Processus éditorial
L’étude des fonds patrimoniaux, rassemblés dans un même dossier génétique révèlent le processus qui accompagne la création de l’œuvre. Il n’est que la première étape d’un long travail scientifique pour rendre « visible » et « lisible » l’ensemble de la chaîne éditoriale nécessaire à l’élaboration de résultats communicables et partageables en premier lieu avec la communauté scientifique et avec d’autres publics.
I. Edition numérique et génétique : Les sous-collections
La base de données "collection génétique d’opéras" propose un modèle d'édition génétique et numérique. Ce modèle éditorial comprend six sous-collections. Ces dernières configurent le « dossier génétique » et structurent par anticipation la lecture du processus de création, la réception du corpus et leurs futures présentations et visualisations, en partie modélisantes (graphes, géolocalisation, visites virtuelles, parcours 3D...). Les six sous-collections retenues sont configurées comme suit :
- L’écriture du livret : L’ensemble des éléments sources qui renseignent l’écriture du livret (manuscrits autographes, livrets édités en italien ou en différentes langues, rééditions)
- La composition musicale: L’ensemble des éléments sources qui renseignent la composition de la musique (partitions autographes, éditées, en différentes langues, complètes, par parties, rééditions)
- La mise en scène: L’ensemble des éléments sources qui renseignent l’élaboration de la mise en scène (dessin des décors, des costumes, des éléments de mise en scène)
- La correspondance: L’ensemble des échanges épistolaires entre les acteurs de la création (lettres, cartes portales, billets)
- La réception: L’ensemble des articles de presse (journaux, revues, dessins, caricatures...) qui témoignent de la réception
- Le contexte: L’ensemble des éléments sources qui aident à la contextualisation du processus de création
Les Items
Les notices des items proposent l’ensemble des formulaires utiles afin de renseigner chacun des contenus. Elles présentent un premier ensemble de 15 métadonnées Dublin core obligatoires (moissonnables) et un second ensemble de métadonnées personnalisables et caractéristiques pour l’édition d’un corpus d’opéra quel qu’il soit.
L’interface
L’interface de présentation de la base de données « Collections de sources génétiques d’opéra» présente la démarche de recherche, son élaboration et sa destination. Les différents onglets présentent la structuration de la plateforme et les sous-collections qui la compose. L’exposition dynamique des sources complète la présentation.
II. Vers un modèle d’édition génétique modélisante
A l’heure actuelle, les formes graphiques les plus utilisées (diagrammes à barres, structure en arbre, cartes, diagrammes illustrés, organigrammes, tableaux et grilles) sont sémantiques du simple fait de leur structure et de la façon dont leur organisation produit des relations significatives et porteuses de sens à travers leur représentation. Ainsi, la base de données sur les corpus d’opéra a considéré différents types de représentations dès sa conception. Le manuel d’utilisation EMAN signale quelques-unes de ces formes graphiques, toutes porteuses de sens dans une démarche génétique. Ces éléments font évoluer le schéma éditorial génétique avec « visualisation statique » (publication papier) vers une « visualisation dynamique » et virtuelle.
La base de données « collections génétiques d’opéra » a permis d’identifier différents types possibles de visualisations (ligne de temps, graphes, expositions virtuelles). Plusieurs exemples sont proposés ci-après.
L’usage de « l’index des valeurs » en facilite grandement l’organisation. Les relations établies à partir des éléments Dublin Core et des métadonnées de contenus ou des glossaires (noms, œuvres, lieux, théâtres, journaux ainsi que la référence aux actes et aux tableaux) complètent le schéma relationnel. Enfin, la création de mots clés, repérés via l’étude génétique des items, achève la mise en valeur génétique du corpus. C’est sans doute dans ce dernier type de visualisation que l’on peut mieux se rapprocher, dans l’après-coup, de la représentation du processus de création d’une œuvre, et des forces sous-jacentes, à travers les écritures (poétique, musicale, scénique) qui forment comme des parcours de la pensée intime de l’auteur ; et, en fin de processus, de sa réception.
