Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Lemoine, John Emile (1815-1892)
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J'ai bien regretté, Monsieur, d'avoir quitté l'Angleterre au moment où vous y arrivait la nouvelle de votre délivrance. J'aurais voulu être des premiers à vous féliciter, et assister à la joie que ce souffle venu de la patrie a dû répandre autour de votre foyer. Cette petite cage mélodieuse de Brompton où gazouillaient dès l'aurore vos chers oiseaux doit se réveiller plus matinal encore et plus joyeuse depuis qu'elle n'est plus suspendue aux saules de l'exil [...].
Vous m'avez toujours permis d'être vrai devant vous ; je dirai donc que je crains qu'à notre tour nous ne jouions en ce moment le jeu de la force et du hasard. Je vois presque tout notre parti engagé dans cette voie et je ne sais où elle nous mène. Vous m'avez dit que vous vouliez user du privilège de la proscription ; tout ce qui se fait ici vous donne raison et ne peut que vous engager à vous réserver. Je ne puis m'empêcher de prévoir le jour où, avec l'esprit et avec la liberté, vous serez appelé à combattre ce parti de matérialistes et de soldats qui vont nous entraîner à sa suite. Pour moi, j'ai aussi mon privilège, celui de l'obscurité ; et j'en use pour m'abstenir.
Si je voyais distinctement la vérité, je ne m'abstiendrais pas. Mais dans ce désordre universel, je ne vois que le mal, et si j'entrevois le bien, c'est encore à travers le mal. J'attends la lumière.
Ce que je sais le mieux, et ce dont vous ne doutez pas, c'est que nul n'a plus que moi partagé le bonheur qu'a dû vous causer la fin de votre exil. Veuillez en recevoir encore, et pour vous, et pour tout ce qui respire, prie, et travaille autour de vous, mes félicitations les plus sincères avec l'hommage de mon dévouement et de mon respect.

Auteur : Chateaubriand, François-René de (1768-1848)
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Chateaubriand mentionne les Essais rédigés par Eliza Dillon et rassemblés et publiés par Guizot en 1834 après le décès d'Eliza Dillon en 1833.

  • De Corinne
  • De Lord Byron
  • De la charité et de sa place dans la vie des femmes
  • Un Mariage aux Iles Sorlingues, poème en prose
  • Le Maître et l'Esclave (pour la Société des traités religieux) (Conte), 1828
  • L'Orage (pour la Société des traités religieux) (Conte), 1828
  • Caroline ou L'Effet d'un malheur

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 16 oct. 1853

Je vous envoie la lettre que je viens de recevoir de M. Monod. Vous la trouverez détaillée sensée et très consciencieuse. Vous me direz ce que je dois répondre.
Savez-vous si la Princesse Koutschoubey a reçu ma lettre. Je l’ai adressée à l'hôtel Bristol.
Gladstone a supérieurement parlé à Manchester. Il me paraît que le mouvement belliqueux n’a pas grand retentissement en Angleterre. Je serais charmé que la mauvaise politique fût, là, percée à jour et repoussée, et la bonne comprise et soutenue par le bon sens public. Ce serait un grand triomphe. dans une grande épreuve. Si cela est vous aurez, entre vous Russes et Turcs, bien de la peine à vous battre, et si vous vous battez, on ne se battra pas pour vous et on trouvera quelque moyens d'empêcher que vous ne vous battiez longtemps. A travers toutes nos oscillations et vos agitations, cela me paraît le résultat le plus probable. Si ce n'était vous, je crois que je n'y penserais plus guère.. Je suis à la veille d’un assez grand dérangement, pour l'hiver prochain, dans mon intérieur. Ma fille Pauline, sans être malade, est toujours fatiguée et faible. Elle n’a pas repris ses forces depuis sa dernière couche. Son médecin, qui est venu ici, lui conseille positive ment d'aller passer l'hiver dans le midi, à Hières, ou à Nice. Son mari en est d’avis, et moi aussi. On prévient beaucoup de malheur en prenant tout de suite ces précautions- là. Elle partira donc bientôt, et mon ménage de l'hiver se réduira à Guillaume et moi, avec ma fille Henriette à côté. C’est une contrariété ; mais quand on a ressenti les grandes joies et les grandes peines de la vie, les contrariétés sont peu de chose. Je n'ai pas de vraie inquiétude sur ma fille mais je crois tout-à-fait bon pour elle. qu'elle aille passer l'hiver sous un ciel doux et dans un complet repos. Je remercie Marion de m'avoir tiré d’embarras sur Pianezza.

