constantin. Il a des récits curieux à me faire impossible de les écrire. On commence à Ems à être un peu trop curieux de me voir. Comme je ne vais jamais ni dans la promenade, ni dans le salon, on se fait présenter chez moi, & je commence à être très ennuyée de cela. Hier j’ai été d'une impolitesse remarquable même pour moi. Aujourd’hui je fais dire non aux gens qui demandent à venir. Ce que je vois habituellement c’est les petites princesses de Beauvale et la Duchesse d'Istrie. Le duc de Saxe Meneingen & Rothschild. A présent Paul de Wurtemberg for ever. Mais il ne m'ennuie pas. J'oublie ma princesse régnante, mais celle-là me fait rire à force de modestie & d'ignorance, et de bonne volonté !
Adieu, je suis fâchée de vous faire de si pauvres lettres. Je ne pêche rien dans le salon. Pensez-vous encore à votre projet de visite au Rhin ? Ou bien l'avez-vous abandonnée ? Répondez-moi, & si vous disiez oui, dites en un mot à Lord Aberdeen, en lui disant vos dates. Moi je reste ici jusqu'au 7. Le 8 je pars. Adieu. Adieu.

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Ems le 20 Juillet 1850

Nous ménageons l'Angleterre parce que nous avons besoin d’elle dans l'affaire du Danemark qui nous tient fort au cœur, nous ne voulons en général pas aller jus qu’à nous brouiller avec elle. Nous détestons à mort Lord Palmerston, mais nous ne ferons pas plus que des notes quand l’occasion sera bonne pour cela. L’Empereur n’a pas goût au Prince Scharzemberg, mais il le respecte fort & approuve grandement ses principes, il n’y aura pas de Parlement général en Autriche. Chaque état de cet empire se gouvernera par des états locaux, et on leur dira un mot du budget. Voilà tout. Quant à la question allemande. Il faut que l’Autriche renonce à y entrer avec la Lombardie & & On est loin de s’arranger encore, mais la Prusse & l’Autriche savent que l'Empereur ne souffrira pas qu'on se batte et on ne se battra pas ! C'est Constantin qui parle.
En Allemagne la révolution est finie, battue, voilà l’opinion du Prince Emile, et s'il y avait un peu d’intelligence parmi les gouvernants ils seraient très bien remis à reprendre toute leur autorité. Le Roi de Prusse vaut mille fois mieux que son frère, le Roi est loyal, spirituel, on l’aime. Son frère est borné & entraîné aujourd’hui bien au delà de ce qu'a jamais été le libéralisme sur la [ ?] de son frère. Tout ceci sur la presse en est confirmé aussi par Constantin. Deux bonnes autorités, & je crois.
Le prince Emile est charmant. Mais hélas il est venu me voir une heure, et puis il est reparti grand, grand dommage. Ma nièce est mieux que je ne croyais. Elle est grande, belle taille, bon air, mais le visage est grand & la langue grande, je n’aime pas cela. Elle a tout a fait l'habitude du grand monde, elle parle français à merveille, elle a du tact. Voilà toutes mes remarques. Constantin est engraissé. Sa femme est un peu maigre. Hier j’ai été fatiguée de toutes les visites princières, ils tous venus venus les uns après les autres. Bonnes gens, mais si bornés ! Je trouve les 3 mois de prorogation de l'Assemblée bien longs. Paris sera ennuyeux. J’espère au moins que ses 25 seront bien choisis. Adieu. Adieu. Je suis mieux aujourd’hui que je n’étais hier. Mais je crois que ces bains sont un humbug. Adieu.

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Ems le 19 juillet 1850

Vous me faites un tableau très frappant de la situation morale de votre pays, et tous les jours cela devient plus drôle. Ce qui est sûr c’est que tous les jours le Président avance. Il n'y a que lui qui soit quelque chose. J'ai eu des lettres de Londres aujourd’hui lady Allice, & Ellice. La première a été à Saint Léonard, elle trouve au Roi mauvaise mine. Il vient à Londres cependant pour la première communion du Comte de Paris demain. De là ils vont lui & la reine, à Claremont et plus tard à Richmond. La duchesse d’Orléans les y rejoindre après un petit séjour seule à St Léonard. Elle reste en Angleterre jusqu’en septembre. Elle montre une grande inquiétude qu'on ne prolonge les pouvoirs du Président. Elle dit que l’Assemblée sera certainement réunie au commencement d'octobre. Le reste de la lettre de Lady Allice traite de l’hésitation dans le parti Peel. Elle croit qu'il se décidera à rester parti séparé, portant son nom. Le [gouvernement] très faible, pas possible qu'il fasse une autre session. Ellice est assez noir aussi sur ses amis. Il dit que John a fait une grande faute de ne pas donner sa démission après le vote de la Chambre haute. Il serait rentré bientôt & plus fort. Aujourd'hui, il est très affaibli. Les comités lui sont tous contraires, & il n’y a plus Peel pour le soutenir. Le comité d’Économie a décidé que les seules ambassades existantes aujourd’hui Paris & Constantinople seront converties en mission avec 5000 £ de salaire. Le [gouvernement] résistera mais on ne sait pas s’il ne sera pas battu comme Ellice l’a été dans le comité. Un autre comité sur le gouverneur de Ceylan, Lord Torrington, s’est aussi prononcé contre lui. Lord John veut aussi le défendre, cela lui réussira t-il ? Voilà une lettre.
Constantin est arrivé hier. Curieux sur beaucoup de détails Je vous dirai demain ce que je pourrai vous dire, pour aujourd’hui je suis bien fatiguée et un peu malade. La femme de Constantin n’est pas jolie peut être que je découvrirai qu’elle l'est, la première vue n’est pas favorable. On me dit que le Prince Emile de Darnstadt est ici, mais pour quelques heures seulement. Je vous dis adieu. Adieu.

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Ems Jeudi 18 Juillet 1850

Hier une pluie battante, pas de promenade, misérable journée. Votre lettre est venue l’égayer, & deux autres de Montebello & Duchâtel. Ils me mandaient que tout tourne à l’Empire. Cela m’est égal, j’espère seulement que l'Empire me plaira autant que la République dont je m’accommode fort bien. Quel drôle de pays que le vôtre. On peut tout faire des Français. Ils sont charmants, ils ne sont pas grands. J’attends Constantin aujourd’hui. Il me dira quelques nouvelles. Je n’en sais pas une. 4 heures. Pas un mot à vous dire, point de lettre d'Angleterre. Des visites, pas de conversation. Le prince George de Prusse, neveu du roi est venu. Très timide jeune homme, mais quelque chose peut-être Adieu. Adieu. Vous trouvez qu’il ne vaut pas la peine de recevoir une si pauvre lettre. I cannot help it. La mésaventure de la reine d’Espagne n'aura pas déplu au Duc de Montpensier. Adieu.

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Ems le 17 Juillet 1850

Ah me voilà contente puisque vous l’êtes. Hier enfin j’ai eu ce qu'on appelle une lettre, je la méritais. Cette Assemblée me faisait d'ici le même effet qu’à vous. Je ne suis pas fâché de voir les assemblées devenir ridicules. Vous ne pensez pas comme moi à cet égard, et cependant vous devriez être guéri de votre passion.
J'ai eu une longue lettre de Marion. L'Angleterre est encore toute abandonnée à ses regrets et à son admiration pour Peel, les quelques paroles de Dupin, ont flatté, touché, charmé. La petite malice n’a pas été perdue non plus. Sir Robert a laissé à son fils aîné 22 000 L. de rentes of entailed property. 70 000 £ à chacun de ses autres fils, & 25 000 à chacune de ses filles. J’ignore le douaire de sa femme. Sûrement considérable. Le fils aîné se conduit à merveille. Marion fait une foule de réflexions spirituelles & sensées sur cette mort, et elle finit en me disant, qu'on ne sait pas bien encore si elle est, ou n’est pas un grand malheur. pour le pays.
La princesse régnante vient me voir à peu près tous les jours. Elle est dans une véritable angoisse, elle a peur de s'ennuyer, elle a raison. Hier elle me parlait de votre beau discours à l'assemblée l’autre jour. La Princesse de Prusse quitte Coblence pour aller résider à Bade où son mari commande l’armée. Je ne verrai donc rien de tout cela. Je vous réponds que je vous reviendrai aussi peu instruite sur l’Allemagne que j’étais partie. La politique des petits princes ne s'éclairera pas.
Marion me demande si vous avez lu " Sophisms on free trade by a Barrister " (Serjeent Byles) et comment vous le trouvez. On en est à la 8ème édition. On espère toujours renverser le ministère. Bêtise. J’ai commencé Albert de Broglie sur M. de Châteaubriand. Excellents sentiments, beaucoup d’esprit, la manière un peu lourde & quelque fois confuse. Je crois qu'il écrira mieux. En attendant ceci m’intéresse beaucoup. 2 heures. Le duc de Saxe Meiningen qui avait toujours été interrompu quand il commencent à me parler intimement des affaires allemandes m’a enfin trouvée seule aujourd'hui. Il est Prussien, il est pour un parlement allemand. Il dit que si on veut revenir à l’ancienne confédération il y aura une explosion générale. Il désire que l’Autriche reconnaisse cette vérité, & la Russie aussi. La paix avec le Danemark amènera indubitablement & tout de suite la guerre entre le Danemark & les Duchés. C'est une inextricable difficulté. Je vous ai dit tout Saxe Meiningen. J'ajoute que c'est un homme très sensé & parfaitement gentleman surtout. Je continue à me baigner & à boire. Je n'ai rien à dire de l’effet, cela me fatigue, voilà tout. Je suis toujours dans mon lit à 9 heures ce soir, & debout à 61/2 du matin. Adieu, Adieu.

J’espère que tous mes adieux vous arrivent. Je reprends une petite critique sur Albert de Broglie. Je viens d'achever. C’est charmant. Cherchez la 109ème page, et dites-moi, qui est l'homme aux Mémoires du 17ème siècle. Ce ne peut être St Simon qui écrivait encore sur la régence. Qui est-ce ? Je suis bête sans doute, mais je ne trouve pas.

