Les folios

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Sassine, Williams, 24. Les indépendantristes : quand les comos s’en vont en guerre, 1992/08/10.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 20/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3369

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N°24, 10 août 1992 : Les indépendantristes :quand les comos s’en vont en guerre

Pour une facilité de lecture, « Comos » en malinké et en poular veut dire « Idiots ». Donc on a créé des « Comos » qu’on appelle abusivement « l’Ecomog » pour justifier une guerre perdue. Cette guerre est tellement perdue, que nous l’avions perdue avant qu’elle ne naisse. Bon à l’époque, il n’y avait pas de publicité genre « Prudence ! Prudence » pour nous demander de nous promener avec des « capotes » asiatiques.

Les Comos auraient dû prendre des préservatifs avant de nous engager au Liberia.

Mais le Liberia vient du mot « Liberty ». Et les pre-miers engagés n’ont compris que bien tard, qu’ils étaient des encagés. Mais allez expliquer à des « Comos » la différence. De toute façon, ils ne comprennent pas la différence entre différent et différend. Quelques signatures au bas d’une page, des accolades qui sentent la mauvaise colle, et nos destins sont contresignés et balancés jusqu’au futur ex-prochain sommet.

Maintenant passons à quelques faits. Nous les donnerons souvent en désordre, mais le désordre n’est-il pas une façon d’ordonner. L’essentiel est de savoir, à défaut de se souvenir. Le Liberia est un pays voisin. De Tubman à Tolbert nous avions de bonnes relations. Sékou Touré avait boudé au début, l’arrivée sanglante de Samuel Doé. Mais après, ça s’était arrangé. Après ça s’est gâté. Parce que dans cette affaire, il y a beaucoup de « Avant » et beaucoup de « Après ». Ainsi va notre histoire. Samuel Doe après avoir posé les pieds des siens dans le sang des autres, a réussi à nous convaincre, que les morts sont bien enterrés et qu’il n’avait pas lu, (comme ses interlocuteurs) Birago Diop. Vous vous souvenez ?

Les morts ne sont pas morts. Aujourd’hui l’histoire est une comptabilité. Nous serons bientôt 8 milliards. Dont à peine 8 millions de Guinéens. Le chiffre est contestable parce que les recenseurs avaient eu quelques problèmes. Au Liberia, par contre, le recensement se fait dans le sens de la soustraction. C’est plus facile non ? Combien des nôtres ne reviendront plus de cet enfer ? Où est la liste des Portés Disparus de Guinée. Je ne parle pas du PDG, puisque ce parti est revenu, après avoir été dissous, et jusqu’à présent aucun décret n’abroge l’autre décret ou communiqué.

Dieu merci, les Comos sont là. Ils expliquent les solutions d’abord, avant de passer aux problèmes. Dans le cas du Liberia, le problème c’était Samuel Doe. On en a fait la solution avant que Prince Johnson ne découpe la solution des « Comos » en rondelles. Alors on s’est réunis une fois de plus pour choisir un autre Samuel. Au nom de qui, de quoi ? Mais les Comos voulaient un Samuel à la place d’une Samuel. On dit que l’histoire ne bégaie pas ; dans notre région, notre politique étrangère va au-delà du bégaiement. Elle titube, un bégaiement dangereux des jambes.

Le dernier pays visité par Doe a été la Guinée. Et c’était pour préparer l’évacuation de sa famille ainsi qu’une demande d’aide. Tout ceci est resté « top secret » aux dépens des vies de nos amis, frères et sœurs, libériens mais libérisables. Notre ambassadeur à l’époque a reçu une belle raclée de Charles Taylor. Il a fallu Houphouët Boigny pour calmer l’humiliation du pauvre.
Aujourd’hui, nous avons le droit d’assistance à des personnes en danger. Nos frontières sont devenues des capotes, ça va, ça vient. Mais il ne faut pas se servir du même ballon deux fois. C’est la même publicité « Prudence ! », « Prudence ! » qui se répète. Ici, sans notre quartier de Taouya, coincé entre la mer qui monte, le ciel qui tombe et la ruée, nous avons un seul recours, celui de chercher à comprendre. Ou comme disait Senghor, à co-prendre. Il paraît qu’il faut un certain degré de pourriture pour faire pousser quelque chose de nouveau. Je suis de ceux qui ont cru, que ce degré avait été atteint. J’avais pensé que le Rien pouvait donner le Tout. Le principe chinois du Ying Yang. Ou peut-être tout simplement que nous avons rencontré le Rien sans le voir. Le bon dieu passe tous les jours mais qui l’a vu ? C’est un peu comme « Air Guinée ».

Le Liberia également. Charles Taylor de même. Aucune négociation n’est possible sans lui. Et aucune négociation avec notre politique étrangère actuelle. Charles Taylor a des principes et des hommes, et surtout une mémoire. La mémoire est très importante. Cette guerre serait terminée si, pour nous démontrer notre capacité d’imagination, nous n’avions pas inventé les « Comos ». Je rappelle ce que je disais plus haut, que « l’Ecomog » en malinké veut dire les « Idiots ».

Mais comment soigner l’idiotie, quand la culture est dans un musée, quand le gouverneur de la banque centrale est fier de faire « glisser » la monnaie, quand on dit à nos enfants : « Fermez l’Université, nous nos petits sont à l’étranger », quand certains grands responsables sont encore là, parce qu’ils ne savent plus où aller, quand la peur de sortir de nos universités devient une culture de la peur.

Il y a des questions qui, devenant interrogations dépassent cette petite surface habitable de la planète que nous occupons. La peur a quatre dimensions. Einstein, le plus savant de nous tous, a donné à ce monde le nom de « relativité ». La relativité d’après lui, c’est mettre la tête dans un congélateur et le reste dans un four. Aura t-on ni chaud, ni froid au bas ventre ?

Vous voyez ? On peut être intelligent sans être bête. Or la bêtise fondamentale de ce pays, c’est d’être bête et intelligent à la même seconde. Sinon, rien ne justifie notre intervention au Liberia. Nous pensons que le président (non élu) en lisant ces lignes, aura l’idée de tenir une conférence de presse, pour s’expliquer sur la conduite du pays. Son ministre de l’intérieur et de la sécurité, serait bien accueilli. Nous nous demandons comment il s’est fait piller. Il pleut, tout glisse.

Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 24

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Date1992/08/10

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

24. Les indépendantristes : quand les comos s’en vont en guerre

Auteur(s) : Sassine, Williams

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