Onze heures
Voilà votre lettre qui ne m’apprend rien, comme je m’y attendais. Vous m'écriviez le 24 septembre : " Hélène est bien touchée de vous voir vous occuper d'elle. Elle prendra à genoux le précepteur que vous lui recommanderiez. Je vous prie donc d'essayer de trouver et de lui adresser directement votre trouvaille. " Je ne sais pas une autre manière d'adresser directement que d’écrire.
Je crois que là le Duc de Nemours a dû voir, M. le comte de Chambord. Mais je n'en sais rien de positif. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 17 Oct. 1852

Un brouillard épais au lieu du brillant soleil d'hier. Evidemment, le bon Dieu y a mis de la bonne grâce.
Je suis curieux d'avoir les détails de la journée. Mon gendre Cornélis, qui est allé passer deux jours à Paris me les rapportera ce soir. Il n’y a point de lettres même les vôtres, qui disent tout ce que des yeux ont vu. Je ne puis croire que les conseils de ministres retardent beaucoup la résolution définitive, et l'action. C'est bien fait de n'être pas pressé ; mais il y a des situations où le retard devient, sinon nuisible, du moins ridicule.
Voilà le facteur. Point de lettre de vous. Je ne m'en étonne pas. Vous aurez été pressée, et la poste aussi. Je n'ai comme de raison, rien à vous dire.
J’écris à Aggy pour lui demander pardon. J’ai sans doute avant hier, en jetant au feu des papiers, brûlé par mégarde la lettre de Marion que j'avais mise sur mon bureau, dans une enveloppe. blanche, pour vous la renvoyer. J’en suis désolé. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Le 31 Août 1852

Ma maison est fort tranquille aujourd’hui. J’y suis seul avec mes filles et mes petites filles. Tous les hommes sont partis pour la chasse qui s'ouvre ce matin. Pauline n’est pas du tout malade, elle a eu quelques soins à prendre pour se remettre de ses couches et un commencement de mal de gorge qui l’a fait rester, 24 heures dans son lit, mais ce n'était rien et elle va bien, comme une personne délicate.
Il y a longtemps que Génie ne m’a écrit. Dans ce que dit le Moniteur sur Constantinople, il n’est pas du tout question des Lieux Saints. Je suppose que cette affaire-là, en est resté où elle était, et qu’on parle des petites affaires arrangées pour éviter de parler de la grosse qui ne l'est pas.
10 heures et demie.
Il ne fait pas chaud du tout ici. Je voudrais bien vous envoyer un peu de ma fraîcheur et de ma verdure normande. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Mercredi 25 Août 1852

Le beau temps paraît décidé à revenir aujourd’hui. Vous en jouirez dans votre calèche. Moi, j'en jouis dans mon jardin. Je ne fais guère de longue promenade aux environs. J’aime mieux flâner en rêvant dans mes allées. Je rêve à mes travaux, au passé, à l'avenir. Je suis ici à la fois très entouré et très solitaire. Pour la vie extérieure et à la surface, rien ne me manque ; le fond est vide. C'est curieux combien la distance est grande dans l’âme entre la surface et le fond.
Mes enfants sont excellents et charmants pour moi. Quand je chercherais, je ne saurais vraiment qu’y ajouter ; mais ils ont leur propre vie, qui n’est pas la mienne. C’est tout simple. Je suis également frapper du sage arrangement des choses telles que Dieu les a réglées, et de leur imperfection.
M. Drouyn de Lhuys s'est donc arrangé avec la Belgique. Pour des affaires de cette sorte et de cette taille, il en sait plus que M. Turgot. Il vient de faire une bonne et juste nomination en envoyant à Londres, mon ami Herbet que vous connaissez, comme consul Général. J’ai vu avec plaisir que mon amitié ne lui faisait pas tort. Il m’est resté très attaché. Il servira très fidèlement et très capablement. Je regrette que ce mot-là ne soit pas français.
Ably, nous manque. Je trouve que les petits jeux et les bijoux qu’on gagne toujours sont des appâts un peu vulgaires. Je conviens qu’il en faut de ceux là, et quand ils réussissent, on a bien fait de les employer.
Avez-vous remarqué que M. de Radowitz vient d'être nommé inspecteur général de tous les établissements militaires de Prusse ? Est-ce un simple manque de faveur personnelle, ou bien y a-t-il là quelque politique ? Ceci me paraît peu probable.
La Suisse est vraiment une honte pour l'Europe. Je viens de lire, dans l'Assemblée nationale, une longue lettre sur l'état intérieur du canton de Neuchâtel qui fait vraiment dégoût et pitié. Les protocoles de Londres pour le maintien des droits du Roi de Prusse n’ont abouti qu'à un redoublement de tyrannie radicale. Les radicaux ont raison de se moquer des rois.