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Ems Mardi 16 juillet 1850

Je deviens décidément unitaire allemande. Si l’Allemagne était cela, mes lettres vous arriveraient. Tous les petits états se passent leur fantaisies, c-à-d. que l’administration va comme il lui plait. Les postes ne sont pas réglées. Que faut-il faire ? Je n'en sais rien. Mes lettres m’arrivent, les journaux aussi, mais ce qui part d'ici n’arrive pas. Je vous ai écrit un mot par Strybon sans l’affranchir, peut être cela ira-t-il mieux. Je m’en vais remettre ceci à Rothschild. J’essaye de tout. Quel ennui. Vous, inquiet. Moi sans nouvelle. Car vous ne voulez plus rien me dire. Voici quatre de vos lettres sur une demi page pour vous inquiéter et vous plaindre. Je n’ai pas de lettres d’ailleurs ainsi pas un mot à vous dire, puisque je n’ai pas même à vous répondre. Je vous répète que je vous ai écrit tous les jours, tous les jours. Voici ma douzième lettre d’Ems, car je vous ai déjà écrit ce matin. Si je vous avais là que de choses à nous dire que d'observations à nous communiquer sur ce qui se passe.
Je pense toujours beaucoup à Peel. Décidément un grand caractère. Sa volonté d’outre tombe vaut mieux que tous les volumes de M. de Chateaubriand. Il veut que sa postérité reste roturière. C'est bien de l'orgueil. Cela plaira à tous les démocrates dans le monde. Je vois d'ici les grimaces de la belle marquise. Les Canning n'ont pas su faire cela. Mais encore les fois quel manque de tact d’offrir à la famille Peel la même chose, pas plus, qu’on n’avait offert à la veuve Canning. Canning beau parleur rien de plus. Belle comparaison ! Adieu car il faut finir. Quand me direz-vous que vous avez reçu mes nombreuses lettres où même une seule ! Adieu.

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Ems Vendredi le 12 Juillet 1850

Le froid continue, les averses aussi. On me fait prendre les l'eau cependant, & boire de l'eau. Cela ne me fait ni bien ni mal. Je me lève à 6 heures. Je me couche à 9. Je voudrais bien me coucher plutôt, car je meure d'ennui. Rothschild. Ma seule ressource ! Une demie heure tous les jours.
J'ai eu une lettre de Beauvale. Il me dit que John Russell a beaucoup baissé & Palmerston grandi. Aujourd’hui le Roi des radicaux, fausse position, car à l’intérieur il est bien moins radical que John. Les choses ne resteront pas comme elles sont mais personne ne devine quelle tournure elles vont prendre. Londres se disperse, & le parlement va se proroger. Montebello me tient un peu au courant de l'Assemblée. Il m'écrit de son banc et me divertit beaucoup.
Vos extraits de Londres & de Paris sont curieux. Tout cela tend à devenir de la grande politique ou plutôt de grandes affaires sérieuses. Nous verrons.

3 heures. Il y a eu des petits Princillons que j'ai connus jadis. Mari & femme, Prince régnant de Lippe, de Hambourg, Bukebourg. C’est bien long. Plus long que leurs états. Ils sont venus me relancer et comme je suis polie j’ai été leur rendre leur visite. Un Chambellan au bas de l’escalier. Le Prince en haut, la Princesse devant le vestibule. Des questions sur Paris. le général Changarnier a dit-on fait un superbe discours. J’espère que la comtesse de Chambord n’est pas grosse. Charles X se porte mieux à ce qu’on dit. Voilà exactement ma Princesse régnante. Ah quel lieu que cet Ems ! S'il y avait ici seulement la moitié du plus insignifiant de mes visiteurs du Dimanche ! Voyons, la moitié de M. de Flamarens ou de M. de Mézy. Adieu, Adieu. La pluie a cessé depuis un instant. C'est une nouvelle. Adieu encore.

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Ems jeudi le 11 Juillet 1850

Depuis dimanche il n’a pas cessé de pleuvoir. Je n’ai pas pu faire une seule promenade à pied, & il fait trop froid pour aller en calèche. Je bois l’eau dans ma chambre. Hier j’ai vu le Prince Paul & un Rothschild neveu. Et puis voilà toute ma récréation. Si vous ne me plaigniez pas à présent, je vous en dispense pour le reste de ma vie. Jamais je n’ai été si mal, & j’ai pris Ems et moi-même en horreur. Vous me dites hier soir ce que je vous disais le matin le Président durera plus que la République peut-être, mais avec ou sans elle il y restera. Vous savez que je m'en accommode fort bien, & que le présent état de choses me convient tout-à-fait, vu que j’ai l'honneur de n'être pas française.
Constantin & sa femme s’annoncent pour le 20. Ce sera quelque chose ; entre nous, pas grand chose. Mon fils Alexandre était une vrai ressource. Il sait tout, il connait tout le monde. C'est un puit de connaissances en toutes choses et très pratiques. Très bon observateur & très bon juge. Le commerce le plus doux. Mais il ne tient pas en place. Il lui faut des voyages, Castellamare ou les quatre parties du monde. Je n’ai pas eu une ligne de Lady Allice. C’est inconcevable ni de Marion. Montebello m’a écrit hier à peu près ce qu'on vous mande à vous. Les grands Burgraves ne vont plus à l'Assemblée. Par l'un d'eux j’en sais la raison. Il perd la raison pour Madame Kaledgi. Il est horriblement jaloux de Piscatory, & il va à la campagne regarder la Lune quand il y en a. Ne me faites pas de commérage.
Voilà ce pauvre duc de Cambridge mort. C'est bien des catastrophes coups sur coups, à commencer par le coup de canne à la reine. Je plains beaucoup la duchesse de Glocester, elle ne survivra pas longtemps à son frère. Elle le chérissait. Adieu. Adieu. Que je m'ennuie Adieu. Depuis trois jours le thermomètre marque 6 degrés de Réaumur à 9 h. le matin. Il n'y a ni cheminée ni poêle dans les maisons.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Lundi 8 Juillet 1850

Enfin deux lettres de vous du 3 & du 4. Une d’Aberdeen du 5. Le plus vif chagrin. Perte nationale. Ressentie par la nation toute entière, depuis la Reine jusqu'au laboureurs. Jamais ou n’a vu un deuil un chagrin aussi général. Le plus grand homme qu’ait eu l'Angleterre, & pour Aberdeen un ami de 50 ans. Il n'a pas cœur à me parler d’autre chose, ni à spéculer "on the probable consequences of this calamity in our political combination. The session of Parliament will be brought to an early termination." Vous voyez par les journaux toutes les démonstrations. Certainement tout cela prouve que vous et moi nous le mettions un peu au dessous de son mérite. Il n’y a rien à dire devant une opinion aussi universelle. Toutes mes autres lettres d'Angleterre me manquent. J’ai vu hier la duchesse d’Istrie & les deux petites princesses de Beauvale, celle qui est fille du Duc de Mortemart est fort gentille. Mon fils me quitte demain. C’est un grand chagrin pour moi. Aujourd’hui j’ai commencé à boire, par un temps pluvieux, & froid. C’est du guignon. Ah qui je vais m'ennuyer !
Je trouve bien bonne la dernière partie de votre lettre au sujet de l’institut. Je crois que les mois prochains vont être bien fades. Si les vacances de l’Assemblée sont longues il y aura de quoi s’endormir. Ici c'est l’occupation obligée de tout ce qui marche sur deux pieds. Vous ne vous figurez pas l'ennui de ce lieu. C’est pire que ce que j’avais craint. Adieu de peur de trop. vous faire goûter les plaisirs d’Ems. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 14 Novembre 1849

Voici votre lettre, & voici encore la mienne puisque vous m'ordonnez de vous écrire. Mais c’est bien la dernière. Que j'aurai de choses à vous dire. Hier tout le monde était charmé du verdict de Versailles, bon correctif à l'amnistie de la veille qui n’a pas fait grand plaisir dans le monde de la majorité. Le duc de Broglie m’a fait une longue visite hier. Je ne le trouve pas si désespéré, mais je lui en demande pardon c'est un suprême [?]. Il avait vu longtemps Lord Lansdowne, il ne m’a pas raconté ce qu'il lui avait dit mais il lui a parlé de Lord Palmerston comme il en pense. Broglie a chassé Kisselef qui était en train de me raconter sa matinée. Il avait été chez le président je crois que cela a été vif ; on n’aboutit à rien ici. J'ai été le soir passer une demi-heure chez Molé. Très curieux salon, pour moi, qui n'ai jamais été dans un salon politique à Paris. Rien que des députés, Molé resplendit. Il était très flatté de mon apparition. Cela a bon air chez lui, grand [?] et facile. Il m’a présenté M. de Montalembert l’extérieur n’est pas brillant. La conversation bonne, un peu tranchante, cassante, mais ses bons principes couvrent tout. Il y avait là aussi Larochejaquelin. J'ai causé un moment avec Changarnier, je ne l'ai pas bien compris quand il m’a dit qu’on entrevoyait quelque chose derrière le rideau. Broglie était là aussi, une foule d’hommes, en femme pas une, excepté Mad. de Hatzfeld. Il est vrai que je me retire de bonne heure.
A entre 7 et 8.
Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche 11 Novembre 1849

Hier une longue visite du chancelier. Fort cajoleur pour moi ; mais ne vous nomment pas. Il a aimé & servi tout les régimes. Il n’aime et ne sert plus rien. Il ne croit à rien. Il est très dur pour le Roi & sa race. La chute a été trop honteuse. Au fond la tête du roi était en décadence depuis l'année 41. J'ai manqué Molé hier il est venu trop tôt. Je n'étais pas rentrée. Je le regrette, je lui aurais recommandé ce que je vous ai prié de dire à Broglie à propos de lord Lansdown, du langage à lui tenir. Toute ma soirée a été prise par Kisselef. Nous sommes mutuellement contents l’un de l’autre. Mais il n’est pas tout-à-fait content du reste. Le décousu & les contradictions sont insupportables. On me confirme ce que vous dites de la mauvaise humeur & même de la violence de langage de Thiers. Ni lui, ni Molé n'ont revu le président depuis le message. La femme de Normanby se soutient à l’Elysée On y est ou on redevient très Anglais. C’est mal connaître son intérêt. Hübner est venu le matin ainsi causer longtemps avec moi. Il est positive ment très spirituel. La proclamation de Carlier met en fureur le National. C'est la guerre civile une moitié de la société en lutte avec l’autre, & c’est le gouvernement qui proclame cela ! Voilà le langage. Il finit cependant en recommandant de se tenir tranquille. C’est tout ce qu'il me faut. [...] J’espère que vous avez conservé votre bonne mine anglaise.
Midi 1/2 Je rentre de l'église & j'ai trouvé de vos nouvelles verbales, dont je suis très contente. Adieu. Adieu. Adieu. Quel plaisir de penser au plaisir de cette semaine !

