32. Une marche sans marche

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 32. Une marche sans marche, 1992/10/05.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 26/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3377

Texte de l'article

Transcription

N°32, 5 octobre 1992 : Une marche sans marche

La rencontre du 18 septembre entre deux ministres et plusieurs de nos confrères, m’avait d’abord paru inégale. La première rencontre m’avait laissé sur ma faim. Et pour ma part comme « La chronique assassine » l’avait suggéré, M. le ministre de l’Intérieur et la Sécurité ayant surtout des questions, il aurait fallu lui donner d’abord les réponses. A l’époque, j’avais pensé qu’il était seul devant des assoiffés de solutions.

Et c’est pourquoi j’avais pensé cette fois-ci qu’avec deux ministres, le gouvernement aurait écrasé toutes ces personnes qui voulaient s’occuper de ce qui ne les regardait pas. Elles ont cherché à y regarder de plus près, mais plus on se rapproche d’un objet énorme, moins la vue peut en faire le tour.

Parce que cette rencontre était énorme, immense. Une rencontre au sommet façon OUA, quand elle fait semblant d’aboyer contre nos grands problèmes ou contre ses solutions qui sont en bas. Au rez-de-chaussée. Il est remarquable cliniquement qu’un « sommet » en Afrique veuille dire qu’il faut prendre l’ascenseur pour échanger des idées. Trivialement (que le lecteur m’excuse du cru de mon langage, parce qu’on veut tout faire cuire d’avance), je dirai que beaucoup de dirigeants ne peuvent prendre leurs pieds qu’au ciel. C’est bizarre que le pied soit souvent associé au 7^èmeciel, au paradis. Peut-être que…parce que ce sont leurs pieds qui les ont amenés de leurs cases, aux palais. Mais la route était si sale, si encombrée !

Donc ces messieurs du 18 septembre avaient leurs pieds sous la table, face le plus souvent à des vieux copains pour leur expliquer qu’ils étaient là pour sauver tout. Le tout dans leurs bouches ressemblait à une somme de riens. 99% de Guinéens qui avaient voté la loi fondamentale. 99% de rien en somme qui peut-être comprendront qu’ils n’avaient rien compris. Et ce jour, ceux qui avaient compris, voulaient bien qu’on leur démontre ce qu’ils n’avaient pas compris. Une pédagogie venue d’en bas.

Et d’en haut, nos deux instituteurs avec d’autres arguments ont essayé de prouver à leurs élèves que s’ils posaient des questions, c’est parce qu’ils voulaient s’éclairer. Et que s’ils voulaient s’éclairer, c’est parce qu’ils avaient longtemps vécu dans l’obscurité. Et qu’ayant connu la nuit si longtemps sans mourir, pourquoi ceci, et cela, et…« cechat ».

Le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, La Gomme, était posé. Il avait déjà tout expliqué. Mais ses élèves étaient des cancres.

Celui de la justice Saliflouflou, était venu pour ré-expliquer que la loi fonda ou fondue était pour eux. Question de chaleur. Beaucoup d’éloquence fonda ou fondue.

L’une des premières qualités de l’éloquence, est dans l’énumération des détails. Les « sapeurs » en savent quelque chose. Et la loi fonda ou fondue est une loi « sapeur » bien habillée, plutôt la devançant.

Comme « Jo Ballard » ou « Beaugars » dont le « jubilé » a été fêté il n’y a pas longtemps. Ces deux ont au moins le mérite de marcher dans la rue. Alors que nos « sapeurs » de la loi fonda ou fondue, voulant remplacer par « patriotisme » nos sapeurs-pompiers morts assoiffés, essaient d’éteindre tout incendie de rues. Une marche étant un frottement des pieds contre la terre, on peut en effet craindre des étincelles.

L’essentiel de cette conférence a donc surtout tourné à un arrosage des réponses qui revenaient mouillées. Par exemple, toute marche est autorisée mais…Un « Mais » qui ressemblait à des Mêêê de moutons. C’est à l’opposition de pousser ce cri. Si on ne veut pas lui faire pousser d’autres cris. Et cette opposition qui ne s’oppose qu’à elle-même, a compris le message. Le Lynx ne l’aperçoit nulle…

(sic : peu de cohérence entre deux colonnes)

…en plus partie de leurs programmes de rassemblement, de développement, de prospérité, de démocratie, d’unité. Dans ce pays étrange où l’on ne se rencontre que pour croiser les chemins. Nos opposants, la plupart d’entre eux en tout cas, travaillent pour installer le PUP aux carrefours par eux dessinés. Une façon multiforme de revenir au monopartisme.

