Lettre à Proudhon, 21 août 1848
Auteur : Baudelaire, Charles
Texte de la lettre
21 août 1848.
Citoyen,
Un ami passionné et inconnu veut absolument vous voir, non pas seulement pour s’instruire et pour user quelque minutes de votre temps, ainsi qu’il en aurait peut-être le droit, mais aussi pour vous instruire de choses que vous pouvez ignorer relativement à votre sûreté. Quand bien même celui qui vousécrit ne vous apprendrait que ce que vous savez, je crois qu’il ne serait pas ridicule, l’admiration et la sympathie le justifiant suffisamment.
J’ai longtemps lutté avec ma paresse pour vous écrire une très longue lettre; mais j’ai préféré oser m’attaquer directement à vous. Aujourd’hui les agents de police m’ont empêché de tous les côtés d’entrer ; car j’espérais pouvoir vous faire parvenir ce mot par d’autres représentants que je connais un peu. Si vous ne trouvez pas excentrique qu’un misérable inconnu demande un mot de réponse immédi[ate] à un homme pressé de travail et d’occupation comme vous, — dans ce cas-là, j’attendrai indéfiniment au café restaurant du coin de la rue de Bourgogne. — Ayez l’obligeance de me répondre mot, — votre adresse, vos heures, — le plus vite possible. Le trouble qui règne dans tous les esprits appelle les explications les plus promptes entre tous les gens de cœur.
Charles Baudelaire.
Avenue de la République, 18.
Neuilly.
Veuillez agréer à tout jamais les témoignages les plus sincères de mon dévouement et de mon admiration.