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 Novembre 1849

C’est cela. Attendre un peu. Si cela ne se fait pas tout de suite ; vous venez. Sainte-Aulaire & le duc de Noailles ont dîné chez moi hier . Tous d'eux d’avis que vous veniez. Etonnés, que vos amis vous donnent un avis contraire ; cependant je dis ainsi attendez un peu. L’empire stationne. Il n’avance que lentement. Il faut s’assurer de bien des choses avant de le tenter. A la salle des conférences on ne s’entretient que de cela les rouges disent qu’ils reste ront armés de la Constitution et monteront sur les barricades pour la défendre. Les légitimistes préfèrent l'Em pire à la présidence décénale. Ils croient que l'Empire n'aura aucune durée. Ce que vous me dites aujourd’hui sur la situation et la conduite quoique sans conclusion est plein de raison et d'esprit. J’ai passé hier soir un moment chez Mad. de Rothschild qui part ce matin pour la Silèsie. J'y ai rencontré le gouvernement Changarnier. J'ai demandé à faire la connaissance. Je puis bien faire des avances à l'homme qui me fait dormir tranquille. Son extérieur est doux et peut être fin. Tout le monde. l'adore & l’accuse. Longue entrevue hier matin avec Kisselef 1 heure 1/2 entière confiance. Nous faisons une distinction marquée entre Paris & Londres, en pleine défiance de Londres. Très bienveillant pour ici. Content de Thiers, & le lui laissant savoir. Nous remarquons que la France s’est laissé un moment dupé par l'Angleterre, qui voyant poindre de l’intimité entre Pétersbourg & Paris a voulu la détruire en mettant en avant la flotte française. Je vous ai dit qu’elle est rappelée, mais ni Kisselef ni moi ne savons encore si c’est d'avoir avec l'Angleterre. J’espère que non. Il est très possible encore que Stratford Canning empêche à Constantinople ce que nous avons réglé à Pétersbourg nous avons explicitement dit à l'Angleterre comme ici que nous ne permettons à personne de se mêler de cette affaire. Je suis fort contente de tout ce que j’ai vu. L’Empereur est exaspéré des exécution en Hongrie. Ceci me revient par Londres. Aberdeen m'écrit que la presse anglaise revient à Palmerston, Morning Chronicle, même le Times. C'est bien dommage. Sainte-Aulaire m’a dit hier que les nouvelles d'Espagne étaient mauvaises. Narvaez succombera La petite reine joue son jeu, contre son mari, contre sa mère, contre son Ministre. Une perfidie sans exemple. Il me semble que je vous ai tout dit, les Normanby en grandes recherches pour moi. Mon quotidien est toujours Montebello. Excellent honneur et fort intelligent. J’ai vu Jaubert, qui est plein de dévouement, de respect pour vous. Et ce bon Thom à Paris pour quelques jours, qui veut que je vous dise son profond souvenir de vos bontés. Mad. de la Redorte me demande ainsi de vos nouvelles & Flavigny beau coup que j’ai rencontré chez Mad. Rothschild hier. Adieu. Adieu. Adieu.
Le duc de Noailles est pressé, pressant pour la fusion. sans elle on périt ; avec elle on est sauvé. Je vous redis. Il est fort éloquent sur ce point. M. de Saint Aignan est revenu de Clarmont porteur d'un blâme sévère du Roi de l’abstention. Il fallait voter pour la proposition. Le chagrin là est extrême. Ils voulaient tous revenir.

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Paris jeudi le 25 octobre 1849

Montebello est venu me raconter la séance d’hier en sortant de l’Assemblée. Broglie & Thiers ont absolument voulu s'abstenir. Le parti Orléans n’a donc pas voté. Pourquoi ? Cela me parait mal jugé. Montebello qui a été obligé de faire comme Broglie, en était tout triste et mécontent. Ils disent que c’est parce que Berryer a été trop légitimiste ! Berryer a fait de la belle et et bonne monarchie, il fallait voter avec lui pour cela, et même au lieu de cela, on se divise. Molé a voté avec la majorité, il a eu raison. J’ai vu hier des diplomates Fagel, les petits. Inquiets de l’Orient. Tous les jours cela m’inquiète davantage. J’ai vu aussi Edwards 1er secrétaire de l'Ambassade anglaise. Gêné, cachant ce qu'il pense ; ainsi disant " on ne rêve pas à des coups d’état. " Et c'est Normanby qui y pousse ; Je vois que Manin est arrivé. A propos de lui, voici ce que m'écrivait Beauvale en réponse à une lettre où vous me parliez de Manin il y a longtemps. Gardez cela pour me le rendre. On dit que Narvaez est décidément sorti des Ministères le 23, avant hier. J’ai été hier soir chez Mad. Swetchine, femme d'esprit et de sens & très doux. Société française qui ne me plaît pas du tout. Des femmes qui crient, et qui déraisonnent. Beauvale m'écrit qu'il y a des articles de journaux menaçants comme nouvelles de Pétersbourg. Il croit que c’est fabriqué. Moi et les autres russes nous avons de l'inquiétude. Les Russes sont venues hier chez moi notre dernier ministre à Turin, la princesse Wittgenstein & A propos, Annette est nommé à Turin. Neumann désigné pour Bruxelles. Le beau temps se trouble, je vais cependant tous les jours passés une heure au bois de Boulogne. J'entendais hier, je ne sais qui, dire chez Mad. Swetchine, que la majorité finirait par se fâcher des visites du président au faubourg St Antoine. C'était un député. Adieu. Je ne sais rien de plus que les journaux du matin. Quand nous nous parlerons comme nous serons bavards ! Adieu. Adieu. Le petit Willonghby est ici. Je ne sais comment tout cela se passe.

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Paris samedi 20 octobre 1849

Kisselef, Fagel, Rothschild, les Holland Montebello, d’autres insignifiants. Voilà pour hier. Je n’avais fait savoir mon arrivée qu’à Montebello. Celui-ci le plus curieux de tous. La crise est forte. Impossible de démêler ce qui en ressortira. Le président penche vers la gauche, il y tombera probablement. Montebello dit il n’y a plus d’hypocrisie républicain. On est monarchique & on s’en vante, tout le monde, moins les rouges & Dufaure, Cavaignac & & La séance d’hier, très importante. Victor Hugo l'homme de l’Elysée. Vous lirez. Montalembert. Superbe, sublime, courageux. La fin de la discussion amènera un changement de Ministre. Le président a été très mécontent du discours de Toqueville. Le public se passionnera peut être, c'est là ce qui me regarde, on me dit que je suis parvenue à temps. Qui peut m’en répondre ? Kisselef n'est occupé que de la Turquie. Moins noir que Brunnow, mais très troublé de ce que Brunnow le soit. Nous allons savoir la volonté de l'Empereur dans peu de jours. C’est la guerre générale probable ment. Normanby fait fleurir l’entente cordiale, très en train de pousser à la guerre. La situation du Président est toute changée depuis sa lettre à Ney. Elle lui a valu peut- être de la popularité dans le mauvais parti elle n’a pas augmenté son crédit dans le bon. Mais il parait qu'il est résolu à soutenir sa [?] Je trouve Montebello extrêmement monté, & perplexe. Son métier à lui est de faire de l'agitation monarchique (C'est lui qui parle) mais pour aboutir à quoi il ne sait quelle étrange situation pour tout le monde. Moi depuis que j’ai touché le sol de France je n'ai qu’une seule impression, un grand pays en déshabillé. Je ne trouve pas un autre mot. Voici votre lettre. Je suis fatiguée de tout. J’arrange c.a.d. pour être prête à répartir. Je ne songe pas le moins du monde à m’établir. Ce n’est pas le moment. Kisselef est bien de cet avis pour son compte aussi. Il ne sera ce que voudra Dieu, je suis triste. Adieu. Adieu.

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Boulogne Mercredi 17 octobre 2 heures

Me voici débarquée depuis une heure. Affreuse traversée tout le monde malade, moi compris. Je suis trop fatiguée pour poursuivre. Je n’irai à Paris que demain. Madame de Caraman & le Duc Kolb m’accompagnent tous deux très utiles. Je trouve ici de singulières nouvelles. Rupture entre le président et la majorité. A propos de Rome ! Hier matin j’ai encore vu du monde à Londres. La grande duchesse Stéphanie entre autres arrivée la nuit d’Allemagne. Elle était descendue au Clarendon. Bonne femme pas beaucoup d’esprit, et pas beaucoup princesse. La fille l’est davantage. Flahaut, Morny. Il se peut que Flahaut vienne à Paris. G. Delassort arrivé la veille. Assez noir sur son pays. Mon fils m’a établie au chemin de fer. Le raisonnement inquiétant de Brunnow est celui-ci. Quand on saura à Constantinople l'explosion dans les journaux anglais à la protection du gouvernement. Les Turcs ne deviendront insolents. Nous rappellerons notre ministre. L'Angleterre sera cause de tout ce qui peut s'en suivre. L’Empereur ne peut pas céder, on aurait pu le fléchir, mais c'est aux Turcs seuls à s’adresser à lui. En compagnie ils n'obtiendront rien.
Adieu. Adieu, je suis encore trop malade de la traversée pour savoir ce que je pense en me retrouvant en France. Je suis bewildered. Adieu. Adieu. Adieu. Voici votre lettre. Les Holland sont à Paris.