Onze heures
Demandez à votre médecin, Olliffe ou Chomel, si l’usage habituel de quelque boisson amère, comme la chicorée, ne serait pas bon pour votre estomac. Vous avez besoin de quelque tonique pas fort, mais constant. Avez-vous renoncé aux eaux de Bussang ? Prenez-vous un peu souvent de la gelée de viande ? Je voudrais bien vous trouver un peu de force.
Si la petite Princesse a moins d’esprit qu’il y a douze ans, ce n’est pas assez. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer 17 août 1851

J'espère bien avoir une lettre ce matin. Je ne reçois pas celles de Francfort plutôt que celles d’Ems, ni celles de Schlangenbad plus tard. Je suis fâché de ne pas connaître Schlangenbad. Jamais le calme n'a été plus profond qu'en ce moment. Le mouvement de l'Assemblée est fini. Celui des conseils généraux n'est pas encore commencé. Les journaux n'excitent plus aucun mouvement. A peine dit-on quelques mots de la candidature du Prince de Joinville. La réserve du Journal des Débats déplaît évidemment beaucoup à ceux qui y poussent. Quelle leçon, si cela finissait par un coup d'épée dans l’eau ! Ce sera le point délicat de ma visite à Claremont. Mais je m'en tirerai comme Dugueselin se tira de la ville de Rennes, où il était assiégé par les Anglais. Grand stratagème du Connétable. Il met son Chroniqueur en tête de ce chapitre ; et ce stratagème fut de rassembler sa garnison, de sortir de la place bannières déployées et de se faire jour, à grands coups de lance et d’épée, à travers le camp des Anglais. Je parlerai comme Dugueslin marchait bannières déployées et en disant tout ce que je pense. Je ne connais, ni dans mon devoir, ni dans leur intérêt, aucune raison de m'en gêner.
Ce qui m'amuserait, ce serait comme je le vois dans les journaux, que Thiers, Rémusat, Lasteyrie, Piscatory & vinssent là aussi pour le 26 août. La réunion autour du cercueil du Roi serait frappante. La mort change peu de chose.
J'étais inquiet, il y a quelques jours, pour la petite fille de ma fille Henriette. L'affection vient vite en regardant une pauvre petite créature muette qui souffre et qui vous regarde avec des yeux suppliants, où il n’y a rien encore que l’instinct confiant de la faiblesse qui implore secours. L'enfant va mieux. Je ne sais si on viendra à bout de l'élever ; elle est bien chétive. Il y a aussi quelque chose qui saisit et attache dans ce problème de la vie à son début ; une flamme qui vacille ; durera-t-elle ? S'éteindra- t-elle ? C'est le mot de mort à propos du Roi, qui m'a reporté vers ma petite-fille. Qu'il y a loin de l’un à l'autre !

11 heures
Voilà ma lettre, et vous êtes rétablie à Schlangenbad. J'en suis bien aise pour votre repos. La fatigue un peu prolongée, même agréable ne vous va pas. Adieu, adieu. Point de journaux ce matin. Montalivet m'écrit. " La Reine et les Princes vont quitter l’Ecosse. Le Prince et la Princesse de Joinville, retournent directement à Claremont. La Reine et le duc de Nemours feront un détour qui leur prendra plusieurs jours. Je ne crois pas qu’ils soient à Claremont avant le 24. Mad. la Duchesse d'Orléans habitera Claremont et y arrivera de son côté le 22 ou le 24. " Mon plan, à moi, est toujours le même. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 22 Juillet 1851
Sept heures

