« L’automne de 1811 vit éclater au firmament une des plus étincelantes comètes que l’on eût encore signalées. C’était une gerbe de feu qui imprimait le respect et ne causait pas d’effroi. L’Observatoire fut assailli ; la moitié de Paris alla voir la comète dans les lunettes que l’on croyait propres à en augmenter l’éclat, et qui précisément ne pouvaient servir qu’à l’éteindre. Déjà je connaissais le temple d’Uranie. Recommandée par M. de Humboldt, j’avais considéré la lune dans le télescope ; elle m’y avait paru comme un roc de biscuit de Sèvres, guilloché sur ses bords et raboteux à sa surface, où l’on remarquait des plaques d’ombres, faites pour figurer des abîmes. L’une des merveilles que le télescope a seul le droit de nous découvrir, c’est l’anneau lumineux de Saturne. (...) C’est en allant contempler la comète que je fus assez heureuse pour rencontrer dans les salles le savant M. Arago. Il me serait impossible de dire jusqu’à quel point ce savant surpassa l’opinion que j’avais de son mérite extrême. Je l’écoutai avec un enthousiasme digne de la science dont il me parlait. Je désirai le revoir ; j’osai solliciter quelques leçons à ma portée, je les obtins, il me les fit plus tard, et j’aurai l’occasion d’en parler plus loin. Je me borne à dire ici qu’après m'avoir rapidement tracé la théorie raisonnée des comètes, M. Arago m’avoua qu’à l’Institut et dans sa classe, les savants qui ne cultivaient pas spécialement l’astronomie lui faisaient sur la comète des questions vaines et populaires, et, à sa grande surprise, ne prenaient pas la moindre peine pour acquérir une juste notion d’un phénomène si frappant. » (Mémoires, 1896, t2, p. 158-159)