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Richmond Dimanche le 7 octobre

Metternich ne peut pas croire que cela devienne la guerre. Il croit que la Turquie aura cédé moi, j’ai peur que non, et comme je ne puis concevoir que l'Empereur se rétracte s’il est vrai qu'il a dit, extradition ou guerre, il y aura la guerre. L’incertitude durera encore près de 3 semaines de Pétersbourg doit venir tout. Je n’ai pas vu encore John Russell, il n’est revenu d' Osborne que cette nuit. Je le verrai aujourd’hui. Sa femme est venue chez-moi, très vive. Le Globe est d'une insolence sans égale. Il appelle l'Empereur insane. je ne me fais au fond pas une idée bien claire de toute cette affaire. On la fait bien grosse ici. L’est-elle vraiment autant ? Tout est énigme. D'un côté Sturnier et Titoff agissent comme un seul homme. D’un autre côté comment. admettre que l’Autriche s'associe à nous pour aboutir peut être à la destruction de l'Empire Ottoman ? A Vienne personne n’est inquiet, on ne parle pas même de l'incident. Les l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome c’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui permettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné a L'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. fonds à Paris et à Londres ne se sont guère émus. Et cependant le langage ici dans tous les partis, dans tous les journaux est aussi menaçant que possible. Je suis curieuse de la conversation de Lord John. Voici un bout de lettre de Beauvale qui vous regarde. Il a bien de l’esprit. J'ai eu hier à dîner Lady Allice qui est venue passer quelques jours avec moi. Mad. de Caraman, lord Chelsea & Bulwer. Je n’avais pas vu celui-ci depuis 4 mois, il est près de son départ pour l'Amérique, pas très pressé pour son compte. Il revient de Paris, il a beaucoup causé avec M. de Toqueville. Il me le donne pour un homme de beaucoup d’esprit. Il rit de l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome. C’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui pemettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné à l'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. Mes pauvres yeux m'empêchent de vous donner le [?] de cette curieuse conversation. Au total j’ai trouvé l'humeur plus douce qu’elle n'était dans le billet, des plaisanteries sur Palmerston, mêlé de défiance. De l'espoir que l’affaire s'arrangera. Un peu de peur cependant. Enfin mélange. Pas le langage d'un premier ministre. Voici votre lettre de Vendredi. Celle de samedi viendra plus tard. Vous voyez que vous faites bien d'écrire tous les jours. Adieu. Adieu.
Nous n'avons par dit livrez-les ou la guerre. Au contraire les termes sont très convenables. [?]

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Richmond vendredi le 28 sept. 1849

M Achille Fould est venu me voir, je ne sais trop pourquoi. Sa conversation m’a intéressée. Il a de l'esprit, & il n'y a rien d’exagéré dans ses idées ni son langage. Espérant, désirant autre chose comme tout le monde. En voyant pas trop comment on pourrait s'y prendre pour y arriver. Le parti conservateur mais seulement tant qu'il a peur. Le jour où l’on n’aurait plus peur, chacun voudra tirer de son côté. Croyant aux charmes de Louis Napoléon plutôt qu’à tout autre. croyant aussi que la président pour 10 ans est une question sur la quelle tout le monde pourrait s’entendre. Mais même pour cela il faudrait un homme de courage pour le proposer. Il n’est amoureux ni de M. Dufaure, ni de M. de Falloux. Il dit de celle-ci, un doctrinaire et un jésuite. De l’autre, il travaille pour Cavaignac. Disant beaucoup de bien du prince. Approuvant toutes ses fautes, parce qu’en définitive elles lui profitent toutes. Il a passé deux heures hier avec le Roi. Pas l’idée de rapprochement entre les 2 Bourbons. Au contraire, le roi se plaignant que la branche aîné ne fait rien pour cela et répétant que l’initiative ne saurait être prise par la cadette. Les princes sont en Ecosse à la chasse. Les Nemours ne sont pas revenus d'Allemagne. M. Fould serait fâché que M. Molé entrât, il doit se réserver pour un meilleur moment. Mais il sait qu’il en a envie, quant à Thiers ce ne serait pas une acquisition. On n'a pas confiance en lui, ni aucune considération pour lui.
Il m’a parlé de vous, de ce que dans un an ou deux vous deviez nécessairement vous retrouver l’homme important, le seul. Qu’en attendant il valait bien mieux pour vous et pour cet avenir ne pas faire partie de l'assemblée. On a accusé le parti conservateur de n’avoir pas poussé à votre élection. C'était par amour pour vous. J’ai dit ici. On a repoussé. Et c'est là ce qui a étonné tout le monde. Il a équivoqué des interrogations sur ce que vous allez faire. Rien, il reste tranquille chez lui. Il écrit. Parce qu'il a besoin d'écrire. Une grande honte pour notre pays. Et puis si vous viendriez à Paris. Je ne sais pas, peut être. Il n’est pas prévu. Voilà à peu près tout.
Samedi le 29. Flahaut a été voir le roi hier. Il l'a trouvé bavard, mécontent de tout le monde. N’aimant que l'Angleterre. Et décidé à mourir ici ; même à Claremont, ce qui véritablement n’arrange pas la cour. Mais dit Flahaut "Le roi a raison de penser à lui même." Voilà donc le manifeste du Pape. Que ferez-vous ? 1 heure. Vous avez donc eu mes lettres, me voilà rassurée. Ce que vous me répondez est triste. Pauvre pays. Petits hommes ! Adieu. Adieu. Bien vite. Je suis en retard aujourd’hui, mauvaise nuit, levée tard. Adieu

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Richmond dimanche le 23 sept. 1849

Voici le résumé du langage tenu à Berlin par M. de Persigny et évidement celui qu'il est chargé de tenir partout. La monarchie est la seule forme de gouvernement qui convienne à la France. Il y a maintenant deux partis, républicain & monarchique. Le premier se compose des plus mauvais éléments de la société. Il est en minorité. L’autre est puissant et considérable, grande majorité. Ce parti : 3 sections. Légitimistes, Orléanistes & Napoléoniens Les légitimistes comptent un grand parti religieux qui est plus catholique que Henri quinquiste, et la portion rurale de la France, [?] dans la noblesse est plus napoléonienne que Bourbonne. grand abime sépare la branche ainée, de la nation. C'est la révolution de 89 et la restauration par les baïonnettes étrangères. La branche cadette compte très peu d'adhérents. On déteste Louis Philippe, il n’avait de force que dans la bourgeoisie & celle-ci a passé en grande partie dans le camp napoléonien grande magie dans ce nom, et le prince peut à l'ombre de ce nom faire plus que tout autre pour la restauration de lord & d'un bon gouvernement. Sa bonne conduite lui a déjà rallié la majorité de la nation. Si Henry V venait à manquer, les légitimistes se rallieraient certainement autour du Prince plutôt que du comte de Paris. L'armée lui est entièrement dévouée. La noblesse sait très bien qu’il n'y a que lui qui puisse rétablir l'hérédité de la pairie , en même temps que les classes inférieures ont confiance en lui pour conserver une forme libérale de gouvernement. Ce qui a rendu le grand Napoléon impopulaire c’était la conscription. M. de Persigny [?] expose the parallel between the Ceasar & the Napoléon. Louis Napoléon would receive his uncle line as Julien. Ceasar was ultimatly replaned by Augustus. Copié textuellement. Deux fois déjà le Prince pouvait être proclamé Empereur, il a trouvé qu’il ne perdait rien à attendre. L’état actuel ne peut cependant pas durer. Un appel au peuple. établissait l’Empire, cela se serait fait maintenant, sans la circulaire de M. Dufaure ! Il a tout gâté. M. de Persigny a vu le roi & le Ministre des Affaires étrangères. L’un et l’autre se sont bornés à faire l’éloge de la bonne conduite du Prince. La conduite de la Prusse vis-à-vis de la France se règlera sur celle des autres puissances. Le but de M. de Persigny était de s’assurer de la reconnaissance de l’Empire. Je vous ai redit bien exactement ce qui vient de source. Le roi de Hollande reprend son naturel, il est violent, absurde, une espèce d'enragé. Cela pourra finir mal. L’Empereur Nicolas ne veut pas entendre parler de rivalité entre ses généraux & les Autrichiens. Nous avons à nous plaindre, et quand on se plaint, l’Empereur fait taire. Le Maréchal lui a écrit, pas de réponse, & lorsque le Maréchal a voulu lui en parler à son arrivée à Varsovie, l’Empereur lui a fermé la bouche. C'est de la bien bonne conduite. L'Empereur d’Autriche a envoyé à Petersbourg l’archiduc Léopold son cousin, pour remercier solennelle ment de l’assistance. On ne dira pas ceci à Vienne. Ils sont là pro fondement humiliés de notre secours. Que c'est petit !
J'ai eu hier pendant deux heures M. Kondratsky secrétaire d’ambassade ici, arrivé en courrier de la veille. Ses récits sont très curieux sur l'empereur, sur l’excès de la joie, et puis l’excès de la douleur. Douleur énorme, qui inquiète. Le voyage l’aura réuni, mais je suis impatiente des premières lettres de Pétersbourg.

