Séries de dactylographies

Les sept séries de dactylographies rassemblées dans cette collection correspondent, de fait, à cinq frappes matrices : à deux reprises, nous nous trouvons face à une frappe identique dupliquée par les copies carbonées (le f. 27 est dupliqué par le f. 28, les f. 35-38 sont dupliqués par les f. 39-41). Si les traces dactylographiées sont, par définition, identiques dans ces deux cas, on ne saurait pourtant parler rigoureusement de doublons, puisque les ajouts manuscrits portés sur la dactylographie varient quant à eux.
Très souvent, Valéry se sert du verso de la copie carbonée d’un état antérieur (ce verso devenant alors le recto dans la foliotation) pour taper un nouvel état. Aucun des versos de récupération n’offre un état inédit.
Cette succession d’ensembles dactylographiés constitue un des noyaux essentiels dans la genèse de "Robinson". Elle nous permet d’assister à la progression de l’écriture d’un état relativement embryonnaire, sur une seule page (f. 26), jusqu’à un état très abouti, sur trois et quatre pages (f. 35-38/f. 39-41). Nous y observons un développement rigoureusement endogène de l’œuvre : le germe de tous les éléments à venir est présent, sans exception, dès le feuillet séminal (f. 43). Au fil des séries successives de dactylographies, les motifs se précisent, se développent et se fixent, sans qu’on puisse observer l’apparition d’éléments réellement nouveaux.
Y a-t-il eu des états intermédiaires entre le f. 43 et la première dactylographie ? Cela n’est pas impossible, mais l’hypothèse d’un passage immédiat de ce feuillet manuscrit à teneur séminale, aussi dense qu’informe, vers les séries de dactylographies n’est nullement à exclure. La toute première dactylographie (f. 26) offre en effet un état très embryonnaire: quelques lignes seulement d’une rédaction s’effilochant vers la fin en des propositions de plus en plus indécises.
Toutes les séries comportent des corrections autographes (si on excepte les versos de récupération) à l’encre violette, à l’encre bleue ou au crayon. Chaque état dactylographié a donc donné lieu à une relecture-correction, à partir duquel s’écrivait ensuite l’état suivant, intégrant les modifications (et, éventuellement, proposant des développements absents dans l’état précédent). Le même processus a été reconduit plusieurs fois, dans une période sans doute très ramassée, jusqu’à constituer les cinq états dactylographiés qui figurent dans cette collection.