Amour des mots (L')
Auteur(s) : Sony Labou Tansi
De plus, la piste du sous-titre « Le Quatrième côté du triangle » nous mène dans un labyrinthe chronologique quasi inextricable. En effet, cette formule énigmatique, qui hante Sony dans les années 80, apparaît à six reprises2 dans ses manuscrits, en général non datés et pour intituler une prose narrative, à l’exception notable du dernier avatar de la série : le cahier intitulé Le Quatrième côté du triangle, daté du 25 septembre 1988, est le support d’un recueil de poèmes, dont l’un d’entre eux, d’ailleurs, Pour Émile Biayenda, reprend presqu’exactement l’incipit de « Poema… » : « J’ai dit / hier soir / qu’on éplucherait… ». Cependant, les autres occurrences de la formule mana, que l’on trouve placées au seuil de divers avant-textes plus ou moins lointains du roman Les Sept Solitudes de Lorsa Lopez paru en 1985, permettent de situer celle qui titre le deuxième texte de L’Amour des Mots, comme une des plus anciennes, remontant à la période charnière, post État honteux (1981), où Sony cherche à sortir des « oubliettes de l’Histoire » le royaume kongo pour refonder par un « nouvel évangile » les rapports de genre à partir des traditions et de l’histoire de son « pays intérieur »3.
Dans cette hypothèse, ce recueil composite, constitué d’un poème et d’une prose, se situerait au début des années 80, avant même le poème « Poema Verba » qui se trouve écrit sur un cahier daté de janvier 1982, à la suite de la deuxième version du roman Les Sept Solitudes de Lorsa Lopez – qui est venu renommer la première version portant ce titre raturé : Le Quatrième Côté du Triangle. Cette chronologie relative est confirmée par une correspondance en date du 30 novembre 1981, où Sony projette déjà de détacher le titre du genre poétique et d’en faire un usage nettement fictionnel : « Je suis en train d’écrire un recueil de nouvelles qui s’intitule les “médiocrates” ou peut-être “le Quatrième côté du triangle” »4. De fait, il existe une nouvelle inédite portant ce dernier titre, qui est aussi celui de la chanson la plus célèbre du personnage principal, une diva de la musique congolaise.
1 « La vie est-elle insipide ? », in Jean-Marie Adiaffi et al., Marco Polo ou le Nouveau Livre des Merveilles (Roman/Feuilleton), Villeneuve-Lez-Avignon, Circa/Solin, 1985, 334 p.
2 Deux autres découverts, dont celui-ci, après mon « La quadrature du texte ou l’énigme des quatre Le Quatrième Côté du triangle de Sony Labou Tansi », Genesis, no 33, Paris, ITEM/PUPS, 2011, pp. 53-66.
3 Pour une interprétation par le genre, voir mon « Le Quatrième Côté du triangle, or squarring the sex : a genetic approach to the “ Black Continent ” in Sony Labou Tansi’s fiction », in Phyllis Clark et Alain Ricard (éds.), Research in African Literatures, vol. 31, n° 3, automne 2000, pp. 69-99.
4 Lettre à Sônia O. Almeida, inédite.
Fiche descriptive de la collection
Citation de la page
Sony Labou Tansi, Amour des mots (L'), 1980-1982 ?.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 22/12/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/collections/show/213