Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


Votre recherche dans le corpus : 466 résultats dans 3515 notices du site.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00082.jpg
Paris le 14 Juin 1850

D'abord, je ne suis pas poitrinaire. Je respire. Chancel veut que j'aille à Ems le 1er juillet. Le détail je vous le dirai. Je vois par votre lettre ce matin que vous ne hâtez pas votre arrivée ici. Duchâtel part Dimanche à 8 h. du matin avec Broglie. Vous ne les verrez donc pas ici. J'ai eu hier une seconde lettre. de Lord A[berdeen]. très bonne. Je l’ai envoyée au G[énéral] Lahitte. J’ai vu hier comme de coutume beaucoup de monde. Ste Aulaire entre autre, qui voudrait bien savoir si vous voulez être porté à l’Institut. Je lui ai dit que je croyais que non. Ai-je mal fait ? Je compte que vous dînerez avec moi dimanche, car sans cela nous aurons bien peu de temps pour nous voir. 1 heures Je viens de voir un de vos fidèles. Il trouve et les autres aussi, qu'il faudrait absolument que vous allassiez tous ensemble. Et puisque Beauvale veut absolument partir Dimanche matin on essayerait de le faire retarder jusqu’à Dimanche soir. Ou bien on vous engagerait bien à ne faire que traverser Paris pour partir avec lui dimanche matin aussi. Ils ont tous l'air de tenir tant à ce que vous & Beauvale allassiez ensemble, que je suis obligé de le désirer aussi et de me résigner à ne pas vous voir à votre passage. Vous me retrouveriez à votre retour. Voyons ce que vous déciderez.
Je me suis trouvée hier soir dans un cercle de [pointus] chez la vicomtesse. Ah, c’était drôle. La dotation. J’ai dit qu'il fallait la voter. M. de la Rochejaquelein était d'une courtoisie pour moi qui était presque de la platitude. On a parlé de prorogation des pouvoirs, et on m’a demandé si je voulais que cela fût voté aussi. Pourquoi pas ? Mais consultez-moi dans deux ans, en attendant votez les 3 millions. Votre nom était prononcé là avec beaucoup de respect. Si je ne vous vois pas, vous saurez de mes nouvelles dans un grand détail par quelqu’un qui vous attendrait chez vous dès 5 heures du matin dimanche. Quel dommage que vous n’arriviez pas demain. ! That would have been the thing. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00090.jpg
Paris Lundi 17 juin 1850

Grand jour, qui sera je l'espère un grand échec moral, mais que je ne regarde. plus comme devant amener la chute. Mes correspondances de Londres me disent que le duc de Wellington et Sir R. Peel font tous leurs efforts pour assurer une majorité au G[ouvernement] dès lors c'est un hopeless case. Hier vous n'imaginez pas tous les tricks employés par Normanby pour arriver au dénouement le plus tard possible dans la journée. Si je suis bien informée, l’Angleterre cède de tout & il n'y aurait plus d'embarras. que dans la forme de le rédaction. On a tenu conseil à l’Elysée. Pour Normanby il s'agissait de finir après le départ de la poste, afin que l'opposition à Londres ne peut être informée du résultat. En effet ce n’est qu’après 6 heures qu'il est revenu une dernière fois chez G[énéral] de Lahitte. En définitive hier soir rien n'était terminé mais cela peut l'être ce matin si Normanby a reçu ou s’il tient dans sa poche, l’acceptation absolue.
J'avais beaucoup de monde hier soir. On ne parlait que de cela et de l'amendement fait par la commission. Fould m’a dit que le g[ouvernement] n'accepte aucune transaction. Dalmatie qui était ici m’a parlé comme avait fait un enragé de la commission. Pourquoi est-il si mauvais ? Le brave g[énéral] m’a plu encore plus que de coutume. J'ai été le matin à Passy mais Thiers n'y est pas venu. Tout le monde le blâme bien haut de son apparition à la ch[ambre] haute. Quelle inconvenance on redit de tous côtés qu'il est revenu très fusionniste. Lisons donc l’Opinion publique de samedi ou l’Univers de vendredi. Très curieuse & bonne lettre de Claremont. Je l'envoie à l'Impératrice. Adieu. Adieu. Je suis bien impatiente de vos nouvelles. Makan part ce soir pour vous rejoindre. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00102.jpg
Paris Lundi 24 Juin 1850

Peu de monde hier soir, mais choisi. Lahitte, Molé, Montalembert mon favori. Piscatory. Toute la diplomatie. Lahitte ne sachant pas s'il sera encore Ministre demain. Molé en grand doute, mais je crois plus de doute dans la forme que dans le fond. Piscatory très certain que la loi passera. Montalembert incertain aussi. Enfin, nous verrons. Quant à Londres, demain le télégraphe. Les notes échangées pour la conclusion de l'affaire, sont, de la part de l'Angleterre, longue, pompeuse, gracieuse, regret du passé vif désir de faire bon ménage & & Du côté de la France, les faits très simples, pas un mot de politesse, enfin très sec, à ce que m’a dit [Soluise]. Nous verrons, quand nous verrons. Normanby est venu se plaindre des deux paroles de Dupin en pleine assemblée. Lahitte a répondu qu'il n’a aucun contrôle à exercer sur le Président de l’Assemblée. On ne parle pas du tout encore de renvoyer l’ambassadeur, & on ne sait quel ambassadeur. Gros est revenu hier, disant des choses incroyables de la légation anglaise à Athènes. J’ai vidé mon sac. Il fait bien chaud. Mon départ est fixé pour Samedi. Lundi au plus tard, mais vous saurez tout exactement. Adieu & Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00137.jpg
Paris Dimanche le 30 Juin 1850

Me voilà encore. J’étais si lasse hier que je n’ai pas pu faire mes derniers arrangements. Londres m’a troublée aussi, & le parlage chez moi. Enfin je ne suis pas partie ce matin, comme j’avais voulu le faire & ce n’est que mardi matin qui je m'embarque pour cet ennuyeux voyage. Je ne m’explique pas la majorité de 46. Pour le ministère. Le Général Lahitte m’a envoyé la dépêche télégraphique hier avant 5 heures. Très bien, rien que le chiffre. Je suis curieuse des détails. Qu’aura fait Peel ? Le coup au visage de la Reine est quelque chose dont on ne revient pas. L'histoire du monde n'offre rien de semblable. Cette brutalité révolutionnaire ! Car l'homme n'est pas fou.
Morny est venu hier, ayant l’air fâché du succès de Pal[merston]. Je lui ai dit que tout le monde l'était, moins un, le Président. Il a peu disputé. Le Prince croit que Pal[merston] est son ami, & qu'Aberdeen serait son adversaire. Comme c’est jugé faussement ! Voilà donc les pièces. Certainement la réponse de Lahitte est sèche. Drouyn de Lhuys va repartir. Il n’y a pas de motif pour ne pas retourner à Londres, & je crois que Mareschalchi est un pauvre correspondant.
Midi. Voici Ellice & lady Allice. Le premier embarrassé. Disant que c'est la guerre entre les deux chambres, & qu'au besoin Lord John pourra bien appeler à son secours les moyens révolutionnaires ou à peu près. La lettre n’a pas de valeur. Lady Allice dit, au moins voilà les partis mais, Peel, Graham, votant avec les Conservateurs & Protectionnistes. Personne ne dit si Peel a parlé. Je croirais que non. De l'aveu de mes deux correspondants, John a fait un mauvais discours. Disraeli aussi. Personne ne dit un mot du coup de canne à la figure de la Reine. J’espère avoir un mot, d’Aberdeen, Cela vient plus tard. Flahaut très Palmerstonnien, voilà ce que me dit lady Allice et ce que vous aviez dit avant elle.
2 h. Je viens de parcourir le Times bien rapidement. Peel a parlé & fortement & bien, du moins c'est ce qu'il me semble avec mes pauvres yeux. Tout cela est d'un longueur excessive. Il ressort de ce débat que les partis sont unis sur la question étrangère. C’est assez bon. Adieu. Adieu. Que vous dites vrai sur les points pas touchés ou faussement touchés par Palmerston Mais what use now ! C’est fait et j'espère que l'Angleterre aura une petite révolution. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00172.jpg
Ems Mardi le 9 juillet 1850

Mon fils est parti ce matin, c’est un gros chagrin pour moi. Il est retourné à Paris, de là il va en Ecosse, il m’a presque prouvé de revenir ici, mais je ne veux pas y compter. Le Prince Paul de Wurtemberg a fait son entrée très imprévue chez moi hier. Il passe ici deux jours et va à Francfort. Je n’ai du reste vu personne hier, et le temps a été pluvieux & froid tout le jour, ce qui a empêché mes promenades. Je n’ai pas de livres, je n'ai rien. Il y à de quoi se pendre. Et pas de lettres de mes correspondants anglais il est tout-à-fait impossible qu’ils ne m’aient pas écrit. Où sont ces lettres ? Les vôtres m’arrivent le 4ème jour. Hier 8 j’ai reçu cette du 5. Ainsi huit grands jours pour la question et la réponse. C'est bien ennuyeux. Les arrangements de la poste sont tout-à-fait sauvages. Je vous apprendrai bien peu ou rien du tout sur les affaires d’Allemagne. Je ne vois personne et il n’y a personne ici qui vaille la peine qu'on voie. Il y a des princes & princesses allemandes. Elles m'ont fait témoigner qu'elles seraient charmées de ma connaissance. Je le crois bien, mais je ne suis pas aussi sûre de l'être de la leur, et j’évite. Les connaissances se font dans le jardin & le salon, je n'y vais pas. C'est de la cohue. Entre autres altesses il y a les héritiers du Danemark. J’ai vu Antonini avant mon départ. Sa cour proteste contre le principe. Mais comme on fait valoir des cas où, hors la guerre civile, il y a eu des pertes infligées à des Anglais, on a nommé une commission qui examine. Mais rien ne sera admis pendant les bombardements. ou combats. J’ai trouvé ce qu’a dit Dupin de Peel, parfaitement de bon goût. Mais quels hommes à cet homme ! Jamais citoyen n’en a révélé de semblables. La grande duchesse Hélène arrive ici le 15 août. J’espère bien être partie avant.
4 heures. Voici l'heure d’envoyer les lettres. Je n'ai rien à dire de plus. Je suis de bien vilaine humeur, de toutes choses, & surtout de ce que je ne trouve pas d’encre noire ici. Adieu. Adieu. Ecrivez-moi des nouvelles. Adieu. J’espère que mes lettres vous arrivent toujours affranchies ?

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00187.jpg
Ems Vendredi le 12 Juillet 1850

Le froid continue, les averses aussi. On me fait prendre les l'eau cependant, & boire de l'eau. Cela ne me fait ni bien ni mal. Je me lève à 6 heures. Je me couche à 9. Je voudrais bien me coucher plutôt, car je meure d'ennui. Rothschild. Ma seule ressource ! Une demie heure tous les jours.
J'ai eu une lettre de Beauvale. Il me dit que John Russell a beaucoup baissé & Palmerston grandi. Aujourd’hui le Roi des radicaux, fausse position, car à l’intérieur il est bien moins radical que John. Les choses ne resteront pas comme elles sont mais personne ne devine quelle tournure elles vont prendre. Londres se disperse, & le parlement va se proroger. Montebello me tient un peu au courant de l'Assemblée. Il m'écrit de son banc et me divertit beaucoup.
Vos extraits de Londres & de Paris sont curieux. Tout cela tend à devenir de la grande politique ou plutôt de grandes affaires sérieuses. Nous verrons.