Lundi le 24 sept. Hier dimanche, petite pluie fine tout le jour j'ai été déjeuner chez La duchesse de Glocester, et puis rendre enfin visite à Mad. Van de Meyer. J’y trouve une petite personne bien tournée, comme dans les boutiques élégantes de Paris, visage tartare, large & rond, très Russe, jolie. On me l’a présentée, c'était Mad Drouyn de Lhuys. Son mari est à la chasse en province. Elle dit qu’on dit autour d’elle qu’il y aura du bruit à Paris. Vous ai-je dit que Mad. Lamoricière est retournée à Paris. Son mari est allé à Pétersbourg. Les voyageurs de Varsovie disent que sa tournure n’est pas grand chose. Un peu français à cheval, et pas distingué à pied. Mais on est content de lui chez nous. Kisselef sera nommé ministre très prochainement. Hier John Russell. Il y a toujours quelque petit cous pi quant et utile dans le dialogue. Hier, réflexions sur la facilité dans le travail. Très bon quand On a connu [?]Lord John l’esprit simple et droit ; dangereux quand on a trop de goût a faire des affaires. Lord Palmerston a beaucoup de facilité. Incontestablement c'est fâcheux entre un ministre qui ferait trop peu, & un qui ferait trop, le premier is the safest. - I think you are right. It reminds me of Lord Grey who always said. Let a thing alone ; in dropping it, it minds sooner by itself.- - Trés vrai, en travaillant toute chose on ne fait quelque chose, et quelques fois une très mauvaise affaire. Voilà notre train de conversation. avez-vous lu la lettre de l’Empereur au comte Nesselrode ? Et le passage où il parle du conquérant ambitieux d'il y a 36 ans ? Cela ne promet pas beaucoup de faveur pour la [?] Je vous ai dit je crois que l’Empereur a donné à la fois son portrait à Nesselrode & Orloff. Faveur très rare et l’altesse à (Sernicheff, très rare aussi. Avec lui en voilà 6 dans l'Empire. Que de choses diverses je vous écris, & que de choses encore j'aurais à vous dire. Lord Normanby a déjeuné l'autre jour avec le président qui lui a raconté M. de Falloux. Il con naissait la lettre mais on a commis la faute de ne point le prévenir de sa publication. On est curieux de voir comment se prononcera la majorité de l’Assemblée sur l’affaire de Rome. Si elle reste unie pour soutenir le gouvernement. It is all safe, & je puis retourner à Paris, si elle se fractionne, il y aura du bruit et il vaudra mieux attendre qu’il soit passé. Je vous envoie une toute fraîche lettre de Lord Melbourne, si sensible (anglais) que je crois vraiment qu'elle vous frappera vous et le duc de Broglie. Lisez-la avec attention. Moi elle me paraît concluante. Lisez bien.

Midi. La poste de France n'arrivera que plus tard pas de lettres. Adieu. Adieu. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 22 Septembre 1849

Je suis restée 3/4 d'heures à Claremont la reine en merveilleuse santé. Le roi très bien, mais à mon avis très changé d'humeur. Je ne l'avais pas vu depuis plus d’un an. Je l’ai trouvé triste, résigné peut-être. Pensant mal de la France, & de la situation de tous les autres états. Il a repris l'examen des fautes, tout le monde en a convenu, (pas lui je suppose.) Le seul homme bien renseigné à Paris était Delassort, mais on ne l'écoutait pas. Duchatel est paresseux et léger. Il ne vous a pas [ ?] pendant toute ma visite pas une seule fois, ni la reine non plus. Il a dit ; il n’y a pas d’homme en France. Voilà Le duc de Broglie et Molé, ils sont de l’assemblée, et bien que font-ils ? Et puisqu'ils ne font rien, pourquoi ont ils été se mettre dans cette mauvaise compagnie. Pas la moindre allusion aux légitimistes. J'avoue que je n’ai pas pensé à eux sans cela j'aurais pu amener là dessus la conversation. Je me reproche cet oubli. Mais voici ce que Lord John m’a dit hier soir : " Savez-vous que le roi a fait prescrire à tous ses adhérents de soutenir les légitimistes. " Je ne sais pas autre chose. Le roi m’a dit, et bien l'Empereur fait donc au Président les notifications d'usage, il lui a écrit. Oui, sire comme au Président des Etats-Unis. A moi, il ne m'a jamais fait l'honneur de m'écrire. Je n’ai pas répondre. Evidemment la blessure est profonde. Il y a eu une petite discussion sur la résidence d’hiver. La reine se prononce vivement contre l'Angleterre. Le roi très décidé à y rester. Je vous ai dit je crois qu’ici cela ennuie, la cour. J’ai lu à Lord John le petit passage où vous me parlez du duc de Broglie, de son bon souvenir du secours qu'il a trouvé quelques fois en John. Cela lui a fait un très visible plaisir. Vous Vous rappelez que ce secours, était un recours contre Lord Palmerston. Il a ri et assenti. Nous avons reparlé de Malte, du gouverneur qu’il protège beaucoup. Je lui ai dit : " Mais on dit que Lord Palmerston le blâme beaucoup et voudrait qu’on le destituât. Qu’est-ce que cela fait ? Lord Grey & moi, nous l’approuvons cela suffit. Il m’a dit plus au long ce qu’on m’avait écrit à propos de Thiers. à l’époque où Morny me dirait qu’il entrerait c’était vrai. " Il avait fait savoir au président qu'il accepterait l’intérieur même avec un président du Conseil. Tout à coup, il a changé, et il a dit. Je veux qu’on puisse inscrire sur ma tombe. Thiers n’a jamais servi la république. Est-ce que la chance d'une Monarchie n'importe quelle, lui parait plus prochaine ?

1 heure Merci de votre bonne lettre. Certainement nous faisons notre possible pour suppléer à la parole qui serait si douce, si abondante que faire ! Beauvale est bien content de mes conversations avec Lord John. Il croit que personne ne lui dit ce que je lui dis, & que cela fait du bien. Il ajoute que si Palmerston savait mes jaseries quotidiennes cela l’inquiéterait fort. Il est toujours chez Beauvale. Entre celui-ci et moi correspondance de tous les jours. Style très abrégé Adieu. Adieu. Adieu. Le gouvernement français va diminuer l’arrière de 60 000 hommes.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 19 septembre 1849

Journée froide hier, & pas de visites. Je n’ai vu que les Metternich & Mad. de Caraman. Je ne devrais pas dire qu’elle m’ennuie par ce qu’enfin elle vient rompre ma solitude et qu’elle le fait avec ma nièce de dévouement et de plaisir. Mais à vrai dire si je n’étais pas rude ce ne serait guère endurable. Si peu naturelle, & si peu de fond ! Mais elle chante ; un peu faux c’est vrai mais très bien. Son talent pour le dessin est merveilleux & ses ressemblances frappantes. Seulement je n’ai Aucune patience, et je ne veux pas poser. Ah l'ennui mon ennemi !
Lord Aberdeen m'écrit souvent Il me dit : "The letter of the President, was an act of great imprudence, and a a piece of insolence offered to the whole word. His own ministere has also good cause to be offended." Quant aux conseils donnés au Pape dans cette même lettre il les trouve de nature à être parfaitement acceptés ; et dit d'eux comme Lord John qu’ils sont élastiques. Le Times de ce matin a un article admirable sur la conduite de la Russie, comparée à celle de l'Angleterre.

1 heures. Votre lettre, et Constantin, & Beauvale. Constantin décrit le désespoir de l'Empereur, énorme, déchirant. Il a dit à Constantin. "Allez chez mes sœurs, & ma fille. Dites leur mon malheur, je ne puis pas écrire." Constantin m'écrit de Weymar, et va de là à Stuftgard, & La Haye. Beauvale curieux. On a donné une constitution à Malte. Le conseil législatif composé de Jésuites intolérant. Refusant refuge même aux malades & blessés. Palmerston choqué, furieux. John Russell & Lord Grey soutenant le gouvernement que Palmerston veut faire chasser. Que va-t-il se passer Beauvale conclut. Garderons-nous Grey ou les colonies les deux ne peuvent pas exister. Le Cap & le Canada en pleine insurrection. Il me semble que je vous ai parlé hier de Malte. Vous aurez vu que John Russel approuve la conduite du gouverneur. Adieu. Adieu. Je n’ai pas lu mes lettres encore. Une longue de Berlin adressée à Beauvale & qu’il m’envoie. S'il y a quelque chose, je vous le manderai. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi le 18 septembre 1849

Deux mois, deux grands mois depuis votre départ ! Comme notre courte vie est massacrée. Je comprends que vos hôtes aiment votre visite, mais je suis sure que vous aussi vous aimez avoir à qui parler, avec qui raisonner un peu. Moi je n’ai eu personne. Lord John tout seul, mais il n’y a pas assez de liberté d’esprit. J’avale à tout instant ce que j’allais dire. Cependant sa conversation m’amuse. Nous devisons Hier j’ai passé la soirée, chez eux. Tous seuls à nous trois. Cherchant à comprendre comment peut se débrouiller ce chaos partout, surtout en France, aboutissant un peu à dire, c’est John qui dit que les Français sont particulière ment faite pour un bon despotisme militaire. Je suis d’accord de cela malgré que cela ne vous plaise guère. Je crois vous avoir dit, il y a une dizaine de jours que Lord Palmerston voulait qu'on destituât le gouvernement de Malte pour avoir refusé l'hospitalité aux réfugiés italiens. Lord John ne veut pas, et cela ne sera pas. Il approuve la conduite du gouvernement. Il est très curieux de ce que va faire le gouvernement turc à l'égard de Kossuth & & &. L’Autriche les réclame et nous réclamons les Polonais. Je suis étonnée de n’avoir rien de Constantin depuis la mort du grand duc. Des nouvelles privées parlent du chagrin violent de l’Empereur. Il prend les joies comme les peines avec une fougue, effrayante. Mon fils est venu me voir hier. Le temps tourne au froid, et je commence à craindre que Richmond ne le soit trop pour moi bientôt. Je ne suis cependant pas pressée de Paris. Le choléra, & les menaces de Changarnier. Morny revient ici dans huit jours. Lord Melbourne m'écrit souvent mais il demande, car il ne sait rien. Il me dit sur Lord John " Quel cocher pour l’attelage qu’il devrait conduire, et dont il est mené." Je suis un peu colère contre Melbourne pour une question de 3 £ il laisse aller cette belle maison qu’avait M. Fould. Les Delmas viennent de la prendre. Lord John approuve fort le vote de la Chambre à Turin qui condamne l’arrestation de Garibaldi.
Je vous envoie une lettre de Marion. Je lui avais fait tenir celle où vous me parliez d'elle. (c’était trop long à copier.) Voyez la drôle de fille. Voici votre lettre. Je suis bien aise du peu de valeur que vous attachez à au dire de de Lord Normanby. Mais regardez y toujours et au choléra. Adieu. Adieu mille fois.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche 16 septembre 1849

