11. Mémoire d’une histoire désarmée. C’est hi ! hi ! ou ha ! ha !

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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N°11, 4 mai 1992 : Mémoire d’une histoire désarmée. C’est hi ! hi ! ou ha ! ha !

Quand on veut rigoler sur papier on dit hi ! hi! Ou ha ! ha ! Ou bien alors c’est hi ! ha! Comme les ânes quoi. Toi le Lynx même me fait rigoler. Petit là toi devant notre gros général ! C’est quoi ça là même, hein ?
La vie là même c’est quelque chose dé ! Regarde au Niger quelqu’un a pris la femme de l’ancien président, et le marabout qui avait pris l’argent du pays, il est revenu tranquille. Au Bénin, Kérékou, lui un grand patron comme ça-là, son marabout creusé puits avec caca, sang, tout ça là quoi, et il est rentré dedans après pour regarder pouvoir.

Hé Kéla ! Est-ce que ça c’est bon même. Hein ?

Bokassa lui mangé enfants. Ould Taya là-bas là en Mauritanie, lui il dit noirs c’est pas bon, après il mangé noirs. Hé c’est quoi ça ? Hein ?

Afrique du Sud, on parlé parlé ! Mandela il fait combien d’années là-bas en prison, mais il sorti bien. Si Mandela avait fait Camp Boiro est-ce qu’il sorti vivant.

Le Blanc c’est bon. C’est pour ça, avant on mangé lui. Mais le noir contre noir, hé c’est pas bon dé !

Regarde mon frère. Six mois après indépendance là, un fou de Kankan raconté : Ce djamana là il est foutu. Avant on trouvait mangé dans poubelles. Aujourd’hui on a volé même poubelle. Nous on est fous, mais pays c’est foutu.

Hé kelà ! Les civils, c’est pas bon dé ! Parlé parlé beaucoup seulement ! Tuer gens, enterrer vivants là même, hé kelà ! Est-ce que c’est bon ça même… ça c’est civils qui peut faire ça.

Regarde mon frère ! Houphouët Boigny là même, il a fabriqué Vatian (sic : Vatican) chez lui alors qu’il a avion pour aller Vatican. C’est quoi ça même ? Il tué étudiants, professeurs, et si toi pas mort, il te metté en prison.

Mais prison là-bas, vé pas mourir. Prisonniers mouru, mais prison pas mouru. C’est ça l’indépendance. Prison indépendant, mais prisonniers pas indépendant. Hé kéla ! La vie là c’est quelque chose dé ! Aujourd’hui tu es rien du tout, demain tu es tout à fait tout et l’autre jour après, tu es encore rien. Regarde là mon frère Lynx ! Regarde fête des militaires là ! Est-ce qu’il y a fête ? Hein ?

Le Président a parlé radio et télévision. Il y avait rien dedans dans son discours là, mais il apprend à lire quoi ! Dans dix ans, il parlé sans papiers, sans problèmes, comme le Président après ça ira Wallahi ! Ton enfant, s’il ne sait pas marcher, parler, tout ça là quoi, surtout en français, tu fais quoi ? Tu laissé lui se débrouiller dans la rue. Mais pas dans écoles ici. Dans la rue mon frère. On parlé français dans la rue. Mais dans école là, tout le monde il est fâché. Le maître ho, la maîtresse ho ! Les petits hi ! Tout le monde a problèmes pour aller remplir têtes de problèmes.

Hé kelà ! la vie là même c’est quelque chose dé ! Mais Allah est grand ! Nous on s’en fout. Le Pape il venir, il sorti, où le problème se trouvé ? Hein ? Nous on voulé qu’il reste mais Air Guinée ne marche pas bien, alors il parti Air Vatican.

Mais ce qu’il a fait là, prisonniers dehors, tout ça là, l’autre jour moi je dis ça, pourquoi lui parti pas avec tous ces voleurs là, dans son avion jusque là-bas ! Hein ? Il y a pas voleurs, il y a pas policiers, il y a pas tout ça là quoi ! Il y a bon Dieu seulement.

Mais Allah est grand. Nous on laisse pas pouvoir. Si on laisse qui va prendre ? Hein ? Un civil. Est-ce que je menti ?

Hé kelà ! On voit tout. Les militaires quoi, vous fabriquerez partis, vous combinez sans parti, mais nous on voit dé. On est en tenue, vous vous êtes sans tenue. Alors qui voyez l’autre ? Hein ? C’est comme Fanta là, est-ce que tu savé ce qu’elle manigancé maintenant là. Moi je conné Wallahi ! C’est les moyens qui manqué un peu, deux peu, tout ça là quoi. Nous les petits militaires on n’a pas beaucoup moyens quoi. Si moi mercédès aujourd’hui, je envoyé bérets rouges dans son derrière là Wallahi.

Mais la vie c’est quelque chose dé. Tu es petit militaire ho ! Un petit civil ha ! C’est pas bon. Mais petit militaire et petit civil c’est pas même chose. Est-ce que petit chat a même force que petit chien ?

Dis-moi la vérité mon frère. Chacun il a ses dents. Y a dents pour mordre, pour embrasser, ou pour faire bêtises ou douceur quoi ! Nous militaires on a des dents partout, partout, n’importe comment dans la bouche que tu vois là. Fanta conné Wallahi ! J’ai mordu elle un jour. Ha j’étais obligé dé !

Sinon un militaire il mordu pas une femme, il mordu pas civil, ni bébé, ni canards, ni tout ça là quoi !

Militaires il mordu ennemis. Mais civils c’est pas bon dé ! Wallahi. Civils c’est pas beaucoup aujourd’hui, mais eux ils caché partout dans tous les services. Tu vas Ministère Intérieur, tu les vois, Ministère Extérieur, ils eux là-bas encore. Tu sors, eux vené, tu sors pas, eux venir encore ! Partout comme Sida quoi.