3 heures. Il y a eu des petits Princillons que j'ai connus jadis. Mari & femme, Prince régnant de Lippe, de Hambourg, Bukebourg. C’est bien long. Plus long que leurs états. Ils sont venus me relancer et comme je suis polie j’ai été leur rendre leur visite. Un Chambellan au bas de l’escalier. Le Prince en haut, la Princesse devant le vestibule. Des questions sur Paris. le général Changarnier a dit-on fait un superbe discours. J’espère que la comtesse de Chambord n’est pas grosse. Charles X se porte mieux à ce qu’on dit. Voilà exactement ma Princesse régnante. Ah quel lieu que cet Ems ! S'il y avait ici seulement la moitié du plus insignifiant de mes visiteurs du Dimanche ! Voyons, la moitié de M. de Flamarens ou de M. de Mézy. Adieu, Adieu. La pluie a cessé depuis un instant. C'est une nouvelle. Adieu encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L013_00226.jpg
Ems le 21 Juillet 1850

Le Prince Paul est revenu hier de Francfort. Il y a vu la duchesse de Kent qui lui a dit positive ment : "le ministère ne durera pas, c’est impossible, la reine me l'écrit." Je vous livre texte et auteur. Le Prince Emile me disait avant hier que pour le moment tout est rompu entre l’Autriche et la Prusse, mais cela n'inquiète personne. L’affaire du Danemark est assez embrouillée. C'est pour nous obéir et nous plaire que la Prusse a conclu la paix avec le Danemark au nom de l’Allemagne, maintenant il faut que les états allemands ratifient. Or, c’est une affaire très nationale & qui pique l'honneur allemand. L’Autriche est charmée que la Prusse ne soit un peu dépopulaire par là, et elle refuse de son côté de ratifier, pour se populariser à son tour. Nous allons nous fâcher contre l’Autriche. Voyez quelle confusion ! Notre flotte est là, mais il n’y a pas de troupes à bord.
Le mauvais temps continue. Je fais cependant mes promenades en voiture. A présent avec Constantin. Il a des récits curieux à me faire impossible de les écrire. On commence à Ems à être un peu trop curieux de me voir. Comme je ne vais jamais ni dans la promenade, ni dans le salon, on se fait présenter chez moi, & je commence à être très ennuyée de cela. Hier j’ai été d'une impolitesse remarquable même pour moi. Aujourd’hui je fais dire non aux gens qui demandent à venir. Ce que je vois habituellement c’est les petites princesses de Beauvale et la Duchesse d'Istrie. Le duc de Saxe Meneingen & Rothschild. A présent Paul de Wurtemberg for ever. Mais il ne m'ennuie pas. J'oublie ma princesse régnante, mais celle-là me fait rire à force de modestie & d'ignorance, et de bonne volonté !
Adieu, je suis fâchée de vous faire de si pauvres lettres. Je ne pêche rien dans le salon. Pensez-vous encore à votre projet de visite au Rhin ? Ou bien l'avez-vous abandonnée ? Répondez-moi, & si vous disiez oui, dites en un mot à Lord Aberdeen, en lui disant vos dates. Moi je reste ici jusqu'au 7. Le 8 je pars. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00235.jpg
Ems le 23 Juillet 1850

Votre lettre ne me donne rien à répondre. Je n’ai pas de lettre d’ailleurs, les journaux sont stupides, & je le deviens. L'année va je crois finir paisiblement. certainement il y a progrès vers le bien partout. Et les rouges sont matés il faudrait bien des fautes pour qu’ils reprissent courage. Il y a beaucoup de nouveaux arrivés ici hier du Lobkowitz, des Windiesch-Graetz ; mais je ne les ai pas vus Je vous ai dit que je ne vais pas là où l'on se réunit, Maintenant voici la rage des parties. Cela ne me va pas non plus. J’aime ma routine.
La Princesse de Prusse cherche à attirer le monde. Aujourd’hui même elle vient tout près d'ici et on recrute pour elle des rencontres. Constantin a refusé net. Il ne veut pas la voir. Elle est trop ridicule et trop anti-russe. Si je pouvais la voir commodément cela m'amuserait assez mais Constantin me dit qu'à Pétersbourg on me saura plus de gré de ne pas la voir que de la rechercher. Ma nièce me plait davantage. D'abord elle est grande, ses yeux sont beaux, elle plait à tout le monde. Les petites princesses de Beauvais, qui sont toutes deux ses cousines en raffolent. Elle sait causer un peu de tout. Elle a de l'aplomb et de la modestie, de beaux cheveux, une jolie main, un teint magnifique. Elle tiendrait très bien ma table de thé. La Princesse [Crasalcovy] est ici avec deux perroquets. Elle a rencontré tout à l'heure chez moi le Prince Windischgraetz, celui qui a été blessé le jour même où on a tué sa mère. Joli jeune homme, mieux que les Viennois ordinairement. Thiers veut aller à Bruxelles chercher quelques renseignements historiques auprès du Prince Metternich. Voilà le temps chaud rêvé. Je me barricade.
Vous voyez que je ne vous dis que des bêtises. Un mot sur les Princes de l’union, le frère du Prince Albert à la tête. Quand la révolution a éclaté partout, ils ont renoncé volontairement à leurs douaires & les ont cédés à l’état contre une liste civile quelle conque. Mais le Saxe entre autre avait stipulé une clause, c’est que s'il venait à renoncer à la souveraineté les biens lui seraient rendus. Et bien aujourd’hui ils veulent tous être médiatisés, incorporés à la Prusse pour recouvrir leur argent. Voilà où en sont les princes de la Thuringe & ce qui les fait persister dans l’union. Vous voyez que je deviens savante peu à peu. Adieu. Adieu. Envoyez-moi mieux que je ne vous donne.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00258.jpg
Ems le 8 août 1850

Quelle journée hier ! Pas un moment de relâche à la pluie et à une tempête effroyable. Mon fils même n’a pas pu sortir. J’ai vu chez moi la Princesse Lobkovic, le Prince de Chalais & cette petite dame russe nouvellement arrivée. Elle est spirituelle & nous a [?] intime dans les intimistes de la cour. Je vois dans le Constitutionnel une réponse à votre lettre. Je ne sais pas de nouvelle du tout. Je vous envoie la lettre d’Ellice. Vous savez que mon adresse est Schlangenbad Près de Weisbaden Duché de Nassau Allemagne. La Reine de Hollande passe aujourd’hui à Coblence, elle y fait venir la princesse Grasalcovic. Drôle d’intimité pour une femme d’esprit. De là la reine va à Bade. Vous verrez par la lettre d'Ellice que Thiers y sera. La duchesse de Modène arrive ici aujourd’hui (princesse de Bavière belle soeur de la duchesse de Bordeaux) ma grande Duchesse sera ici jeudi prochain. Moi je ne trouverai pas une âme à Schlangenbad.
La pluie continue ici, c’est désolant, si elle va de ce train à Schlagenbad, que devenir ? L'Empereur a appris avec une grande joie que le mariage de sa nièce s’est arrangé. Notre petit prince de [Meklembourg Stréliz] a fait ses conditions. Il veut bien vivre un peu en Russie mais il veut avoir un établissement aussi à Strelitz. Je trouve très bon qu'il ait tenu à sa volonté. L'Empereur a déjà envoyé des cadeaux superbes. Vous voyez que je n'ai rien du tout à vous dire. L'Eglise luthérienne de Wiesbaden vient de brûler tout entière. En attendant qu’une église grecque soit achevée, on avait déposé là le cercueil de la grande Duchesse, femme du duc de Nassau qui est morte en couche, heureusement, le cercueil a été sauvé ! Je finis sans pouvoir ajouter un mot qui vaille. Adieu. Adieu. Ems est bien laid depuis votre départ !

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00273.jpg
Paris, lundi 12 août 1850

Les Sainte-Aulaire ont été charmés hier de me voir. Ils m'attendaient au bord de la rivière que j'ai passée dans un petit bateau comme celui dont vous n'avez pas voulu sur le Rhin. Mais quand nous irons ensemble, nous n'userons point du petit bateau ; avec vingt minutes de plus on passe sur le pont de Corbeil. Rien que Mr et Mad. d’Harcourt, M. de Viel-Castel, M. Raulin, un M. de Kermarer, représentant et parent de Sainte-Aulaire, et moi. Amicale et agréable conversation. Il écrit ses mémoires avec passion. Elle a bien de l’esprit. Fusionniste, plus décidée que personne ; ne comprenant pas qu’on ne le soit pas si on est sensé et honnête. Ils sont bien établis. Ils resteront là jusqu'au 15 Janvier. Leurs enfants viennent alternativement leur tenir compagnie. Les d'Harcourt vont en Angleterre à la fin du mois, pour quelques jours le mari pour son héritage, la femme pour rendre ses devoirs à la Reine.
J’ai eu hier une longue lettre de la Reine, ancienne (25 Juillet) ; elle m'a été apportée par quelqu’un qui a fait de longs détours. A ce moment quoique après la fatigue de la première communion de M. le comte de Paris le Roi continuait d'aller mieux. Du moins la Reine le croyait et me le dit. Elle me remercie vivement de l’article de M. de Lavergne dans la Revue des deux mondes. Evidemment cela leur a fait un grand plaisir. Ils seront à Richmond samedi prochain 17.
J’ai oublié de vous dire qu’en passant à Bruxelles, j'ai redit au roi Léopold ma conversation chez vous avec le comte Chreptovitch. Vous vous la rappelez. Il en a été charmé. Van Praet m'a dit que le Général Skrinesky (est-ce le nom ?) n’était plus employé dans l’armée Belge. Il est en retraite. Ils n’ont plus dans l’armée que sept ou huit officiers Polonais dont il leur serait assez facile de se débarrasser. Il ne leur faut qu’une occasion naturelle, qui peut se présenter. Du reste, j’ai trouvé la Belgique, non pas agitée mais assez troublée de la retraite du Ministre de la guerre, retraite forcée par les susceptibilités et la mauvaise humeur de la garde civique de Bruxelles. Le 23 Février sans révolution. Il m’a paru que cela inquiétait les gens d'esprit. Là aussi, il y a de bien mauvaises idées et habitudes qui ne fermentent pas et n'éclatent pas tout de suite, comme en France, mais qui couvent et pourraient bien jouer quelque mauvais tour.
J’ai eu hier la visite de votre ministre des Finances, Achille Fould. Assez tranquille sur l'année 1851, sauf les trois derniers mois. C'est alors qu’il faudra prendre son parti. Le Président part ce matin. A tout prendre on croit que les manifestations favorables l'emporteront sur les manifestations hostiles. Je le crois aussi. Le second dîner militaire à l'Elysée (320 couverts, officiers et sous officiers, pêle-mêle, un choix dans deux régiments de ligne) a été plus tranquille que le premier à vrai dire assez froid. Je doute et on doute que cette pratique continue. Elle réunit médiocrement auprès des acteurs et déplait beaucoup au public spectateur. Je suis allé voir hier Kisseleff que j'ai trouvé sensé et content selon son usage. Il paraît croire d'après des nouvelles très récentes de Péterstourg que décidément l'Impératrice ira passer l'hiver à Venise. Il ne m'a rien dit de M. de Brünnow. Le Roi Othon a été très satisfait du résultat des débats de Londres. C’est à Athènes une reculade, avérée pour l'Angleterre et Lord Palmerston. M. Thouvenel a un congé de trois mois. Mais il reste Ministre à Athènes et en bonne position. M. Drouyn de Lhuys écrit que Lord Palmerston n’est pas reconnaissable, doux, patient, craignant les affaires. s'y prenant de loin pour les éviter et demandant qu'on l'aide à les éviter.
Adieu. Adieu. J’espère que vous êtes bien établi à Schlangenbad. Je pars demain soir pour Trouville. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00279.jpg
Schlagenbad le 14 août 1850
2 heures

Je ne me lève que dans ce moment. Le fils du duc de Noailles est venu me voir de Weisbaden. J'ai été obligé de le recevoir quoique dans mon lit. Il m'apportait une lettre de son père d'Aix en Savoie, qui s'annonce pour ce soir à Weisbaden. Il veut savoir où je suis. C’est très commode, je suis tout près. Le comte de Chambord a témoigné une grande joie quand il apprit hier que le duc de Noailles arrivait. Jules a été trouvé le prince à Cologne, il l'a vu arriver avec Berryer et autre qui s'étaient portés à sa rencontre à Hanovre. A Cologne il a simplement passé la nuit. Tous les Français ont fait la navigation du Rhin avec lui, à Weisbaden ils ont trouvé beaucoup d’arrivés de Paris. 9 ou 14 représentants (l'un ou l’autre chiffre j’ai oubliée) et entre autres Benoist d'Azy et quelques autres qui sont de la commission de permanence tous ravis du comte de Chambord. On dit une tête remarquable avec beaucoup de vivacité dans le regard, et une manière digne et charmante. Hier on lui a présenté M. Vezin représentant orléaniste je crois. Il accueille tout le monde avec beaucoup de bonne grâce. Tous les jours 20 personnes à sa table, la maison bien montée. Tous les deux jours soirée. Hier une centaine de personnes. Des dames. La duchesse de Noailles arrivée aussi avec son mari. Tout cela va faire bien du bruit. Probablement de la fumée. Berryer reste là encore. Le prince s’occupe tout le jour. Il n’est encore sorti qu’une fois pour se promener. Il a sa livrée et cela a bon air.
Voilà mes nouvelles de la ville voisine. J'ai bien peur que le duc de Parme ne m'ennuie. Il a l’air parfaitement heureux. de venir chez moi le soir. Il est très intime. Il ne manque pas d'esprit, mais il est un peu bruyant. Décidément je n’irai pas à Weisbaden, ma curiosité ne pourrait être satisfaite qu’en faisant savoir au comte de Chambord que je suis curieuse de lui, et cela je ne le ferai pas. On ne le rencontre pas à la promenade, ainsi je me passerai de le voir. Le 15. Vite je finis. Je me suis levée tard, je ne suis pas bien pardon pardon. J’ai eu deux lettres hier 11 et 12. J’ai peur de n’avoir rien aujourd'hui