J'ai oublié de vous dire que Lord John parle beaucoup & fort mal de Radoviz. Il parait que c'est l'homme puissant au jourd’hui. Collaredo qui était chez moi hier le défend en disant qu'il fait son devoir de prussien, et qu’à ce point de vue sa conduite est habile et fera aboutir. Personne ne se fait une idée exacte de ce qui ressortira de ce travail en Allemagne, mais évidemment on s’arrange. Les deux grandes puissances s'entendront et la Prusse aura la part d’influence prépondérante qui lui revient. Je crois à deux portions nord & midi unies pas un lien fédéral. Le grand duc Michel était à l’agonie il y a huit jours. Le comte Nesselrode me l'écrit. Son désespoir pour sa femme, & le désespoir de l'Empereur pour son frère sont extrêmes. Cela jette un voile bien lugubre sur ce que devrait être les jours de Varsovie. L'Empereur ne quitte pas le lit de son frère.
Lundi 17. Sept Le journal m'annonce la mort du grand duc je suis sûre que sa femme a trouvé le moyen de se conduire très sottement à cette occasion. C'est une femme de beaucoup d’esprit avec pas l'ombre de tact et une absence de cœur complète. Lord John est malade, mais je le vois. Hier il me faisait l’éloge de Lord Aberdeen. Beaucoup pour moi. Développant tout son mérite politique, grandes vues. Vues générales. Homme plein de sens, de tenue & & & Vous entendez cela. Il approuvait seulement, dit-il, une bévue, le mariage espagnol. Comment bévue ? Mais s’il était resté le mariage ne se faisait pas. Et alors, les preuves. Il a tout écouté sans contester. ces conversations m’amusent & je crois lui aussi. Mais je pense que nous ne faisons pas grande impression l'un sur l’autre. La vieille princesse [Crasalcoviz] est partie ce matin, elle passe une semaine à Londres et puis Paris. Je regrette de voir disparaître une pièce d'une si petite réunion. A propos hier Lord John me faisait un grand éloge du Duc de Broglie, décidemment il l’aime, outre qu'il le respecte.
1 heure. Voici vos deux lettres de Broglie. Merci merci, & adieu bien vite, car lady Allice est là qui me prend mon temps ; elle part for good. Adieu. adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond samedi le 15 septembre

Lord John est fort préoccupé de Paris et de Rome. Nous discutons longuement. Il désapprouve beaucoup la lettre du Président, et comprend tous les embarras auxquels cela entraine au dehors comme au dedans. Toute cette affaire atteste bien de l’inexpérience & de la légèreté de la part de tout le monde. Nous avons passé à la Hongrie. Lady John fait les vœux les plus ardents pour les Hongrois Kossuth & & Encore ? Oui encore. C’est vraiment trop bête. J’ai vu Metternich, il ne fait plus autre chose que rabâcher. Impossible de redire parce que ses paroles sont absolument vides ; il envoie un courrier à Vienne aujourd'hui avec un long mémoire sur les affaires. Je pense que Schwarzenberg en dira ce que je vous dis. J'évite Metternich à présent, parce que l'ennuie est sans compensation aucune. J'aime bien mieux sa femme. Elle était chez moi hier matin pâle de colère, et la bouche pleine d’invention contre Lord Palmerston. J'ai bien ri, surtout lorsque elle s'arrête tout court devant une expression sans doute trop énergique. Je lui demande quoi donc ? - " Non, je ne puis pas dire cela, c’est trop polisson." Lady Holland était chez moi. Elle ne me dit rien, absolument rien de nouveau sur Paris, elle a l’air malheureux & triste. Elle dit qu'elle n’a vu personne que Jérôme Bonaparte. Il est en meilleur termes avec son neveu. Les Holland retournent à Paris. Lord John attend les prochaines nouvelles de Céphalonie sans inquiétude. Il dit que le mal est provenu de ce qu'après le premier mouvement insurrectionnel en mai dernier le gouverneur général, Lord Seaton qui est un Tory a proclamé une amnistie entière, ce qui est une bêtise, que le gouvernement de Céphalonie. M. Ward, un Whig, ne sera pas si bête, il fera pendre et ce sera fini. C’est impayables ! Les Palmerston sont en Hertfordshire chez Cowper. Il me semble que le corps diplomatique est parfaitement délaissé à Londres. Voici votre lettre avec extrait de Piscatory. C’est un esprit [?] & qui est resté doctrinaire. Je vous en prie ne le redevenez pas. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 6 septembre jeudi 1849
5 heures

Deux longues lettres de Constantin par Nicolay arrivé de Varsovie cette nuit. Le grand Duc Michel sans ressource. Paralysé du côté droit, la parole embarrassée. L’Empereur au désespoir, ne le quittant pas d’un instant. On était au 7eme jour. Sa femme était attendue à tout instant, on craignait qu’elle ne vint trop tard. On juge Lamoricière comme vous le jugez mais on est très content de son langage. Grande distance dans la manière de le traiter lui et ses collègues de Prusse & d'Autriche. Ceux-ci dans l’intimité, lui non, mais beaucoup de politesse. Au Te deum pour nos victoires l’Empereur s’est approché de lui & lui a dit. " général j’espère que c'est la fin de la lutte, de la même bataille commencée dans les rues de Paris et dont les premiers lauriers vous reviennent et à vos amis." Les Polonais sont furieux de voir des uniformes français dans le cortège de l’Empereur, ils montrent un grand éloignement pour Lamoricière et évitent de faire sa connaissance. Nous rendons tout aux Autrichiens jusqu'au dernier canon, nous ne nous réservons d’autres trophées que les étendards & drapeaux pris à l'en nemi par nos troupes. Cent drapeaux ont été entre autres envoyés à Moscou. c’est au général russe Grabbe que [ ?] va se rendre. Peterwardeim seul est réservé aux Autrichiens. Beaucoup de froid entre [ ?] et Haynau. On nous a ordonné de vaincre les Hongrois mais nous ne les haïssons pas. Haynau est haineux, & féroce, et ne voit dans ceux que se sont soumis à nous que des victimes qui échappent à la vengeance. (Cela me prouve que nous protégeons.) Grand embarras pour le gouvernement autrichien. La haine qu’il rencontre en Hongrie est extrême. Vous avez là à peu près tout. L'empereur très soucieux à propos de l’Allemagne.

Vendredi le 7 Septembre.
Nicolay est venu hier compléter les informations de Varsovie. Beaucoup de détails très curieux. Certainement la position de l’Autriche est critique. Les Hongrois nous adorent & la détestent, à nous tout le monde veut se rendre. Exemple : à Arad le Corps de Schlik 16 / m hommes se présente & somme la garnison de se rendre. Refus absolu. Jamais à un autrichien. Un escadron russe, un seul, se présente à la porte de la forteresse, On l’ouvre de nuit & on se rend à nom, à discrétion. Tout cela est bien humiliant & pénible à supporter aussi on nous déteste à Vienne mais les Empereurs vont à merveille ensemble. Ils se tutoient en s'écrivant, mon Empereur n'attend cela que la mort ou la guérison de son frère pour retourner à Pétersbourg. Il en est pressé, il est ennuyé de toute cette affaire, quoiqu’il en soit bien glorieux. Son chagrin est excessif. Il ne quitte pas Michel. Nous retirons toutes nos troupes de la Hongrie. Georgey est toujours à notre quartier général et très bien traité. On dit un homme très distingué de toutes façons. La tournure du général Lamoricière parait bien convenue, son entourage aussi. On le traite très poliment. Il y a de la bienveillance pour la France, avec un peu d’indifférence. " Qu’est-ce que cela nous fait ! " On vous sait gré d’avoir chassé nos mauvais sujets. Branicz, Goldwin & & Mad. Kalergi en est, vous l’avez prie poliment de s'en aller. Nicolay l'a vu à Berlin. Kossuth, Dembinsky, Massaro sont chez les Turcs. On est curieux de voir ce qu'ils vont en faire. On s’attend à les voir protégés par Stratford Canning.
Les journaux anglais disent que Lord Aberdeen est chez la reine. La dépêche de Palmerston est arrivée à Schvarsenky trois jours avant la soumission de Gorgey, cela a beaucoup fait rire. Je crois que je vous ai fait là tous mes commérages. Je demeure ici dans la partie haute de la maison, le coin, ce qui me donne même la vue de la Terrasse outre la belle vue de la rivière. Un bon appartement avec balcon, et tout-à-fait séparée du bruit. M. Fould me disait hier que selon ses nouvelles Thiers ne voulait à aucun prix être Ministre, c’est tout le contraire de ce qu'affirme Morny. Adieu, mes yeux me font un peu mal & j'écris trop. Votre lettre m’arrive. L'orage vous à donc cependant donné du rhume. Encore une fois où était le parapluie ? Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Jeudi le 6 septembre 1849