J’ai lu attentivement tout ce débat. A tout prendre, il a été favorable à la révision et surtout à la Monarchie, succès bien éloigné et incertain ; succès pourtant, pour les hommes comme pour les idées. On m'écrit : " Le duc de Broglie est dans le ravissement du discours de Berryer. Il a dit à M. Molé : Puisqu’il en est ainsi, je n’ai plus d’objections contre la légitimité. Mais est-elle possible ? Dans tous les cas, Berryer, a levé mes scrupules. La liste des votants est curieuse à étudier ; les Montagnards, le Tiers-Parti, 21 pointus légitimistes, et 13 Régentistes, les deux derniers chiffres sont la mesure de l'influence de Thiers et de Changarnier. Aussi m'écrit-on : " Le Général Changarnier vient de faire une faute énorme. Sa passion contre le Président l’égare, et lui fera faire des énormités. J’ai bien peur qu’en 1852, il ne soit à ce point décrié que nous ne puissions en tirer aucun parti. " Voilà l’impression du lieu et du moment. On m'écrit encore : " La lettre du Prince de Joinville existe. Elle est moins mauvaise qu’on ne l'avait dit ; mais elle est mauvaise. Il y règne un ton d'ironie qui peut à bon droit, justifier les méchants propos de MM. Thiers et Duvergier. "
Notre pauvre ami Montebello a failli éprouver un grand malheur. La Duchesse a été très malade. Il y a trois jours, elle était en grand danger. On me l'a dit sauvée. C'était une inflammation d’entrailles qui, dans son état de grossesse avancée, pouvait devenir fatale. Montebello est rassuré. Il va écrire au Prince de Joinville. Je souhaite que sa lettre fasse quelque effet. Ou je me trompe fort, ou l’intrigue pour la candidature du Prince de Joinville à la présidence est ce qu’il y a de réel et d'actif au fond de tout ceci, dans le silence comme dans le travail de Thiers et de son monde.
Soyez tranquille, en tout cas ; vous pourrez aller chercher à Paris vos robes. Chercher, je veux dire retrouver. Je ne vois aucune chance de désordre matériel, si les apparences ne sont pas bien trompeuses, les rouges sont partout plutôt en déclin qu’en progrès, au moins pour le temps prochain. Soignez-vous bien à Ems, et rapportez un peu de force pour l'hiver. Le temps a l’air de vouloir devenir enfin un peu chaud. Je m'en réjouirai pour vous, pour moi, et pour les récoltes de Normandie.
Ma matinée d’hier a été pleine de visiteurs comme si mon gendre, en arrivant avait rouvert les portes de ma solitude, neuf personnes successivement de Caen, de Rouen et des environs. Tout le monde dit la même chose. Je ne sais ce qui sera au printemps prochain. Aujourd'hui, les élections seraient certainement assez présidentielles. Les Montagnards perdraient. Peut-être les légitimistes aussi. A cause de la politique et du langage des pointus ce qui rejaillit sur tous.
Vous seriez bien bonne de me faire, à Ems une commission, de me rapporter : 1° un petit caillou- Diamant du Rhin, monté en épingle ; 2° Deux garnitures de boutons pour gilets, en cailloux du Rhin. Quelque chose de semblable à ce que j'ai acheté là, l'an dernier. J'espère que cela vous donnera peu de peine en vous promenant. Onze heures Voilà votre lettre de jeudi. C'est bien loin en effet. Vous avez parfaitement raison de ne pas vouloir que Marion joue. Adieu, adieu. G

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 21 Juillet 1851
6 heures

J’avais oublié de vous dire que vous auriez d’Haubersaert. Il était venu me voir en passant à Paris, venant de Vichy et allant à Ems. Il avait eu Salvandy à Vichy ; il allait trouver Duchâtel à Ems et se félicitait de l'échange. Salvandy est certainement un des hommes qui gâtent le plus d’excellentes qualités d’esprit et de cœur à force de ridicule.
Qu’entendez-vous par original ? Duchâtel l'est en effet et tout le monde, l'est, plus ou moins, comme vous dites. Mais je suis assez curieux de savoir si votre impression sur lui, (Duchâtel) maintenant que vous le connaissez bien est la même que la mienne. Je le suppose.
Vous dites vrai ; vous avez beaucoup de goût à tout ce qui a l’air royal. Par un sentiment fort naturel ; le monde royal est votre patrie, votre enfance, votre jeunesse presque toute votre vie. Je trouve seulement que vous en êtes quelquefois trop facilement et trop exclusivement charmée. Vous savez que nous nous disons tout. C'est peut-être une petite jalousie de ma part, moi qui ne suis pas Roi.
Marion a trop d’esprit pour ne pas dire Monseigneur à un Prince. Si j'étais républicains, je n'y manquerais certainement pas. Il y a bien plus de fierté à ne pas se soucier des titres qu'à s'en souvenir pour les contester. Est-ce que Marion, homme, se serait crue obligé d'entrer dans le salon de Washington le chapeau sur la tête ? Il y avait de bons américains qui faisaient cela, superbement. Je suis décidé à ne pas me figurer Marion le chapeau sur la tête.
Ma solitude est finie ; voilà M. de Witt qui m’arrive, et Pauline sera ici samedi matin avec son mari. Ma petite fille va beaucoup mieux mais or la retient encore quelque temps à Paris. Onze heures Je m'étonne que vous ne vous souveniez pas du baron de Rendoff, vous qui vous souvenez de toute la diplomatie européenne. Un assez grand et gros homme avec une énorme brochette de croix. Il avait été ministre de Portugal à Berlin, et il l’était bien effectivement à Paris, au moment de la révolution. Voilà donc la révision votée, c’est-à-dire rejetée, à demain les commentaires. Mon facteur est arrivé tard et mon déjeuner m'attend. Adieu adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 20 Juillet 1851