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00288.jpg
Schlangenbad Samedi 17 août 1850

J’ai eu hier la visite du duc de Noailles & de M. Berryer. Ils sont venus à 3 h. & m'ont quitté à 7. Le duc de Noailles. est dans le ravissement, du comte de Chambord, il ne le connaissait pas. C'est de l’enthousiasme qu'il inspire d'abord, par sa superbe figure, à la fois de la grandeur, de la vivacité marquée par le bonheur. Ensuite sa conversation excellente, pleine de sens, de tact, voyant les choses par les côtés vrais et pratiques. Le fond parfait, susceptible de développement, mais dés à présent de l’autorité, une autorité naturelle simple. Noailles en est enchanté. Berryer bien content aussi. Il avait fait venir celui-ci à Hanovre en même temps que le M. de la Ferté (gendre de Molé) & Fernand de La Ferronnays. Ces deux-ci font chez lui le service de chambellan. Tous les trois demeurent chez lui & font partie, de sa suite, à tel point que Berryer a dû demander hier au prince la permission de venir me faire visite. Il y avait avant hier trente représentants à la soirée du comte de Chambord. Sur ceux-là 9 sont de la commission, je ne me suis rappelé que les noms de Benoist d’Azy, [Watis], [?] & Renneville. M. de Neuville gendre de M. de Villèle est là aussi et partageant l'enthousiasme général.
Larochejaquelin est parti avant hier sans dire adieu, mécontent de ce que le comte de Chambord aie donné toute sa confiance à Berryer. Quand on a annoncé hier matin son départ, le comte de Chambord a dit " j'en suis plus fâché pour lui que pour moi." Ce même jour il s'apprêtait à lui faire une forte réprimande. Il lui déplait fort de voir la discussion dans le camps de ses fidèles, et il exprime à toute occasion sa ferme volonté qu’on se conduise autrement à l’avenir. L’esprit le plus conciliant le plus patient, & le plus confiant dans l’avenir. On dit qu'il est impossible en le voyant de ne pas s’en croire certain comme lui. Une heureuse physionomie. La plus grande aisance, tenant son salon comme s'il était Roi depuis dix ans. Sa journée commence à huit heures. Depuis ce moment jusqu’à 5 heures, une audience après l’autre. Sans un instant d'intervalle, à 5 dîners de 20 couverts. Il ne se promène qu’après 7 heures jusqu’à 8, en rentrant réunion chez lui jusqu'à 10. Les dames tous les deux jours. Voilà le récit.
Berryer retourne à Paris le 22 je crois. Le duc de Noailles. restera peut être un peu plus longtemps. Le comte de Chambord part à la fin du mois. Ces Messieurs avaient ouï dire que la Grand duchesse Hélène venait à Wiesbaden tout de suite. Je m'en vais m’en informer, si cela était je serais dispensée d d'Ems. et j’irais la trouver à Wiesbaden. Mais je doute que cela soit ainsi. Mon rhumatisme va mieux mais le temps reste mauvais. On dit qu’on ne voit que des Français à Wiesbaden c’est bien autre chose que Belgrave square. Mad. Alexandre Girardin y est aussi. Adieu. Adieu.
On tient à Wiesbaden les meilleurs propos sur la famille d’Orléans.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00297.jpg
Schlangenbad le 19 août 1850

Et hier encore pas de lettres ! Cela n’est pas juste. Hier une estafette de la grande duchesse pour me supplier de venir à Ems où elle ne passe que 3 jours, & hier soir pendant mon thé avec le duc de Parme & la Princesse Grasalcovytch un aide de camps du duc de Nassau venant me répéter l’invitation d'aller à Ems aujourd’hui pour le cas où la lettre et l'estafette ne seraient pas arrivés. J’ai accueilli cela avec un grand éclat de rire moi, faire cette escapade comme si j’étais un officier bien leste. Je viens à mon tour d'envoyer une estafette à la grande Duchesse. Je lui explique que c’est impossible. Elle passe à Bierich après demain, je lui demande là un rendez-vous. Et elle l’accorde c’est bien, si elle se fâche je me console. La duchesse de Noailles est venu hier ici avec son mari évidement pour m'obliger à lui faire visite. Je la ferai aujourd’hui, j’aime expédier les choses vite.
Vous voyez que je suis dans les aventures, mais je trouve détestable de n’avoir pas eu de lettre de vous. Le duc de Noailles va demain à [Kreuznach]. On attend aujourd’hui 380 Français de plus à Wiesbaden des ouvriers entre autres. Quelques centaines de personnes. sont déjà réparties. Il n'y reste plus que 4 représentants. Adieu. Adieu, toujours mauvais temps, & moi assez mauvaise santé. Je crois Schlangenbad trop humide pour moi. Ce ne sera plus long. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00303.jpg
Schlangenbad le 20 août 1850

À mon retour de Wiesbaden hier j’ai trouvé ici vos deux lettres du 15 & de 16. Je vois que Trouville est noyé comme Schlangenbad. Je vous plains moins que moi ; j'ai besoin de chacun pour les bains chauds, et je prévois que sous le rapport de la santé et de la beauté ce séjour ne m’aura été bon à rien. La grande Duchesse arrive demain à Bierich ou Wiesbaden. Je lui ai écrit, j’attends ce qu’elle m’indiquera mais comme elle ne reste en tout quinze jours, ce sera vite expédié. Et alors comme il ne me reste à prendre que cinq bains. Je ne sais ce que je deviendrai. Il est possible que je m'en retourne à Paris avec le duc de Noailles. Nous verrons encore, vous serez prévenu à temps pour la direction à donner à vos lettres.
J'ai été hier faire visite à la duchesse de Noailles. Il y avait un petit coup monté pour m’en traîner plus loin. Je n'ai pas compris. Il y a eu au moins cinq ou 6 lettres écrites. Imperturbable, j’attendais mon dîner. On s'agitait autour de moi, enfin à 4 heures le comte de Chambord est venu faire visite à la duchesse de Noailles. Il est resté une demi-heure. Eh bien, tandis que le duc de Noailles maudissait le prince, moi je fondais en larmes. Voilà ce qui m’est resté de la vue de ce Prince. Les détails c’est trop long. Envoyez-lui ses ennemis. Quelle expression, quel visage ! Quelle attrape si le bon dieu a fait cette tête là pour rien ! mon émotion m’a étonnée mais c’est comme je vous dis là. Son aplomb, sa grâce sont remarquables. Et si naturel et si gai, et fin, charmant. J’étais si lasse en rentrant que je me suis couchée à 8 heures. J’ai renvoyé le duc de Parme. Molé écrit à son gendre que Salvandy va venir ici. Il le mande aussi que les nouvelles du roi sont bien mauvaises. Wiesbaden finit dans huit jours je crois. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00307.jpg
Schlangenbad le 21 août jeudi 1850

Hier en faisant ma promenade vers Biberich je rencontre pédestrement ce bon Fleischmann qui venait de débarquer. Il avait appris que j’étais ici et il arrive du fond de son Wurtemberg pour passer quelques jours avec moi. J'ai été bien touchée de cela. Il est très allemand militaire, nous jaserons. Il est en parfaite dissidence avec son roi.
La grande duchesse Hélène m'écrit pour me dire qu’elle ne s'arrête pas à Biberich, elle va à Wiesbaden visiter le tombeau de sa fille, et repartir de suite pour Bade où elle passera quatre semaines. Je ne la verrai donc pas, ce n’est pas ma faute, à Bade Thiers la divertira. Il y a là, le Roi de Wurtemberg, la Reine de Hollande, la grande duchesse Stéphanie, & la grande duchesse Olga y arrive la semaine prochaine au fond cela me tente un peu, mais je ne me crois pas assez de force pour ce long voyage. Le duc de Parme me fait toutes ses confidences. Ah comme il déteste sa belle fille ! Il ira passer l'hiver à Paris. J'ai eu une longue lettre de Wesenberg pas fort spirituelle, un peu en blâme de tout le monde.
Le temps est très froid, je gèle. La princesse Grassalcovitch croit qu’elle est déjà rajeunie, j'en suis bien aise car cela la fait rester. Le soir on prend le thé chez moi. On c'est elle & le duc de Parme. Adieu. Adieu.
Hier pas de lettres, c'est parce que j'en avais eu deux avant hier. Sottes postes, celles de Nassau. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00315.jpg
Schlangenbad vendredi le 23 août 1850

Le bon Fleichmann m'a quittée hier soir. Excellent homme, mais très [unitaire] beaucoup de détails curieux, très sensé et amusant. Le duc de Noailles me mande que Salvandy arrive Dimanche. Madame de La Ferté aujourd’hui. Tous les jours, foule nouvelle. Hier 60 nouveaux arrivés. Le duc de Noailles retourne à Paris Mardi. Il est très vraisemblable que nous ferons route ensemble. Mais je suis encore un peu flottante pour Bade. Aujourd’hui que j'ai bien dormi le courage me reprend. Mon incertitude me déplait pour vos lettres. Ce qui me paraît le plus sûr et que vous les adressiez à la rue St Florentin. Je donnerai là des directions pour le cas où je ne revienne. pas tout de suite. Voici ce qui est l'alternative. Je pars le 27 avec le duc septembre de Noailles, ou 7 septembre avec Paul Tolstoy dans ce dernier cas j'aurais fait ma [?] sur Bade.
Le temps est affreux toujours, j’ai eu bien du guignon pour ceci. La princesse Grasalcovitz va être ma seule ressource car je crois que le duc de Parme part aujourd’hui. Je suis curieuse de votre opinion sur le discours du Président. Je persiste à le trouver habile. On ne m'en dit rien de Wiesbade. Au reste je n’ai vu personne de là depuis et je n'ai eu qu’un mot insignifiant du duc de Noailles sur ces mouvements. Adieu. Adieu.
je n'ai rien du tout à vous mander de ces montagnes. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00324.jpg
Schlangenbad le 25 août dimanche 1850

Vos lettres d'Angleterre sont curieuses. Si notre ami vous ressemblait un peu ce serait fait. Quant à Lord Palmerston, il me revient de tous côtés qu'il essaye de se modifier. C'est de la comédie. Je suis charmée de la dégringolade. de Bunsen. Le duc de Noailles m'écrit de Wiesbaden, qu'il sera. prêt à partir avec moi, après-demain. Si le temps était beau j'aimerais autant aller à Bade qu'à Paris.
D'un coup de filet trois grandes duchesses de Russie. Cela ne se rencontre guère, et puis je crois que tout cela m'amuserait un peu. Je voudrais bien y entraîner le duc de Noailles, mais il ne le laissera pas prendre il est plus vraisemblable. qu'il m’amènera à Paris. Hier toute la journée, une pluie battante. Ma seule ressource a été une promenade dans le corridor de la maison que j'occupe. Jugez, voilà mon seul divertissement de la journée ! J’en ai assez de Schlangenbad. Je n’ai pas un mot de nouvelle à vous dire. Vos lettres sont bien différentes des miennes ! Adieu. Adieu.
C'est un G. et non C. pour le nom de la vieille étourdie.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00328.jpg
Schlangenbad le 26 août 1850

Je me décide à aller à Bade. Adressez-moi vos lettres là, grand duché de Bade. C'est plus correct & peut être c’est plus amusant que de me morfondre déjà à Paris. Il est vrai que j’y perds la société du duc de Noailles pour mon retour. J’en trouverai peut être une autre. Je ne sais rien vous dire, pas un chat, pas une lettre. Je ne resterai certainement à Bade que jusqu'au 4. Mais j’aurai le temps d'y recevoir deux ou trois lettres car là elles arrivent vite. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00342.jpg
Paris Mardi 10 septembre 1850