Wallahi, moi si j’avais moyen là, je fais organiser concours comme Bonagui.

Tous les civils, ils vont gagner, après on donne billets d’avion. Mais sans retour dé ! Ils n’ont qu’à partir les civils. Mais Wallahi pas de retour. Nous on aime pas étrangers guinéens, on veut seulement étrangers étrangers. Ces gens là, ils ont pognon.

Ha ! Dounya Fanta où elle est depuis ce matin. Le coq n’a pas commencé sa chanson, et elle est partie. D’ailleurs coq là parfois il chante vite, parfois lentement, parfois 6 h, parfois midi. Il est voyou ce coq là. Je ne sais même pas où Ministère il travaillé. L’autre jour il a pris même car. Tout le monde prend car aujourd’hui. Surtout les gens là qui travaillent pas. Et comme personne ne travaillé pas, tout le monde prend car aujourd’hui. Mais Allah Ka bom !

Ce qui m’énervé là, mon fils le grand là lui aussi veni pas j’ai dit lui fais armée. Il dit il est étudiant.

Hé kéla ! Il n’a faire étudiant. Pour étudier politique ou économie ou tout ça là quoi ! Nous on a pas fait tout ça là, mais c’est pas nous qui commandons. Hein ?

Docteurs comme ça, ingénieurs de courant ou l’eau, mais où est courant, eau, tout ça là. L’eau c’est bon Dieu même qui nous donné ça. Le courant c’est blanc. Alors vous les civils noirs, qu’est-ce que vous fabriquerez ? Hein ? Université ! Université, c’est fermé non ? Maintenant où est problème même. Vous avez professeurs de mathématiques, calculs, tout ça là quoi, mais le pays rempli de problèmes. Alors où sont là professeurs de problème ? Hein.

Hé kelà ! Dounya là est grand dé ! L’anniversaire de la mort de Sékou Touré est passé comme ça là, comme si toi et moi on était mouru. On sait pas même où lui dormi pour toujours. Le Pape là qui téléphone à bon Dieu, lui même quand il venir, il n’a pas parlé de lui. Lui même sait pas où Sékou touré dormir. C’est la vie dé ! Si tu veux, les autres ils veulent pas. Si tu vé pas, les autres, vous les civils, vous vouloir. Mais quoi ? Hein ?

Dounya est grand dé ! Moi petit là que tu vois là, je suis grand dé !

On m’a dit l’autre jour là dans un bar, toi tu lis, acheté Lynx, toi le PDG va frapper toi un jour. J’ai répondu les portés disparus reviennent encore ? Le type il a pris son pastis ou son wisky, il m’a regardé comme ça là, face en face, et moi j’ai rigolé jusqu’à mourir. Lui aussi après, il a rigolé, rigolé. Après on s’est embrassés, c’est la vie, les Guinéens ici en tout cas sont frères, cousins, tout ça là quoi ?

Hé kelà ! Tout ça s’améliore pour nous en tout cas. Le Président lui-même a trouvé lunettes pour bien lire. Les lunettes là, c’est bon dé ! Moi j’attends d’attraper deux ou trois gros, très gros singes pour acheter lunettes comme ça. Je veux voir loin, très loin même la nuit. Où sont mes femmes, où sont mes enfants ho ! Où est mon avenir ha ! Mes enfants, moi je m’en fous. Il y en a à gauche, à droite, au milieu, partout. Est-ce que tu peux regarder tout le monde avec seulement deux yeux ? Hein ?

Dounya il est grand dé ! Et les civils en profitent. Maintenant c’est nous les militaires. Chacun son tour. Quand tu fais balançoire, tu descends après et tu pousses l’autre non ? On vous a poussé pendant 30 ans, poussez nous pendant 30 ans. Moi j’aime balançoire. En tout cas, vous les civils vous allez faire hi ! ho ! Et nous est assis pour le moment dedans. Même dehors si on s’asseyé, il y a toujours militaire dedans. Tu vois un petit tailleur et tu lui dis moi je vé tenue. Les galons c’est quoi ça même vous les civils, est-ce que vous connaissez différence entre sergent major, la plume là pour écrire et caporal été que moi même je conné pas.

Mais on va se connaître ici Wallahi !

Williams Sassine

Billet

Le général

Ici, certains sont hypertendus, d’autres sont hypotendus.

Pourquoi ne recevez vous pas, vous même les mécontents et les tendus de toutes catégories ? Laissez vos ministres, c’est vous qui les nommez. Le peuple ne connaît que vous. Recevez nos enfants, nos frères. Vous êtes père de famille.

Général, le Lynx vous regarde.

W.S.

Recette

La maigritude
Laissez la négritude. La tigritude également. On n’est pas nègres tout à fait et pas du tout tigres.
Si vous êtes gros, ou surtout grosses, essayez de devenir fonctionnaire, quand rien ne fonctionne comme aujourd’hui.
Dans les cars, on vous piétinera les pieds et on vous donnera quelques coups dans le ventre pour voir s’il y a quelque chose dedans.
Et n’oubliez pas de prendre rendez-vous avec quelqu’un que vous ne verrez jamais au bureau, parce qu’il n’a rien à faire là-bas.
Si rien de cela ne marche, essayez de vous inscrire à Poly. Les étudiants à coups de bâton vous aplatiront les dernières rondeurs
Merci. Ecrivez nous vos recettes

W.S.

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 11

Présentation

Date1992/05/04

GenreDocumentation - Presse

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Avec l'aimable autorisation des ayants-droits
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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

11. Mémoire d’une histoire désarmée. C’est hi ! hi ! ou ha ! ha !

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