Pourquoi ne le dirais-je pas ? M. Victor Hugo me plaît. Il a remis tout le monde dans la vérité. La République du Gal Cavaignac, mensonge ; la République de M. Michel de Bourge, mensonge ; c’est la révolution qui est là, deux révolutions, une vieille et une future, celle des Montagnards et celle des Socialistes. C'est très bien de se mettre en colère contre le mauvais fou qui dit tout cela ; mais il faut savoir qu’il dit vrai, et que ces odieuses folies sont l'ennemi auquel on a réellement affaire. Hors de là, je ne vois que des badauds qui s’attrapent eux-mêmes en essayant d'en attraper d'autres qui se laissent volontiers attraper. Je trouve que ce débat, tout en restant parfaitement stérile est plus sérieux et plus significatif que je ne m’y attendais. Il y a de la vie dans ce pays-ci ; ce qui est, paraît, quelque envie qu'on ait de ne pas le voir. C'est une singulière impression que de recevoir l’écho de ce bruit dans le silence de ma solitude.
Mon gendre Conrad m’arrive demain pour passer ici quatre jours. Ils ne veulent pas me laisser plus longtemps seul. Pauline qui est à merveille ainsi que son enfant, vient s'établir avec son mari samedi prochain 26. Henriette est obligée de rester encore trois ou quatre semaines à Paris ; sa fille va mieux et on espère qu’elle ira décidément bien ; mais il n'y a pas moyen de la séparer en ce moment de son médecin. Le Val Richer aura revu un moine pendant huit jours. Vous savez que moine veut dire solitaire.
Je suis bien aise de ce que vous dit Lady Allice sur le ballot. Je ne me fie pourtant pas beaucoup à ces indifférences superbes des Ministres. Je compte plus sûr le bon sens anglais que sur la fermeté de Lord John. Croker, dans sa dernière lettre caractérise le genre et le degré d'habileté des Whigs, et le mal qu'ils laissent faire grâce à celui qu'ils ont l’air d'empêcher, avec beaucoup de vérité et de finesse. Je suis frappé de ce que vous me dites que la réaction va trop vite à Berlin. C'est mon impression aussi, sans bien savoir. Et j'ai peur que cette réaction, qui va si vite, ne soit, au fond, pas plus courageuse qu'habile. Avez-vous remarqué ces jours-ci un article Alexandre Thomas dans les Débats à ce sujet ? Il était plus précis et plus topique que ne l'est ordinairement cette signature.
Je trouve le Constitutionnel bien faible depuis quelque temps. Rabâcheur, sans confiance en lui-même. Est-ce que le Président serait déjà un vieux gouvernement ? Le plus grand des défauts dans ce pays-ci.

Onze heures
Le facteur ne m’apporte pas grand'chose. Petit effet de Dufaure. Pas plus grand de Barrot, M. Moulin m'écrit pendant que Barrot parle. Le discours de Berryer reste entier, et jusqu'ici seul, du bon côté du moins. Mon gendre Cornélis m’écrit : " Ce discours a fait dans Paris une grande sensation, plus grande qu'on ne pouvait l'espérer. Tout le monde en parle, et ce qui est singulier, tout le monde l'a lu. Les journaux anti légitimistes y ont beaucoup contribué ; ils ont cherché à entourer la fusion sous les couronnes décernées à M. Berryer, et pour éviter d'apprecier l'acte politique, ils ont adressé à l'orateur des louanges excessives, en affectant de ne voir là qu’un beau discours. Mais le public n'est pas de leur avis " Adieu. Adieu. Je suis charmé qu’il vous arrive du renfort. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer 16 Juin 1852