Kisseleff qui est venu hier matin m’a dit que la princesse Mathilde où il avait dîné la veille lui avait dit que Thiers était revenu de Bade & devait partir le lendemain qui était hier pour Clarmont. Duchâtel qui est venu le soir en doute beaucoup, cependant la source me parait bonne. Avez-vous lu dans la presse du 8 une lettre de M. Vesin racontant Wiesbaden, & se déclarant pour le comte de Chambord. Cette lettre fait assez de bruit. Le portrait qu'il fait des Prince est exactement ce que vous en aviez entendu dire à d’autres.
J’avais chez moi hier soir Duchâtel, Dumon, Kisself et Chalembourg et Edwardes. Rien de nouveau, & moi je n'ai de nouveau qu’un peu de mal de gorge, pris chez vous, il y faisait vraiment bien froid. Voilà qui est mal de vous dire cela. Mais je suis vraiment par trop délicate, c’est ridicule. Il faut m'envoyer à Madère. Adieu. Adieu. et adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00346.jpg
Paris le 11 septembre 1850

Thiers est à Bade. C'était un conte. Je n’ai pas fermé l'œil de la nuit, la poitrine prise, la tête aussi. J'ai fait venir Koll, je suis en piteux état. J'ai eu une lettre charmante de la grande duchesse Olga. Hier soir beaucoup de monde. Viel Castel entre autre, & lady Claud Hamilton belle comme un ange. Rien de nouveau. Pardonnez-moi mais je suis hébétée de mon rhume, j’espère mieux valoir demain. Je ne bougerai pas. Quel ennui ! Adieu. Adieu.
Salvandy a écrit sa mission à M. Pageot qui montre sa lettre.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00349.jpg
Paris le 12 septembre 1850 Jeudi

La poitrine est engagée, au point que ce matin j’ai cru que j'exigerais. Une crampe dans le gosier et des cris d’agonisant. Je suis très effrayée. J’enverrai chercher Chancel si cela me revient. Kolb me traite. J’ai vu hier soir quelques diplomates Kisselef très préoccupé de la Hesse. Coups d’Etat, les Impôts perçus par la force, l’état de siège. Il faudra occuper la Hesse. Sera-ce la Prusse ou l'Autriche ? Si l’une entre, l’autre entre aussi, & le conflit peut s'engager. Cela deviendra une affaire.
M. Molé m'écrit tout à l'heure pour me demander à me voir ce matin. Il est venu pour la commission, c'est la première fois qu'il y vient. Il retourne à Champlatreux en me quittant. On dit que le Président revient. ce soir. Mon fils m'écrit de Toplitz que Nesselrode qui y est aussi venait de recevoir l’ordre de ne venir qu'à Varsovie pour le 1er octobre. Ecrivez-moi sur Fleichmann ce que j’aurai à répondre au Père. Adieu, Montebello me mande qu'il sera ici le 15 pour quelques jours. J’attends aujourd’hui St Aulaire et le duc de Noailles. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00353.jpg
Paris le 13 septembre 1850

N'ayez pas peur que j'oublie de vous parler de ma santé, car elle me préoccupe beaucoup. La gorge & la poitrine vont bien mal, je n’ai jamais eu un rhume pareil et à l’entrée de la mauvaise saison, c’est bien mauvais.
M. Molé est venu hier au sortir de la commission. Lamoricière extravagant, enragé. Proposant de la réunir demain pour une démarche convenu auprès du Président ou de M. Baroche vous faire cesser la société du 10 Xbre. Changarnier fort occupé & inquiet de cela aussi par l’excitation que cela cause dans les sociétés démocratiques. Ce sera. certainement une affaire entre la commission et le gouvernement Molé a refusé de revenir demain, et c’est jeudi prochain qu'on conviendra de ce qu'il y a à faire, sauf urgence, tel qu'un nouveau voyage du Président. Dans ce cas on s’assemblerait plutôt.
Changarnier & Lamoricière intimes. C’est très nouveau et assez curieux. Molé mécontent des Légitimistes & de leurs propos contre le Président fort de votre avis que tant qu'on n’a pas autre chose, & très bonne chose, il faut le soutenir. Il a été charmé d’apprendre ce qui s'est fait à Clarmont et qu'il y a contrôle pour la mission de Salvandy, étonné & charmé de la Reine. Sainte Aulaire a passé une heure chez moi, curieux, d’apprendre et bien content aussi. Le duc de Noailles qui devait venir le soir n'est pas venu. quelqu’un m’a dit que sa femme est bien malade à Maintenon. J’ai eu hier soir Dumon, Kisseleff Schulenbourg, Mme de Contades, Mme Delmas & des Russes normaux arrivés, mais j’étais si souffrante que je pouvais à peine parler. Le président est revenu hier soir. Les Normanby avant hier. Hubner est à Oran. Il se promène. Je vous ai dit tout ce que je sais. J'ai eu une lettre de Lord Aberdeen. Il n’a pas vu la Reine encore. Le duc de Richmond et autres protectionnistes sont venus le trouver à Haddo. We are very good friends, but I see no greater prospect of canning to any real understanding. Ellice est venu aussi. Depuis son vote, il ne le prend plus au sérieux. Très peu au courant sur Clarmont. Ce que je lui en ai mandé tout récemment l’édifiera sur ce point et lui plaira beaucoup. Adieu. Adieu, le vent d’est, ma gorge. Tout cela est désolant Adieu

2 h. Le duc de Noailles sort d'ici. Il a prêché beaucoup hier au soir M. de St Priest qui avait été mis dans la comission. Berryer arrive ce soir.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00358.jpg
Paris Samedi le 14 septembre 1850

Je croyais vous avoir parlé du Piémont. Changarnier m’en a parlé dans le même sens que vous dites. Palmerston voulant recommencer la révolution en Italie. La guerre avec l’Autriche, & le Président entraîné à secourir le Piémont. Il me dit qu'il fallait y regarder. Je vous prie écrivez-moi sur Fleischmann une lettre que je pense lui envoyer. Il ne faut pas nous être enfilés là dedans pour rebrousser chemin sans grandes raisons. Moi, je l'épouserais. mon rhume me paraît descendre la montagne mais je ne suis pas sûre encore. J'ai marché dans le bois. Temps perfide. Le vent froid & le soleil ardent. J’ai vu le prince Paul, & les Holland le matin. Le soir le duc de Noailles & Dumon. Nous sommes très frappés d’un article du Times d’avant hier sur Salvandy, très exact. Aucun journal français ne le reproduit. Je n’ai pas de nouvelles de ce qui se passe ici. Je n’ai vu personne qui eût pu m'en donner.

Midi. Un courrier de Berlin qui m'apporte un de Constantin. " L’Empereur a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de votre note du 1/13 août, et me charge de vous remercier pour cette nouvelle preuve du zèle avec lequel vous avez toujours rempli vos devoirs" signé Czernicheff. Constantin ajoute que de pareils remerciements n’arrivent pas deux fois dans l'année. Il est fort content, & il est content que sa note a fait un grand plaisir. A propos de la Hesse, il me dit qu'on va voir là renouveler Charles X & Polignac, & que c’est déplorable. L’électeur un très vilain homme, & qui est tout à fait dans son tort. On le chassera. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00364.jpg
Paris dimanche le 15 septembre 1850

J’ai vu hier matin Kisseleff le soir lui encore, les Douglas Mad. [Kalergis], Mad. Sebach, Viel-Castel, Frantenansdorff & &. Point de nouvelles. Le président & Lahitte sont revenus nègres, tant ils ont été brûlés par le soleil. On mande que la reine de Hollande & la princesse de Prusse se disputent Thiers. Elles en raffolent. Il se laisse prendre volontiers. Il va au salon tous les soirs. Là des coteries ce sera drôle à entendre raconter par les revenants de Bade. Mad. [Nariclekin] sera compétent.
Voici votre lettre. Vraiment votre réponse sur Fleichmann est trop compliquée, je ne me charge pas de redire ce que vous me dites. Ecrivez- moi bel et bon une lettre que je puisse envoyer, cela vaut bien mieux & dites quelque chose de net. Pourquoi donc Mlle de Wiit ne continuerait-elle pas à vivre sous le toit de sa tante ? Avec cela et 1200 francs qu’ils auraient ensemble pour commencer il y a de quoi aller ? Enfin cela ne me regarde pas. Et je ne me charge que de transmettre la lettre que vous m'écrirez. En attendant comme Fleischmann père m’avait prié avant qu'il fût question de mariage de protéger son fils auprès de Rothschild, je ferai cela la première fois que je le verrai.
Mon rhume dure sans augmenter. C’est toujours cela. Mad. Sébach avait dîné hier chez Lamoricière à 3 avec son mari. Il ne leur a donné que du poisson, parce que c'était samedi & qu’il fait maigre tous les vendredis & samedis. Il part pour 15 jours. Voyez comme j’ai peu à dire, c.a.d. rien du tout. Adieu. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00368.jpg
Paris lundi le 16 septembre 1850

Meyendorff est nommé à Vienne. Médem est un peu fou & va vivre dans ses terres en Courlande. M. de Budberg reste chargé d'affaires à Berlin. On dit un homme d’un grand mérite. J'ai eu hier soir votre lettre par votre portier. Je chercherai à faire aujourd’hui ce que vous me demandez, mais les occasions sont rares. Le Constitutionnel a un grand article politique aujourd’hui, que je trouve excellent. C'est bien ce que je vous ai souvent entendu dire vous-même. Hier peu de monde. Les Holland le prince Paul. Le soir le duc de Bauffremont, d’Estournel & Kisseleff. Point de nouvelles du tout. Les Holland pleins de petits commérages qu'ils ramassent aux Invalides. Le mouvement de troupes est incessant à Paris. Des exercices sans feu. Les Normanby ont passé deux jours à Champlatreux. Ils en reviennent aujourd’hui. Le Constitutionnel dit, pour donner à dîner au Président. Je ne sais pas un mot de ces quartiers-là. Vous voyez que je ne suis pas intéressante du tout. Le duc de Noailles devait revenir hier de Mouchy. Il n’est pas venu. Adieu, Adieu.
Mon rhume reprend. J’ai été hier à l’église, il y avait la courant d’air. Je n’ose rien entreprendre que ma promenade au bois de Boulogne, et le vent d’Est la rend peu agréable. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00372.jpg
Paris le 17 septembre 1850

J’ai vu le duc de Noailles hier un moment. Salvandy a eu le temps de s'ennuyer. Le comte de Chambord n’arrive à Frohsdorf que demain, & personne ne sait où il a été tout ce temps, probablement une promenade pittoresque dans le Tyrol Bavarois. Darmstadt devient aussi menaçant que la Hesse électorale. Schulenbourg qui était ici hier soir dit qu'on s'inquiète beaucoup de tout cela à Berlin. Changarnier était ici hier au soir. Mad. de Contades les Clans Hamilton, les Cavendish. Piscatory a été à Clarmont prêcher une croisade contre les légitimistes. Il a été très mal reçu. Il est revenu. Je ne sais rien de positif sur la Reine des Belges, mais il paraît qu’elle est bien mal.
J'enverrai à Fleichmann votre petit mot. Dans toute cette affaire rappelez-vous que les Fleischmann n'y rêvaient pas & que les avances son venues de l’autre côté. Au commencement vous m'avez parlé de 20 à 25 mille francs de rente. Eux disent d'emblée ce qu’ils donnent vraiment, pas de humbug. En tous cas c'est un brave jeune homme & de brave parents. Votre fils est bien sensé pour son âge, & sa lettre lui fait grand honneur. Je n’ai pas vu Dumon depuis trois jours. Le temps est superbe, trop beau pour Paris ! Votre lettre pour A.[berdeen] part aujourd’hui ou demain. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00376.jpg
Paris le 18 Septembre 1850