Morny est venu hier. Je l'ai fait dîner avec moi et causer beaucoup. Grande affection pour le président, et l'opinion de lui qu'en a tout le monde, sans exagération. Le président ne veut rien hâter. Cela viendra de soi-même. Un changement dans le ministère est inévitable dés le retour de l’Assemblée. Molé & Thiers sont prêts et désirent le pouvoir. Barrot resterait garde des sceaux, Molé aff. étr., Thiers finances ou intérieur. Benoist, je ne me rappelle plus qui encore. Le président aime beaucoup Molé. Celui-ci & du courage beaucoup plus que Thiers, et au fond c’est le président qui n'était pas pressé de prendre celui-ci comme ministre. Grand discours éloge de Falloux, tout-à-fait premier personnage dans l’Intérieur & la confiance de tous. Montalembert aussi. Les légitimistes imbéciles et rendant tout difficile. Berger n’est pas de ce nombre. Broglie très compté & respecté mais pas très pratique. Piscatory faible. On avait tant dit de lui qu’il était cassant, qu'il s'est mis à joué le modéré, il fait cela gauchement avec exagération et on en rit. On rit surtout de la Redorte. L’un et l'autre ayant frisé le ministère se considèrent toujours comme candidats. Excellentes relations avec Kisselef. Grand éloge de celui-ci. Normanby une vacature qui ne quitte pas le président. Tout aussi ridicule que jamais Morny a essayé une explication de la conduite envers vous. Vous avez été mal informé. C'est par égard & amitié pour vous qu’il craignait que vous ne fussiez élu. Et certainement plus le temps coule & plus on voit que vous êtes le premier homme de votre pays. Is not the word this war the meaning.
Les Orléans parfaitement oubliés. Paris tranquille & charmant. Il va en Ecosse & retourne pour la rentrée de l'Assemblée. Je le verrai encore. J'ai eu une longue lettre de d’Impératrice, excellente, de [?], elle a voulu aller à Fall voir le tombeau de mon frère. Elle en revenait encore. Grande joie de nos victoires et elle me dit : " Palmerston va être bien affligé pour ses chers Hongrois, lui qui formait des vœux sincères pour nos défaites. " Cette lettre a été bien ouverte. J'espère que c’est en Angleterre. J'ai déjeuné hier chez la duchesse de Glocester. On serait charmé dans la famille royale que Claremont décampât et allât en Italie. On est fatigué de leur présence. La reine est de cet avis aussi. Cette reine vient de passer deux jours dans une petite chaumière isolée dans les Moors. Personne que son mari, une femme de chambre, un valet de pied & un marmiton & deux [ ?]. Le valet de pieds habillant le prince, les [?], & ramant le couple royal sur le lac. Une hutte composée de deux chambres pour le ménage un autre pour les domestiques pas d'habitation à 40 miles à la ronde. Elle écrit dans des extases de joie. C’est charmant d’être jeune. Voici mon petit billet de Metternich. Assez spirituel. Pas de grande feuille. Vous ne l'aurez jamais. Votre lettre m’arrive. Quelle idée que l’Empereur ait donné son portrait et celui de l’Impératrice à Lamoricière. C’est un conte. Mais Morny me dit qu'on le traite très bien. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond mardi 21 août 1849

Je ne puis vous être bonne à rien pour la sœur de M. Chopin. Si j'écrivais à Varsovie, la conséquence infaillible serait un refus très sec, et beaucoup de mauvaise humeur contre moi. Non seulement on ne ferme à aucun russe de sortie du pays, mais les étrangers même domiciliés depuis longtemps n'obtiennent point de passeports. It is a hopeless case.
J’ai vu longtemps hier lady Palmerston toujours chez moi, car je n’ai pas été une fois chez elle. Je respectais les [?] de son mari. Très longtemps, aussi les Collaredo, qui sont venus de bonne heure m’ayant toujours manquées plus tard. Il avait de bonnes nouvelles. Le dénouement est prochain. L'ennemi est cerné. Temesvar occupée par le général Hequan. Enfin, je crois que cela va finir. Il est bien vrai qu’alors commenceront les plus grandes difficultés, mais cela ne nous regardera plus. Lord Palmerston parle toujours de conciliation, il demandé à Collaredo pourquoi le général autrichien ne dit pas aux Hongrois ce qu’il veut faire, pourquoi ne pas promettre, ce qui est juste, le retour à leur ancienne constitution ? Collaredo répond, qu’avant de leur parler, il faut les battre. J'espère que voilà ce qu’on fait dans ce moment.
Je vois toujours du monde chez moi, le matin. Hier Lord Chelsea, lady Wharmliffe, les dames Caraman & Delams, M. Fould. Enfin ce qu’il y a à Richmond. Fould est reparti hier pour Paris, il revient samedi et ramènera dit-il M. de Morny. La petite Flahaut la [?] est ici il vient la voir. Hier deux lettres de Metternich, des réflexions, des nouvelles. Je vais là rarement. Il parle trop longuement, je n’ai pas le temps d'écouter par le beau temps. Quand il pleuvra j’y irai. Le choléra augmente beaucoup à Londres. Dans la journée d’hier 280 morts. Vous ai-je dit que j'ai eu une longue lettre de Madame Fréderick bonne femme, amicale, fidèle ; des détails sur l'intérieur impérial toujours admirable. Mes lettres toujours reçues avec joie. Lady Holland me mande que l'audience de Lamoricière a mal été parce qu'il a voulu parler Hongrie, et que l’Empereur lui aurait dit sèchement que la France n’avait rien à y voir. Je ne sais si elle est à même d'en savoir quelque chose. Je suis seulement frappée de ceci, que Lord Palmerston, et Lord Holland parlent d'un mauvais accueil, tandis que Constantin me dit qu’il a été bien reçu, & que Brünnow me dit en P. S. dans un billet insignifiant. " Le général Lamoricière a été reçu avec distinction." Le vrai me parait être que cela n’a été ni très empressé, ni très mal. Nous verrons la suite.
Mad. de Caraman n’est pas autre chose que ce que vous dites, complimenteuse, & sans le moindre tact. J'ai déjà été rude, mais je me ravie, car elle pourrait m’être utile. Elle a fait de son salon un atelier de peinture & de musique harpe, piano, chevalet, biblio thèque. C’est très drôle. Je ne sais pour qui, car il n'y a ici personne. Elle a rencontré chez moi les seuls élégants, Chelsea & Fould ! Lord Lansdowne est à Bowood. Je vais tous les soirs chez lord Beauvale. Je ne sais comment il fera pour se passer de moi. Mais dans huit jours cela finit, car son loyer finit. C’est très drôle de le voir avec la Palmerston se disputant sur tout . Quelques fois jusqu’à la colère, Il déteste toute la politique de son beau-frère. Adieu. Adieu. Adieu.

2 heures. Voici votre lettre sur Rome. Des plus curieuses et sensées. J'en vais régaler mon paralytique. Qu'il sera content. Je suis bien aise qu’on ait donné tort à ce que je vous dis sur le passeport. Le noir n’est pas si diable.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi le 17 août 1849

Lord et Lady Palmerston sont venus ici hier pour quelques jours je crois. Ils sont au Star comme moi et mes voisins de Chambre. J’ai dîné avec eux chez Lord Beauvale. A table conversation générale se félicitant de trois choses finies. Le Danemark, la Sardaigne, & l’unité allemande dont il n’est plus question. Nous avons cependant trouvé que s’il n'en était plus question à la façon de Francfort, il fallait que quelle qu’autre façon la remplace à moins d’en revenir à l'ancienne. L’Empire français remis au mois d’octobre. M. Drouyn de Lhuys, très agréable et facile en affaires. Il n'y a guère eu que cela pour la galerie. après le dîner il s'est rapproché de moi pour me dire, d'abord, que nous avions battu les Hongrois en Transylvanie et en Hongrie. [?] a failli tomber en nos mains, nous lui avons pris tout sont bagage, sa voiture de voyage, ses papiers, tout. De l’autre côté [Paskeviez] a battu Georgy. Partout où nous les rencontrons, l’avantage est à nous, mais ils trouvent le moyen d’échapper. L'issue de la lutte ne saurait être douteuse mais elle peut être longue. En transaction est toujours ce qu’il y a de désirable. Pourquoi l’Empereur d’Autriche ne dit-il pas ce qu’il veut faire ? Il est impossible qu'il songe à [?] la constitution hongroise. Pourquoi ne dit-il pas qu’il leur rendra leurs droits, leurs privilèges ? On ne sait pas qui gouverne là. C’est comme au temps du Prince Metternich où l’un rejetait la faute sur l’autre. La constitution faite par Stadion est impraticable, impossible aujourd’hui il n'y a rien, pas de constitution, on n’y songe plus. L'Autriche et la France sont en très bonne entente sur l'Italie. L’Autriche et la Prusse se divisent tous les jours, davantage. Mais la Bavière est encore bien plus que l'Autriche en guerre de paroles avec la Prusse. J'ai demandé si deux Allemagne n'était par la chose probable ? Peut être. Et puis se rapprochant de moi un peu davantage et à voix basse. Le général Lamoricière a été fort mal reçu à Varsovie. On lui avait d’abord destiné un bel appartement au palais de Bruhl et il le savait. Mais à son arrivée, porte close. Il a fallu aller chercher à se caser dans une auberge. Là, avec difficulté, de mauvaises chambres. Cela a fort étonné. Deux jours après, audience de l’Empereur qui l'a reçu très froidement. On cherche les causes ; il a passé par Cracovie. Parfaitement lors de la route de Berlin à Varsovie. Un énorme détour. Qu’est-il allé faire là ? Autre motif qu'on insinue de Paris. C’est un avis confidentiel qu'aurait reçu l’Empereur que Lamoricière n’avait point du tout la confiance du Président, & qu’il fallait se méfier de lui. Cet avis serait venu de source directe. Lord Palmerston ne comprend pas bien. Il s’étonne et me raconte sans beaucoup de déplaisir. Je lui ai demandé qui conduisait les affaires à Paris. Il me dit qu’au fond c’était le Président qui faisait tout & qu'il avait plus de good sense que tous les autres. Il a entendu parler aussi du dégout de M. de Tocqueville et de son envie de se retirer. Je crois vous avoir tout redit. La visite impromptue du Prince Scharamberg à Varsovie ne lui est pas expliqué. Il n’a passé que 24 heures. On dit à Lord Palmerston qu’il venait demander plus d'activité dans les opérations militaires. L’Empereur lui a répondu en lui montrant les rapports des deux engagements cités plus haut. Lord Palmerston blâme vivement le gouvernement autrichien pour avoir fait exécuter un prêtre à Bologne. Il avait été pris les armes à la main dans la suite de Garibaldi, mais il était sujet roumain & ne pouvait pas être jugé par les Autrichiens. A propos de prêtre, de quoi s'avise votre archevêque de Paris ? Voici Lord Palmerston. Je vous quitte adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi le 14 août 1849