Quand je vous écris, je n'ai point de nouvelles à vous dire, et quand j'en ai, je ne suis comment vous les écrire. Je recueille ici ce que j’ai appris de plus intéressant, et de plus exact depuis quelques jours. Ma lettre ira attendre à Paris une occasion.
A tort ou à raison, MM. Fould. Rouher et même Morny se flattent de rentrer prochainement au pouvoir, et il y a des intimes de l'Elysée qui y croyent. Ce serait le résultat d’un accord entre eux et M. de Persigny, qui passerait aux Affaires étrangères. Les anciens ministres adopteraient pour le dehors et dans l'avenir, la politique impériale représentée par Persigny, et le nouveau Cabinet adopterait au dedans et actuellement, la politique modérée qu’ils représentent. Cela se ferait-il à la suite et par suite d’une décision du conseil d'Etat dans l'affaire des biens d'Orléans, qui rouvrirait une porte à Morny et Fould ? Je ne sais et ce qui me revient des dispositions du Conseil d'Etat, m'en fait beaucoup douter. Cependant, le bruit dont je vous parle est sérieux.
Le Président ne renonce à rien, mais il est décidé à deux choses, à attendre, et à tout faire pour vous amener à ce qu’il veut. Il vous croit séduisibles. Question de temps, de savoir faire et de bonne fortune. Son espérance est aussi indomptable que son idée est fixe. Vos compliments l'encouragent plus que vos duretés ne le piquent. Il fait de tout cela un mélange qui le laisse plein de confiance. Vous ne pouvez lui ôter ni son étoile, ni son adresse persévérante. Vous subirez l'influence de l’une et de l'autre. Vous en passerez par son titre d'Empereur parce que vous ne pouvez vous passer de lui. Il attendra tant qu’il faudra pour le prendre ; mais le bon moment lui viendra pour le prendre, comme il lui est venu pour le coup d'Etat. Sa politique extérieure aura son 2 Décembre ; il ne mettra pas l’Europe à la porte, mais il la mettra à la raison. Voilà ce qu’il y a au fond de la prudence, et de sa patience ; tôt ou tard, vous céderez à ses coquetteries, et à la nécessité. Vous douterez encore, et moi aussi je doute.
Voici cependant où en est la fusion. L’arrivée du Duc d’Aumale à Claremont et son opinion clairement exprimée avaient embarrassé la Duchesse d'Orléans, sans abandonner sa résistance, elle avait demandé qu’on restât en suspens jusqu'à ce que le Duc de Montpensier arrivât, et que toute la famille réunie pût en délibérer. Le Duc de Montpensier est arrivé, plus décidé. qu’aucun de ses frères. Alors a paru tout à coup ce petit article des Débats que vous vous rappelez et qui présentait les Princes et Changarnier comme encore bien loin de la fusion. La colère a été grande parmi les Princes. Le Prince de Joinville s'est chargé de l'explosion. Il est allé chez la Duchesse d'Orléans qui s'est dite absolument étrangère à l'article des Débats ; mais l'explication n'en a pas moins été jusqu'au bout. “ Il n’y a point d'autre parti à prendre, c’est le seul moyen de salut pour notre maison. Quand j’ai consenti à être porté pour la présidence de la République, c'était dans cette seule vue nous avons nous, maison d'Orléans, une revanche à prendre ; je voulais la prendre en personne, mais pour remettre la couronne sur la tête du comte de Chambord. Comment Paris pourrait-il régner ? Vous seriez chaque matin obligée de faire aux partis révolutionnaires, une nouvelle concession ; avant six mois nous serions dans leurs mains. N’y pensez plus ; il faut en finir "
Tout cela, dit avec verve, avec abandon, d’autant plus impétueusement que la Duchesse d'Orléans semblait moins convaincue. Quand elle a vu que ses beaux frères étaient à ce point décidés, et que Joinville, sur qu'elle comptait et dont elle ne pouvait se passer se montrait le plus décidé de tous, elle s'est résignée, sans céder. Elle a dit qu’elle ne se séparerait point de la famille qu’elle ne protesterait point qu’elle subirait son sort, qu’elle demandait seulement, à ne prendre, personnellement point de part active à ce qu’on voulait faire, et à n'être pas là quand on le ferait. Les Princes y ont consenti.
Elle part donc pour Baden en Suisse et les Princes restent à Claremont jusqu'au départ du Duc de Montpensier, moment fixé pour accomplir leur résolution. Sous quelle forme ? Par le Duc de Nemours seul, au nom de tous, ou par tous ensemble ? Je n'en sais rien ; ils n'en disent absolument rien ; ils veulent que l'acte soit tout-à-fait personnel et intérieur dans la famille. Ils se donnent seulement pour vous décidés à en finir et très près d'en finir. Je vous donne là le dires des meilleurs rapporteurs, et qui se sont dits autorisés à me dire. Ils sont de plus persuadés qu’il y a déjà eu, entre Claremont, et Frohsdorf, des communications préparatoires, et précises. Je n'ai rien de plus gros, ni rien de plus. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°13 Val Richer, lundi 14 Juin 1852