J'ai été hier au Pavillon de Breteuil. L'hôtesse charmée et en train. Elle m’a raconté Bade d'où on lui écrit, que les princesses se querellent. Madame Hélène & la reine des Pays tout-à-fait brouillées. La grande duchesse Stéphanie au milieu de cela embarrassée. Thiers au pieds de toutes. Elle m’a répété que Thiers a été ici, qu'elle l'a vu. Qu’il a été à Clarmont ou plutôt à Richmond. Malgré tout cela j’en doute et Dumon que je voyais hier soir en doute aussi. Mad. Rothschild est venue me voir. Vantant beaucoup le bon état de commerce la nécessité de faire durer un si bon état de choses. M. de Sébach gendre du comte de Nesselrode a eu demain une audience du Président. Il a été charmé de lui. Le Prince Paul & lady Holland sont aussi venus hier matin. Celle-ci racontant que lord Palmerston est à Boulogne. C'est des contes. Le soir le général, les Brignoles, les Sébach, Dumon, Kisseleff, Viel Castel, bonne conversation générale. Rien de nouveau. La vraisemblance que l'électeur de Hesse abdiquera. Les Danois victorieux. Je vous écrirai par votre fille. Aujourd’hui j'écris à Varsovie par un coursier. Chreptovitz père vient de mourir subitement. Cela met son fils, fils unique à la tête d'un très grande fortune, et l’a obligé de se rendre de suite en Russie où il passera l'hiver. M. Rollin vient de mourir. Je crois que je ramasse toutes les nouvelles pour vous faire rire ou pleurer. Saint Aulaire arrive demain pour quelques jours. Adieu. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00378.jpg
Paris le 18 septembre 1850

Changarnier a été fort en train de confidences. Je voudrais pouvoir tout redire mais je vous dirai l’essentiel. Bien avec le président, & cherchant à le rester. Fort soupçonné par lui mais cajolé. Mal avec le M. de Laguerre. L’assemblée le renverra. Le Président se défend tous les jours d’avoir connaissance du 10 Xbre. Il y est jusqu'au cou. Dans sa tournée recueillant d'assez bonnes paroles du clergé de la noblesse & des paysans. La classe moyenne lui est hostile, (c'est tout le contraire de ce que vous croyez) très décidé à ne pas prolonger les pouvoirs du Président, mais plutôt à les abréger, en complète dissidence avec Molé sur ce point. Mais Molé est un poltron. Le président devrait comprendre que son intérêt est de servir une restauration. Mais il ne comprend pas. Il veut le pouvoir, & il ne le veut que pour avoir quelques chevaux de plus. Plein d’ardeur pour qu'on s’entende avec les légitimistes pour qu’il n’y ait qu’un seul cadeau. Il faut poursuivre mettre tout le monde à l'ouvrage, vous y êtes nécessaire, indispensable. Furieux contre Piscatory, il faut que vous le [?]. La Reine Amélie admirable & puissante sur sa famille plus que n'était le roi. Bien content de tout le chemin qu'on a fait. En pleine, en grande espérance, tenant tous les fils. Thiers croit qu'il me mène. C'est moi qui le conduit où je veux. Une femme entre cela, Mad d'Osne. Mais il lui cache déjà certaines choses. Je l'amènerai à lui cacher tout. Chacun croit me tenir. C'est moi qui tiens tout ce monde. Des questions encore sur Chambord.
La France a vu la ligue, la fronde. Après cela elle a eu un grand règne. Elle aura cela encore. Voilà à peu près l’essentiel. Mad. Rothschild tout le contraire à propos du Président. Il faut le faire durer. Jamais le petit commerce n’a été aussi content, &. Changarnier lui avait raconté tout ce que je lui ai dit sur le comte de Chambord. Elle m’a prié de recommencer. Parce que lui en avait été très frappée. En récapitulant tout Changarnier s'est montré plus légitimiste que je ne l’avais jamais vu. Car que signifierait sans cela sa grandissime colère contre Piscatory qui est allé prêcher à Clarmont une croisade contre les légitimistes.
Le 19. M. Molé ardent pour la fusion au moins autant que vous. Son thème pour faire des conversions est celui-ci : il n'y à que Henri V qui puisse raviver le régime parlementaire. Il développe cela très bien. C’est trop long pour moi, mais il dit que cela entraîne bien des gens. En grandissime et constante méfiance de Changarnier. Carlier qu'il venait de voir, lui a laissé clairement voir qu'on va, dès la rentrée de l'Assemblée, procéder à la prolongation. Carlier dit que les sociétés secrètes sont aussi actives que jamais. En relation avec les autres sociétés européennes. L'Angleterre très malade de cette maladie là. Les Allemands les plus actifs la dedans. Normanby parlant mal de Palmerston & désirant sa chute. Il l’a dit à Molé. Je crois vous avoir tout dit. Molé trouve que Changarnier me mystifie un peu. Après tout c’est possible.
Le 22. Je me souviens exactement du propos suivant de Changarnier. " Thiers a dit à la grande duchesse Stéphanie. Votre neveu est un sot. Il n’y a d'homme important en France que Changarnier, & Changarnier C’est moi. "

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00388.jpg
Paris vendredi le 20 septembre 1850

La commission hier a interrogé M. Baroche. Il a nié fort et ferme que la société du 10 Xbre fut autre chose qu'une société d’assistance, très vertueuse. On a cité des faits arrivés au débarcadère. Il a donné un démenti à tout, ou traité quelques unes d’affaires de police qu'on examine. Cela a été long. Personne n’a été convaincu et tous un peu envoyés. Voilà ce qu’on m’a raconté. Il ne manquait que Berryer et Lamoricière.
Le soir, j’ai vu la vicomtesse venue de Mouchy pour me questionner. Elle y était à peine que les visiteurs sont arrivés, M. Fould, le duc de Bauffremont, Kisseleff, Mme de Caraman, la belle lady Claud Hamilton. Tout le monde en extase de sa beauté. M. Fould parle l'anglais comme un Anglais. Il a beaucoup parlé des réfugiés français à Londres de la propagande qu'ils y font de Louis Blanc comme du plus dangereux de tous, persuadé qu'il arrivera à l'Angleterre quelque catastrophe si elle ne chasse pas ces gens-là. M. Molé a le même dire. On avertit Normanby mais les Anglais sont trop fiers pour être inquiets. J’ai été si ennuyée de la polémique entre la Prusse & Le National, que j’ai donné congé à l’un et l’autre journal. Ai-je tort ? Vont- ils se venger peut-être ? Comme je suis poltronne. Dites-moi quelque chose, je suis prête à les reprendre, si c’est nécessaire. Kisseleff reprend ses inquiétudes. Chreptovitch travaille beaucoup à se faire nommer à Paris. Adieu. Adieu.
Rien de nouveau. Neumann vient de perdre sa femme. Elle est morte en couches, & l'enfant aussi.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00390.jpg
Val Richer. Vendredi 20 sept 1850

Je suis charmé que les Danois soient victorieux. Les premiers bruits m’avaient inquiété. Si j'étais à portée, je voudrais savoir le fond des causes de l'obstination des Holsteinois. D'ici elle paraît si absurde qu'on ne la comprend pas. Car ils ne se font certainement pas tuer pour le seul plaisir d’Arnds et de Grimm et de tous ces unitaires Allemands qui ne leur envoient que de très minces secours. Cet acharnement d'un petit pays à ne pas vouloir de la paix, que veulent pour lui tous les grands états, a quelque chose qui n’est pas de notre temps. Je sais assez de l'affaire pour savoir qu'européennement les Danois ont raison. Je voudrais être aussi sûr que localement et selon les traditions et les lois des duchés, ils ont aussi tout-à-fait raison. Quand on n’est que spectateur, on a besoin d'avoir tout-à-fait raison, quand on est acteur, la lutte entraîne. Je trouve ces pauvres paysans Holsteinois plus entraînés qu’ils ne devraient l'être s'ils n’étaient poussés que par les intrigues des Augustenbourg ou par les chimères germaniques. Vous ne lèverez pas pour moi ce doute là, vous n’avez pas assez de goût pour la science.
Si j'étais à Paris, je vous montrerais huit ou dix pages que je viens d'écrire comme préface à la réimpression de Monk. Pas l'ombre de science, mais un peu de politique actuelle, et assez nette. Vous verrez cela avant la publication.
C'est grand dommage que vous ne soyez pas à Bade, entre toutes ces Princesses et Thiers. Cela vaudrait la peine d'être vu et décrit par vous. A coup sûr comme amusement, et peut-être aussi comme utilité. Il a précisément la quantité et la qualité d’esprit qu’il faut pour plaire en quatre ou cinq endroits à la fois. Je doute qu’il fasse rien de bien important ; il est trop indécis pour cela ; mais je ne crois pas non plus qu’il se tienne tranquille. Il est en même temps mobile et obstiné, et il change sans cesse de chemin, mais pas beaucoup de but. Je parierais qu'on ne vous a pas dit vrai au pavillon Breteuil quand on vous a dit qu’il était venu et qu’on l’avait vu. On tient beaucoup là à faire croire que les menées contraires pour les deux branches sont très actives. On vit de la dissidence.

Onze heures
Je vois que j’ai raison de ne pas croire au dire du pavillon Breteuil. J’aurais été fort aise de voir Tolstoy au Val Richer ; mais j’aime bien mieux qu’il soit retourné plutôt à Paris. Il est affectueux pour vous, et il vous est commode. Je vous quitte pour deux visiteurs qui viennent me demander à déjeuner ; M. Elie de Beaumont et M. Emmanuel Dupaty, la géologie et le Vaudeville, l'Académie des sciences et l'Académie française. Ce sont deux hommes d’esprit et deux très honnêtes gens, qui m’aiment et que j’aime. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00392.jpg
Paris le 21 septembre 1850 Samedi

Je n'ai absolument rien à vous dire aujourd’hui. J’ai vu hier matin le prince Paul & lady Holland. Le soir Dumon, Vieil Castel, les petits autrichiens, prussiens, & Kisseleff. Pas de nouvelle de nulle part. On écrit de Londres que Bunsen est dans la joie la plus insolente de l’évènement de Hesse-Cassel. Cela vous donne raison. Lady Allice a passé deux jours à la campagne chez les Ségur, les Votry y étaient. Tout cela orléanistes à brûler, et entrant en rage au seul mot de fusion. Je suis curieuse de votre Monk. Vous aurez une lettre de moi par votre fille. Bien vieille lettre. Adieu.
Celle-ci est bien courte. Mais je suis très pauvre. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00396.jpg
Paris le 22 septembre 1850 Dimanche

Saint-Aulaire a dîné hier avec moi. Je lui ai beaucoup plus appris que lui n’a pu me dire. Bonne & charmante conversation. Le soir quelques personne. Bois-Le-Comte entre autres. Esprit très sérieux et très sensé. Il m’a plu. Il dit aussi. La république a déjà fait de bonnes choses, Elle doit en faire encore. Il ne faut pas se presser & la renverser, il faut lui. donner appui. Madame de Castelbajac est venue tard. Elle a laissé son mari à Pétersbourg & elle y retourne. L'empereur à parlé du Président avec estime. Il l'approuve pour beaucoup de choses. Il trouve à redire aux légitimistes. Ils sont trop pressés. Elle est sous le charme de l’Empereur et de la famille impérial, mais on en approche rarement, et la société de Pétersbourg ne me paraît pas lui plaire excessivement. Que dites-vous des deux lettres, Barthélemy & Larochejacquelin ? Celle-ci la suite obligée de l’autre mais enfin quel effet cela va-t-il faire ? C'est bien certainement ce que le duc de Noailles m'a dit être, la pensée & la volonté du comte de Chambord, avec cette manie, il faut que la nation reconnaisse qu’il n'y a de salut que dans le droit, & alors le droit reprend sa place. Je ne sais pas de nouvelle du tout. Lady Dufferin est à Bade. J’ai prié Sainte-Aulaire de lui demander des détails sur les querelles des Princesses ; elle doit les savoir ; le prince de Prusse est à ses pieds. Certainement tout cela m’aurait bien divertie, mais ma tranquilité de Paris me convient bien, et je ne puis pas regretter les auberges. J’ai peur que mon fils Alexandre ne retourne à Naples, au lieu de venir ici. Grand rabat joie pour moi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00400.jpg
Paris Lundi le 23 septembre 1850

