Rabearivelo parachève dans ce recueil bilingue sa vaste entreprise de traduction ou, comme il s'amuse à le dire,
son " vice ", punissable à bien des égards tant il s'apparente à du " vol " ! L’écrivain,
passeur de langue, s'empare des beautés étrangères afin d'orner sa langue maternelle. Ne proclamait-il pas que "
les Poëtes auront pour mission de mallarmiser " la langue malagasy, " pour peu qu'ils aient le désir de survivre " ? En somme du recel poétique, un recel créateur.
Derrière ce badinage, se déploie ici superbe, la
défense et illustration de la langue malgache. D'une part, à solliciter Paul Valéry, à prendre l'initiative de le traduire,
l'indigène lettré fait montre d'audace intellectuelle et manifeste le génie de sa langue capable de toutes les gymnastiques, d'étirer ses articulations vers d'autres imaginaires.
En outre, Rabearivelo conforte sa légitimité littéraire en se plaçant, mieux encore que sous l'égide d'un académicien français,
sur un plan collégial ; écrivain parmi ses pairs, il
tourne les lumières françaises vers sa personnalité : "
Yo soy negro y vierto la luz ", ce que se murmure son for intérieur...