Le cas Conchita
Dans cette perspective, les mots clés structurent ce réseau de résonnances entre écritures. Dans le cas de l’analyse génétique de l’opéra Conchita, et dans le but de présenter la dynamique de création, il a été pris en compte tout d’abord l’ensemble des éléments utiles à la construction de l’œuvre que l’on retrouve dans l’ensemble du dossier génétique et selon les écritures du livret, de la musique et du décor :
- La constitution linéaire du récit : Acte I (La Fabbrica, intemezzo nella strada, la casa di Conchita Perez) ; Acte II (Il Baile) ; Acte III (La Cancellata) ; Acte IV (La casa di Mateo)
- Les expressions du décor (tableaux et lumières) : La Fabbrica, intermezzo nella strada, la casa di Conchita Perez, Il Baile, La Cancellata, chez Mateo
- L’expression musicale : parties chantées ; musique orchestrale ; les thèmes instrumentaux ; les rythmes espagnols ; les danses espagnoles ; les tableaux ; les introductions
La reconstitution du processus de création devient alors possible par la combinaison de relations prédéfinies entre les données : « est exigé par », « a pour matérialisation », « a pour réalisation », « a pour transformation », « est partie de », « a pour suite » etc. Ces relations peuvent être combinées aux mots clés. Les visualisations ainsi établies préparent la valorisation successive du travail de recherche. En parallèle, il est possible de relier des mots clés au contexte de la création et ainsi saisir, par un autre biais, la fabrication de l’œuvre et parfois le lien entre œuvre et intimité créatrice de son ou ses auteurs. Pour l’œuvre Conchita, il est clair que la création s’inscrit, et de façon volontaire de la part du compositeur et de ses éditeurs, dans les mouvements artistiques parfois scandaleux de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (les termes « exostisme », « vérisme », « décadent », sont mentionnés dans les échanges épistolaires et dans un certain nombre d’articles et critiques de l’œuvre). Ces références place l’opéra dans une « modernité » qui, pour le jeune compositeur, se veut en rupture avec le style de son temps (Riccardo Zandonai réfutera plus tard la référence au vérisme). Ces rapprochements influencent également la constitution et la réception du personnage féminin centrale, considérée comme « masochista » (masochiste), assimilée par ce biais aux personnages sulfureux de la même époque, « sadico » (sadique) et à succès, Turandot, Salomé en premier lieu et, « rebelle » tel que le personnage Carmen. Participe également à cette représentation du caractère et du corps féminin, le décor « liberty » de «roses », lié au désir (« la bocca », « il ballo », « gli amanti », « amare »), le goût pour le sacré (« vergine », « dea », la fabrique de cigares placée dans un « antico monastero », la maison de Conchita assimilée à « una chiesa », « il paradiso »). Le tout est placé dans un décor hispanisant auquel certains mots comme certains lieux font référence (« le real », « il baile », « la jota » « le torrero »...) ; une fois encore, le décor fait le lien avec l’intimité artistique de Riccardo Zandonai (son voyage en Espagne) à l’occasion de la création de son opéra.
Nous pouvons dire que selon le type de relations proposées, il est ainsi possible de créer un ensemble de visualisations contextualisées qui présente différentes strates de la composition de l’œuvre et qui peuvent dans le même temps nourrir l’analyse génétique de l’ouvrage et donner une vision plus claire de l’intimité créatrice comme de la composition poétique de la production artistique. Le tout, relié au contexte de la création, permet d’aller au-delà de l’analyse purement structurelle ou thématique et de donner, via cette base de données relationnelle de type génétique ouverte à de multiples usages, une cartographie conceptuelle (de type géo-poétique) d’une création artistique.
Par le biais de graphies dynamiques et questionnables, ces visualisations sont aussi un moyen de valoriser les travaux de recherche (visualisations 2D et/ou 3D) en mettant valeur l’expertise de la chercheuse ou du chercheur (de façon individuelle ou collectif) et diffusant, via le support numérique, les données de la recherche au plus grand nombre. Ces visualisations permettent en outre de créer des valorisations multiples (contenus et supports) par le biais de « parcours de visite » (libres ou guidés) et/ou de créer des « expositions virtuelles », en rassemblant les images et les explicitations génétiques de la création.
Comment citer cette page
Emmanuelle Bousquet, "Processus éditorial"Site "Collections de sources génétiques d'opéras"
Consulté le 02/06/2025 sur la plateforme EMAN
https://eman-archives.org/genetiqueopera/processus-editorial