J’ai remis hier à votre fils une lettre pour vous. Je la tenais préparée mais je n’y ai pas pu ajouter un mot ayant du monde chez moi. Les lettres Barthélemy, & La rochejacquelin font beaucoup de bruit. Tous les légitimistes blâment, déplorent la Première. Nous allons voir si l’union en parlera et ce qu’elle en dira. J’ai vu hier chez moi le Danemark, le Portugal, la Prusse, Kisseleff, Saint-Aulaire, Bauffremont. cela ne fait pas des nouvelles. Le matin j’ai fait visite à Mad. de Sainte-Aulaire. Charmante femme.
A l’entrée de Canning dans le ministère de Lord Liverpool en 1822 je n’ai joué d’autre rôle que de dissuader beaucoup le duc de Wellington de faire l’affaire. Or c’est lui qui l’a faite en forçant le roi à accepter le Ministre. Il n’y avait pas de quoi parler de moi. En 1827 c’est autre chose. Le duc de Parme (le mien) m’envoie une lettre pour la reine Amélie, quelle drôle d’idée ! Lui aussi a passé ici trois semaines à Bade. Tout ce que j'ai manqué d’amusement !
Mon fils Alexandre va en Italie. Encore un désappointement. Il y en a beaucoup dans la vie. Mad. Fleichmann me quitte elle part demain pour Stuttgard. Bien anxieuse de l'affaire & sur l’affaire. Celle-là vous reste sur le dos. Quant à moi je tâcherai de le faire aller vite en chemin de fer. Et quand je me mêle de quelque chose, je ne lâche pas que je ne réussisse. There is a broad hint ! Adieu. Adieu. Jamais le journal des Débats n’a été si vif contre la république que dans son article d’aujourd’hui. Il est bien mauvais sur Wiesbaden.
2 h. Je viens de lire l’Union que je ne lis jamais. Je trouve dans son premier Paris de ce jour un excellent artiste sur la fusion. Et un article embarrassé sur la circulaire Bathélemy.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00404.jpg
Paris le 24 septembre 1850

Beaucoup de monde hier toute la journée. Le matin, les Holland, Richelieu, le Prince Paul, Mad. Rothschild, la princesse Sophie W. Le soir Lady Allice, Dunon. M. A. Fould très agréable. On ne parle que de la circulaire déplorable. Le parti est consterné. Une vraie banqueroute. Tout le monde s’étonne de la faute énorme, incroyable. Ce matin Rothschild disant : Voilà la république pour longtemps, pour toujours peut-être. M. Fould trouvant avec raison, que rien ne pouvait être plus favorable aux intérêts du Président. Il a beaucoup causé hier avec Dumon, un homme d’esprit. Tenez pour certain que ceci est une grande affaire qui ruine le parti légitimiste. Sont-ils bêtes aussi ! La duchesse d’Orléans va être bien contente. Mais elle se trompe, il n'y a rien pour elle-là.
J'ai reçu deux tristes lettres de mon fils Alexandre. Il est bien malade. La fièvre tous les jours, la tête rasée, on l’envoie à Naples, & il ne peut pas même habiter sa maison qu'on refait. On lui promet que deux mois de régime là le remettront entièrement. Dans ce cas, il vient ici. Si non il va au Caire. Je suis très affligé de cela & très inquiète. Aujourd’hui manoeuvre à Versailles. Le Président déjeunera chez Normanby. Il traitera les sous-officiers. Pendant 6 semaines, les manoeuvres se renouvellent une fois toutes les semaines. Je verrai le duc de Noailles aujourd’hui. Demain il va à Champlatreux, à son retour sans doute il s’arrêtera au moins une demi-journée à Paris. Voilà tout ce que je sais. Rothschild part ce soir pour Turin. Adieu, je verrai surement assez de monde aujourd’hui. Lady Allice repart pour Londres ce soir. Adieu Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00408.jpg
Paris le 25 septembre 1850

Le Cte Schulenburg est venu hier soir me raconter Versailles où il a été. Superbe spectacle, la foule nombreuse mais tranquille. La troupe très animée après le banquet et au défilé. " Vive l’Empereur " A peu près général, moins l'artillerie qui s’est tue. Changarnier en face du Président avec ses aides de camps. Le Président avait avec lui Normanby les princes indiens et beaucoup d'Anglais en uniforme, pas d’autre uniforme étranger. Deux calèches en évidence lady Normanby & Mrs Howard. Le Président s’est approché de l'une & de l’autre. Toutes les autres calèches renvoyées en arrière. Voilà la journée. Le duc de Noailles est venu hier soir consterné de la circulaire. Il a écrit à Berryer pour le prier de venir. Il est convaincu qu'il sera aussi consterné que lui-même. Voilà Wiesbade bien démoli. Comme ces gens-là sont stupides. Demain le duc de Nesselrode revient de Champlatreux, & ne retourne à Maintenon que vendredi. J’ai vu hier soir les diplomates. Rien de nouveau. Brunow n’ira pas à Varsovie, en sorte qu’il ne verra pas la cour cette année. Il habite Clarendon Hôtel. Il croit Ashburnham house infectée. Je n’ai point de nouvelle à vous dire. Le Constitutionnel a un article très bien fait sur Wiesbade. Vous lisez le journal je crois. Adieu. Adieu.
Il est possible que j'aille à Champlatreux pour dîner. Lady Allice Peel est parti hier soir pour Londres. En me disant Adieu, elle. s’est écrié. "Je vous aime comme mon cœur ! " J’ai trouvé cela très original. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00412.jpg
Paris Jeudi le 26 septembre 1850

Merci de vous inquiéter de mon fils ! Moi, il m’inquiète beaucoup. Dès avant Ems une ébullition sur la tête qu'a gagné la figure & plus tard tout le corps. Rouge écarlate. La fièvre est venue et revient tous les soirs. On lui prescrit un régime très sévère & un climat très chaud. Ses lettres me prouvent la contrariété qu’il en éprouve. J’ai chargé lady Holland qui est partie ce matin pour Naples de m’en donner des nouvelles bien souvent. Elle sera très bonne à cela. J’ai pris Kisseleff hier et je l’ai mené à Champlatreux. J’y ai trouvé la vicomtesse, le duc de Noailles, & le duc de Mouchy. Molé aussi consterné ou plus consterné que les autres. Noailles n'en revient pas. Le découragement le gagne, il est vrai qu'il y a là de quoi perdre toute envie de se mêler d’affaires qu'on gate à ce point là. Tout le profit de Wiesbade perdu & au-delà. Jamais on n’aurait inventé bêtise pareille. L’avis général et que c’est au profit de président s'il sait s'en servir. La bonne conduite serait de ne rien brusquer. L'alouette lui tombera toute rôtie dans la bouche. Le manifeste soit disant de l’église a fait beaucoup de bruit. Ce bruit est diminué par une sorte de rétractation. Mais on ne la trouve pas assez nette pour qu’il n'en reste encore beaucoup. Lahitte avait dit avant hier, que cela serait formellement démenti. On ne trouve pas que ce soit formel. Molé a mauvais visage. Il ne bougera pas de Champlatreux jusqu'à l’assemblée. Fort soucieux de l’avenir, très triste.
Ma course a été agréable ; je fais cela très vite en envoyant un relai, et j’étais dans mon lit à 10 1/2. Je verrai le duc de Noailles ce soir. Je crois qu'il retourne demain à Maintenon. Palmella a passé ici trois semaines dans son lit. J’ai voulu le voir, on a craint pour lui l’émotion, Il a dit à Païva. Un dernier plaisir pour un adieu éternel Il est mourant, et Andral l'envoie mourir à Lisbonne. Je suis très triste, sa lettre hier au moment de partir est fort touchante. Il n'y a plus de Portugais après lui. Esprit très rare, & homme charmant. Je vous envoie Fleichmann, brave allemand. Je n'ai pas encore lu le reste de la lettre qui est longue. Je vous l'enverrai. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00417.jpg
Val Richer, jeudi 26 sept. 1850

On s’apercevra, je crois bientôt qu’on a fait une bévue en forçant les Journalistes, à signer leurs articles. On leur aura donné plus de prétentions et d’importance en leur donnant plus d'humeur. Je dis les journalistes, et non pas les journaux. Sous l’Ancien régime, on ne connaissait que le journal, et non pas les journalistes. C'était le journal qui avait de l'importance, et non pas ses rédacteurs. On aura changé cela au profit des rédacteurs, aux dépens du journal et du public aussi qui aura plusieurs prétentions à satisfaire et plusieurs fortunes à faire au lieu d’une. En Angleterre, les journaux ont de l'importance les journalistes point. On gagnera bien peu de chose par le peu d’embarras, et de crainte qu'on impose aux journalistes, en les obligeant de signer. L’ambition, la vanité et l'habitude auront bientôt surmonté cela. On perdra bien davantage en appelant aux honneurs du théâtre des gens qui vivaient dans les coulisses. Mesure de haine et d'humeur, bonne pour satisfaire la haine et l’humeur inintelligente et imprévoyante hors de là. C'est l’impression qui m’a frappé hier, en lisant mes journaux signés pour la première fois.
Autre raison. Quand les rédacteurs ne signent pas, l'autorité appartient au propriétaire qui a la responsabilité morale du journal. Quand les rédacteurs signent, une partie de l'autorité va à eux avec la responsabilité, c’est-à-dire que l'influence passe de l’esprit de propriété à l’esprit de vanité.
Il me revient que le président est décidé à fondre la cloche l’hiver prochain, c’est-à-dire sa cloche. Il demandera formellement à l'Assemblée la prorogation de ses pouvoirs avec la révision, de la Constitution. Si l’assemblée la lui refuse il ira seul devant le suffrage universel, vraiment universel. Il est décidé à durer, à durer tant qu’il pourra à faire tout pour durer. Je le comprends ; mais je crois qu’il se tromperait si pour durer il lançait lui-même le pays dans une secousse. Il pourrait se tromper beaucoup sur le résultat. Le pays s'en prendra de la secousse dont il ne veut pas à celui qui en aura pris l’initiative, et il la lui fera payer. La force du président est précisément de mettre le pays à l'abri d’une secousse nouvelle, et des maux et ce qui est pire des incertitudes dont l'idée seule fait trembler le pays. S'il est bien conseillé, il gardera à tout prix cette position qui lui donnera au dernier moment, quand il faudra absolument fondre la cloche, plus de chances de durée qu’il n’en trouverait dans un appel prématuré, et non indispensable, au suffrage universel.

10 heures
Votre récit de la revue de Versailles est curieux. Mistriss Howard et Lady Normanby ! Rien de plus, rien de moins. C’est un peu fort.
Vous voyez bien que j’ai raison de dire que Lady Allice me plait. Je vois qu’on a pris aussi le deuil à Berlin pour le Roi Louis Philippe. A ma connaissance, il n’y a pas eu plus de notification là qu'à Vienne. Il n’y en avait point il y a trois semaines. C’est donc spontané. Ils ont raison. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00419.jpg
Paris Vendredi le 27 septembre 1850

Ce mois de septembre est merveilleux. Quelle pitié de le passer à Paris ! J’ai vu assez de monde hier soir. Le général Lahitte, entre autres, qui me plait toujours davantage. Ses bonnes manières, sa belle figure, cet air honnête, sincère, assez de gaité dans l’esprit, rien de cet air de mystère ou d’importance que je déteste, l’esprit dégagé, tout cela me charme. Le duc de Noailles était ici aussi. Dumon, Viel-Castel. Quelques femmes. Rien de nouveau, si non la Hesse. La diète de Francfort se déclarant pour l'électeur, et promettant appui ; il en a besoin. Que va dire la Prusse, qui repousse toute intervention ? Cela peut devenir gros. Voici Fleischmann ; vous voyez qu’il protège peu les petits états. Lord Palmerston a écrit au général Lahitte une lettre de remerciements pour l'accueil fait aux Anglais à Cherbourg. M. Véron fait encore au jourd’hui un article remar quable. Il y a des choses excellentes. Pour la conclusion, je ne la comprends pas. Je n’aurai pas la patience d’attendre, ni lui non plus sans doute. Ce que vous me dites aujourd’hui sur la position du Président est très vrai.
Jugez que les Ellice sont ici depuis 8 jours, & que je ne les ai pas vus encore. Marion m’a suppliée de ne pas même lui écrire, d'ignorer tout-à-fait qu’elle est ici, jusqu’à ce qu’elle. vienne elle-même. Quelque nouvelle grognerie des parents. C’est fort ridicule à elle de s'y soumettre. Ils cherchent un logement et ne trouvent rien. Adieu & moi aussi, je ne trouve rien à vous dire. Adieu. Adieu.
Vous me renverrez Fleischmann. Je suis inquiète de Constantin. Il devait me répondre à une lettre. Il ne le fait pas. Je me mets en tête que son enfant est mort. Je prends quelque fois des idées qui me tourmentent comme des réalités. Sur ce point là il y a un peu de folie dans mon fait. Et une folie de plus, c’est de croire qu'en disant une pareille idée, cela détourne le malheur. Vous allez me trouver vraiment insensée.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00424.jpg
Paris Samedi le 28 septembre 1850

