Livre III, chapitre LIV: Amitié de Yazdgird et Théodose. Interdit des livres grecs, prédominance du syriaque et invention des caractères arméniens en Persarménie

Informations générales

DateVe s.? entre 750 et 800?

extrait situé sous le règne deYazdgird Ier

Languearménien

Type de contenuTexte historiographique

Informations éditoriales

Éditions

Texte arménien:
Movsēs Xorenacʿi, History of Armenia (Patmutʿiwn Hayocʿ), M. Abełean, S. Yarutʿiwnean, with additional collations by A. B. Sargsyan (eds), Movsēs Xorenacʿi, Patmutʿiwn Hayocʿ, Tiflis: Aragatip Mnacʿakan Martiroseancʿi, 1913; repr. Erevan, 1961; Delmar, NY, 1981).

Traduction française:
- Langlois, V., Collection des historiens anciens et modernes de l'Arménie. Première période. Historiens arméniens du cinquième siècle, II, Paris, Librairie Firmin Didot frères, 1869, p. 162-163.

- Mahé, A., Mahé, J.-P., d'après la traduction de Victor Langlois, Moïse de Khorène, Histoire de l'Arménie, (L'aube des peuples), Paris: Gallimard, 1993.

Traduction anglaise:

Thomson, R. W., Moses Khorenatsʿi. History of the Armenians. Translation and Commentary on the Literary Sources, Revised edition (Harvard University Press; Harvard Armenian Texts and Studies 4; Cambridge Mass.–London, 1978; Ann Arbor 2006²).

Références bibliographiques

- Dédéyan, G. (éd.), Histoire du peuple arménien, Toulouse: Éditions Privat, 1982 (1e éd.), 2007.

- Garsoïan, N., «L'Histoire attribuée à Movsēs Xorenacʿi: que reste-t-il à dire?», Revue des Études arméniennes 29 (2003–2004), p. 29-48.
- Sarkisyan, G. (éd.), Moïse de Khorène, Histoire de l'Arménie, Ve siècle, Erevan: Hayastan Publishing, 1997.
- Thomson, R., Moses Khorenats‘i's History of the Armenians, Cambridge, MA, 1978.

- Topchyan, A., The Problem of the Greek Sources of Movsēs Xorenac‘i's History of Armenia, (Hebrew University Armenian Studies 7), Louvain: Peeters Publishers, 2006.

- Traina, G., «Moïse de Khorène et l'Empire sassanide», dans R. Gyselen (éd.), Des Indo-Grecs aux Sassanides. Données pour l'histoire et la géographie historique, (Res Orientales XVII), Louvain: Peeters Publishers, 2007.

Liens

- Texte arménien de l'édition de M. Abełean et S. Yarutʿiwnean sur le site d'archive.org
- Traduction française de V. Langlois sur le site de Remacle

Traduction

Texte

Livre III, chapitre LIV
Amitié de Yazdgird et Théodose –
Interdit des livres grecs,
prédominance du syriaque en Persarménie
et invention des caractères arméniens

[trad. Langlois II, p. 162a] Arcadius étant mort, son fils appelé Théodose le Jeune lui succéda. Il fut également l'ami de notre pays et du roi Wram Šābuh (Vramschapouh); cependant Théodose ne lui confia pas la partie du territoire [qui était soumise aux Grecs] : il la fit gouverner par ses procurateurs. Il lia aussi amitié avec Yazdgird (Hazguerd) [trad. Langlois II, p. 162b] roi de Perse. En ce temps-là, Maštocʿ (Mesrob) vint apporter les caractères de notre langue, et sur l'ordre de Wram Šābuh et de Sahag le Grand, ayant réuni des enfants choisis, intelligents, à la prononciation nette, à la voix douce, ayant la respiration longue, il établit des écoles dans tous les cantons, et il instruisit toutes les contrées de la partie [du pays soumise] à la Perse, hormis [celle qui appartenait] aux Grecs, dont les habitants, soumis à la juridiction du siège de Césarée, devaient employer les lettres grecques et non syriaques (syriennes). Maštocʿ (Mesrob), étant arrivé dans le pays des Ibères, leur composa aussi un alphabet, par la grâce qu'il avait reçue d'en haut, en collaboration avec un certain Dehagaï, interprète du grec et de l'arménien, et avec la protection de leur roi Bakour (Pagour) et de leur évêque Moïse. Maštocʿ (Mesrob) choisit des enfants, les partage en deux classes et leur laisse pour maîtres Der de Khortzèn et Moïse de Daron, ses disciples. Puis, Maštocʿ (Mesrob) se rend dans le pays des Aghouank, auprès du roi de la contrée d'Arsvaghen et du chef des évêques Jérémie, qui, ayant agréé volontiers son enseignement, lui coulèrent des enfants choisis. Puis ils appelèrent un certain Benjamin, traducteur fort distingué, qu'envoya sans tarder le jeune Vasag, prince de Siounie, par l'entremise de son évêque Anania. Avec leur coopération, Mashtocʿ (Mesrob) créa les caractères de la langue des Karkarabé, langue gutturale, rauque, barbare, grossière et discordante. Ayant laissé pour directeur un de ses élèves, Jonathan, et établi quelques prêtres à la Porte du roi, Maštocʿ (Mesrob) [trad. Langlois II, p. 163a] vint trouver Sahag le Grand qui était occupé à traduire des livres syriaques, car les livres grecs manquaient. D'abord Méroujan avait fait brûler dans notre pays tous les livres grecs, et, lors du partage de l'Arménie, les gouverneurs perses ne permettaient à personne, sur leur territoire, d'apprendre le grec, mais [ils autorisaient] seulement l'étude du syriaque.