Les dés sont PUPés et P.Piégés. M. le ministre de l’enseignement supérieur en sait quelque chose. Son cas rappelle celui que nous contait Alain dans « le citoyen contre le pouvoir ». Le plus résistant des gouvernés devient le plus ferme des gouvernants. Tout métier durcit l’organe qui tient l’outil. Regardez les mains d’un paysan, les pieds d’un footballeur. De même le gouvernant s’endurcit, et avec la richesse acquise qui lui donne un autre pouvoir, lui nait une autre carapace. Celle du parvenu, du « grimpion », mot imagé des québécois pour désigner ceux pour qui ni l’argent, ni le passé n’ont aucune odeur.

Donc dans la dernière conférence, la presse coincée entre la Justice et l’Intérieur, assise ailleurs, n’avait de supériorité que cette position plus basse, parce qu’assis par terre. On ne peut être déposé plus bas. Platon reconnaissait que l’homme formé pour être sage, ne voudrait jamais devenir roi. Nous voici aux temps modernes, où chacun cherche à s’asseoir sur le trône de la royauté pour donner des leçons de sagesse. Cette démarche nous a conduits à notre « Démocratie » nécessaire mais non suffisante. Parce qu’un régime démocratique doit entretenir une résistance opportune contre l’Etat. Contre son pouvoir. Contre ses amitiés particulières. Et que déjà des menaces pèsent, pendant que les balances de plus en plus ne balancent que les prix.

Pour quand la troisième conférence de presse ? A défaut d’une autre conférence ou circonférence pour faire le tour de nos problèmes. Au Lynx, nous nous intéressons beaucoup à nos problèmes. Parce que les autorités ont (sic) problèmes. On les comprend. La sous-région est à l’envers. Les enfants acceptent de mourir à la place de leurs parents, ça n’a jamais été plus intense ni plus légitime. Le sentiment de vivre une mutation sans précédent.

En effet, pour la première fois, comme le rappelait déjà en 1956 Gaëtan Picon dans la collection « Panorama des idées contemporaines » (Editions NRF) cette mutation concerne désormais tous les hommes consciemment associés dans une histoire commune. Les frontières se soulèvent comme de vieilles écorces terrestres pour laisser sortir la couche intérieure trop longtemps comprimée. Nous entrons dans une ère dont nous parlent tous nos vieux mythes. Celle de l’UT, ce monde où chacun ne peut renaître qu’en mourant, en acceptant de vivre aux enfers. L’une des erreurs de notre histoire est d’avoir d’abord cru que les colonisateurs composaient ce monde. Ensuite d’avoir recherché à reconstruire ce paradis sans accepter d’être brûlé. Mais nous avons assisté à l’effondrement, au vacillement de notre paysage culturel et économique quotidien. La politique n’a été qu’un habit d’Arlequin fait de morceaux d’étoffes de couleurs différentes. C’est probablement pourquoi depuis si longtemps, notre esprit a emprunté un autre chemin que notre action. Nous devions ouvrir les yeux. Mais nos dirigeants ont tout fait pour qu’on les ouvre le plus tard possible. Aujourd’hui c’est …(sic : pas de fin)

Billet

ONCF DES PARTIS POLITIQUES

La marche de notre multipartisme a quelques traits communs avec notre Office National des Chemins de fer.

- Les rails sont là, mais aucune locomotive n’est assez folle pour les emprunter

- Les gares ne sont plus des lieux de rencontre

- Les Wagons ne savent plus à quoi s’accrocher

Remplacez chers lecteurs et chères lectrices :

Locomotive par chef de parti

Rail par loi fondamentale

Gares par conférences

Wagons par citoyens

Les Kankanais l’ont compris en construisant sur les rails

W.S.

MULTIPARTISME

Il dort dans mes rêves

Son parfum est au bout de ses lèvres

Mais quand je veux le prendre, il se cache dans mes cauchemars

Il y a des jours où j’en ai vraiment marre

Mais il faut prendre mon parti

Rester célibataire ou faire avec lui

De toute façon il me restera Balla et ses balladins

Tout sera possible dans un autre jardin

N’est-ce pas monsieur Gomez

Pour l’instant mettez-vous à l’aise

W.S.

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 32

Présentation

Date1992/10/05

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

32. Une marche sans marche

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