Je n'ai pu vous écrire hier ; le service de mon facteur n'était pas encore arrangé. Rien ne se ressemble moins en effet que le Val Richer et Schlangenbad. Je suis seul ici, avec mon fils, et mes paysans (le mes est très abusif), qui me racontent leurs tristesses ou leurs espérances de récolte. Il pleut. Mes fleurs, qui en ont joui d’abord, en souffrent aujourd’hui. Mais, même avec la pluie ce séjour me plaît, après la société de ceux que j’aime, ce que j’aime la mieux c’est ma liberté, et mon loisir. Rien ne m'ennuie plus que de vivre à la merci des indifférents.
Quoique j'eusse fait fermer ma porte le jour de mon départ, j’ai vu assez de monde, Duchâtel, Montebello, Vitet, Salvandy, Mallac, Armand Bertin. On croyait assez à un remaniement de Cabinet qui mettrait Persigny aux affaires étrangères, et ferait rentrer Morny, Fould et Rouher. On arrangeait une bonne occasion. Le Président devait gagner au Conseil d'Etat, demain mardi, la question du conflit. On savait le compte des voix, 9 contre 7 après ce succès, il devenait généreux ; il réglait à nouveau ou faisait régler par le conseil d'Etat l'affaire des biens de la maison d'Orléans, modérément, équitablement en assurant les droits des créanciers et ceux de sa sûreté à lui, aussi bien que ceux des propriétaires. Cela fait, tout était facile. Le public était satisfait et les hommes capables redevenaient ministres. Voilà l’utopie.
Le Président se trouverait en effet très bien d’agir ainsi ; il s'ôterait un fardeau fâcheux, et se donnerait une meilleure administration. Je ne crois guère aux Utopies. Non pas pour toujours, mais pour quelque temps, ce n’est peut être pas tout à fait une utopie que de se promettre un peu plus de retenue de la part des journaux étrangers. Si on leur fait craindre de voir leurs correspondants expulsés de Paris. Ce serait en effet pour eux un grand inconvénient. Ils finiraient par le surmonter ; ils trouveraient d’autres moyens d'information, et en dernière analyse, ils n'en seraient que plus violents contre le pouvoir qui les aurait ainsi maltraités. Mais au premier moment, et pour échapper à cet embarras, ils lui feraient probablement quelques concessions.
Le langage du Times, et même du Morning Chronicle, l'indique un peu. Comme expédient, l'expédient est assez bien imaginé. Je regrette bien que l’Autriche et la Prusse ne se mettent pas d'accord sur la question douanière. Il n’y a qu’une seule mauvaise chance pour la paix de l'Europe, c’est le défaut d’union entre les grandes puissances. Mais si cette chance là se laisse entrevoir les partis révolutionnaires l'exploiteront infailli blement. Ils ont autant de verse que d’ardeur. Et qu’on ne se fasse point d'illusion ; le venin révolutionnaire n'éclate et ne circule plus en ce moment ; mais il subsiste et il s'amasse. Le bon parti n’a pas de marge pour faire des fautes ; le mauvais en a pour attendre.
Adieu, Princesse. J’ai pris quelque soin pour avoir des nouvelles de Paris ; mais ne comptez pas sur moi. Je serai très stérile. D'ailleurs le free trade n’est pas, en ce moment, aussi à la mode pour l’esprit que pour la matière. Adieu, adieu. Ma fille va bien. Elle viendra me retrouver dans les premiers jours de Juillet et sa soeur la précèdera de quelques jours. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 1er octobre 1850
8 heures

On me dit et ce sont des Belges qui le disent, que la mort de la Reine Louise. fera beaucoup de mal au Roi Léopold. Elle est pour beaucoup dans sa bonne position, et on lui en veut beaucoup de n’être pas bien pour elle. On va jusqu’à dire que cela pourrait devenir grave et amener des manifestations populaires qui pourraient amener des événements. Les mœurs du Roi font un grand contraste avec la piété de la Reine. Le peuple Belge y est très sensible, en affection et en colère. Il serait bizarre qu’un trône, qui a résisté à l'ébranlement de l’Europe, fût ébranlé pour des fredaines de 50 ou 60 ans. Quel est précisément l’âge du roi Léopold ?