Traducteur(s)Victor Langlois

Description

Analyse du passage

L'élaboration de l'écriture et de l'alphabet arméniens sous l'impulsion du moine Maštocʿ (m. 439) suscita un grand mouvement de traductions d'œuvres du grec et du syriaque en arménien, avec, un peu plus tard, une efflorescence de compositions originales. Mahé, J.-P., L'Alphabet Arménien (réf. ci-dessous). Russell, J. R., «On the Origins and Invention of the Armenian Script», Le Muséon 107/3-4 (1994), p. 317-333; plus anciennement, Peeters, P., «Pour l'histoire des origines de l'alphabet arménien», Revue des Études Arméniennes 9 (1929), p. 203-237; Thorossian, H., Histoire de la littérature arménienne: des origines jusqu'à nos jours, Paris, 1951. Pour une classification de ces œuvres de traduction, Mécérian, Jean, Histoire et institutions de l'Église arménienne. Évolution nationale et doctrinale, p. 152-158; Renoux, C., «Langue et Littérature arméniennes», in A. Guillaumont (éd.), Christianismes orientaux: introduction à l'étude des langues et des littératures, (Initiations au christianisme ancien), Paris, 1993, p. 125-141.

Cette entreprise de traduction avait pour finalité première de retrouver une documentation littéraire et traditionnelle que les exactions des Perses avaient fait disparaître, ce que souligne Moïse dans ce passage et dans le chapitre XXXVI de son même Livre III sur les exactions causées par Méroujan sous Šābuhr: confiscation, autodafé et destruction des livres, interdit de l'apprentissage des lettres en grec, interdiction de parler le grec et imposition de la langue perse. Moïse de Khorène donne deux raisons à ces actions violentes d'anéantissement d'une culture, le prétexte officiel: empêcher toute relation et tout lien d'amitié entre les Arméniens et les Grecs, l'objectif implicite: «faire obstacle à l'enseignement du christianisme» puisqu'à cette époque, l'écriture arménienne n'existait pas et que les cérémonies de l'Église se faisaient en grec. Voir Langlois, V., Collection des historiens anciens et modernes de l'Arménie. Première période. Historiens arméniens du cinquième siècle, II, Paris, 1869, p. 151; éd. Mahé, A., Mahé, J.-P., Histoire de l'Arménie par Moïse de Khorène, Paris, 1993, p. 279-280.

L'histoire de la formation de cette littérature fut finalement aussi celle de l'identité arménienne. Comme l'a montré Jean-Pierre Mahé, ce mouvement littéraire, tout en favorisant plus profondément l'ancrage du christianisme, ouvrit la voie à une affirmation autonomiste, Mahé, J.-P., «Confession religieuse et identité nationale», in N. Garsoïan, J.-P. Mahé (éds), Des Parthes au Califat. Quatre leçons sur la formation de l'identité arménienne, (Travaux et Mémoires du Centre de Recherche d'Histoire et Civilisation de Byzance. Monographies 10), Paris: De Boccard, 1997, p. 59-105.

Édition numérique

Éditeur numériqueProjet ANR TransPerse (CeRMI, CNRS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle).

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Notice créée par Christelle Jullien Notice créée le 20/02/2020 Dernière modification le 01/07/2022