Beaucoup de monde hier soir et au début un court tête-à-tête avec M. Achille. Fould. Je lui ai lu un passage de votre dernière lettre sur la situation. Il y a extrêmement applaudi & m’a dit que c’est comme cela en effet qu’on est décidé à se conduire. On ne fera rien. Les Ministres tâcheront de faire aller leurs affaires le mieux possible, et on attendra, on verra. On avait songé un moment à poursuivre quelques journaux légitimistes, on y renonce. Cela ne vaut pas la peine. Le parti en charge lui-même de se perdre. La circulaire est toujours regardée comme une bonne fortune. Quelques doutes sur ce que sont les vrais sentiments de M. Molé. Grand éloge de lui, & flatté de votre bonne opinion. J'ai été fâchée d'être interrompue, la conversation était intéressante et l'homme spirituel. M. Molé m'écrit ce matin que Jules de Lasteyrie est allé le voir hier, & qu'on lui annonce le général Changarnier pour ce matin. M. Roger a été envoyé à Clarmont. Voilà bien du mouvement. Le Président a reçu hier l'ambassadeur d’Espagne qui lui a apporté la toison d'or, la même que portait le roi Louis- Philippe ! Avant hier encore revue à Versailles toujours banquet aux officiers, sous officiers & soldats. Une [bouteille] de Champagne pour 2 par officiers. Mardi prochain cela recommence. Le général Lahitte y est invité. M. Persigny a été envoyé en Angleterre, on dit pour négocier de l’argent. Il n’y en a plus. Beaucoup de gens disent que l'assemblée n’en donnera plus, parce qu'on le fait boire à l’armée.
J’ai revu hier le duc de Noailles, il est reparti pour Maintenon, assez remonté ! Deux faits importants. Ma cour a pris le deuil pour 15 jours pour le roi Louis-Philippe et nous avons nommé un consul général à Bruxelles M. de Bacharach, homme très comme il faut & distinguée. C'est un premier pas vers des relations diplomatiques. Je connais l'homme. Il est resté 20 ans à Hambourg menant là nos affaires. Est-ce que l’Académie ne vous oblige pas à revenir ici en octobre ? Adieu. Adieu.
Thiers a dit à M. Menier à Bade qu’il était plein de doutes. sur la vraie pensée du général Changarnier. M. Fould me disait hier que Thiers revient le 10 octobre. Il avait eu une lettre de lui.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00427.jpg
Paris Dimanche 29 septembre 1850

J'ai eu hier toute la journée la tête prise par une violente migraine. C’est un peu passé aujourd’hui. Ce qui ne passe pas c’est mon rhume de poitrine. Je prévois que je le trainerai tout l'hiver. Je n’ai presque vu personne. hier. Le Prince Paul. Madame Kalergis, Balabrice, & Tolstoy vous conviendrez que c’est du régime. Mad. Kalergis voit beaucoup M. de Persigny ; je vous ai dit qu’il est à Londres, & pourquoi il y est. Voilà donc Radony aux affaires étrangères. Cela va nous réjouir ! Je reste sans lettre de Constantin, c’est inconcevable quant à mon fils, je n’aurai de ses nouvelles que de Naples, Cela va encore être bien long.
Vous ai-je dit que Marion est ici depuis dix jours & que je ne l’ai pas vue encore ? Elle m’a écrit de Brighton pour me dire de l’ignorer complètement, que cela lui était nécessaire pour régler le reste de son hiver. Ainsi pas même un petit billet vert, j'obéis. Ils sont tous ici, tout le monde les a rencontrés, & j'en reste là. Je ne comprends pas son calcul, & je crois qu’elle fait une inconvenance et une bêtise. J'oubliais la princesse de Ligne qui est venue me voir hier, le reine des Belges est au plus mal. Voici une lettre de Lady Allice qui a vu la reine à Clarmont dans le désespoir à propos de sa fille. Elle veut aller la voir le 5 octobre. Le duc de Nemours dit qu’il laisse à sa mère cet espoir mais que sa pauvre soeur sera morte avant. Comme c’est triste ! Beauvale me mande que Schwarzenberg demande à l'Angleterre réparation pour l'outrage commis sur la personne du général Haynau et que c'est l’armée autrichienne qui l’exige. Schwarzenberg cite Pacifico, qu’y a t-il à répondre ? Cela peut encore devenir une affaire.
Enfin une lettre de Louise. Constantin absent avec le roi aux manœuvres. Pas de catastrophe, & j’ai été une sotte. J'enverrai à Fleichmann votre première feuille. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00432.jpg
Paris Lundi 30 septembre 1850

Voici Bruxelles, de première source. Grandissime joie de la Circulaire de Wiesbade. La fusion n’est plus possible. Elle ne l’a au reste jamais été, et personne n'y a sereinement pensé à Clarmont. La mission de Salvandy réduite à un simple remerciement du bon procédé, aucune portée politique. Il faut rester séparé, conserver intactes ses propres chances. Voilà le roi & van Prast. Je vous en réponds. Et très très décidés. M. Guizot a beaucoup faibli. En revanche M. Thiers est plein de vigueur et d'énergie, pleine confiance dans Thiers et d'amour pour lui. C’est toujours le roi et son Ministre dont je vous parle. La Reine mourante, & sans doute morte dans peu de semaines. Immense péril pour le Roi. La population. amuse le roi, la reine meurt du chagrin qu’il lui cause. La maîtresse, une Mme Mayer a été huée l’autre jour comme elle passait en voiture avec son fils, le fils du roi. On est convaincu à Bruxelles que si la reine meurt la populace ira attaquer la maison de cette femme l’émeute grossira. Le roi résistera. Ce sera une seconde édition de Lola Montès, et l’on s’entretient publiquement dans les rues de l'abdication du roi et d’une future régence. Voilà qui est gros, & je vous répète que la source est excellente. Eye witness, et qui a reçu toutes les confidences.
J’ai vu hier deux fois Kisseleff. Le soir une nouvelle dame Baratinsky avec des yeux fascinants. On ne peut pas regarder autre chose, noirs, une forêt de cils dessus, dessous, comme je n'en ai jamais vus agréable avec cela. Elle vient de Bade, elle a été témoin du désappointement. de la grande duchesse Olga, & de son piteux retour de Heidelberg. Elle est très lié avec tout ce monde. Je saurai par elle davantage. Pas de nouvelle ici. Adieu. Adieu.
Brignoles. Bauffremont. Antonini. Durazzo & hier soir.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00438.jpg
Paris Mardi le 1er octobre 1850
Midi.

J'ai eu hier par courrier deux longues lettres de Constantin & de Meyendorff. La nomination de Radovitz Un grand & déplorable événement. Mais il ne pourra pas se soutenir. Détesté en Prusse, réprouvé par nous, par l’Autriche. Pas Prussien, Catholique, & quand il a porté les armes c’était contre la Prusse. Enfin c’est détestable, mais Viel Castel me disait hier soir qu'il fait qu'on l’ait pris pour quelque chose et que nous allons voir. En attendant il est impossible. qu'on s’arrange. Il n’est pas vraisemblable qu’on se batte, & cependant on n'en a jamais été si près qu’aujourd’hui. Meyendorff regrette que nous soyons si peu bien avec la France, mais les tendances affichées de l’Elysée pour Lord Palmerston nous ôtent toute envie d'être mieux, c’est très naturel, j'ai vu hier au soir les Ligne, les Kontouzof, jolie & aimable femme, Dumon, Antonini, Viel Castel. Un aimable homme celui-ci, commence très doux. La lettre de Piscatory est curieuse, bonne, il y a de l’étoffe !
Je déteste votre journal des Débats. Au reste il faut que je vous dise que tous les journaux m'ennuient à présent. Ils ne disent rien, ou bien ils disent des mensonges. Qui est- ce qui dit un mot sincère aujourd’hui ? Adieu. Adieu.
Ellice père m'écrit avec des excuses de ce que Marion n’est pas venue me voir. Ils ont à réparer ; je me tiendrai sur ce pied-là.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00441.jpg
Paris mardi 1er octobre 1850
2 heures

Vendredi dernier 27, Changarnier est venu inopinément chez le duc de Noailles à 9 heures du matin. Il y est resté jusqu'à 11. Longue controverse, sur la fusion après la fusion après avant la chute du Président. Voilà le texte. D’excellentes raison de part et d’autre. C’est trop long & cela n’a pas abouti. L’essentiel de la visite est ceci. Changarnier très pressé, passionné, possédé du désir, du besoin de renverser. Mille avances aux légitimistes. La Circulaire de Wiesbade. Il n’en tient aucun compte Elle est regrettable mais elle ne change en rien le fond des choses et le droit, & la nécessité. " On me dit orléaniste. Je ne suis pas orléaniste. Je veux travailler avec vous, pour vous. Je suis obligé à beaucoup de ménagement mais il faut nous voir. Nous avons besoin de M. Guizot avec lui plus de précautions encore. mais il faut qu'il revienne bientôt, il faut reprendre vos réunions. Il faudrait même en élargir le cercle. Il serait bien bon, bien utile d'y admettre Jules de Lasteyrie ! " L'impression sur le duc de Noailles. Excellente, très vive. Jamais Changarnier n’avait été aussi ouvert, aussi explicite, à moi cela me paraît capital, s’il n'était pas sincère ce n’est pas envers un homme comme Noailles qu'il se serait compromis ainsi. Il a parlé de Molé, de ses soupçons de celui-ci contre lui, de ce que déjà il lui a aliéné la confiance de Berryer. " Il est cependant utile d’avoir Molé ", et c’est pour cela que Changarnier y est allé dimanche avec Bérard. Je ne sais ce qu’il aura gagné mais Molé m'écrivait à moi la veille." J’espère que les Légitimistes ne se laisseront pas prendre au piège." J’ai dit au duc de Noailles qu’il fallait se garder de l’excès de méfiance car cela pourrait mal mener. Changarnier l'a autorisé à mander à Frohsdorff ce qu'il a dit de la Circulaire & qui rencontrera le courage là. D’un autre côté vous saurez par Dumon, que le duc de Noailles lui a remis sur ce sujet une petite note excellente qu'il vient d'envoyer à Clarmont dernier moment à Champlâtreux. M. Molé m’a dit : " Il faut que Changarnier renverse le président, car sans cela il sera renversé lui- même." Vous voyez donc qu’une crise peut être très prochaine. Je crois qu’elle s'élèvera à propos du dire de Champlâtreux, & qu'on mettra le ministre de la guerre en cause pour avoir toléré cela. L’assemblée demanderait sa destitution. Dans ce moment Lahitte est journellement employé à empêcher que la brèche entre les deux généraux ne devienne trop vive. C’est Viel Castel qui me disait cela hier au soir. Bérard a dit dans le temps dans quelque château, que ce que j’avais dit à Changarnier du comte de Chambord avait fait une forte impression sur lui. Ils étaient ensemble le jour où je les ai rencontrés à Champlâtreux. J'ai causé avec le porteur, je lu ai dit quelques détails du plus, mais ici j'ai mis l'essentiel. Qu'est ce qui arrivera et bientôt ? Impossible de deviner. Je crois que je vous dis adieu parce que je ne trouve plus rien. Mais ici il y a à toute heure quelque chose. Adieu.
Je vous ai écrit par la poste comme de coutume

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00450.jpg
Paris le 2 octobre 1850