Je viens de me lever. Je lisais dans mon lit. Toujours Peel and his times qui m’attache extrêmement. Attachement triste par ses retours ! Nous avons fait pendant 30 ans de la politique qui valait bien celle-là avec des débats qui valaient bien ceux-là. M. Royer Collard revenu à son amitié pour moi, me disait peu avant sa mort : “ Vous vous faites beaucoup d’honneur; vous êtes le premier de votre temps et entre les premiers de tous les temps. “ Gardez-moi le secret de mes secrets plaisirs d'orgueil. Est-ce que tout cela doit aboutir au régime d’aujourd’hui. Est-ce là la fin ? Je ne le crois pas, mais quelques fois, je le crains. Je ne pense pas que je devienne superstitieux ; mais en tout cas, il y a de quoi devenir modeste ; on fait bien peu, même quand on fait bien, et il ne faut pas un bien grand vent pour tout emporter.

Onze heures
Les mêmes nouvelles nous arrivent en même temps. Votre lettre me dit ce que je viens de vous dire sur la Belgique. C'est triste et grave. Je pense sans cesse à la pauvre Reine de Claremont. J'espère qu'elle aura la satisfaction de voir encore sa fille. Pourquoi attend-elle ? Est-il vrai que la République ait témoigné à Bruxelles des craintes sur l’arrivée de la famille royale à Ostende ?
La joie à cause de la circulaire Barthelemy me paraît bien puérile. J’en doute un peu. Non pas qu'on l'ait manifestée, mais qu’on la sente réellement. On aura cru que la fusion devenait impossible, au moins que tout le public en France le croirait et le dirait. On aura voulu être de l'avis actuel du public ; sauf à avoir plus tard un autre avis si les évènements en suggèrent un autre. Suivre le vent, tous les souffles du vent, c'est l'habileté des habiles qui n’ont pas la grande ambition ni la grande habileté !
Voilà un horrible accident dans ma famille. Cette jolie petite Mad. de Vaines vient d'être horriblement brûlée. Son mari me donne les mêmes détails qui sont dans les débats. On espère la sauver mais sans certitude. On est à peu près sûr que, si elle est sauvée, elle ne sera pas défigurée. Pauvre jeune femme qui s'amusait de si bon cœur ! On est arrêté tout à coup dans le plaisir, comme dans la bonne politique. Adieu, Adieu.
Je vais aujourd' hui dîner à Lisieux malgré la pluie. Demain j'aurai du monde et de la conversation. Vendredi, 4, j'aurai 63 ans. Samedi 5 M. Hébert vient me voir avant d'aller à Claremont. Mercredi, 9, je vais à Broglie. Voilà mes affaires d’ici à huit jours. Adieu. adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 17 septembre 1850

J’ai vu le duc de Noailles hier un moment. Salvandy a eu le temps de s'ennuyer. Le comte de Chambord n’arrive à Frohsdorf que demain, & personne ne sait où il a été tout ce temps, probablement une promenade pittoresque dans le Tyrol Bavarois. Darmstadt devient aussi menaçant que la Hesse électorale. Schulenbourg qui était ici hier soir dit qu'on s'inquiète beaucoup de tout cela à Berlin. Changarnier était ici hier au soir. Mad. de Contades les Clans Hamilton, les Cavendish. Piscatory a été à Clarmont prêcher une croisade contre les légitimistes. Il a été très mal reçu. Il est revenu. Je ne sais rien de positif sur la Reine des Belges, mais il paraît qu’elle est bien mal.
J'enverrai à Fleichmann votre petit mot. Dans toute cette affaire rappelez-vous que les Fleischmann n'y rêvaient pas & que les avances son venues de l’autre côté. Au commencement vous m'avez parlé de 20 à 25 mille francs de rente. Eux disent d'emblée ce qu’ils donnent vraiment, pas de humbug. En tous cas c'est un brave jeune homme & de brave parents. Votre fils est bien sensé pour son âge, & sa lettre lui fait grand honneur. Je n’ai pas vu Dumon depuis trois jours. Le temps est superbe, trop beau pour Paris ! Votre lettre pour A.[berdeen] part aujourd’hui ou demain. Adieu. Adieu.
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