Je suis mieux aujourd’hui, mais hier je suis restée tout le jour sur mon lit souffrant beaucoup de crampes & d’agression. Le médecin ici m’a fort bien traitée. Tous mes voisins sont accourus, mon fils aussi de sorte que je n’ai pas été seule. Il ne valait pas la peine d'envoyer chercher Mussy qui était à Claremont. Enfin je le répète je suis mieux, je je crois même que je sortirai. Merci merci des deux lettres de Vendredi & Samedi. Je reviens au duc de Lenchtemberg honnête jeune homme, conversation sensée, pleine d’affection, mais reste étranger sous beaucoup d'autres rapports. Du good sense, et bonne vue des choses. Il a vu l’Empereur il y a quinze jours, qui lui a dit que la guerre en Hongrie serait terminée au plus tard en six semaines donc, dans un mois. Qu’aussitôt, cela fait il dirait le bonjour aux Autrichiens &t rentrerait chez lui avec armes & bagages, mais que son armée resterait en Pologne, prête à d’autres éventualités. La totalité de nos forces actuellement en Hongrie & Transylvanie est de 220 mille hommes, 130 mille de réserve en Pologne. En tout 350 m/ sur pied de guerre. On se préparait à recevoir très bien le général Lamoricière. L'empereur lui a assigné un palais à Varsovie (c'est énorme !) Nous allions nommer de suite ses Ministres à Paris. Brunnow affirme que c’est Kisseleff. Le prince a souci & a dit qu’on était mécontent de Kisseleff sans beaucoup de rapports, & qu’il ne croyait pas que ce serait lui, moi, je crois Brunnow mieux renseigné. Après le Prince j’ai eu une longue visite d'un des cavaliers de sa suite, homme d’esprit, français. Il me dit que l’empereur est devenu très serieux, très grave, qu’on a fort peur de lui. Ces propres enfants. Refus absolu de passeport pour l’étranger, pas une exception, personne, personne ; ne peut sortir de Russie. Cela a été provoqué par la conduite de certains Russes à Paris Branitzky entr'autres. Le Prince repart après demain pour Madère. Grande suite 12 ou 14 personnes, toutes grands noms, & des gens comme il faut !
Je n’ai pas de nouvelles à vous mander d’ici. Les Palmerston devaient y venir coucher hier et à côté de moi lorsque tout à coup ils sont partis pour Tunbridge où un autre petit garçon de Ashley est mourant. Lady Holland m'écrit une lettre assez curieuse. Il parait que Thiers a complètement désorganisé le parti conservateur. Brouillé ouvertement avec Montalembert & Barryer. Molé s’en montre fort triste, & dit : " je ne vois plus ce qui peut sauver le pays." Il y a quelque rapprochement entre l’Elysée & les Invalides. Le rappel d’Oudinot n’est pas du tout sûr. Le ministre le rappelle mais le président lui écrit de rester. Cela serait-il possible ? Oudinot a toujours été mal avec Tocqueville et ne lui faisait pas de rapport tandis qu'il écrirait tout confidentiellement mais par intermédiaire au Président. Je vous donne là lady Holland. Son mari est venu pour huit jours. J'espère le voir. Lady Alice est encore ici mais malade. Elle vient de louer Marble Hill. Le temps est à la tempête. Et je suis ici comme dans une cabine de vaisseau. On meurt beaucoup du Choléra à Londres. Adieu. Adieu.
Voici votre lettre d’accord avec lady Holland quant à la scission dans le parti modéré. Si on va de ce train, Ledru Rollin sera président dans 3 ans. Adieu. Adieu. Adieu. Tournez. Vous me faites bien plaisir en continuant votre langage & votre attitude réservée. Persistez, persistez, sans un moment de distraction. Adieu encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi le 7 août 1849

Vos lettres sont des fêtes pour moi. Je lis & relis. Point de nouvelles. On va patienter chez vous et vivre pauvrement toujours avec la perspective d’un événement. Quel état ! Ici l’on ne parle que du voyage de La Reine en Irlande. L’enthousiasme le plus énorme. Heureux pays où ce sentiment se conserve ! Outre la Reine, les Irlandais auront cette année de bonnes pommes de terre. Ils sont donc enchantés.
Je n’ai vu hier que les habitants de Richmond. Lord Chelsea & les Delmas chez moi. Lord Beauvale chez lui. Il était fort amusé d’une petite [?]. Duchâtel a enlevé à Lord Faukerville une belle dame, demoiselle je crois, Miss Mayo nièce d'une Lady Guewood. Fort jolie et fort leste. Elle venait chez les Duchâtel souvent, elle vient de partir avec eux pour Spa et Paris, & peut être Bordeaux. Quelle bonne femme que Mad. Duchâtel.
J'ai eu une longue lettre de Lord Aberdeen. Il s’ennuie à périr en Ecosse, il me le dit. Je crois que nous lui manquons. Je lui avais raconté mon dialogue avec John Russel au sujet du discours de Palmerston. Cela lui a fait plaisir. Beauvale ne croit pas à nos revers en Hongrie. Moi je ne sais [?] que croire. Pourquoi n’y a-t-il pas de bulletin officiel ? Dans tous les cas l’affaire traine beaucoup.
M. de Mussy m’a interrompue. Il m’a dit qu'il avait une lettre de vous. Je ne lui ai pas dit que je le savais. Il est en redoublement de soucis ; je crois bien que c’est lui qui m'accompagnera à Paris ce serait excellent. Le duc de Lenchtenberg est attendu à Londres cette semaine. Les ministres ici s’étonnent beaucoup qu’au milieu des immenses difficultés de vos finances, on ne songe pas à une réduction de l’armée & de la Marine. John Russell & lord Palmerston m'en ont parlé tous deux. Ils disent que très certainement ils vous imiteraient tout de suite pour leur marine, & que vous leur ferez un grand plaisir. L’épouvantail de l'armée russe n’a pas le sens commun. Elle ne veut pas, elle ne peut pas, & personne ne permettrait qu'elle vous attaque. C’est des bêtises. Gardez amplement ce qu'il vous faut pour chez vous & [?] le reste. Adieu, Adieu, que je voudrais jaser, comme nous jaserions. Comme ce serait charmant. Adieu. Adieu dearest. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche 5 août 1849

Mauvais dimanche, qui ne m’apporte rien, c’est si triste. Les Duchâtel sont encore venus me dire Adieu hier. Je me suis presque attendrie en leur disant Adieu. C'est mon dernier lien avec la France dans ce pays-ci et c'est de vos amis. Si nous nous retrouvons à Paris, je me propose bien de continuer cette connaissance. Ils partent ce soir. Samedi 11 ils seront à Paris. Les Paul de Ségur étaient encore venues les voir de Dieppe. Duchâtel avait été à Claremont avant hier. Grande préoccupation là du séjour de la duchesse de Bordeaux à Ems. Evidemment préparatifs de lignée. Cela les trouble beaucoup. La Duchesse d'Orléans veut toujours partir le 15. M. Fould est revenu me voir aussi et m’a gâté ma dernière demi-heure avec Duchâtel. Je ne le trouve pas plus beau à la seconde visite qu'à la première, mais dans ces temps de révolution j'essaie d’être polie. Le soir Beauvale & les Delmas, habitude qui durera tout le mois d'août encore. Après quoi tout le monde part. Je dîne aujourd’hui chez Beauvale avec les Palmerston.

4 heures
J'ai été faire mon luncheon chez La Duchese de Glocester. Bonne. vieille princesse, bien contente de me voir. De là j’ai été faire visite à lady John Russell. Je les trouve toujours seuls, et ayant l’air content de me voir. Nous n’avons guère parlé que de la France. Il désire l’Empire. Il désire quelque chose qui ait l’air de durer. Il dit que Changarmier n’attend qu'un signe & l’armée proclame l’Empereur. Mais ce signe, on ne le donne pas. Il me dit aussi que Molé rêve à la présidence pour lui-même. Cela, je ne l’avais pas encore entendu dire ! Lundi 6 août, onze heures Le dîner chez Beauvale était fort agréable. Lord Palmerston très naturel & amical. Sa femme ni l’un ni l’autre tout-à-fait, quoique elle est l'intention de le paraitre. J’ai fait quelques questions. La paix avec le Piémont n’est pas douteuse quoique pas faite encore. En Hongrie Paskévith a essuyé quelques revers. Georges est meilleur tacticien que lui. En le nommant L. Palmerston disait Gorgy au lieu de Georgy, ce qui m'a fait lui demander qui lui avait enseigné cette prononciation, il m’a répondu. Les Hongrois qui sont ici. Sur la France vif désir d'y voir une forme de gouvernement plus solide. " La constitution est tout ce qu'il y a de plus absurde, c’est comme fait exprès pour rendre tout impossible. On ne peut pas aller comme cela. Il ne dépend que de la volonté de Louis Bonaparte de changer cette situation. Qu'il dise un mot, Changarnier se charge de reste. Cela pouvait se faire le lendemain de la visite à Amiens. Cela peut se faire tous les jours. Une fois fait, la France sera trop contente. "
Enfin, cela est fort désiré ici et moi j'en suis. Avant de venir chez Beauvale les Palmerston avaient passé à Richmond Green. Ils se sont montrés chez Metternich avec Disraeli. Sans doute mutuelle surprise. A propos, Lord Palmerston m’a dit que Disraeli s’est vanté à elle d’avoir été très heureux & glorieux du succès de son mari, parce qu'il avait prédit à ses amis que des attaques sur lui ne pouvaient aboutir qu'à un triomphe. 100 membres de la Chambre des communes ont souscrit pour un portrait de Lord Palmerston qui sera offert à sa femme ! Et voilà ! J'attends la poste avec impatience. A propos serait-il question de vous nommer pour le Conseil général ? Qu'est-ce que cela voudrait dire ? J’ai bien envie que vous n'en soyez pas. Je n’aime pas vous savoir au milieu de ces mauvaises populations. Adieu. Adieu. Dearest Adieu.
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