J’ai oublié de vous dire que c’est Antonini qui m’a rapporté de Bruxelles tout ce que je vous ai dit. La partie politique il la tenait de Van Prast. Je trouve la lettre de M. Molé dans les Débats de ce matin, très bonne. J'ai eu hier soir des dames assez, quelques hommes, M. Achille Fould. Il se dit sans aucun souci de l'hiver prochain. L'Assemblée est complètement discréditée sur la question du jour, les libérations à la troupe. C’est peut-être fâcheux, mais il ne faut pas disputer sur les petites choses. Aujourd’hui revue, & le 10 très grande revue, & la dernière. La Hesse devient une bien grosse affaire. Vraiment elle pourrait mener à la guerre.
Léopold est de l’année 90. Il a juste 60 ans. Je lis M. de Montalivet sur la liste civile. Cela fera un excellent effet. Qu’il a fallu de gaucherie au roi pour faire dire de lui ce qu’il méritait si peu ! Je n’ai point de nouvelle aujourd’hui excepté une lettre de Bacourt, Nancy. je l’avais questionné sur Bade. Thiers grand effet sur la reine de Hollande. Beaucoup moins sur la grande duchesse Hélène. Infiniment moins encore sur la princesse de Prusse qui avait peur de ses commérages, complètement nul sur la grande duchesse Olga qui a été l'objet de l’adoration générale à Bade. Je ne sais rien de plus aujourd’hui. Adieu. Adieu.
Lisez ceci et voyez quelle infamie ! Que dois-je faire ? Quelle horreur ! S'il le faut venez ici pour me conseiller. Je n'ai âme qui vive qui le puisse.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00462.jpg
Paris vendredi le 4 octobre 1850

J'oublie au milieu de mon agitation que vous avez aujourd’hui 63 ans. Je ne félicite jamais sur les progrès de l'âge. Je reçois votre lettre. Elle vient un peu tard, car hier, votre visiteur avait proposé quelque chose qui ne s’accorde pas tout-à-fait avec ce que vous dites. Je suis livrée aux conseils des autres. Moi je n’ai pas d’avis, car je n’ai pas de tête, & je me sens très malheureuse. Et entre les allées & venues, les choses sont faites avant qu'on y puisse porter remède, ce moment est bien creux pour moi. Je n'en ai jamais connu de semblable. Je ne saurais vous parler d’autre chose.
J'ai eu beaucoup de monde hier, entre autre Lahitte. L’Allemagne préoccupe beaucoup. Cela devient très gros, le [?]mare aussi, il faudra la guerre. Thiers est arrivé. Molé m'écrit & me prie de lire l'Opinion publique du 3 qui renferme un morceau de vous admirable, & ajoute tâchez donc de savoir où & quand cela a été publié. Il est fort dégoûté du Journal des Débats & s’étonne que les anciennes influences ne s’exercent pas là pour empêcher ces mauvais articles.
Je suis très dérangée. Les entrailles, les nerfs, la poitrine. L’agitation attaque toujours les parties faibles. Je ne dors pas depuis deux nuits, & j'en ai pour longtemps encore de ce régime. Je répète avec une grande vérité. Je suis très malheureuse. Le terme est écoulé aujourd'hui & rien n’est commencé. Que puis-je y faire ! Le mal est fait. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00466.jpg
Paris le 5 octobre samedi 1850

Malgré quatre envois & tous les efforts, directs et indirects. Il m’a été impossible hier de voir votre visiteur. Il n’est pas venu. Je ne saurais le comprendre ! Vous voyez comme il m’est facile de faire mes affaires ? Votre billet est encore dans ma poche. J’ai gardé M. Dumon hier après ma soirée. Il cherche à me soutenir mais il est assez noir. Le temps perdu et peut-être tout perdu. Hier on attendait la réponse à 120 lieues d'ici, & hier rien n'était seulement comme à Paris. Que peut faire une femme seule ! Je suis prête à tout mais comment ? Le duc de Noailles a dîné avec moi, j’avais besoin de distraction, le soir Mad. de Contades a diverti mon cercle. Je ne dors pas & je cesse de manger, voilà de quoi me soutenir !
Voici votre lettre. J'espère dans une heure d'ici voir mes deux conseillers, votre collègue, & votre visiteur. 2 h Dumon est arrivé consterné. Son gendre est revenu de Clarmont ce matin. Il les a laissées tous dans le plus grand désespoir. Mon courrier d'Ostende annonce qu’il n'y a pas un moment à perdre. Il envoie un bateau. A l’heure qu'il est ils s'embarquent à Douvres. La Reine, la duchesse d’Orléans, la Princesse Clémentine, le duc de Nemours, débarqueront à Ostende. Les deux autres princesses resteront sur le bâtiment la vraisemblance est qu’ils arrivent tous trop tard. Votre pauvre reine. On a ordonné des prières publiques dans le royaume. Adieu, Adieu. J’ai vu tout les deux, ils n'en savent pas plus long que moi. Le petit va voir en le fils, à délai, le délai fatal expire c’est affreux. Adieu.
C'est bien dur de ne pas vous avoir auprès de moi dans le moment le plus affreux. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00478.jpg
Paris le 12 octobre 1850 Samedi

Le dîner hier, animé. Après le dîner, curieux. M. Fould est venu plein de courtoisie et presque d’intimité pour le général Changarnier, conversation générale ou celui-ci racontait le passé avec vivacité intérêt, & appuyait forte- ment sur ceci. " L'armée m'estime, me respecte & me craint." Avant cela ils avaient passé tous deux dans le salon jaune et ont causé là un quart d’heure. Évidemment il y a quelque chose. La commission se rassemble de nouveau aujourd’hui. On dresse un procès verbal qui rappellera la séance de Lundi, le quasi engagement pris par le général d’Hautpoul d'interdire les cris. La déviation de cette promesse. On blâmera, ce blâme retombe sur l’Élysée. Et cette pièce sera soumise à l’assemblée à sa réunion. Changarnier m’a dit, que la séance avait été vive. M. Dupin très vif contre l'Élysée. J’ai retrouvé dans la Conversation la même impatience que par le passé. M. Molé a été parmi les blâmants.
Du reste Changarnier m'a dit que les nouvelles d’Allemagne étaient bien mauvaises. On s’attend à un éclat. Le Président est fort préoccupé de cela. Il penche pour la Prusse et pour s’en mêler si l’Italie venait à s'agiter en conséquence. Hier on a eu la nouvelle que l’Autriche avait mis à la disposition de l'électeur, un bataillon autrichien qui se trouve sur la frontière. La Reine des Belges est morte hier à 8 heures du matin. Votre pauvre reine !
Marion est venue ce matin la bombe a éclaté. Elle a été très ferme. Deux résolutions de sa part. Rester à Paris auprès de moi. Ou rester à Paris avec sa soeur Fanny malade, s’établir ensemble modestement. Ceci accepté par la mère. Marion est décidée à l’un ou à l’autre parti. C'est sans doute le dernier qui sera adopté. Adieu. Adieu. Il n’a pas été question hier des absents. Adieu. Pas de conversation a parte avec Fould.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00483.jpg
Paris le 13 octobre 1850 Dimanche

Je n’ai vu à peu près personne hier. Le duc de Cases est venu, il part aujourd’hui pour Ostende. Il arrive de la province toujours le même dire. On ne sait que désirer. Il croit lui que la solution doit arriver à travers le prince de Joinville, et qu'il serait insensé à lui de refuser d’être l’artisan des rétablissements de sa famille. Je vous donne de Cases. Je voudrais que vous puissiez lire les journaux Belges. Le désespoir, la tristesse misérable.
A propos le roi a fait partir depuis quinze jours tout son ménage clandestin, ils sont tous en Allemagne. Bonne précaution. J'avais hier soir ici Viel Castel mais comme il est survenu des indifférences et qu’ils étaient peu nombreux je n’ai pas pu reprendre la conversation. intime. Le blâme est général pour les cris de Vive l’Empereur. On trouve cela sans excuse. Décidément il y a eu invitation de pousser ce cri, de très haute part & personnelle, sur les lieux mêmes. Voilà ce que m'ont redit les témoins oculaires & auriculaires.
Mon estomac me tracasse. La tracasserie morale résonne là, et y reste. Une longue lettre d’Aberdeen que je n’ai pas lue ; je vous l'enverrai demain si elle le mérite. Adieu. Adieu.
Je vais à l’église. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00485.jpg
Val Richer, Dimanche 13 Oct. 1850
8 heures

Je me lève. J'ai bien dormi. J'en avais besoin. Le temps a été magnifique hier. J'espère que vous vous serez promenée, que vous aurez marché. Il faut profiter des derniers beaux jours. Vous serez assez longtemps réduite à ne vous promener qu'en voiture. Je suis assez curieux de ce que vous me direz ce matin de votre dîner d'avant-hier. J'espère que vous aurez trouvé l'occasion de dire à votre principal convive ce qui me concernait. Je crois utile que cela lui soit dit.
Les Holsteinois sont bien acharnés. Le roi de Danemark même vainqueur aura de la peine à redevenir vraiment le maître là. Tant d'opiniâtreté indique sur le lieu même, un sentiment populaire énergique et la passion de l’esprit germanique viendra toujours réchauffer ce sentiment là. L'Allemagne n'échappera pas à une grande transformation. Je ne sais laquelle ni comment ni au profit de qui ; mais l'Allemagne ne restera pas comme elle est. Je ne vois en Europe que l’Angleterre et la Russie qui aient chance de rester longtemps comme elles sont.

Midi
Pauvre Reine ! A moi, comme à vous, ce sont les seuls mots qui viennent. Avez-vous remarqué son petit dialogue avec le curé d'Ostende à l'entrée et à la sortie de l’église ? " Priez beaucoup pour mon enfant. " Je ne connais rien de plus touchant que ces simples mots.
Merci de vos détails, très intéressants sur votre dîner. Si vous trouvez quelque occasion naturelle de dire ce que je vous rappelais tout-à-l'heure, soyez assez bonne pour la saisir. Le petit article des Débats sur la séance de la commission permanente me frappe un peu. C’est certainement Dupin qui l’a dicté. Il prouve que si la commission ne veut pas pousser les choses à bout; elle veut les avoir prises au sérieux. Il faut que le Général d'Hautpoul soit congédié avant l’ouverture de l'Assemblée.
Je suis fort aise que Marion ait pris son parti. Faites lui en, je vous prie, mon compli ment en lui disant combien je regrette de ne l'avoir pas vue. Je lui aurais conseillé ce qu’elle fait. J’ajoute seulement que s'il est bien convenu qu’elle restera à Paris avec sa soeur Fanny, il faut qu’elle y reste en effet quand ses parents partiront. Si elle retourne en Angleterre avec eux, elle ne reviendra pas. Adieu, Adieu. G.

Le Duc de Broglie ira certainement à Claremont car la Reine et la famille Royale y retourneront, je pense, aussitôt après les obsèques. Je crois que j'irai à Broglie lundi 21, pour 48 heures. Adieu, encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23013_00487.jpg
Paris le 14 octobre 1850

On est bien échauffé ici & bien inquiet toujours à propos de la revue et de ses conséquences. Vous lisez le Constitutionnel. Il est sur ses grands chevaux. Hubner hier soir croyait à quelque chose, moi, je ne crois à rien. Cela s’assoupira mais je n’ai pas vu de Français hier, & je n'ai pas d'opinion quand je n’ai pas consulté les augures. Quant à l’Allemagne Je ne comprends pas comme on s’en tirera. Hubner affirme que les troupes Autrichiennes vont entrer dans la Hesse. Le 21 septembre la Prusse a lancé une note, dans laquelle elle menace l'Autriche si elle ose entrer le 27, l’Autriche répond qu’elle entrera, si besoin en est, au nom de la diète, (or, la Prusse ne reconnaît pas celle-ci) le besoin est là puisque l’armée hessoise s'est dissoute, il n’y a plus d’affaire. La Prusse pourra-t-elle faire l’énorme reculade ? Voilà la question. Dans quelques jours on le saura. D’un autre côté, nous sommes furieux contre la Prusse à propos de la guerre du duché, & Le roi de Prusse ayant demandé à venir à Varsovie, on lui a répondu qu'il n’y avait pas d’appartement pour le loger. Voilà. Tout cela est gros.
L'Impératrice m’a fait écrire par une de ses dames pour me donner de ses nouvelles, et me prier de lui écrire souvent, grandissime joie de mes lettres. Elle n'ose plus écrire du tout, un oeil dans un bien mauvais état. Toute occupation lui est interdite.
2 heures. Lord Brougham m’est tombé comme une bombe, il a bavardé, & je suis prise. Il faut finir. Je viens de voir ainsi Dumon l'affaire d’Hautpoul est grosse. Vous avez bien raison il faut qu'il sorte. Mais le fera-t-on ? Adieu. Adieu.
Formats de sortie

atom, dcmes-xml, json, omeka-xml, rss2